Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Compétence - Plainte - Droit de présenter un grief - Existence d'un autre recours administratif de réparation - Plainte sur la dotation - le plaignant s'était porté candidat sans succès à un concours organisé par l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) - il a présenté une déclaration de plainte, conformément à la Politique de l'ACIA sur le recours en dotation - la plainte n'a pas été acceptée - le plaignant a déposé un grief contestant le refus de l'employeur d'accepter d'entendre sa plainte - l'employeur a refusé de répondre à son grief en déclarant qu'il existait un autre recours administratif de réparation - il s'agissait essentiellement de déterminer si la Politique sur le recours en dotation de l'ACIA constituait un recours administratif de réparation sous le régime d'une loi fédérale, conformément à l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) - la Commission a jugé que, même si la Loi sur l'ACIA donne à l'Agence le pouvoir de nomination, elle ne contient aucune disposition législative expresse l'autorisant à établir un mécanisme de recours en matière de dotation, contrairement à la Loi sur l'Agence des douanes et du revenu du Canada - compte tenu de l'importance fondamentale du droit législatif de présenter un grief et de la raison d'être de la LRTFP, une disposition aussi explicite s'imposait - la Commission a donc conclu que la Politique sur le recours en dotation de l'ACIA ne constituait pas un recours administratif de réparation sous le régime d'une loi fédérale, au sens de l'article 91 de la LRTFP - elle a ordonné à l'employeur d'entendre le grief. Plainte accueillie. Décisions citées :Re la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (Canada) c. Cooper, [1974] 2 C.F. 407; Forsch c. Canada (Agence canadienne d'inspection des aliments), [2004] C.F. 619 (1ère inst.); Dhudwal, 2003 CRTFP 116; Morguard Properties Limited c. Ville de Winnipeg (1983), 3 D.L.R (4e); Goodyear Tire and Rubber c. T. Eaton Co., [1956] R.C.S. 610; Bensol Customs Brokers Limited et autres c. Air Canada, [1979] 2 C.F. 575 (C.A.); Canadien Pacifique Limitée c. Travailleurs unis des transports, [1979] 1 C.F. 609 (C.A.).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2004-12-23
  • Dossier:  161-32-1304
  • Référence:  2004 CRTFP 181

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique



ENTRE

SERGEY MELNICHOUK

plaignant

et

AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS

intimée

 

AFFAIRE :Plainte fondée sur l'article 23 de la
Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Devant : Ian R. Mackenzie, commissaire

Pour le plaignant : Dougald Brown, avocat

Pour l’intimée : Richard Fader, avocat


Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 8 septembre 2004.


[1]   Le Dr Sergey Melnichouk a déposé une plainte fondée sur l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) contestant le refus de son employeur, l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA), d'accepter un grief. Le Dr Melnichouk avait tenté de présenter ce grief parce que l'employeur avait refusé d'accepter la plainte qu'il avait présentée en vertu de sa Politique sur le recours en dotation. L'employeur s'est fondé sur l'article 91 de la LRTFP pour refuser d'accepter ce grief; il soutient que le Dr Melnichouk devrait plutôt présenter une demande de contrôle judiciaire.

[2]   Dans sa plainte, datée du 23 février 2004, le Dr Melnichouk allègue que l'ACIA ne s'est conformée ni à l'article 74 du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993, ni à l'article 91 de la LRTFP en refusant d'entendre son grief. Il demande que la Commission rende une ordonnance enjoignant à l'ACIA de se conformer à l'article 91 de la LRTFP ainsi qu'à l'article 74 du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993, ainsi que d'entendre son grief au fond.

[3]   Le Dr Melnichouk a été incapable d'assister à l'audience; l'avocat de l'agent négociateur, Me Dougald Brown, m'a toutefois déclaré qu'il acceptait que l'audience ait lieu en son absence.

[4]   Les parties ont produit un exposé conjoint des faits (pièce 1) comprenant des pièces jointes (onglets A à E). L'employeur a fait comparaître un témoin.

LA PREUVE

Exposé conjoint des faits

[Traduction]

Recours en dotation à l'Agence canadienne d'inspection des aliments

  1. Le 1er avril 2003, l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) a mis en ouvre une nouvelle politique sur le recours en dotation régissant les différends relatifs aux décisions de dotation de l'ACIA. Un exemplaire est annexé (pièce « A ») au présent exposé conjoint des faits.

  2. Cette politique stipule qu'on met fin au processus de recours en dotation dans l'une ou l'autre des situations suivantes :
    1. le plaignant retire sa plainte dans un avis écrit au gestionnaire délégué ou au gestionnaire de niveau 3;
    2. la décision de dotation ayant donné lieu à la plainte a été annulée;
    3. la Déclaration de plainte ne contient pas des renseignements clairs et complets à la suite de la Divulgation d'information; ou
    4. la plaignant ne coopère pas au processus de recours en dotation, sauf s'il y est contraint par des circonstances indépendantes de sa volonté ou pour une raison approuvée par la direction (p. ex. un congé de maladie autorisé), en :
      1. ne participant pas à la Divulgation d'information;
      2. ne participant pas à la Discussion de la plainte; ou
      3. ne participant pas à l'Examen de la plainte.
  3. La politique sur la dotation stipule aussi que le gestionnaire de niveau 3 est habilité à mettre fin au processus de recours en dotation. Dans la Phase I du processus, le gestionnaire délégué peut recommander par écrit au gestionnaire du niveau 3 de mettre fin au processus. Le gestionnaire délégué informe alors le plaignant par écrit, dans les cinq jours de la fin de la Divulgation d'information, qu'il a recommandé qu'on mette fin au processus de recours en dotation.

  4. La politique de l'ACIA sur la dotation exige que le gestionnaire délégué divulgue tous les renseignements relatifs à la plainte dans les dix jours de la présentation d'une Déclaration de plainte. Il doit aussi informer le plaignant de tous les aspects de la Déclaration de plainte qui ne sont pas clairs ou incomplets. Le plaignant peut modifier sa Déclaration de plainte en conséquence dans les cinq jours suivant cette période de dix jours.

Plainte du Dr Melnichouk sur la dotation

  1. Le Dr Melnichouk est actuellement au service de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) en qualité de VM-01.

  2. En 2003, il s'est porté candidat au concours 03-ICA-CC-IND-D101 pour un poste de VM-02 à l'ACIA; sa candidature n'a pas été retenue.

  3. Le Dr Melnichouk a demandé alors verbalement que le délai de présentation d'une Déclaration de plainte soit prolongé, conformément à la politique sur la dotation de l'ACIA, jusqu'à ce qu'il ait eu la possibilité de prendre connaissance du rapport suivant la décision du comité. Cette demande a été rejetée.

  4. La période de présentation d'une Déclaration de plainte allait du 2 au 17 octobre 2003. Le Dr Melnichouk a présenté le 15 octobre 2003 une Déclaration de plainte, jointe comme pièce « B » au présent exposé conjoint des faits.

  5. Le 22 octobre 2003, R. Cathy Werstuk, gestionnaire de l'inspection de la Région du Nord-Est (la « gestionnaire déléguée ») a écrit au Dr Melnichouk en l'informant que sa plainte ne serait pas acceptée pour être traitée conformément à la procédure établie de règlement des plaintes et des griefs, parce que :

    Vous n'avez pas donné les renseignements précis qu'exige la politique, et plus particulièrement une explication de la raison pour laquelle vous estimez que « le processus ou la décision de dotation n'a pas respecté les obligations législatives de l'ACIA et (ou) ses politiques de dotation et (ou) ses valeurs en matière de dotation. »

    Une copie de cette lettre du 22 octobre 2003 est jointe au présent exposé conjoint des faits (pièce « C »).

  6. R. Cathy Werstuk n'est pas une gestionnaire de niveau 3, mais seulement une gestionnaire déléguée.

Griefs déposés après le 22 octobre 2003

  1. Le 7 novembre 2003, le Dr Melnichouk a déposé un grief fondé sur l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique en réaction à la lettre du 22 octobre 2003. Une copie de ce grief est jointe au présent exposé conjoint des faits (pièce « D »).

  2. L'ACIA a toujours refusé de tenir une audience sur le grief du Dr Melnichouk. Aux premier, deuxième et troisième paliers de la procédure de règlement des griefs, elle a invoqué la disposition de l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique voulant qu'aucun grief ne puisse être entendu s'il existe un autre recours administratif de réparation sous le régime d'une loi fédérale. Une copie du courriel de Ken Graham (daté du 8 décembre 2003) en réponse au grief au troisième palier de la procédure est jointe au présent exposé conjoint des faits (pièce « E »).

Politique sur le recours en dotation

[5]   La rubrique suivante est un résumé de la Politique sur le recours en dotation (pièce 1, onglet A). Le délai de présentation d'une plainte dans le contexte du processus de recours en dotation est fixé par le gestionnaire délégué; il peut être écourté ou prolongé en vertu d'une entente écrite entre le plaignant et ledit gestionnaire délégué. Après la présentation d'une plainte, ce dernier amorce la divulgation et donne au plaignant l'accès aux « renseignements pertinents », conformément aux Lignes directrices de l'ACIA sur la dotation concernant la « Divulgation des renseignements sur la dotation » (pièce 1, onglet A). Le gestionnaire délégué informe aussi le plaignant de tous les aspects de la déclaration de plainte qui ne sont pas clairs ou sont incomplets. Ce processus de divulgation est mené à bien dans les dix jours suivant la plainte. Le plaignant dispose ensuite de cinq jours pour produire une déclaration de plainte modifiée. À ce moment-là, si le gestionnaire délégué estime que la déclaration de plainte n'est toujours pas complète, il recommande qu'on mette fin au processus de recours en dotation. Si la plainte est considérée comme complète, on passe à la phase suivante, celle de la « Discussion de la plainte ».

[6]   Dans les cas de recours de dotation, l'étape de la discussion de la plainte peut comprendre toute une série de discussions sous diverses formes, notamment par appels conférences, par échange de documents écrits, par courriels ou dans des rencontres face à face. Le plaignant peut décider d'être « aidé » par un représentant de l'agent négociateur ou par une autre personne. La politique stipule que le choix de la personne en question ne doit pas entraîner de frais pour l'ACIA, sauf conformément à une convention collective applicable ou une politique de l'ACIA elle-même. Dans les cinq jours de la fin de la phase de discussion de la plainte, le gestionnaire délégué présente au plaignant - par écrit - la décision du processus de recours en dotation.

[7]   Le plaignant peut demander un examen de la décision du gestionnaire délégué par le gestionnaire de niveau 3 de ce dernier, s'il n'a pas été mis fin au processus de recours en dotation. Les raisons justifiant cette demande d'examen sont que le plaignant n'estime pas la plainte réglée par la décision du processus de recours en dotation ou juge que le gestionnaire délégué n'a pas coopéré dans ce processus. Le plaignant peut encore décider d'être aidé par un représentant de l'agent négociateur ou par une autre personne.

[8]   Le processus de recours en dotation passe alors à sa dernière phase, l'examen de la plainte par une tierce partie indépendante (TPI), si le plaignant ou le gestionnaire de niveau 3 décident de ne pas tenter de régler la plainte à leur satisfaction mutuelle, ou s'ils ne sont pas arrivés à un règlement mutuellement satisfaisant. La TPI est choisie dans une liste établie d'un commun accord par l'employeur et l'agent négociateur. Là encore, le plaignant peut décider d'être aidé par un représentant de l'agent négociateur ou par une autre personne.

[9]   Les conclusions de la TPI sont réputées constituer la décision finale dans ce processus de recours en dotation, sauf si le gestionnaire de niveau 3 estime qu'elles sont basées sur des erreurs de fait ou des omissions, auquel cas il peut recommander au président de l'ACIA de les examiner. Le président examine alors les conclusions de la TPI, prend la décision finale sur le recours en dotation et la communique au plaignant et au gestionnaire de niveau 3.

Autres éléments de preuve

[10]   Lauraine Anderson est conseillère nationale, Dotation nationale, à la Direction des ressources humaines de l'ACIA; elle occupe ce poste depuis 1998. Ses fonctions consistent à concevoir des politiques de dotation, à interpréter les politiques et à donner des conseils sur des cas précis. Elle a présenté un aperçu de la politique sur la dotation (pièce 1, onglet A). Dans son témoignage, elle a déclaré que les mesures correctives envisageables dans le contexte d'une plainte sur la dotation ne sont pas dictées par la politique; elles peuvent comprendre l'annulation du processus de dotation ou une réévaluation des candidats. Il est possible que le plaignant (ou la plaignante) puisse être nommé au poste convoité à la suite d'une telle réévaluation.

[11]   Mme Anderson a témoigné avoir été informée que le Dr Melnichouk avait bel et bien reçu par téléphone une rétroaction de Cathy Werstuk à la suite du processus de sélection, pendant la période au cours de laquelle il aurait pu présenter une plainte. En contre-interrogatoire, elle a reconnu que la politique sur le recours en dotation ne prévoit aucun redressement si le gestionnaire met fin au processus de plainte.

[12]   Le 16 février 2004, le Dr Melnichouk a présenté une demande de révision judiciaire de la décision de Mme Werstuk de mettre fin au processus de plainte (pièce E-3). Le 20 avril 2004, cette demande a été suspendue par la Cour fédérale en attendant le résultat de la plainte déposée en l'espèce en vertu de la LRTFP. L'employeur ne s'est pas opposé à la demande de suspension de la procédure de la Cour. Dans une lettre à la Commission (le 21 avril 2004), Me Brown l'a informée que le plaignant n'avait demandé un contrôle judiciaire que pour préserver son droit de se prévaloir de ce recours, dans l'éventualité où sa plainte à la Commission ne serait pas accueillie.

OBSERVATIONS

Plaidoyer pour le plaignant

[13]   Me Brown a fait valoir qu'il s'agit dans cette plainte d'une question d'interprétation de la loi. Le paragraphe 91(1) de la LRTFP précise dans quelles circonstances un employé de l'ACIA a le droit de présenter un grief. Le problème consiste à déterminer si la politique sur le recours en dotation de l'ACIA est « un recours administratif de réparation sous le régime d'une loi fédérale ». Me Brown précise que « le régime » en question s'entend d'un régime précis établi en vertu d'une loi fédérale. Les versions anglaise et française font également autorité.

[14]   Selon Me Brown, nul ne conteste que le mécanisme de recours en dotation ne fait pas partie de la Loi sur l'ACIA et qu'il n'est pas une disposition d'un règlement, pas plus qu'il n'est une directive découlant d'un pouvoir législatif d'établir des directives. La Loi sur l'ACIA ne contient aucune disposition sur un recours en dotation. Toutefois, le paragraphe 13(1) de cette Loi investit le président de l'ACIA du pouvoir de nomination, de sorte qu'il est substitué à la Commission de la fonction publique (CFP) dans l'exercice du rôle que prévoit la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP) à cet égard. En outre, le paragraphe 13(2) de la Loi sur l'ACIA donne à son président le pouvoir d'établir les conditions d'emploi. Il n'existe pas dans cette Loi, contrairement à la Loi sur l'Agence des douanes et du revenu du Canada (Loi sur l'ADRC) - au paragraphe 54(1) - une disposition enjoignant à l'Agence d'établir un mécanisme de recours. Quand le législateur ordonne à une nouvelle agence dans sa loi constituante comme il l'a fait dans la Loi sur l'ADRC, de se donner une politique sur le recours en dotation, il n'est pas difficile d'en déduire qu'il entend que cette politique supplante la procédure de règlement des griefs. Il n'est pas difficile non plus d'en déduire que la politique sur le recours en dotation de l'ADRC est un recours administratif de réparation « sous le régime » d'une loi fédérale, mais tel n'est pas le cas en ce qui concerne la Loi sur l'ACIA.

[15]   Me Brown affirme que la loi ne devrait pas être interprétée de façon à réduire l'étendue des droits qu'elle reconnaît, à moins que le législateur n'en ait clairement eu l'intention. Il me renvoie à cet égard à une décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans Re British Columbia Teachers' Federation et al. v. Attorney-General for British Columbia et al. (1985), 23 D.L.R. (4th) 161, et plus particulièrement à un arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Morguard Properties Limited c. Ville de Winnipeg (1983), 3 D.L.R. (4e) - cité dans cette décision -, où le juge Estey a déclaré que les tribunaux doivent vérifier si la loi est explicite avant de conclure qu'on a réduit des droits. Le juge Estey a aussi précisé que ce principe « s'applique d'autant plus aujourd'hui que les législatures profitent de l'aide et des directives d'un conseil exécutif bien pourvu de personnel et ordinairement très averti ». Me Brown soutient que, si le législateur avait voulu retirer aux employés le droit de présenter un grief, il l'aurait tout simplement précisé dans la loi. S'il avait voulu imposer à l'ACIA l'obligation d'établir un processus de recours en matière de dotation, il l'aurait fait, comme dans la Loi sur l'ADRC. La décision de la Commission dans Dhudwal c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2003 CRTFP 116 (où elle a conclu que le processus de recours en dotation de l'ADRC avait été établi « sous le régime d'une loi fédérale ») se démarque aisément.

[16]   L'arrêt de la Cour d'appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Boutilier, [2000]   3 C.F. 27 se démarque aussi. Il s'agissait alors de déterminer si le processus de plainte en matière de droits de la personne prévu par la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP) supplantait la procédure de règlement des griefs prévue par la LRTFP. La Cour a déclaré que les tribunaux avaient constamment statué que l'intention du législateur était d'exclure de la procédure normale de règlement des griefs « certains sujets spécialisés qu'il estimait devoir être régis par le processus administratif instauré par la législation visant ces mêmes sujets ». La Cour entendait par là les recours administratifs de réparation expressément prévus par la loi.

[17]   Me Brown déclare qu'une analyse visant à déterminer s'il s'agissait d'une réparation « véritable », comme la Cour l'a précisé dans Boutilier (supra) n'est pas pertinente. Elle n'arrive jamais à déterminer si le processus de recours constitue une véritable réparation tant qu'il n'est pas établi qu'il s'agit d'un processus « sous le régime d'une loi fédérale ».

[18]   Me Brown maintient aussi que la décision dans l'affaire In re la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique c. Cooper, [1974]   2 C.F. 407, se démarque aussi parce que la Cour d'appel se penchait alors sur un mécanisme de recours prévu par une loi.

[19]   Me Brown soutient que la Loi sur les Cours fédérales (LCF) contient une disposition analogue (l'article 23) reconnaissant la compétence de la Cour fédérale si une demande de réparation est exercée « sous le régime d'une loi fédérale ». La Cour fédérale a interprété cette proposition : dans Bensol Customs Brokers Limited et autres c. Air Canada, [1979]   2 C.F. 575 (C.A.), elle a conclu que la loi fédérale doit être « la source du droit du demandeur ». Dans cette affaire-ci, on ne peut pas dire que la Loi sur l'ACIA soit la source des droits du plaignant, car ceux que la politique sur le recours en dotation lui reconnaît ne sont pas dérivés d'une loi fédérale quelconque. La politique ne tient pas son autorité de la loi. Dans ce contexte, Me Brown invoque aussi Canadien Pacifique Limitée c. Travailleurs unis des transports, [1979]   1 C.F. 609 (C.A.).

[20]   Me Brown affirme que la politique sur le recours en dotation a été promulguée tout à fait accessoirement, comme découlant du pouvoir de nomination. Rien ne laisse entendre que le législateur ait expressément enjoint à l'ACIA de se donner une politique prévoyant un recours qui serait substituée au droit législatif de présenter un grief. En l'occurrence, l'ACIA n'a fait qu'établir une politique de recours en se fondant sur ses pouvoirs généraux. Comme elle est une créature de la loi, tout ce qu'elle fait peut être ramené à un pouvoir législatif ou délégué. Cela ne fait toutefois pas de la politique sur le recours en dotation un recours administratif au sens de l'article 91 de la LRTFP. Le problème avec l'argument de l'employeur qu'un employeur peut promulguer un mécanisme de recours en se prévalant d'un pouvoir législatif accessoire, c'est que n'importe quel employeur pourrait établir unilatéralement une politique de recours qu'il substituerait au droit législatif de présenter un grief. Me Brown maintient que, dans la LRTFP, le législateur n'entendait pas permettre aux employeurs de retirer le droit de présenter un grief en invoquant des pouvoirs législatifs aussi généraux.

Plaidoyer pour l'intimée

[21]   Me Fader déclare que l'article 91 de la LRTFP prévoit un droit important, mais limité, de présentation de griefs. Ce droit est limité en ce qu'il ne peut être exercé que s'il n'existe aucun autre recours administratif sous le régime d'une loi fédérale. La version française est de toute évidence conforme à l'anglaise.

[22]   Me Fader déclare que les arrêts Boutilier (supra) et Cooper (supra) portaient sur des situations dans lesquelles le recours était prévu par une loi fédérale. En l'espèce, tout comme dans Dhudwal (supra), la situation est différente, puisqu'il s'agit ici d'interpréter une formulation plus générale, à savoir « sous le régime » d'une loi fédérale.

[23]   D'après Me Fader, l'article 13 de la Loi sur l'ACIA est la disposition sur laquelle la politique sur le recours en dotation est fondée. La politique elle-même précise d'où elle tire son pouvoir. Le pouvoir de nomination que prévoit le paragraphe 13(1) retire cette fonction du régime de la LEFP, en la confiant au président de l'ACIA. Le régime de dotation très détaillé que prévoit la LEFP lui est retiré et placé sous l'autorité de l'ACIA. Or, le pouvoir général confié au président englobe par implication celui d'établir des procédures de recours. Le libellé du paragraphe est sans restriction.

[24]   Me Fader souligne le caractère déterminant d'une décision récente de la Cour fédérale dans l'affaire Forsch c. Canada (Agence canadienne d'inspection des aliments), [2004]   J.C.F. 619 (Division de la première instance). La Cour a conclu que la politique de l'Agence sur les plaintes en matière de dotation « a été adoptée dans l'exercice du large pouvoir de nomination des employés qu'accorde à l'Agence le paragraphe 13(1) de la Loi sur l'ACIA ». Comme la Politique sur les plaintes en matière de dotation a été créée conformément à ce pouvoir législatif, cela signifie qu'elle est un recours administratif sous le régime d'une loi fédérale. Il faut ergoter sur des points de sémantique pour prétendre que « conformément à » ne veut pas dire la même chose que « sous le régime d'une » loi fédérale.

[25]   L'avocat de l'employeur insiste sur le fait que les décisions prises dans le contexte de l'application de la politique sur le recours en dotation peuvent faire l'objet d'un contrôle judiciaire et que le plaignant a bel et bien réclamé un tel contrôle en l'espèce. Le simple fait que la plainte du Dr Melnichouk a été rejetée faute de précision ne signifie pas que la compétence d'un autre tribunal (la CRTFP) s'en trouve élargie. Si le plaignant n'est pas satisfait du résultat, son recours consiste à réclamer un contrôle judiciaire de la décision. Or, dans sa demande de contrôle judiciaire (pièce 3), il n'y a aucune indication que la politique n'a pas été conçue conformément à la loi ni qu'elle ne découle pas d'un pouvoir législatif. Dans sa demande, le plaignant a reconnu que la politique est de nature législative et non simplement administrative.

[26]   Me Fader affirme que l'employeur ne voulait pas dire qu'on « retirait leurs droits » aux employés, contrairement à ce qu'a déclaré l'avocat du plaignant. Il existe un autre recours administratif, et le contrôle du processus relève de la Cour fédérale plutôt que de la CRTFP. À cet égard, Me Fader me renvoie à Cooper (supra).

[27]   Me Fader soutient aussi que le processus de recours en dotation assure aussi la « réparation véritable » que la Cour fédérale a jugée nécessaire dans Boutilier (supra). Il me renvoie aussi à Kehoe c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2001 CRTFP 9.

[28]   Selon Me Fader, la décision de la Commission dans Dhudwal (supra) est basée sur des faits « tout à fait compatibles » avec ceux établis ici. La loi régissant l'ADRC ressemble énormément à celle à laquelle l'ACIA est assujettie. Dans Dhudwal, le commissaire saisi de l'affaire a conclu que le processus de recours en dotation avait été créé en vertu de l'article 54 de la Loi sur l'ADRC et qu'il constituait effectivement un recours administratif de réparation. La seule distinction possible entre les deux lois ne fait aucune différence. Dans la Loi sur l'ADRC, la notion de recours est expressément mentionnée, alors qu'elle ne l'est pas dans la Loi sur l'ACIA, mais lorsque le législateur a confié au président de l'ACIA le pouvoir de dotation qui réside en principe dans la LEFP, il lui a conféré un grand pouvoir sans restriction, de sorte que le pouvoir du président de créer un système de recours est implicite. Ce raisonnement est confirmé par la décision rendue dans Forsch (supra). Les conclusions dans cette affaire-là nous mènent inévitablement à celle que la Politique sur le recours en dotation est un recours administratif sous le régime d'une loi fédérale.

[29]   Me Fader souligne que je ne suis pas lié par la décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans British Columbia Teachers Federation et al. (supra). Il fait valoir aussi que lorsqu'on a un code complet, on ne peut pas se baser sur un pouvoir délégué plus général pour le faire prévaloir sur le code complet. En l'occurrence, nous n'avons pas un code complet, mais nous avons bel et bien un grand pouvoir législatif accordé en vertu de la Loi sur l'ACIA.

[30]   En outre, Me Fader allègue que l'article 91 de la LRTFP limite le droit de présenter un grief et que [traduction]   « la loi est toujours signifiante », de sorte qu'elle continue à s'appliquer aux nouveaux recours administratifs de réparation, comme la Cour fédérale l'a souligné dans Boutilier (supra).

[31]   Me Fader déclare que les décisions rendues dans Bensol Customs Brokers Limited et autres (supra) et dans Canadien Pacifique Limitée (supra) ne s'appliquent pas en l'espèce, puisqu'il s'agissait dans ces affaires-là d'une demande fondée sur une loi fédérale, tandis qu'il s'agit ici d'un « processus » sous le régime d'une telle loi.

[32]   Enfin, Me Fader conclut que la plainte devrait être rejetée.

Réplique pour le plaignant

[33]   Me Brown souligne que l'employeur a soutenu ici exactement le contraire de ce qu'il maintenait dans Forsch (supra), une affaire dans laquelle il affirmait que le Comité des tiers indépendants n'avait pas été établi par une loi, puisqu'il avait été créé par la politique.

[34]   Me Brown fait valoir que tous les actes d'un organisme créé par une loi doivent être autorisés par une loi pour ne pas être réputés ultra vires. C'est la conclusion à laquelle le juge Mosley est arrivé lorsqu'il a déclaré que le comité d'examen de la dotation avait « été créé par les paragraphes 13(1) et (2) de la Loi sur l'ACIA ». Le juge Mosley a souligné aussi que la politique a été créée par la volonté de l'employeur. De plus, Me Brown estime que l'interprétation de la décision de la Cour fédérale se prête à différentes nuances. En bout de ligne, les doutes ou les ambiguïtés devraient être tranchés conformément aux principes fondamentaux de l'interprétation des textes législatifs. Lorsqu'une disposition n'est pas claire - ou que le législateur ne s'est pas exprimé clairement - les droits législatifs existants ne devraient pas être touchés.

MOTIFS DE LA DÉCISION

[35]   Cette plainte résulte du fait que l'employeur a refusé d'accepter un grief que le Dr Melnichouk voulait présenter pour contester la décision de son gestionnaire de rejeter sa plainte en matière de dotation; en fait, le grief contestait l'application de la politique de l'employeur sur les plaintes en matière de dotation. L'employeur a pris la position que le recours dont le Dr Melnichouk devrait se prévaloir consiste à présenter une demande de contrôle judiciaire. Le Dr Melnichouk a effectivement présenté une telle demande, mais je suis convaincu qu'il l'a fait seulement pour protéger ses droits dans l'éventualité où sa plainte à la Commission ne serait pas accueillie.

[36]   La Loi sur l'ACIA dispose notamment ce qui suit :

GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

  1. L'Agence est un employeur distinct au sens de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

  2. (1) Le président nomme les employés de l'Agence.

    (2) Le président fixe les conditions d'emploi des employés de l'Agence et leur assigne leurs fonctions.

    (3) Le président peut, aux fins qu'il précise, désigner, individuellement ou par catégorie, les inspecteurs - vétérinaires ou non -, analystes, classificateurs ou autres agents d'exécution pour l'application ou le contrôle d'application des lois ou dispositions dont l'Agence est chargée aux termes de l'article 11.

[37]   Les paramètres généraux du droit d'un employé de présenter un grief sont établis dans la convention collective (pièce 2) à laquelle le Dr Melnichouk est assujetti :

D6.05 Sous réserve de l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et conformément à ses dispositions, l'employé qui estime avoir été traité de façon injuste ou qui se considère lésé par une action quelconque ou une absence d'action de la part de l'Employeur au sujet de questions autres que celles qui résultent du processus de classification a le droit de présenter un grief...

[38]   Le droit de présenter un grief est aussi prévu par la LRTFP et par le Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993 :

[LRTFP]

91. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale, le fonctionnaire a le droit de présenter un grief à tous les paliers de la procédure prévue à cette fin par la présente loi, lorsqu'il s'estime lésé :

a) par l'interprétation ou l'application à son égard :

  1. soit d'une disposition législative, d'un règlement - administratif ou autre - d'une instruction ou d'un autre acte pris par l'employeur concernant les conditions d'emploi,
  2. soit d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) par suite de tout fait autre que ceux mentionnés au sous-alinéa a)(i) ou (ii) et portant atteinte à ses conditions d'emploi.

[Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993]

74.(1) Le représentant autorisé de l'employeur au palier où un grief, autre qu'un grief relatif à la classification, est présenté par un fonctionnaire conformément aux articles 71 ou 73 remet à celui-ci une réponse écrite au plus tard 15 jours après la date de présentation du grief à ce palier.

[39]   Le droit de présenter un grief est un élément essentiel du régime de relations de travail de la LRTFP. Le législateur a prévu que ce droit peut être retiré aux fonctionnaires dans certaines situations, lorsqu'un autre recours administratif leur est ouvert « sous le régime d'une loi fédérale » (article 91 de la LRTFP).

[40]   La question que je dois trancher consiste à savoir si la politique sur le recours en dotation de l'ACIA a été créée « en vertu d'une loi fédérale ». La Cour suprême du Canada a souscrit à ce qu'on appelle le « principe moderne » de l'interprétation des lois en tant qu'approche à retenir pour leur interprétation :

Aujourd'hui, il n'y a qu'un seul principe ou solution : il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

(Elmer Driedger, Construction of Statutes (2nd ed, 1983), cité dans Bell Expressvu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42)

[41]   L'article 12 de la Loi d'interprétation confirme qu'il faut retenir cette approche : il dispose que tout texte de loi « est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet ».

[42]   Dans Cooper (supra), la Cour avait conclu que, lorsqu'il existe un autre recours sous le régime d'une loi fédérale, le fonctionnaire n'a pas le droit de présenter un grief, mais doit plutôt soumettre sa plainte « à l'organisme administratif qui détient, en vertu de la Loi applicable, le pouvoir de l'examiner ». Dans Boutilier (supra), la Cour a résumé la jurisprudence sur l'intention du législateur dans l'article 91 de la LRTFP :

La Cour [fédérale] a constamment statué que, à la lumière du libellé de l'article en cause, l'intention du législateur était d'exclure de la procédure normale de règlement des griefs prévue sous le régime de la LRTFP certains sujets spécialisés qu'il estimait devoir être régis par le processus administratif instauré par la législation visant ces mêmes sujets.

[43]   On peut déduire de ces deux décisions que, pour que l'article 91 de la LRTFP s'applique, l'autre « autorité » (en l'espèce la Politique sur le recours en dotation) doit tirer son pouvoir d'une loi et que l'autre recours administratif doit être prévu par la loi (la Loi sur l'ACIA, dans ce cas-ci).

[44]   La Cour fédérale a récemment examiné la Politique sur les plaintes en matière de dotation de l'ACIA et sa relation avec la Loi sur l'ACIA dans Forsch (supra). Il s'agissait alors de trancher une demande de contrôle judiciaire d'une décision du comité d'examen de la dotation créé conformément à la Politique sur les plaintes en matière de dotation. Cela dit, les conclusions du juge Mosley sur le fondement juridique dudit comité sont pertinentes dans une analyse visant à déterminer si ce comité est créé « sous le régime d'une loi fédérale ». Il est intéressant de constater que l'employeur a déclaré dans Forsch (supra) que le comité d'examen n'était pas créé par une loi, mais bien « créé par la Politique ». Le juge Mosley n'a pas souscrit à ce raisonnement :

[Le] tribunal administratif dont la décision est soumise à l'examen de la Cour n'est pas régi par des règles de nature législative mais doit plutôt son existence à une politique publique, créée et administrée par la volonté de l'employé [sic], l'Agence, dans le cadre de son pouvoir de nommer ses employés que lui attribue le paragraphe 13(1) de la Loi sur l'ACIA. Je ne souscris pas à l'argument du défendeur selon lequel le comité n'a pas été créé par une loi, étant donné qu'il a en fait été créé par les paragraphes 13(1) et (2) de la Loi sur l'ACIA.

[...] J'estime que l'intention législative que reflète le paragraphe 13(1) de la Loi sur l'ACIA est d'accorder à l'employeur, l'Agence, une grande latitude dans la façon dont elle nomme ses employés et traite les plaintes relatives à ces nominations. Ce paragraphe a pour effet de soustraire l'Agence à l'application des dispositions de la LEFP en matière de nomination. Le mécanisme de traitement des plaintes en matière de dotation, mis sur pied par la Politique, est la façon que l'Agence a choisie, de sa propre initiative, pour exercer ce contrôle et il convient donc de faire preuve de retenue à son égard.

Cependant, même [si] l'Agence n'était pas tenue par la loi de créer ce comité, ni même d'adopter cette Politique, il demeure que c'est ce qu'elle a fait et il est normal de s'attendre à ce que l'Agence respecte ses propres lignes directrices.

[Souligné dans le texte.]   

[45]   Le juge Mosley a aussi déclaré que le comité d'examen avait été « mis sur pied conformément à la Politique et non pas à une disposition législative expresse ». La conclusion à tirer de cette analyse, c'est que le mécanisme de recours en matière de dotation n'a pas été établi par une « disposition législative expresse » et que la Loi n'en exigeait pas la création.

[46]   L'avocat de l'intimée soutient que la politique sur les plaintes en matière de dotation a été établie « conformément à » la Loi sur l'ACIA, entraînant ainsi l'exception quant au droit de présenter un grief prévu par l'article 91 de la LRTFP. Il prétend qu'un recours « conformément à » une loi fédérale équivaut à un recours « sous le régime » d'une loi fédérale, au sens de l'article 91. Pourtant, un principe fondamental du droit public veut que tous les pouvoirs exercés par l'exécutif découlent de lois fédérales (exception faite de quelques pouvoirs relevant de la prérogative de la Couronne qui ne sont pas en jeu ici). Ce principe est que le pouvoir légal justifiant tous les actes de l'exécutif lui vient du législateur et non de lui-même (voir Jones et de Villars, Principles of Administrative Law, Third Edition, 1999). Il s'ensuit que toutes les mesures gouvernementales sont prises « conformément à » un pouvoir législatif quelconque. De ce point de vue, la politique sur les plaintes en matière de dotation a été créée « conformément à » la Loi sur l'ACIA. Ce n'est toutefois pas la même chose que de dire qu'elle est un recours administratif de réparation « sous le régime d'une loi fédérale » au sens de l'article 91 de la LRTFP.

[47]   Compte tenu de l'importance fondamentale du droit législatif de présenter un grief dans le régime des relations de travail dans la fonction publique fédérale, tout retrait de ce droit devrait être explicite.

[48]   C'est l'approche que le législateur a choisie dans la Loi sur l'ADRC, qui prévoit expressément l'établissement d'un mécanisme de recours en dotation (voir Dhudwal (supra)).

[49]   Cette interprétation est aussi conforme au principe que le retrait de droits législatifs exige une disposition législative expresse, établi par la Cour suprême dans Morguard Properties Ltd. (supra). Dans un arrêt qu'elle avait rendu bien des années avant, (Goodyear Tire and Rubber c. T. Eaton Co. [1956], R.C.S. 610), la Cour suprême avait d'ailleurs déclaré :

[...]une législature n'est pas censée s'écarter du régime juridique général sans exprimer de façon incontestablement claire son intention de le faire, sinon la loi reste inchangée.

[50]   Par conséquent, l'expression « sous le régime d'une loi fédérale » devrait être interprétée de façon restrictive.

[51]   J'estime que, pour qu'un mécanisme de recours puisse être considéré comme étant « sous le régime d'une loi fédérale », la Loi doit contenir une disposition législative expresse en vue de son établissement.

[52]   Cette interprétation est celle qui s'harmonise le mieux avec l'esprit et l'objet de la LRTFP ainsi qu'avec l'intention du législateur. Si « conformément à » était synonyme de « sous le régime de », le droit de présenter un grief en vertu de la LRTFP risquerait de perdre virtuellement tout son sens : un employeur pourrait introduire des procédures de recours pour toutes sortes de questions, notamment les mesures disciplinaires, en raison de son pouvoir législatif d'établir les conditions d'emploi (prévu au paragraphe 13(2) de la Loi sur l'ACIA, par exemple) et les substituer au droit de ses employés de présenter un grief en vertu de la LRTFP. Le législateur devait n'avoir l'intention de retirer aux employés le droit de présenter un grief que dans les cas où une disposition expresse prévoit un autre recours administratif de réparation soit directement dans la loi elle-même, soit dans le contexte d'une procédure administrative expressément mentionnée dans la loi, comme le Parlement l'a fait dans la Loi sur l'ADRC. Puisque la Loi sur l'ACIA ne contient aucune disposition expresse établissant une procédure de recours, j'ai conclu que la Politique sur le recours en dotation de l'ACIA ne constitue pas un recours administratif de redressement sous le régime d'une loi fédérale au sens de l'article 91 de la LRTFP.

[53]   J'ai tenu compte de l'argument de l'avocat du Dr Melnichouk sur l'approche retenue dans les affaires tranchées en vertu de la Loi sur les Cours fédérales, où l'on a interprété des « demandes » présentées en vertu d'une loi fédérale (Bensol Customs Brokers Limited et autres (supra) et Canadien Pacifique Limitée (supra)). Je ne suis pas convaincu que cette approche soit pertinente en l'espèce, puisque la disposition de la Loi sur les Cours fédérales fait état de « demandes » alors qu'il s'agit d'un « recours administratif de réparation » à l'article 91 de la LRTFP.

[54]   Bref, la plainte fondée sur l'article 23 du Dr Melnichouk est accueillie. J'ordonne à l'employeur, par la présente décision, d'entendre le grief du Dr Melnichouk.

Ian R. Mackenzie,
commissaire

OTTAWA, le 23 décembre 2004.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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