Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique - Plainte à l'encontre de l'agent négociateur (AFPC) pour avoir censément agi de manière arbitraire, discriminatoire et de mauvaise foi dans le cadre de sa représentation des plaignants - cette décision a fait suite à l'audition d'une plainte renvoyée à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission) en vertu de l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), alléguant que l'agent négociateur des plaignants avait " fait preuve d'agissements arbitraires, discriminatoires et de mauvaise foi dans leur représentation, notamment dans le cadre de leur recours contre l'employeur, sous la même section de la Loi " - les plaignants estiment que le moment choisi par l'Alliance pour les rencontrer ainsi que le temps alloué à la préparation de la présentation de leur plainte contre leur employeur devant la Commission, étaient insuffisants, et ils sont d'avis également que d'autres employés ont reçu une meilleure représentation, bien qu'ils n'aient pas accès aux dossiers complets de ces derniers - la Commission a déterminé que, même en postulant la compétence de la Commission, les circonstances décrites par les plaignants n'établiraient pas une contravention de l'article reproduit précédemment - d'après la Commission, il ressort clairement de l'échange de correspondance entre les parties que l'agent négociateur s'est penché sur le litige opposant les plaignants à leur employeur et entendait les représenter selon sa procédure habituelle applicable à tous ses membres, le tout à l'intérieur de ses limites pratiques et de ses ressources de temps, de personnes et d'argent - en outre, la Commission a noté que la date d'audience n'était pas fixée et qu'elle ne le serait qu'une fois rendue la présente décision, de sorte que, tant l'agent négociateur que les plaignants avaient encore du temps à leur disposition pour préparer ladite plainte en vue de son éventuelle audition par la Commission - l'arbitre a conclu qu'il appartient au syndicat de décider du moment et du temps consacré à un dossier, et qu'il revient aussi à l'agent négociateur de décider des moyens (personnes, temps, argent) pour représenter les employés et que, puisque l'engagement de l'Alliance dans cette affaire n'avait pas encore été complété puisque la date d'audience n'avait pas encore été fixée, on ne pouvait présumer à ce stade que l'Alliance ne ferait pas le travail qui était requis - la Commission a déterminé que la pratique de l'Alliance de rencontrer ses membres deux ou trois jours avant l'audition de leur recours devant la Commission était depuis longtemps établie et qu'elle n'était ni arbitraire, ni discriminatoire, ni de mauvaise foi - la Commission a conclu également qu'il incombe à l'Alliance d'interpréter la convention collective applicable aux plaignants et que le fait qu'elle n'adhère pas à l'opinion des plaignants n'équivaut ni à de la mauvaise foi ni à un agissement arbitraire ou discriminatoire. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-02-11
  • Dossier:  161-2-1228
  • Référence:  2003 CRTFP 12

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

SIMON CLOUTIER ET MICHELINE RIOUX
plaignants

et

NYCOLE TURMEL, PRÉSIDENTE DE L'ALLIANCE
DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA, ET
L'ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA
défenderesses

AFFAIRE :   Plainte fondée sur l'article 23 de la
Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Devant:   Marguerite-Marie Galipeau, présidente suppléante

Pour les plaignants:   Simon Cloutier, plaignant

Pour les défenderesses :   Francine Cabana, Alliance de la Fonction publique du Canada


Affaire entendue à Montréal (Québec),
le 20 janvier 2003.


[1]     Cette décision fait suite à l'audition d'une plainte renvoyée à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission) par Simon Cloutier et Micheline Rioux à l'emploi de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). La plainte est renvoyée en vertu de l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la Loi) et allègue que l'agent négociateur des plaignants, l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), " a fait preuve d'agissements arbitraires, discriminatoires et de mauvaise foi dans notre représentation notamment dans le cadre de notre recours contre l'employeur, sous la même section de la Loi. "

[2]     Dans le passé, ces employés ont déposé deux plaintes contre leur employeur (dossiers de la Commission 161-2-1140 et 161-2-1146) et l'audition de ces deux plaintes a été suspendue par la Commission en attendant l'issue de la présente plainte contre l'agent négociateur. J'ai été médiateur entre les plaignants et leur employeur, en 2000, dans le cadre des deux plaintes contre leur employeur. La médiation n'ayant pas abouti à un règlement, elles ont été placées au rôle de la Commission afin d'être entendues par un autre membre de la Commission. Comme je viens de le dire, elles demeurent en suspens et ne procèderont qu'une fois tranchée la présente plainte contre l'agent négociateur.

[3]     En début d'audience, j'ai demandé aux plaignants d'expliciter leur plainte et de préciser tant les allégués que les redressements qu'ils recherchaient. Par ailleurs, la représentante de l'agent négociateur s'est dite d'avis que toute cette affaire en était une de régie interne du syndicat et elle a objecté que la Commission n'avait pas compétence pour s'immiscer dans celle-ci.

[4]     Pour ma part, je me suis demandée si les faits tels que décrits par les plaignants, même prouvés, établiraient une contravention au devoir de représentation de l'agent négociateur, tel qu'il est énoncé au paragraphe 10(2) de la Loi :

[…]

10.(2) Il est interdit à l'organisation syndicale, ainsi qu'à ses représentants, d'agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation des fonctionnaires qui font partie de l'unité dont elle est l'agent négociateur.

[5]     Voici en résumé les représentations des parties.

[6]     Pour leur part, les plaignants sont d'avis qu'il était insuffisant et négligent de la part de leur agent négociateur de ne prévoir les rencontrer que trois jours avant la date de l'audience de leurs plaintes contre leur employeur. Ils estiment avoir droit à une opinion écrite, jurisprudence à l'appui, émanant de leur syndicat. Ils ont une interprétation de la convention collective différente de celle de leur agent négociateur en matière d'heures de travail et d'absence du travail et de congé syndical pour préparer leurs plaintes contre leur employeur. À cet égard, ils estiment que leur agent négociateur donne trop de poids aux " besoins opérationnels " de l'employeur. Ils sont d'avis que les lettres des 23 et 24 avril 2002, versées au dossier de la Commission démontrent la mauvaise foi de l'agent négociateur et la représentation bâclée qu'il leur offre. Ils pensent que c'est leur agent négociateur qui doit accuser leur employeur d'ingérence syndicale. Ils sont d'avis qu'il existe de l'animosité à leur endroit en raison de la pétition qu'ils ont fait circuler pour " sortir " de l'élément de l'Alliance (le Syndicat des Employés d'Immigration Canada) et s'opposent à la mise en tutelle de leur local.

[7]     Pour sa part, Mme Cabana, la représentante de l'agent négociateur, a souligné les différentes lettres versées au dossier de la Commission et envoyées aux plaignants par l'agent négociateur, lettres dans lesquelles l'agent négociateur répond aux préoccupations des plaignants tout en les avisant de la procédure habituelle suivie par l'Alliance en matière de représentation. La représentante de l'agent négociateur a souligné que même le déroulement d'une audience (interrogatoires, fardeau de la preuve) avait été expliqué aux plaignants. Au surcroît, elle a souligné que les opinions données aux plaignants s'appuyaient sur la jurisprudence pertinente et que la correspondance versée au dossier de la Commission en fait foi.

[8]     En réplique, le plaignant, M. Cloutier, a répété que sa collègue et lui-même étaient d'avis que le moment choisi par l'Alliance pour les rencontrer ainsi que le temps alloué à la préparation de la présentation de leur plainte contre leur employeur devant la Commission, étaient insuffisants. Finalement, ils sont d'avis que d'autres employés ont reçu une meilleure représentation. Toutefois, ils n'ont pas accès aux dossiers complets de ces derniers.

[9]     La jurisprudence suivante a été portée à mon attention.

  • Par les plaignants : Boulanger c. Syndicat des employées et employés de métiers d'Hydro-Québec, section locale 1500, [1998] R.J.D.T; Eamor c. Association canadienne des pilotes de lignes aériennes (Air Canada),[1996] (dossier du Conseil : 745-4404); Centre hospitalier Régina Ltée c. Tribunal du travail, [1990] 1 R.C.S.; Savoury c. La Guilde de la marine marchande du Canada (dossier de la Commission : 161-2-1143).
  • Par l'agent négociateur : Hibbard c. l'Alliance de la Fonction publique du Canada (dossier de la Commission : 161-2-136); Feldsted, Buchart, Spewak and Sanderson c. Garwood-Filberts (Alliance de la Fonction publique du Canada) (dossiers de la Commission : 148-2-252 et 253, 161-2-813 à 816, 161-2-819, 820, 822 à 824); White c. l'Alliance de la Fonction publique du Canada (dossier de la Commission : 161-2-960); Godin c. L'Alliance de la Fonction publique du Canada, Syndicat des employé-e-s du Solliciteur général (dossier de la Commission : 161-2-1121); Martel c. Veley, McGrath, Edmunds et Nellis (dossier de la Commission : 161-2-1126).

  • Décision

    [10]      Les représentations de part et d'autre m'emmènent à conclure que même en postulant la compétence de la Commission, les circonstances décrites par les plaignants n'établiraient pas une contravention de l'article ci-haut reproduit. En effet, il ressort de l'échange de correspondance entre les parties versé au dossier de la Commission que l'agent négociateur s'est penché sur le litige opposant les plaignants à leur employeur et entendait les représenter selon sa procédure habituelle applicable à tous ses membres, le tout à l'intérieur de ses limites pratiques et de ses ressources de temps, de personnes et implicitement d'argent.

    [11]      En effet, je constate ce qui suit.

    [12]      D'abord, la plainte des plaignants contre leur employeur (dossiers de la Commission 161-2-1140 et 1146) n'a pas encore été entendue. La date d'audience n'est pas fixée et ne le sera qu'une fois rendue la présente décision. Par conséquent, tant l'agent négociateur que les plaignants ont encore du temps à leur disposition pour préparer ladite plainte en vue de son éventuelle audition par la Commission.

    [13]      J'en arrive maintenant à la situation telle qu'elle m'a été présentée par les parties. Je l'évalue à la lumière des représentations des parties et de la correspondance au dossier. J'ai fait état précédemment des représentations. Il reste la correspondance.

    [14]      Je constate à la lecture de celle-ci que les plaignants ont été avisés qu'un officier serait assigné à leur dossier une fois connue la date d'audition de leur plainte (courriel du 26 février 2002 de Mme Anne Clark-McMunagle, Coordinatrice, Section de la représentation, Alliance de la Fonction publique du Canada).

    [15]      De plus, je constate qu'en réponse à leur lettre du 18 avril 2002, Mme Clark-McMunagle leur a expliqué le 23 avril 2002 le déroulement d'une audience, leur a donné, jurisprudence à l'appui, une opinion sur leurs droits à un congé syndical pour travailler sur leur dossier de plainte et de plus, elle les a informés que leur agent négociateur était prêt à soumettre la question à un arbitre en leur nom. Par ailleurs, elle leur rappelait qu'il incombait à l'agent négociateur de leur donner les points forts et les points faibles d'un dossier.

    [16]      Également, je constate que le 26 avril 2002, Mme Clark-McMunagle les avisait par lettre que selon la procédure applicable à tous les cas portés devant la Commission, l'agent assigné à leur dossier les rencontrerait deux ou trois jours avant la date d'audience afin de préparer la présentation de leur plainte.

    [17]      Cette correspondance fait foi de l'intention de l'Alliance de représenter ces plaignants devant la Commission. Elle démontre également que l'Alliance appuie ses opinions sur la jurisprudence. Dans son ensemble, elle démontre que loin de les ignorer, l'agent négociateur a tenu compte des préoccupations des plaignants.

    [18]      Les plaignants voudraient dicter à leur agent négociateur le moment de la rencontre entre eux et leur agent négociateur en vue de préparer l'audition de leur plainte ainsi que le temps consacré à la rencontre. J'estime qu'il appartient à leur syndicat de décider du moment et du temps consacré à leur dossier. Je comprends les plaignants de vouloir que toute l'attention possible soit donnée à leur affaire. Toutefois, il revient à l'agent négociateur de décider des moyens (personnes, temps, argent) pour les représenter. Et à cet égard, l'engagement de l'Alliance dans cette affaire n'est même pas complété puisque la date d'audience de la plainte contre l'employeur n'est pas encore fixée. Je ne peux présumer à ce stade que l'Alliance ne fera pas le travail qui est requis.

    [19]      En soi, la pratique de l'Alliance de rencontrer ses membres deux ou trois jours avant l'audition de leur recours devant la Commission n'est ni arbitraire, ni discriminatoire, ni de mauvaise foi. Cette pratique est depuis longtemps établie. Elle relève de sa discrétion et il appartient à l'Alliance de décider comment elle adaptera cette pratique aux exigences de chaque cas.

    [20]      Par ailleurs, la mise en tutelle par un élément de l'Alliance de la section locale que préside le plaignant Simon Cloutier est du domaine de la régie interne et échappe à la juridiction de la Commission. Ceci étant dit, rien dans les faits annoncés par les plaignants ne permet de conclure que les représentants de la section de la représentation de l'Alliance qui relève de Mme Clark-McMunagle, et qui représenteront les employés devant la Commission, sont de mauvaise foi ou en conflit d'intérêt ou sont ou seront privés d'objectivité du fait de cette situation.

    [21]      Encore une fois, il appartient à l'agent négociateur de choisir la personne qui représente ces plaignants devant la Commission et rien ne laisse présager qu'elle le fera sans tenir compte de toute apparence de conflit d'intérêt possible.

    [22]      Finalement, il incombe à l'Alliance d'interpréter la convention collective applicable aux plaignants. C'est ce qu'elle a fait et le fait qu'elle n'adhère pas à l'opinion des plaignants n'équivaut ni à de la mauvaise foi ni à un agissement arbitraire ou discriminatoire.

    [23]      Pour toutes ces raisons, la plainte est rejetée. Par conséquent, les parties seront avisées de la date d'audience de leurs plaintes contre leur employeur (dossiers de la Commission 161-2-1140 et 1146). Une fois la date d'audience connue, il appartiendra à l'agent négociateur de compléter la représentation de ces employés devant la Commission.

    Marguerite-Marie Galipeau,
    présidente suppléante

    OTTAWA, le 11 février 2003.

     Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.