Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Droits du successeur - Articles 21, 41 et 49 - Prise en charge de services d'entretien à contrat - Compétence de la Commission - Pouvoirs généraux de la Commission - Allégation que la demande contestée avait été faite de mauvaise foi et pour une raison inacceptable - Ni fusion, ni regroupement, ni transfert de compétence - Employés ayant toujours été au service de TPSGC ou pas - la requérante, propriétaire d'un complexe de bureaux, offrait des services de gestion et d'entretien à l'intention des fonctionnaires travaillant dans le complexe jusqu'à ce que le locataire, TPSGC, l'informe qu'il prendrait ces services en charge - pour fournir les services aux locataires du complexe, la requérante employait diverses personnes, dont un groupe de syndiqués représentés pour les fins de la négociation collective par le SCFP - ces syndiqués étaient avisés par un certificat d'accréditation en vertu de la Loi sur les relations de travail de l'Ontario (LRTO) - TPSGC les avait invités à poser leur candidature pour un emploi à continu TPSGC - plusieurs de ces employés ont été embauchés, en application de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP) pour qu'ils s'acquittent des mêmes fonctions ou de fonctions analogues - le SCFP avait présenté un grief contre Rostrust Investments Inc., en invoquant la convention collective qu'il avait conclue avec cette dernière - dans son grief, il lui donnait avis et réclamait des indemnités de départ et de cessation d'emploi - on avait fixé une date d'audience pour que l'affaire soit entendue par un arbitre nommé en vertu de la LRTO - l'audience avait été reportée jusqu'à ce que la demande présentée à la Commission ait été tranchée - l'arbitre a conclu que la prise en charge des services d'entretien ne constituait pas un transfert de compétence au sens de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) - les employés n'étaient pas des fonctionnaires du Conseil du Trésor avant qu'ils ne soient nommés en vertu de la LEFP - la Commission n'avait pas compétence pour substituer TPSGC à la requérante en tant qu'employeur assujetti à la convention collective du SCFP, du certificat de la Commission des relations de travail de l'Ontario et par le grief, puisque les trois relèvent de la LRTO - elle n'avait pas compétence non plus pour décider si les activités d'entretien étaient une << entreprise fédérale >>, puisque cette compétence appartient au Conseil canadien des relations industrielles - elle a été incapable de se prévaloir des pouvoirs généraux dont elle est investie par l'article 21 de la LRTFP pour traiter les questions soulevées dans la demande, puisque la Cour suprême du Canada a statué que l'existence de dispositions analogues dans d'autres lois ne confère pas à la Commission des pouvoirs autonomes de redressement lorsque les pouvoirs spécifiques sont prévus ailleurs à cette fin - il n'y avait pas de preuves pour étayer l'allégation que la demande avait été présentée de mauvaise foi et dans un but inacceptable - les employés en question avaient été traités comme des employés de Rostrust Investments Inc. et ils étaient assujettis à une convention collective négociée par le SCFP depuis 1993 - l'employeur ne pouvait pas laisser s'écouler tout ce temps avant de soulever une question au coeur même de la relation entre le syndicat et la direction - la requérante n'avait pas qualité pour présenter une demande en vertu de l'article 41 de la LRTFP - elle n'avait pas qualité non plus pour présenter une demande fondée sur l'article 49 de la LRTFP, puisqu'il n'y avait eu ni fusion, ni regroupement, ni transfert de compétence - la LRTFP ne contient aucune disposition sur les droits du successeur lorsqu'une activité de compétence provinciale passe sous son régime - il n'y avait pas non plus d'entente ou d'accord entre les agents négociateurs, de sorte que la Commission n'avait pas compétence. Demande rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-01-06
  • Dossier:  140-2-24
  • Référence:  2005 CRTFP 1

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

ROSTRUST INVESTMENTS INC.

requérante

et

SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE,
SECTION LOCALE 4266-05,
ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA
ET LE CONSEIL DU TRÉSOR
(TRAVAUX PUBLICS ET SERVICES GOUVERNEMENTAUX CANADA)

intimés

AFFAIRE :   Détermination des droits du successeur -
Article 49 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Devant : Ian R. Mackenzie, commissaire

Pour la requérante : Stuart Aronovitch, avocat

Pour les intimés: Nick E. Milanovic, avocat pour le SCFP; Shannon Blatt, avocate pour l'AFPC; et Harvey Newman, avocat pour le Conseil du Trésor (TPSGC)


(Décision fondée sur les observations écrites)


[1]    Rostrust Investments Inc. (« Rostrust ») est propriétaire de L'Esplanade Laurier, un complexe de bureaux situé au centre-ville d'Ottawa. Rostrust a fourni des services de gestion et d'entretien jusqu'à ce que le locataire, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), l'informe qu'à compter du 29 février 2004, il prendrait ces services en charge. Les employés de Rostrust sont ou étaient représentés par le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) sous le régime de la Loi sur les relations de travail de l'Ontario (LRTO).

[2]    Le 29 juin 2004, Rostrust a déposé la présente demande de détermination des droits du successeur relativement à ces employés. Elle a déposé une demande modifiée le 28 juillet 2004 en vue de faire trancher certaines questions se rapportant à leur accréditation.

[3]    La présente demande fait suite à un grief déposé par le SCFP, l'agent négociateur des employés de Rostrust qui travaillent à L'Esplanade Laurier. Le grief a été déposé en vertu de la convention collective conclue entre le SCFP et Rostrust. Une audience devant un arbitre nommé conformément à la LRTO a été fixée. La Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») a été informée de l'ajournement de l'instance instituée en vertu de la LRTO jusqu'à ce qu'elle rende une décision.

[4]    Rostrust demande que la Commission tranche les questions suivantes :

[Traduction]

  1. TPSGC et/ou le Conseil du Trésor du Canada (à titre de représentant de Sa Majesté du chef du Canada) a-t-il toujours été le véritable employeur des employés syndiqués, et l'accréditation du SCFP sous le régime de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique s'est-elle toujours appliquée à ces employés?

  2. Y a-t-il eu transfert de compétence au sens de l'article 49 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, et qui est l'agent négociateur accrédité du groupe d'employés décrit dans le certificat d'accréditation que la Commission des relations de travail de l'Ontario a délivré le 8 avril 1993?

  3. Qui, du SCFP et de l'AFPC, a des droits, privilèges et obligations à l'égard des employés syndiqués, y compris notamment les droits qui découlent de toute décision d'accréditation et de la convention collective, dont le droit de déposer un grief en vertu de celle-ci, ce qui inclut le grief en cause, et le droit de donner suite à ce grief?

[5]    Dans sa demande initiale, Rostrust réclamait également que la Commission déclare que TPSGC l'avait remplacée à titre d'employeur des employés syndiqués et qu'il est l'employeur désigné aux fins de l'accréditation accordée par la Commission des relations de travail de l'Ontario (CRTO). Rostrust demande également à la Commission de déclarer que TPSGC la remplace dans le cadre du grief déposé par le SCFP.

[6]    Le 14 octobre 2004, la Commission a décidé de trancher la demande sur le fondement des observations écrites. Elle a reçu les observations écrites finales le 29 octobre 2004. Afin de trancher la question de compétence, j'ai tenu pour vraies les assertions factuelles qui sont énoncées dans la demande. Il ne semble exister entre les parties aucun conflit sur la chronologie générale des événements. Les « faits » contextuels sont tirés de la demande (au dossier de la Commission) et ont été révisés du point de vue du style.

CONTEXTE

Rostrust Investments Inc. est propriétaire, à Ottawa, de tours de bureaux et d'un complexe de commerces de détail connus sous le nom de L'Esplanade Laurier (« L'Esplanade »).

Plus précisément, L'Esplanade comprend deux tours de bureaux, un complexe de commerces de détail et trois étages inférieurs, où se trouvent un garage de stationnement et des locaux d'entreposage ainsi que diverses installations techniques nécessaires au fonctionnement de l'immeuble.

TPSGC loue tout L'Esplanade en vertu d'un contrat de location à long terme (le « contrat de location ») qui a été conclu avec l'ancienne propriétaire de L'Esplanade, la société Olympia & York Developments Inc. (« O&Y »).

Le contrat de location couvre la période du 1er juillet 1975 au 30 juin 2010.

Conformément au contrat de location, TPSGC occupe l'intégralité des deux tours de bureaux de L'Esplanade. En fait, TPSGC est l'unique locataire de ces tours de bureaux.

En décembre 1995, Rostrust Investments Inc. a acquis L'Esplanade ainsi que tous les droits s'y rapportant, dont les droits et obligations de O&Y découlant du contrat de location et d'autres ententes décrites plus loin.

Rostrust Investments Inc. a acquis notamment les droits se rapportant à un contrat de sous-location qui a été conclu entre TPSGC et O&Y (le « contrat de sous-location »), conformément auquel TPSGC a redonné en location à O&Y le complexe de commerces de détail ainsi que la plus grande partie des trois étages inférieurs, qui étaient les seules parties de L'Esplanade non occupées par TPSGC (les « parties sous-louées »). Le contrat de sous-location est en vigueur du 1er juillet 1975 au 29 juin 2010. Les parties sous-louées sont de nouveau sous-louées à TPSGC et à des locataires tiers qui n'ont rien à voir avec le présent litige. Le contrat de sous-location impose à O&Y l'obligation d'assurer la gestion et l'entretien des parties sous-louées.

Lorsqu'ils ont signé le contrat de sous-location, O&Y et TPSGC ont conclu également un contrat de gestion (le « contrat de gestion »), lui aussi en vigueur du 1er juillet 1975 au 30 juin 2010. Aux termes de ce contrat de gestion, O&Y devait assurer la gestion et l'entretien des deux tours de bureaux de L'Esplanade, qui sont occupées par TPSGC. Pour fournir ces services à TPSGC ainsi qu'elle y était tenue en application du contrat de gestion et du contrat de sous-location, O&Y employait plusieurs personnes, dont un groupe d'employés syndiqués, représentés aux fins des négociations collectives par le SCFP, section locale 4266-05.

Conformément à une décision de la CRTO datée du 8 avril 1993, le Syndicat canadien indépendant du transport, qui a par la suite fusionné avec le SCFP pour en faire partie, a été accrédité en vertu de la Loi sur les relations de travail de l'Ontario à titre d'agent négociateur du groupe d'employés suivant :

[Traduction]

[...] tous les employés d'Olympia & York Developments Limited qui travaillent à L'Esplanade Laurier, à Ottawa, à l'exception des superviseurs, des personnes qui occupent un poste dont le rang est supérieur à celui de superviseur, du personnel de bureau, des gardiens de sécurité, des étudiants employés pendant les vacances et des personnes à l'égard desquelles un syndicat détenait des droits de négociation au 5 février 1993.

Le SCFP (et/ou ses prédécesseurs) et O&Y ont conclu un certain nombre de conventions collectives régissant les conditions de travail des employés visés par l'accréditation susmentionnée.

En décembre 1995, Rostrust Investments Inc. a acquis L'Esplanade et tous les droits s'y rapportant, y compris les droits prévus et se rapportant au contrat de location, au contrat de sous-location et au contrat de gestion; elle a donc acquis l'entreprise qui était auparavant exploitée par O&Y en relation avec L'Esplanade (l'« entreprise » ). Par conséquent, Rostrust Investments Inc. a remplacé O&Y aux fins du contrat de gestion et, à compter de ce moment-là et avec le consentement de TPSGC, a continué à fournir les services qui étaient prévus à ce contrat. À cette fin, Rostrust Investments Inc. a continué à employer la plupart des personnes qui travaillaient auparavant pour O&Y en relation avec l'entreprise, notamment presque tous les employés syndiqués représentés par le SCFP (les « employés syndiqués »). En tant qu'employeur succédant à O&Y, Rostrust Investments Inc. était dorénavant liée par les modalités de l'accréditation et de la convention collective susmentionnées.

En conséquence, Rostrust Investments Inc. et le SCFP ont subséquemment conclu une convention collective couvrant la période du 1er juillet 2002 au 30 juin 2005 (la « convention collective »). C'est dans ce contexte que Rostrust Investments Inc. a exploité l'entreprise du mois de décembre 1995 au 29 février 2004, date à laquelle TPSGC a mis fin aux services de Rostrust Investments Inc. prévus au contrat de gestion, sauf en ce qui concerne les services de nettoyage, auxquels il a été mis fin le 31 juillet 2004. Dans les faits, donc, TPSGC a pris en charge une partie substantielle de l'entreprise (c.-à-d. la gestion des deux tours de bureaux).

À cet égard, TPSGC a invoqué l'article XIV du contrat de gestion, dont le libellé est reproduit ci-dessous :

[Traduction]

XIV(b) Nonobstant le précédent paragraphe 1 du présent article, Sa Majesté aura le privilège, et ce privilège lui est accordé par la présente, d'exclure de l'ensemble des services, à compter de la première année et suivant toute année subséquente d'activités, un, plus d'un ou la totalité des services, ce privilège devant être exercé en donnant au directeur un préavis par écrit d'au moins 60 jours. Dès cette exclusion, l'élément ou l'aspect exclu sera réputé avoir été retiré de la présente entente pour le temps de l'entente qui reste à courir et tous les engagements et conditions de la présente entente s'appliqueront à compter de la date de prise d'effet de l'exclusion.

Dans la même lettre, TPSGC a avisé Rostrust Investments Inc. qu'à compter du 1er août 2004, le ministère s'occuperait de faire le nettoyage des deux tours de bureaux, qui y étaient appelées les « locaux non sous-loués ». À cet égard, TPSGC a invoqué l'article III (f) du contrat de gestion, qui est libellé dans les termes suivants :

[Traduction]

III(f) Il est loisible à Sa Majesté de prendre en charge le nettoyage des locaux non sous-loués. Le cas échéant, elle doit en donner avis écrit au gérant au moins six mois avant la date à laquelle commence toute année de nettoyage subséquente, et toutes les dispositions du présent article sont réputées nulles à compter de la date à laquelle commence l'année de nettoyage subséquente suivante.

En outre, TPSGC a avisé les employés de Rostrust Investments Inc., y compris les employés syndiqués — il y en avait dix à ce moment-là — qu'il prendrait en charge les services prévus au contrat de gestion à compter du 1er mars 2004. Il les a invités à postuler un emploi continu auprès de TPSGC.

Après avoir avisé Rostrust Investments Inc. de ses intentions, TPSGC a engagé directement la plupart des employés de cette dernière, notamment et plus particulièrement huit des dix employés syndiqués visés par l'accréditation du SCFP susmentionnée et régis par la convention collective.

Rostrust Investments Inc. a tenté par divers moyens, notamment la négociation et le dépôt d'une action devant la Cour fédérale du Canada, de conserver le droit de continuer à exploiter toute l'entreprise. Ses efforts sont cependant restés vains. (Voir Rostrust Investments c. Canada, [2004] C.F. 290.)

[7]    Le 27 février 2004, le SCFP a écrit à Rostrust :

[Traduction]

Nous avons appris que Rostrust Investments procède actuellement au transfert, en faveur de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, de la totalité ou d'une partie des activités qu'elle mène présentement à L'Esplanade Laurier.

En prévision de ce transfert, le personnel du gouvernement du Canada mène depuis un certain temps des entrevues d'embauchage avec ceux, parmi vos employés, qui sont membres de la section locale 4266 du SCFP.

Dans certains cas, ces entrevues ont donné lieu à des offres d'emploi en bonne et due forme qui, en plus de prévoir des conditions d'emploi, une rémunération et des avantages détaillés qui remplacent les modalités énoncées dans la convention collective qui a été conclue par le SCFP et Rostrust, contiennent des conditions précises selon lesquelles les membres du SCFP doivent verser des cotisations syndicales à l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC).

Le Syndicat canadien de la fonction publique a été accrédité à titre d'agent négociateur officiel de ceux parmi vos employés qui travaillent à L'Esplanade Laurier, en vertu de la Loi sur les relations de travail de l'Ontario. Les parties sont liées par une convention collective légale qui devrait s'appliquer à tout employeur successeur jusqu'à ce que la Commission des relations de travail de l'Ontario en décide autrement.

Les gestes de Rostrust Investments et du ministère des Travaux publics sont déplacés et font preuve d'arrogance et de manque de respect envers le Syndicat canadien de la fonction publique et ses membres.

Nous aimerions par conséquent vous aviser que nous croyons que nos membres de la section locale 4266 demeureront sous la protection de la convention collective existante qui a été conclue entre les parties ou tout employeur successeur et que les cotisations syndicales continueront d'être prélevées et versées, comme par le passé, au Syndicat canadien de la fonction publique.

Nous demeurons prêts à discuter de ces questions.

OBSERVATIONS

[8]    Toutes les parties ont déposé des observations fondées sur les faits allégués contenus dans la demande. Leurs observations intégrales ont été versées au dossier de la Commission. Celles qui sont reproduites ci-dessous ont été révisées du point de vue du style uniquement.

Pour Rostrust

Du mois de décembre 1995 au 29 février 2004, la requérante a fourni les services de gestion et d'entretien auxquels elle était tenue par l'entente de gestion, et elle a fourni le personnel requis pour s'acquitter de ces obligations. Au cours de cette période, la requérante a donc joué le rôle de mandataire de TPSGC (le Conseil du Trésor du Canada). En outre, pendant toutes les périodes pertinentes, TPSGC (le Conseil du Trésor du Canada) a agi à de nombreux égards importants à titre de véritable employeur du personnel de la requérante, tant syndiqué que non syndiqué. Par exemple, le gros des salaires de ces employés était payé par TPSGC, qui surveillait également de près leur travail, entre autres choses. En fait, TPSGC pouvait compter, sur les lieux, sur une équipe à temps plein qui supervisait le travail de la direction locale de la requérante. En outre, des représentants du Conseil du Trésor du Canada assuraient la direction du travail accompli par les membres du personnel de la requérante.

Le 1er mars 2004, TPSGC a effectivement pris la relève et continué à exploiter une partie substantielle de l'entreprise.

Ce faisant, TPSGC est devenu l'unique employeur et a succédé à la requérante, plus particulièrement en ce qui concerne les employés syndiqués et la convention collective.

Compte tenu de tout ce qui précède, les activités de l'entreprise sont régies par les dispositions de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP).

Nous faisons valoir en outre, à la lumière des faits susmentionnés, que l'entreprise était effectivement visée par les dispositions de la LRTFP même avant le transfert effectué en faveur de TPSGC, plus particulièrement du mois de décembre 1995 au 29 février 2004.

Étant donné le rôle et les obligations de la requérante et, avant elle, de O&Y, qui étaient prévus au contrat de gestion, l'entreprise était certainement une entreprise fédérale au cours de cette période.

L'AFPC est l'organisation syndicale accréditée de plusieurs groupes d'employés qui travaillent pour TPSGC (le Conseil du Trésor du Canada), y compris des employés qui travaillent à l'entretien et à la gestion d'immeubles, comme ceux qui ont été engagés en relation avec l'entreprise.

Ainsi qu'il est énoncé avec plus de détails plus loin, la requérante a été avisée que TPSGC a de fait tenté de faire remplacer le SCFP par l'AFPC à titre de syndicat représentant les employés syndiqués.

Quoi qu'il en soit, il semble que les employés syndiqués, dont la plupart ont continué à travailler pour TPSGC, soient visés par l'accréditation de l'AFPC en vertu de la LRTFP, et qu'ils aient en fait été visés par cette accréditation même avant le transfert de l'entreprise.

Dans une lettre datée du 27 février 2004 adressée à la requérante, le SCFP, admet être au courant de plusieurs faits importants, notamment de ce qui suit :

- la totalité ou une partie des activités de la requérante qui sont menées à L'Esplanade étaient en voie d'être transférées à TPSGC;

- TPSGC faisait passer des entrevues d'emploi et avait offert des emplois à des membres du SCFP qui avaient été engagés en relation avec les activités en question;

- TPSGC exigeait que les cotisations syndicales soient versées à l'AFPC.

Dans sa lettre, le SCFP rappelle également à la requérante qu'il a été accrédité pour représenter ses employés syndiqués et, relativement à la convention collective, il ajoute ceci :

[Traduction]

Les parties sont liées par une convention collective légale qui devrait s'appliquer à tout employeur successeur jusqu'à ce que la Commission des relations de travail de l'Ontario en décide autrement.

[...]

Nous aimerions par conséquent vous aviser que nous croyons que nos membres de la section locale 4266 demeureront sous la protection de la convention collective existante, qui a été conclue entre les parties ou tout employeur successeur, et que les cotisations syndicales continueront d'être prélevées et versées, comme par le passé, au Syndicat canadien de la fonction publique.

En dépit du contenu de la lettre reproduite en partie ci-dessus, le SCFP n'a pris aucune mesure pour préserver ses droits apparents à titre d'agent négociateur de ces employés ou pour assurer le transfert à TPSGC - qui est clairement l'unique employeur et le successeur de la requérante - de son accréditation, de la convention collective ou, plus important encore, de l'emploi de ses membres sous le régime de celle-ci.

Sans limiter la généralité de ce qui précède, le SCFP n'a déposé aucune demande de détermination des droits du successeur, ni pris aucune autre mesure en vue de faire valoir, à l'égard de TPSGC, ses droits apparents à titre d'agent négociateur de ces employés, ni rien fait pour protéger les droits de ses membres à un emploi continu conformément à la convention collective ou autrement.

À cet égard, plutôt que d'instituer une action dans laquelle il aurait pu faire valoir les droits de ses membres à un emploi continu chez TPSGC, le SCFP a choisi de déposer un grief à l'encontre de la requérante le 31 mars 2004 (le « grief »), pour le compte de tous les employés syndiqués, dont ceux qui ont continué à travailler pour TPSGC sans la moindre interruption.

Dans ce grief, le SCFP réclame à la requérante un avis et une indemnité de départ et/ou de cessation d'emploi en vertu de la convention collective, comme si tous les employés syndiqués avaient été licenciés par la requérante, ce que cette dernière nie catégoriquement.

Le SCFP n'a cependant pas cherché à obtenir le rétablissement dans leurs fonctions des deux employés syndiqués qui n'ont pas été engagés par TPSGC.

À la connaissance de la requérante, l'AFPC n'a pas déposé ni tenté de déposer de grief ou d'instituer quelque autre instance judiciaire que ce soit dans le but notamment de protéger les droits des employés syndiqués ou d'obtenir le rétablissement dans leurs fonctions des deux employés syndiqués qui n'ont pas été engagés par TPSGC, ou encore de s'assurer que son accréditation ou la convention collective seraient reconnues à l'égard de ces employés.

Ainsi, deux des employés syndiqués ont perdu leur emploi et les avantages connexes qui sont prévus à la convention collective, sans que le SCFP ou l'AFPC ne tentent de présenter un grief à cet égard ou de faire valoir les droits que ces personnes peuvent avoir à l'encontre de l'employeur successeur, TPSGC.

Les faits exposés ci-dessus soulèvent un certain nombre de questions de droit et de questions pratiques qui concernent toutes les parties aux présentes, car elles ont des conséquences sur les droits et obligations respectifs de ces parties à l'égard des employés syndiqués et relativement au grief en particulier.

Ainsi, compte tenu de ces faits, les questions suivantes en particulier doivent être tranchées :

  • L'accréditation du SCFP a-t-elle été transférée à TPSGC?

  • Les employés syndiqués étaient-ils visés par l'accréditation de l'AFPC avant le 1er mars 2004 et, en particulier, du mois de décembre 1995 au 29 février 2004, et/ou sont-ils aujourd'hui visés par cette accréditation?

  • Qui, du SCFP et de l'AFPC, a le droit d'agir à titre d'agent négociateur des employés syndiqués et d'exercer notamment le droit exclusif de déposer des griefs pour le compte de ces employés ou de donner suite à de tels griefs?

  • Qui, du SCFP et de l'AFPC, a le devoir de défendre les droits et intérêts des employés syndiqués?

  • Quelle convention collective, le cas échéant, s'applique aux employés syndiqués?

Selon les réponses qui seront données à ces questions, le SCFP pourrait avoir perdu ou ne jamais avoir détenu le droit de déposer un grief — ou d'y donner suite — se rapportant à l'emploi des employés syndiqués ou à la cessation de leurs droits, notamment ceux qui peuvent découler du transfert d'une partie substantielle de l'entreprise à TPSGC, ce qui inclut plus particulièrement le droit d'aller de l'avant avec le grief.

En réalité, si TPSGC a été le véritable employeur des employés syndiqués en tout temps (c.-à-d. du mois de décembre 1995 au 29 février 2004), les employés syndiqués auront été visés par l'accréditation qui a été délivrée à l'AFPC en vertu de la LRTFP.

Dans un tel cas, le syndicat n'aura jamais eu le droit de représenter les employés syndiqués ou de déposer le grief, entre autres choses.

De plus, comme la requérante a été remplacée par TPSGC aux fins de l'exploitation d'une partie substantielle de l'entreprise, et puisque TPSGC est devenu l'unique employeur des employés syndiqués, la requérante estime qu'à compter du 1er mars 2003, elle a cessé d'avoir quelque autre obligation que ce soit envers les employés syndiqués, que ce soit en application de la convention collective ou autrement, et que TPSGC a acquis toutes ces obligations.

Ces questions étant en litige à l'heure actuelle, elles ont engendré une incertitude et une ambiguïté juridiques sur les droits et obligations respectifs des parties, notamment en ce qui concerne le grief et l'objet de celui-ci.

Il est donc important pour toutes les parties aux présentes ainsi que pour les employés syndiqués que ces questions soient tranchées et que la CRTFP se prononce sur les questions suivantes avant la tenue de l'audience sur le grief :

a)    Quels sont les droits, privilèges et obligations, selon le cas, que le SCFP a conservés à l'égard des employés et, plus particulièrement :
i)    le SCFP a-t-il le droit ou a-t-il eu à un moment donné le droit d'aller de l'avant avec le grief?
ii)    le SCFP a-t-il eu à un moment donné ou a-t-il à l'heure actuelle le droit d'agir à titre de représentant des employés syndiqués, notamment relativement au grief ou à d'autres égards?
iii)    le SCFP a-t-il le devoir de faire valoir les droits des employés syndiqués sous le régime de la convention collective, notamment leur droit à un emploi continu en vertu de celle-ci?
iv)    le SCFP peut-il ou doit-il faire valoir ces droits, dans les cas où ils s'appliquent, à l'encontre de TPSGC ou, subsidiairement, à l'encontre de la requérante?
b)    Quels sont les droits, privilèges et obligations, selon le cas, que la requérante a conservés à l'égard des employés syndiqués et, plus particulièrement, relativement à la continuation ou à la cessation de leur emploi dans la partie de l'entreprise qui a été acquise par TPSGC ou en vertu de la convention collective?
c)    Quels sont les droits, privilèges et obligations, selon le cas, que l'AFPC a acquis à l'égard des employés et, plus particulièrement, relativement à la continuation ou à la cessation de leur emploi dans la partie de l'entreprise qui a été acquise par TPSGC ou en vertu de la convention collective? En particulier, mais sans restreindre la généralité de ce qui précède, l'accréditation de l'AFPC relativement à TPSGC s'appliquait-elle déjà aux employés syndiqués entre le mois de décembre 1995 et le 29 février 2004, et a-t-elle continué de s'appliquer à ces employés à la suite du transfert de la partie de l'entreprise mentionnée ci-dessus?
d)    TPSGC a-t-il toujours été le véritable employeur des employés syndiqués?
e)    Quels sont les droits, privilèges et obligations, selon le cas, que TPSGC a acquis relativement aux employés et, plus particulièrement, relativement à la continuation ou à la cessation de leur emploi dans la partie de l'entreprise qui a été acquise par TPSGC ou en vertu de la convention collective?

Pour le SCFP

Le SCFP soutient que même si la CRTFP tient les faits pour vrais, la présente demande doit être rejetée, car elle n'est fondée sur aucune cause probable d'action. La requérante, Rostrust Investments, demande à la CRTFP de déterminer si, dans l'affaire qui nous occupe, il y a eu transfert de compétence entre des organisations syndicales au sens de l'article 49 de la LRTFP, qui prévoit notamment ceci :

L'organisation syndicale qui, en raison de fusion d'organisations de ce genre ou de transfert de compétence entre celles-ci -- qui ne sont pas la conséquence d'une révocation d'accréditation -- succède à un agent négociateur est réputée en avoir acquis les droits, privilèges et obligations, y compris ceux qui découlent d'une convention collective ou d'une décision arbitrale.

Dans l'affaire Ontario Hydro Employees Union, National Union of Public Service Employees, C.L.C. v. The Hydro-Electric Power Commission of Ontario 57 CLLC 18,080 (O.L.R.B.), p. 1654, la Commission des relations de travail de l'Ontario a expliqué qu'il y a transfert de compétence lorsqu'un organisme principal cède à un autre organisme principal le contrôle de l'un de ses organismes subsidiaires. Une chose est parfaitement claire, le SCFP et l'AFPC ne se sont cédé aucun droit sous quelque forme que ce soit, ils n'ont tenu aucune discussion dans ce sens, et ils ne prévoient pas non plus se rencontrer et discuter d'un tel transfert. À cet égard, la requérante n'a pas invoqué le moindre fait qui puisse satisfaire à la définition de transfert de compétence. En conséquence, la présente demande ne peut être accueillie, même si tous les faits invoqués sont tenus pour vrais. Dans l'affaire Ship Repair Machinists and Mechanics Union (Atlantique) c. Assoc. internationale des machinistes et des travailleurs de l'aéroastronautique, section locale 1723, dossiers de la CRTFP 125-2-67 et 140-2-12 (1996) (QL), au paragraphe 17, la CRTFP elle-même a indiqué que le transfert de compétence suppose la mise en application d'une question syndicale interne entre organisations syndicales. Encore une fois, l'AFPC et le SCFP n'ont conclu entre eux aucune entente relative aux droits de négocier qui sont en cause dans la présente affaire. En conséquence, il n'existe aucune cause probable d'action en l'espèce, et le SCFP demande avec égard que la présente affaire soit rejetée dans son intégralité.

Subsidiairement, il est difficile de dire exactement sur quel fondement Rostrust Investments se permet de déposer une demande de succession à un syndicat alors qu'elle-même n'est pas une organisation syndicale au sens de la LRTFP, ni ne peut être qualifiée d'entité ayant la capacité de déposer une telle demande. Le transfert de compétence ressortit à une considération privée entre parties ou particuliers en cause dans les affaires syndicales internes d'un agent négociateur, et un employeur constitué sous le régime des lois provinciales ne peut déclencher l'application de l'article 49 au moyen d'une demande soulevant diverses questions auprès de la CRTFP. Le SCFP soutient que la requérante n'a pas la qualité requise pour présenter une telle demande à la CRTFP et que la présente affaire devrait être rejetée dans son intégralité.

Subsidiairement également, l'intimé fait valoir que l'article 49 ne vise pas la situation où un syndicat provincial tente de préserver ses droits de négocier à l'occasion de la disposition d'une entreprise. Par souci de clarté, et malgré une bonne partie de l'objet de la présente demande, l'article 49 ne vise pas les droits des syndicats en cas de changement des structures de l'employeur. Il s'intéresse plutôt aux droits de négocier d'un syndicat en cas de restructuration du syndicat. Cependant, même si cette disposition met officiellement l'accent sur la succession des droits d'un syndicat, la requérante a faire valoir notamment, au paragraphe 37 de sa demande, que TPSGC est « manifestement le successeur » de Rostrust Investments. En outre, aux paragraphes 47 à 54, la requérante demande à la CRTFP de trancher une série de questions qui se rapportent traditionnellement à la demande de déclaration de vente d'entreprise, comme les questions relatives aux droits et obligations qui ont été acquis par TPSGC. La requérante soulève également, aux paragraphes 52 à 54, une série de questions qui concernent l'arbitrage de grief qui est en instance entre la requérante et le SCFP et qui doit permettre de régler les demandes d'indemnités de départ et de cessation d'emploi qui ont été présentées contre Rostrust Investments en vertu de la convention collective et de la Loi de 2000 sur les normes d'emploi de l'Ontario.

Non seulement l'article 49 ne vise pas de telles questions, mais celles-ci excèdent clairement la compétence de la CRTFP. Les observations de la nature de celles qui sont énoncées au paragraphe 52, où la requérante interroge la CRTFP sur le droit du SCFP de donner suite à son grief, excèdent clairement la compétence de la CRTFP. Le SCFP soutient qu'une telle question relève nettement d'une loi sur les relations de travail provinciale (ainsi que d'une convention collective et de la loi sur les normes d'emploi de l'Ontario), et qu'il incombe exclusivement à un arbitre nommé sous le régime des lois provinciales de la trancher. Conformément au paragraphe 8(1) du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P. (1993), la demande doit être rejetée.

Au moment où l'entreprise de la requérante a été cédée à TPSGC, il aurait fallu qu'un mécanisme d'origine législative existe pour que TPSGC devienne un employeur successeur aux fins des négociations collectives avec le SCFP. Cependant, dans la mesure où les diverses questions soulevées par la requérante concernent les questions de succession entre employeurs qui exploitent leur entreprise dans des sphères de compétence fédérales et provinciales distinctes, le SCFP fait valoir que la LRTFP n'accorde pas clairement à la CRTFP compétence pour se pencher sur une telle question. Il est bien établi qu'une commission des relations de travail est compétente pour déclarer qu'il y a eu vente d'entreprise conformément aux dispositions applicables qui concernent la vente d'entreprise dans les cas où le vendeur et l'acheteur de l'entreprise relèvent tous deux de la même sphère de compétence. En l'absence d'un pouvoir clairement énoncé à l'article 48.1 de la LRTFP, il ne peut être établi aucun pont, en ce qui concerne les droits du successeur, entre les entités fédérales et provinciales qui sont en cause dans la présente affaire. Malheureusement, la LRTFP ne prévoit aucun mécanisme susceptible de régler expressément les questions soulevées par la requérante, et l'article 49 ne prévoit aucun moyen subsidiaire de régler ces mêmes questions. Si les dispositions relatives aux droits du successeur s'appliquaient de manière à établir un pont, pour ce qui est des droits de négocier, entre une compétence provinciale et la fonction publique fédérale, le SCFP lui-même aurait pu présenter une telle demande à la CRTFP.

En résumé, les diverses questions sur lesquelles la requérante demande à la CRTFP de se pencher soit touchent le grief du SCFP, qui relève de la sphère de compétence provinciale, soit invitent la CRTFP, un organisme fédéral, à se prononcer sur les droits de représentation de l'intimé, qui ont été accordés par la Commission des relations de travail de l'Ontario. Aucun moyen d'origine législative ou constitutionnelle ne permet à la CRTFP d'agir de la sorte. Quoi qu'il en soit, cette demande doit être rejetée, car elle excède de toute façon la compétence de la CRTFP. En conséquence, le SCFP soutient que la CRTFP doit d'entrée de jeu rejeter la présente demande dans son intégralité, car elle ne relève pas du champ d'application de la LRTFP.

Pour l'AFPC

L'AFPC soutient que la demande de Rostrust est non fondée tant en fait qu'en droit et devrait par conséquent être rejetée sommairement par la CRTFP.

L'AFPC se réserve le droit de présenter des observations complètes en réponse, au cas où la CRTFP ne serait pas disposée à rejeter la demande sommairement, mais elle peut indiquer, aux fins de la présente affaire, que sa thèse est fondée notamment sur ce qui suit :

  1. Il n'y a eu, entre le SCFP et l'AFPC, aucune fusion ni aucun transfert de compétence qui soit de nature à déclencher l'application de l'article 49 de la LRTFP ou qui ait quelque autre effet que ce soit.

  2. La demande découlant entièrement de la prémisse erronée qu'une fusion ou un transfert de compétence s'est produit, elle n'a donc aucun fondement.

  3. Nous croyons comprendre à l'heure actuelle qu'il n'existe aucun mécanisme prévoyant le passage des droits de négociation d'un champ de compétence provincial au champ d'application de la LRTFP. La CRTFP n'est donc pas compétente pour entendre l'affaire.

Pour le Conseil du Trésor (TPSGC)

Nous demandons à la CRTFP de se déclarer sans compétence et de rejeter la demande à titre préliminaire, sans qu'il ne soit nécessaire de traiter celle-ci davantage ou d'en prévoir l'audition au calendrier, conformément au paragraphe 8(1) du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P. (1993).

Par les mesures de réparation dont elle fait la demande dans sa demande modifiée, Rostrust révèle la véritable nature de celle-ci. Elle demande à la Commission de prononcer une mesure de réparation qui excède la compétence de cette dernière. À titre d'exemple, la requérante demande à la CRTFP de « remplacer » Rostrust Investments Inc. à titre d'employeur désigné dans une ordonnance d'accréditation qui a été rendue par la Commission des relations de travail de l'Ontario. La CRTFP n'est manifestement pas compétente pour modifier une ordonnance d'accréditation provinciale.

Même si les faits allégués par la requérante sont tenus pour vrais, la requérante n'a quand même établi aucun fondement sur lequel la CRTFP puisse se déclarer compétente ou reconnaître que Rostrust a qualité requise soit en vertu de l'article 49, soit en vertu de l'article 41 de la LRTFP.

OBSERVATIONS EN RÉPLIQUE

Pour Rostrust

Nous résumerons en premier lieu les observations des autres parties :

  1. Le terme « transfert de compétence » ne vise pas les situations de la nature de celle dont la CRTFP est saisie, et se limite plutôt aux affaires syndicales internes qui donnent lieu à une certaine forme d'accord ou d'entente entre syndicats.

  2. La requérante dans la présente affaire n'étant pas une organisation syndicale ou une « entité ayant la capacité de déposer une telle demande », elle n'a pas la qualité requise pour présenter une telle demande à la CRTFP.

  3. La LRTFP n'envisage pas ni ne prévoit de mécanisme assurant la conservation des droits de négociation en cause dans le cadre du transfert d'une entreprise qui relève de la sphère provinciale au champ de compétence fédéral, ni ne prévoit de mécanisme d'origine législative qui puisse régler expressément les questions soulevées par la requérante. En conséquence, la CRTFP n'est pas compétente en l'espèce.

Nous aborderons chacune de ces observations une à une ci-dessous.

Nous souhaitons, d'abord et avant tout, souligner que la CRTFP est investie de vastes pouvoirs lui permettant de réaliser les objectifs de la LRTFP, et que la demande soulève des questions qui transcendent l'article 49 et invitent la CRTFP à exercer sa compétence générale sous le régime de la LRTFP.

Les pouvoirs généraux de la CRTFP sont énoncés notamment au paragraphe 21(1) de la LRTFP, dont le texte est reproduit ci-dessous :

21. (1) La Commission met en oeuvre la présente loi et exerce les pouvoirs et fonctions que celle-ci lui confère ou qu'implique la réalisation de ses objets, notamment en prenant des ordonnances qui exigent l'observation de la présente loi, des règlements pris sous le régime de celle-ci ou des décisions qu'elle rend sur les questions qui lui sont soumises.

En termes simples, la LRTFP a pour objet notamment l'établissement d'un mécanisme qui permet de déterminer les droits et obligations des syndicats et organisations patronales dans la fonction publique et de protéger les droits des employés d'être représentés par une organisation syndicale dûment accréditée.

L'un des principes fondamentaux de la LRTFP, comme c'est le cas de la plupart des lois sur les relations du travail modernes, est la reconnaissance d'une organisation syndicale habilitée à agir en qualité d'agent négociateur exclusif d'un groupe d'employés. Ce principe est reconnu notamment à l'article 41 de la LRTFP, qui, en plus de l'article 49, est invoqué dans la demande modifiée.

Ainsi, conformément au paragraphe 21(1) de la LRTFP, la CRTFP est investie d'une compétence générale pour rendre des décisions sur les questions qui lui sont soumises et qui relèvent de la LRTFP ou qu'implique la réalisation des objectifs de celle-ci. Cela signifie notamment déterminer qui, parmi plusieurs syndicats, doit être reconnu à titre d'agent négociateur exclusif d'un groupe d'employés régis par la LRTFP. Ainsi que la demande modifiée le démontre et ainsi qu'il est exposé ci-dessous, c'est essentiellement ce que la requérante a demandé à la CRTFP de faire dans la présente affaire.

Pour cette raison, et notamment pour les raisons énoncées plus loin, nous faisons valoir avec égard que les questions soulevées dans la demande modifiée relèvent clairement de la portée de la LRTFP et, partant, de la compétence de la CRTFP.

La demande modifiée indique que TPSGC était, pendant toutes les périodes pertinentes qui ont précédé le transfert de l'entreprise (au sens de la définition du terme énoncée dans la demande), le véritable employeur des employés syndiqués (terme également défini dans la demande), qui étaient apparemment visés par une ordonnance d'accréditation provinciale délivrée au SCFP. La demande modifiée indique également que ces mêmes employés étaient cependant visés par une accréditation délivrée à l'AFPC sous le régime de la LRTFP, dans la mesure où l'AFPC était accréditée pour représenter les employés exécutant les mêmes activités pour le compte de TPSGC.

En dépit de ce qui précède, le SCFP a prétendu représenter ces employés et déposer des griefs pour leur compte. Or, conformément aux paragraphes 41(1) et (2) de la LRTFP, ces droits sont conférés à la seule organisation syndicale qui est accréditée sous le régime de la LRTFP. Dans ce cas-ci, il s'agit de l'AFPC et non du SCFP.

Pour cette raison, la requérante fait valoir que, dans la mesure où TPSGC était le véritable employeur de ces employés, seule l'AFPC pouvait agir légalement à titre de représentante et déposer des griefs pour leur compte.

Plus précisément, et compte tenu de la présente situation, la requérante demande à la CRTFP, dans sa demande modifiée, de rendre certaines décisions particulièrement sur l'application de l'article 41 de la LRTFP, y compris sur ce qui suit :

  1. Les employés syndiqués étaient-ils visés par l'accréditation de l'AFPC avant le 1er mars 2004 (la date à laquelle l'entreprise a été transférée), et plus particulièrement du mois de décembre 1995 au 29 février 2004 (voir notamment le paragraphe 59 de la demande modifiée)?

  2. L'AFPC ou le SCFP avaient-ils, avant ou après le 1er mars 2004, le droit exclusif de représenter les employés en question?

La requérante fait valoir avec égard qu'elle a manifestement intérêt à ce que la CRTFP tranche ces questions, car elle a été désignée à titre de partie au prétendu grief déposé par le SCFP, qui, selon les réponses qui seront données à ces questions, pourrait ne jamais avoir eu le droit de déposer ce grief ou, plus généralement, d'agir à titre d'agent négociateur « accrédité » des employés syndiqués qui sont en cause dans le cadre du grief en question.

En outre, le paragraphe 41(4) de la LRTFP autorise expressément l'employeur à poser à la CRTFP, dans le cadre d'une demande, toute question « portant sur les droits et obligations dévolus à l'un ou l'autre de ces agents [l'ancien ou le nouvel agent négociateur] » consécutivement à l'application des paragraphes 41(2) ou (3) de la LRTFP.

Donc, abstraction faite de l'application potentielle de l'article 49 de la LRTFP, que nous aborderons ci-dessous, la demande modifiée soulève un certain nombre de questions à l'égard desquelles la CRTFP est compétente et, qu'en fait, elle a l'obligation de trancher.

En conséquence, même si la CRTFP n'était pas compétente à l'égard des questions se rapportant à l'article 49 de la LRTFP, ce que nous nions, elle serait néanmoins habilitée à se saisir de la demande modifiée et à tenir une audience sur la preuve s'y rapportant. La requérante demande encore une fois la tenue d'une telle audience.

En ce qui concerne les questions et les observations portant expressément sur l'article 49 et sur le défaut de compétence allégué de la CRTFP dans cette affaire, ainsi que l'ont fait valoir les autres parties aux présentes, nous souhaitons répondre, à titre préliminaire, dans les termes suivants.

Les observations du SCFP, de l'AFPC et du Conseil du Trésor

OBSERVATION No 1 : Le terme « transfert de compétence » au sens de l'article 49 de la LRTFP ne vise pas les situations de la nature de celle dont la CRTFP est saisie, et se limite plutôt aux affaires syndicales internes qui donnent lieu à une certaine forme d'entente entre syndicats.

La requérante fait valoir avec égard que l'interprétation de l'article 49 proposée par les autres parties est excessivement étroite et fait fi des réalités des relations de travail, y compris des relations entre syndicats en concurrence, qui ne sont pas toujours amicales ou empreintes de collaboration. L'interprétation proposée par ces parties fait fi également du phénomène de l'impartition, qui a pris beaucoup d'importance dans l'économie d'aujourd'hui et particulièrement dans le fonctionnement du gouvernement du Canada.

La LRTFP ne définit pas l'expression « transfert de compétence », ni d'ailleurs les termes qui la composent, à savoir « transfert » et « compétence ». Cependant, puisque l'expression « transfert de compétence » a été utilisée dans les lois sur les relations de travail qui ont été adoptées dans d'autres sphères de compétence au Canada, la CRTFP a pris en considération l'interprétation que l'on a donnée à l'expression dans ces lois, notamment dans le Code canadien du travail (voir notamment Ship Repair Machinists and Mechanics Union (Atlantique) c. Assoc. internationale des machinistes et des travailleurs de l'aéroastronautique, section locale 1723, dossiers de la CRTFP 125-2-67 et 140-2-12 (1996) (QL)).

Ces dispositions, ainsi que l'expression « transfert de compétence », ont été interprétées de manière beaucoup plus libérale que ce que propose le SCFP, en particulier. Ainsi, le Conseil canadien des relations du travail (tel était alors son nom) dans l'affaire C.B.R.T. v. C.B.R.T., Canadian Telecommunications Division, 40 di 136, a reconnu, aux fins de l'application de l'ancien article 143 du Code canadien du travail (aujourd'hui l'article 43), semblable à l'article 49 de la LRTFP, qu'il fallait prendre en considération les relations souvent conflictuelles qui existent dans le monde des relations du travail et que, par conséquent, de telles dispositions peuvent s'appliquer même en l'absence d'accord ou d'entente entre syndicats. À cet égard, le Conseil canadien des relations du travail a dit ceci :

[Traduction]

Les circonstances normales d'un transfert de compétence syndicale ou de droits de succession aux termes de l'article 143 surviennent lorsque les syndicats ont de plein gré manifesté clairement leur accord mutuel. Toutefois, le monde des relations industrielles, rempli de conflits humains, doit souvent faire face à des circonstances exceptionnelles. C'est pourquoi le Parlement a conféré au Conseil l'autorité voulue pour faire respecter ses objectifs, dans des circonstances autant normales qu'inhabituelles. Ainsi, aux termes de l'alinéa 118p), le Conseil est autorisé à « trancher, dans le cadre de la présente partie, toute question qui peut se poser à l'occasion de la procédure [...] » notamment, « (vii) si une personne ou une organisation est partie à une convention collective ou est liée par celle-ci ». L'article 121 a d'ailleurs été promulgué aux fins de renforcer cette autorité inhérente et générale conférée au Conseil. L'article 121 se lit comme suit :

121. Le Conseil exerce les pouvoirs et fonctions que lui confère la présente partie ou qu'implique la réalisation de ses objets de la présente Partie, et notamment, sans restreindre la portée générale de ce qui précède, il rend des ordonnances comportant obligation de se conformer aux dispositions de la présente partie, de tout règlement pris sous son régime ou de toute décision rendue dans une affaire dont il est saisi.

Avec égard, nous faisons valoir que l'expression « transfert de compétence » au sens où elle est utilisée à l'article 49 de la LRTFP peut et, en réalité, doit être interprétée de la même manière, d'une part de façon que soient prises en considération les situations où, comme en l'espèce, les intérêts et points de vue de divers syndicats peuvent entrer en conflit, ainsi que les situations qui sont inhabituelles ou exceptionnelles, et d'autre part de façon qu'elle s'applique à ces situations.

Nous soutenons également que les dispositions de la LRTFP, notamment le paragraphe 21(1), qui est presque identique à la disposition invoquée par le Conseil canadien des relations du travail dans l'affaire citée précédemment, habilitent effectivement la CRTFP à appliquer l'article 49 de la LRTFP ainsi que d'autres dispositions de cette loi à de telles situations, dont la situation qui nous occupe.

En plus de proposer une interprétation étroite et stérile de l'article 49 de la LRTFP, le SCFP laisse entendre également que la requérante « n'a pas invoqué le moindre fait qui puisse satisfaire à la définition de transfert de compétence ». Cette allégation semble faire abstraction des faits allégués par le SCFP lui-même dans la lettre qu'il a adressée à la requérante le 27 février 2004, notamment qu'il y a eu transfert des activités mettant en cause la requérante et TPSGC, et que les employés visés par le transfert avaient été appelés à verser des cotisations à l'AFPC, qui était manifestement traitée comme étant le syndicat successeur.

Ces faits, ainsi que les autres faits mentionnés dans la demande modifiée, notamment l'inaction du SCFP à la suite de l'envoi de cette lettre, indiquent effectivement qu'il existe un fondement factuel sur lequel la CRTFP peut conclure qu'il y a eu, entre le SCFP et l'AFPC, transfert de compétence au sens de l'article 49 de la LRTFP.

Compte tenu de ce qui précède, la requérante soutient avec égard qu'il y a, dans la demande modifiée, suffisamment de motifs et d'allégations de fait et, à tout le moins, une preuve prima facie, sur le fondement desquels la CRTFP peut exercer sa compétence pour déterminer si un « transfert de compétence » au sens de l'article 49 de la LRTFP a été effectué. Il y a donc lieu de tenir une audience pour permettre aux parties de produire une preuve sur les éléments pertinents et présenter des observations plus détaillées à cet égard.

OBSERVATION No 2 : La requérante dans la présente affaire n'étant pas une organisation syndicale ou une « entité ayant la capacité de déposer une telle demande », elle n'a pas la qualité requise pour présenter la demande à la CRTFP.

Le paragraphe 49(2) prévoit expressément qu'un « employeur » ou « toute personne ou organisation syndicale intéressée » peut s'adresser à la CRTFP pour déterminer quels sont les droits, privilèges et obligations que conservent les parties concernées. De toute évidence, dans la présente affaire, la requérante serait admise à titre d'« employeur » et/ou de « personne intéressée » en ce qui concerne ces questions, notamment tel que celles-ci ont été rédigées dans la demande modifiée.

À vrai dire, à titre d'exemple, le Conseil canadien des relations du travail dans l'affaire C.B.R.T. v. C.B.R.T., Canadian Telecommunications Division, supra, a reconnu que l'employeur aura « des intérêts légitimes » à l'égard des questions qui sont habituellement examinées sous le régime de ces dispositions.

Nous soutenons avec égard que, dans la présente affaire, la requérante a un intérêt clair et légitime à ce que la CRTFP tranche, entre autres questions, celle de savoir si, et à quel moment, il y a eu transfert de compétence entre le SCFP et l'AFPC, et si le SCFP ou l'AFPC a eu, à un moment donné, le droit de représenter les employés syndiqués ou de déposer un grief pour le compte de ces derniers, ainsi que le SCFP a prétendu le faire.

Encore une fois, et contrairement à ce que le SCFP a prétendu, la CRTFP est clairement compétente pour trancher ces questions, ainsi que les autres questions qui ont été soulevées dans la demande modifiée de la requérante.

OBSERVATION No 3 : La LRTFP n'envisage pas ni ne prévoit de mécanisme assurant la conservation des droits de négociation en cause dans le cadre du transfert d'une entreprise qui relève de la sphère provinciale au champ de compétence fédéral, ni ne prévoit de mécanisme d'origine législative qui puisse régler expressément les questions soulevées par la requérante. En conséquence, la CRTFP n'est pas compétente en l'espèce.

De toute évidence, cette observation ne tient pas compte des éléments qui ont été ajoutés à la demande initiale de la requérante. Plus particulièrement, elle ne prend pas en considération la prétention selon laquelle les activités de la requérante pourraient avoir été régies en tout temps par les dispositions de la LRTFP, puisque, au mois de décembre 1995, TPSGC était le véritable employeur des employés syndiqués. Nous soutenons également, notamment au paragraphe 23 de la demande modifiée, que la requérante agissait à titre de mandataire de la Couronne en vertu du contrat de gestion.

Les allégations factuelles se rapportant à ces prétentions sont énoncées notamment aux paragraphes 22 et 27 de la demande modifiée, et devraient être tenues pour vraies aux fins de la décision préliminaire que les autres parties aux présentes demandent à la CRTFP de rendre. Pour l'essentiel, on peut lire dans ces allégations que, pendant toutes les périodes pertinentes, TPSGC était le véritable employeur des employés syndiqués et que, en conséquence, seule l'AFPC (à l'exclusion du SCFP) pouvait agir légalement à titre d'agent négociateur de ces employés.

Nous faisons valoir avec égard que l'identification du véritable employeur, dans le cas où cet employeur peut être régi par les dispositions de la LRTFP, ce que la Commission est appelée à déterminer en l'espèce, relève sans l'ombre d'un doute de la portée de la compétence de la CRTFP. En fait, la CRTFP a exercé sa compétence pour trancher une telle question dans l'affaire Alliance de la Fonction publique du Canada et Conseil du Trésor, dossiers de la CRTFP 147-2-31, 169-2-447 (1988) (QL). Dans cette affaire, la CRTFP était appelée à déterminer si des éducateurs fournis par une compagnie privée et par ailleurs régis par les lois du travail provinciales devaient être considérés comme étant des employés du gouvernement du Canada (dans ce cas, Service correctionnel du Canada) sous le régime de la LRTFP, alors que ces employés étaient fournis pour enseigner dans un établissement correctionnel de Cowansville, au Québec.

Dans cette affaire, la CRTFP a appliqué la jurisprudence ainsi que des principes bien établis qui reconnaissent la possibilité, pour la partie qui reçoit les services prévus dans l'entente, d'être considérée comme étant le véritable employeur des personnes qui fournissent véritablement les services. Cette jurisprudence et les principes directeurs qui y sont établis ont été subséquemment réaffirmés par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Pointe-Claire (ville) c. Québec (Tribunal du travail), [1997] 1 R.C.S. 1015, qui fait autorité. Se fondant sur ces principes, la CRTFP a conclu que c'était en réalité le gouvernement du Canada, et non la compagnie fournissant les employés, qui était le véritable employeur des éducateurs en question. Pour cette raison, elle a déterminé que le groupe d'employés qui paraissait avoir été auparavant régi par les lois du travail du Québec était en fait visé par le régime établi en vertu de la LRTFP.

En plus des situations de ce genre, qui sont invoquées dans la demande modifiée et à l'égard desquelles la CRTFP est clairement compétente, nous faisons valoir avec égard que la compétence de la CRTFP, et le régime établi en vertu de la LRTFP, peuvent être élargis de manière à couvrir également les employés des parties qui sont des mandataires du gouvernement du Canada (comme on l'a allégué également dans la présente affaire). En fait, l'une des fonctions essentielles de TPSGC est de gérer et d'entretenir des immeubles qui sont occupés par le gouvernement du Canada. Dans la présente affaire, conformément au contrat de gestion, ces services ont cependant été donnés en sous-traitance à la requérante, qui a donc agi pour le compte de la Couronne en tant que mandataire de cette dernière.

Par ailleurs, du fait qu'elle fournissait ces services essentiels à TPSGC, la requérante peut être considérée comme étant un élément « vital », « essentiel » ou « faisant partie intégrante » des activités de TPSGC et, dans ce contexte, être assujettie au même régime de relations de travail que celui qui s'applique à TPSGC. Nous faisons valoir avec égard que, par analogie, les principes établis dans la jurisprudence à cet égard, notamment dans l'arrêt clé Northern Telecom Ltée c. Travailleurs en communication du Canada, [1980] 1 R.C.S. 115, dans la mesure où ils se rapportent à la notion d'« entreprise fédérale », s'appliqueraient, avec les adaptations nécessaires, à un fournisseur de services à la Couronne, et par conséquent à la relation qui existait entre TPSGC et la requérante.

Compte tenu de ce qui précède, la demande modifiée soulève divers moyens par lesquels la requérante et ses employés ont pu devenir assujettis au régime établi en vertu de la LRTFP, et tous ces moyens peuvent être examinés et déterminés par la CRTFP dans le cadre des mécanismes qu'offrent la LRTFP, que ce soit en application des articles 41 ou 49, de l'article 21 ou de toute autre disposition.

Nous faisons valoir avec égard qu'il ressort clairement de ce qui précède que, peu importe que la requérante ait, en bout de ligne, gain de cause sur le fond de sa demande, la CRTFP est bel et bien compétente pour trancher les questions qui y sont soulevées. Il est clair également que la requérante a un intérêt certain et légitime et qualité requise pour faire trancher ces questions par la CRTFP.

Nous souhaitons également faire valoir avec égard et insister sur le fait que, en saisissant la CRTFP de ces questions, la requérante ne demande pas à celle-ci de se prononcer sur le bien-fondé ou l'admissibilité du grief qui y est mentionné ou d'usurper la compétence d'un arbitre de griefs. La requérante demande simplement à la CRTFP de préciser, conformément aux dispositions de la LRTFP, qui, du SCFP et de l'AFPC, avait le droit exclusif, pendant les périodes pertinentes, d'agir à titre d'agent négociateur accrédité des employés syndiqués et de déposer des griefs pour leur compte. La CRTFP ne peut imposer ses opinions à un arbitre de griefs, mais celui qui sera saisi du grief en question devra certainement prendre en considération les décisions de la CRTFP à cet égard.

Compte tenu de ce qui précède, nous soutenons avec égard que les observations du SCFP, de l'AFPC et du Conseil du Trésor du Canada ne sont pas fondées en fait et en droit. Entre autres choses, ces parties proposent une application de la LRTFP qui est beaucoup trop étroite et qui fait fi des réalités du gouvernement moderne au Canada, où de plus en plus de services, fournis par le passé par les employés du gouvernement, sont aujourd'hui donnés en sous-traitance à des compagnies privées; elle fait fi également (contrairement à ce que la CRTFP a fait dans l'affaire susmentionnée Alliance de la Fonction publique du Canada et Conseil du Trésor, supra, et la Cour suprême, dans l'affaire Pointe-Claire (Ville) c. Québec (Tribunal du travail), supra), du fait que les concepts juridiques traditionnels d'« employé » et d'« employeur » ont évolué de manière à tenir compte de ces réalités et des relations compliquées qui en ont découlées.

Pour le SCFP

La requérante a ajouté à ses observations, faisant maintenant valoir que l'article 41 s'applique à la présente affaire. Elle allègue, de manière générale, qu'avant le transfert, TPSGC était déjà le véritable employeur (et avait été le véritable employeur depuis au moins le mois de décembre 1995). En outre, la requérante demande à la CRTFP de le désigner à titre d'employeur aux fins d'un certificat délivré par une commission des relations de travail provinciale. Entre autres choses, la requérante demande également à la CRTFP de trancher la question de savoir si le SCFP a le droit de donner suite au grief et s'il a des droits en vertu d'une convention collective et d'une accréditation qui relèvent du domaine provincial. La requérante affirme que la CRTFP est compétente pour trancher ces questions en vertu de l'article 41 de la LRTFP.

Le SCFP soutient que toute demande d'accréditation présentée par Rostrust est de toute évidence tardive et qu'elle ne servirait absolument aucune fin sur le plan des relations de travail. La requérante a toujours reconnu, depuis sa délivrance, le certificat qu'a accordé la Commission des relations de travail de l'Ontario, elle a négocié une convention initiale, versé des salaires à ses employés conformément à la convention collective, et négocié des conventions collectives avec le SCFP ou le prédécesseur de ce dernier à maintes reprises depuis 1993. Rostrust fait valoir aujourd'hui seulement que, depuis 1995, TPSGC est le véritable employeur. En outre, Rostrust demande à la CRTFP de déterminer maintenant les droits que détient le SCFP à l'égard du grief d'origine provincial qu'il a déposé, et lui demande aussi de modifier les parties qui sont en cause aux fins du certificat qui a été délivré par la Commission des relations de travail de l'Ontario. Le SCFP soutient que la CRTFP n'est pas compétente pour faire droit à la demande de Rostrust.

La requérante s'est fondée sur l'article 41 de la LRTFP pour faire valoir qu'elle est autorisée à présenter sa demande. Mis à part le fait que Rostrust prétend déposer une demande concernant l'accréditation d'employés à l'égard desquels la CRTFP n'a jamais accordé d'accréditation et demande donc à cette dernière de modifier un certificat d'origine provinciale, l'article 41 ne s'applique qu'aux employés qui sont syndiqués sous le régime de la LRTFP. Autrement dit, les employés en question n'ont jamais été syndiqués sous le régime de la LRTFP, de sorte que l'article 41 ne s'applique pas à cette affaire de toute façon, et la CRTFP n'est pas compétente pour modifier les droits que détient le SCFP dans la province de l'Ontario.

La requérante invoque le paragraphe 41(4) à l'appui de la présente demande, qui permet en partie à « l'employeur, [...] l'ancien ou [le] nouvel agent négociateur » de demander à la CRTFP de déterminer les droits et obligations des agents négociateurs concernés. Or, ni l'une ni l'autre de ces parties n'a présenté une telle demande. Aux fins de la LRTFP, l'employeur désigne « Sa Majesté du chef du Canada ». De toute évidence, Rostrust n'est pas Sa Majesté du chef du Canada au sens de la LRTFP, et TPSGC n'a déposé aucune demande se rapportant à l'article 41. TPSGC a demandé à la CRTFP de rejeter la présente demande, et non d'y donner suite. Même si l'on acceptait les observations de Rostrust elle-même, seul TPSGC, qui est le « véritable employeur » allégué, serait en mesure de présenter cette demande, et Rostrust ne le pourrait pas au motif qu'elle prétend aujourd'hui qu'elle n'est pas le véritable employeur et que TPSGC est expressément désigné par la LRTFP comme étant l'unique employeur dans la présente demande. Le SCFP soutient que Rostrust n'a pas la qualité requise pour présenter une demande extrêmement tardive selon laquelle une autre entité est en réalité l'employeur des employés que le SCFP a légalement représentés pendant des années. En outre, la requérante ne tente même pas d'expliquer la raison pour laquelle il s'est écoulé un délai si long. Quelle raison la requérante pourrait-elle maintenant avoir pour déposer une telle demande si ce n'est pour défendre ses propres intérêts dans le cadre d'une autre tribune juridique? Le SCFP soutient également que la présente demande modifiée constitue un abus de procédure, car la requérante tente en fait d'amener un autre tribunal administratif à empêcher la tenue d'une audience sur ses prétentions pour des motifs qui ne sont pas directement liés aux questions de relations de travail qui opposent les parties sous le régime de la LRTFP. La demande doit être rejetée d'entrée de jeu pour les motifs exposés précédemment. Bref, Rostrust n'a pas la qualité requise pour déposer la demande, et toute autre allégation concernant le véritable employeur est tardive. Enfin, la CRTFP n'est pas habilitée à trancher ces questions au motif que l'article 41 ne s'applique pas aux employés ou à l'organisation syndicale qui sont visés par l'accréditation qui a été accordée par la Commission des relations de travail de l'Ontario.

En ce qui concerne l'allégation selon laquelle le SCFP prête à l'expression « transfert de compétence » un sens excessivement étroit, nous soutenons que c'est le sens que lui ont donné les tribunaux administratifs de partout au Canada et qu'a utilisé et adopté M. George Adams dans son ouvrage intitulé Canadian Labour Law (2e éd., Aurora: 2004) à 14-26 et 14-27. L'exemple tiré de la jurisprudence invoquée par Rostrust - C.B.R.T. 40 di 136 - ne permet pas de soutenir que la Commission peut sans contrainte faire fi de la volonté des syndicats qui sont en cause dans une telle affaire. Cette affaire se distingue de celle qui nous occupe. La tenue d'un scrutin de représentation y avait été ordonnée et mettait en présence des syndicats qui souhaitaient représenter les employés. Ce scrutin avait été ordonné dans le contexte d'une demande déposée par un syndicat qui souhaitait abandonner ses droits à la suite de l'échec d'une fusion entre syndicats qui coexistaient dans la même sphère de compétence fédérale. La requérante n'a cité aucune source qui soit fondée sur des faits de quelque manière que ce soit semblables à ces faits et qui justifie de s'écarter de la jurisprudence actuelle relative à l'expression « transfert de compétence » que le SCFP a invoquée dans sa lettre du 9 juillet 2004.

Pour ce qui est de la réplique de Rostrust concernant sa qualité pour agir, le SCFP soutient que Rostrust n'est pas un employeur au sens où l'entend la LRTFP. Encore une fois, la LRTFP définit l'employeur comme étant « Sa Majesté du chef du Canada ». Rostrust n'est pas un employeur au sens de l'article 49 de la LRTFP, et TPSGC, l'AFPC et le SCFP n'ont déposé aucune demande se rapportant à l'article 49. Rostrust est plutôt une société du secteur privé. De toute évidence, elle n'est pas une personne physique qui pourrait avoir un intérêt légal légitime dans la présente affaire. Pour cette raison, elle n'aurait pu déposer la présente demande. Au contraire, le SCFP soutient que celle-ci constitue un abus de procédure et non pas une demande de bonne foi déposée pour résoudre un conflit juridique qui relève de la portée de la LRTFP. Elle constitue une tentative d'éviter un arbitrage régulièrement convoqué dans la sphère de compétence provinciale. Elle constitue également une tentative de modifier l'accréditation qui a été délivrée par un tribunal du travail provincial compétent. Par conséquent, Rostrust n'est pas habilitée, dans la présente affaire, à déposer une demande sous le régime de l'article 49, et elle ne peut se fonder sur aucun pouvoir pour demander à la CRTFP de trancher les questions soulevées.

Enfin, en ce qui concerne notre allégation qu'il n'existe aucun moyen de régler la présente demande, Rostrust tente, après un délai de neuf ans environ, de faire valoir que TPSGC a, pendant toutes les périodes pertinentes, été le véritable employeur des membres du SCFP. Si cela était vrai, on pourrait se demander quel a été l'objet de la cession qui est intervenue entre Rostrust et TPSGC si ce dernier était de toute façon l'employeur des personnes concernées. Nonobstant ces interrogations, la demande qui contient une telle prétention est tardive. Elle constitue une tentative de défaire, dans le cadre d'une rationalisation improvisée qui survient après le fait, des relations qui ont existé légalement entre les parties pendant nombre d'années, sans que Rostrust ne mentionne une seule fois que ces relations étaient inappropriées en ce qui concerne le SCFP ou que les relations juridiques véritables relevaient d'un régime de relations de travail différent. Même si Rostrust pouvait faire valoir une telle prétention des années après avoir respecté un cadre provincial des relations de travail et y avoir participé de plein gré, elle doit être réputée avoir renoncé à la présentation d'une telle demande en raison du délai qui s'est écoulé et du fait que les parties se sont fiées à leurs dépens au silence - par son comportement et ses propos - de la requérante.

Pour l'AFPC

Dans sa demande modifiée, Rostrust fait valoir extraordinairement que, bien qu'elle-même ou l'employeur précédent (O&Y) aient été visés par une ordonnance d'accréditation rendue par la Commission des relations de travail de l'Ontario (CRTO) à compter du mois d'avril 1993, et bien qu'elle ait elle-même, depuis le mois de décembre 1995, acquiescé à la compétence de ce tribunal administratif et à l'ordonnance d'accréditation qu'il a rendue (et mené des relations de travail sous le régime de celle-ci), elle a, pour une raison quelconque, le droit de contester, environ onze ans plus tard, la conclusion de la CRTO qu'elle était compétente à l'égard des relations de travail de la requérante. Plus étonnant encore, Rostrust soutient qu'elle a le droit de saisir la CRTFP de cette contestation. C'est en 1993 qu'il aurait fallu contester l'ordonnance d'accréditation rendue par la CRTO, et c'est cette dernière qu'il aurait fallu saisir d'une telle contestation, ou encore la Cour divisionnaire de l'Ontario, dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire. Ce n'est pas devant la CRTFP qu'il convient de contester la conclusion de la CRTO, ni au moyen d'une allégation largement imprécise que TPSGC et le Conseil du Trésor étaient en fait le véritable employeur des employés de la requérante. Nous faisons valoir que la demande de la requérante est prescrite en raison des principes relatifs au délai préjudiciable et que la requérante ne peut faire valoir que le véritable employeur est toute partie autre qu'elle-même.

Il semble, de l'avis de l'AFPC, que Rostrust ait déposé sa demande de mauvaise foi et à une fin irrégulière, c'est-à-dire dans l'espoir de se soustraire à ses obligations légales à l'égard des employés qui sont représentés par le SCFP et à la convention collective qui a été conclue avec ce syndicat sous le régime des lois de l'Ontario. Il semble en fait étrange, et peut-être très significatif dans le contexte aux fins d'interpréter l'objet qui sous-tend la demande de Rostrust, que ce n'est qu'à la suite de la cessation de la relation contractuelle entre TPSGC et Rostrust que cette dernière a tenté de passer ses obligations légales à la partie qui a mis fin à cette relation. On pourrait raisonnablement supposer que le mécontentement de Rostrust à l'égard de la cessation de cette relation, qu'elle a de son propre aveu contestée par divers moyens, dont une action en justice, sous-tend en partie sa tentative d'en faire assumer la responsabilité à TPSGC. Le cas échéant, c'est une autre preuve que la demande est déposée de mauvaise foi et à une fin irrégulière.

L'AFPC soutient que, pendant toutes les périodes pertinentes, Rostrust était l'employeur des employés visés par le grief déposé par le SCFP. L'AFPC fait valoir qu'il n'a, à aucun moment avant l'embauche des anciens employés de Rostrust par TPSGC, existé de relation employeur-employé (« véritable employeur ») entre TPSGC et les employés qui travaillaient pour Rostrust. Rien n'indique que TPSGC était le véritable employeur, et l'AFPC soutient que Rostrust n'a pas établi à première vue qu'une telle relation a existé à quelque moment que ce soit. Elle a plutôt fait une affirmation vague, qu'elle n'a étayée d'aucune précision.

L'AFPC a été accréditée en tant qu'agent négociateur de nombreux groupes d'employés du Conseil du Trésor et d'employeurs distincts dont les relations de travail sont régies par la LRTFP. Au moment où ils sont devenus des employés de TPSGC/Conseil du Trésor, les anciens employés de Rostrust ont occupé des postes relevant de la portée des droits de négociation de l'AFPC et de ses accréditations. Ce n'est qu'à ce moment-là que TPSGC a assumé le rôle d'employeur à l'égard de ces employés, et ce n'est qu'à ce moment-là également que la LRTFP a commencé à s'appliquer à l'égard de leur emploi.

L'AFPC fait valoir également qu'il n'existe aucun moyen légal, d'origine législative ou autre, qui permette que les droits de négociation qui sont conférés par et sous le régime provincial des relations de travail « soient transférés » à la LRTFP. Lorsque la loi vise à permettre des transferts entre sphères de compétence comme entre les compétences provinciales et les compétences fédérales, des dispositions expresses sont adoptées à cette fin et énoncent de manière précise les circonstances dans lesquelles de tels transferts seront reconnus en droit. Le paragraphe 44(3) du Code canadien du travail et l'article 37.2 de la Trade Unions Act de la Saskatchewan en sont des exemples. La LRTFP ne contient aucune disposition de cette nature. La prétention de Rostrust que les droits de négociation peuvent subsister dans le cadre du passage du champ d'application de la Loi de 1995 sur les relations de travail de l'Ontario à celui de la LRTFP est inacceptable.

Rostrust indique que l'article 41 de la LRTFP peut, d'une manière quelconque, revêtir la CRTFP de la compétence requise pour prononcer les mesures de réparation qu'elle demande. L'AFPC fait valoir que ce ne peut être le cas. Le paragraphe 41(1) énonce les conséquences de la décision d'accueillir une demande d'accréditation présentée sous le régime de la LRTFP. Les paragraphes 41(2) et 41(3) énoncent les conséquences de la décision d'accueillir une demande de substitution présentée en vertu de la LRTFP. L'article 41 ne s'applique donc d'aucune manière aux circonstances de la présente affaire, car aucune demande d'accréditation (initiale ou de substitution) n'a été présentée à la CRTFP par l'AFPC ou le SCFP en ce qui touche les employés qui travaillaient auparavant pour Rostrust.

Le paragraphe 41(4) confère à l'« employeur », de même qu'à l'ancien ou au nouvel agent négociateur, qualité pour présenter à la CRTFP, après qu'une demande de substitution a été accueillie, une demande visant à faire trancher toute question portant sur les droits et les obligations d'un agent négociateur. En dépit du fait que l'article 41 ne s'applique aucunement à la présente affaire ainsi qu'il est soutenu précédemment, et nonobstant le fait qu'aucune demande n'a été déposée en application du paragraphe 41(4) par un agent négociateur, il reste que, si elle avait fait valoir à juste titre que TPSGC/le Conseil du Trésor était le véritable employeur des employés qui travaillaient pour elle, Rostrust ne serait quand même pas habilitée à présenter une demande en application du paragraphe 41(4). Cela est d'autant plus vrai que la LRTFP définit clairement l'« employeur » (à l'article 2) comme étant « Sa Majesté du chef du Canada », représentée soit par le Conseil du Trésor, soit par un employeur distinct au sens de la Loi. Aucune théorie ne permet donc de conclure que Rostrust a qualité pour déposer une demande en vertu de l'article 41.

Comme c'est le cas en ce qui concerne l'article 41 de la LRTFP, c'est l'« employeur » qui est habile à déposer une demande, ce qui signifie et ne peut que signifier que « Sa Majesté du chef du Canada », représentée soit par le Conseil du Trésor, soit par un employeur distinct au sens de la Loi. En conséquence, aucune disposition n'autorise Rostrust à déposer une telle demande en application du paragraphe 49(2) à titre d'« employeur » aux fins de l'application de la Loi.

Rostrust indique qu'elle a peut-être qualité pour déposer une demande en vertu de l'article 49 à titre de « toute personne [...] intéressée », ce que nie l'AFPC, qui soutient en outre que, dans le cadre et le contexte de l'article 49 de la LRTFP, « personne » s'entend d'une personne physique. L'AFPC irait plus loin en affirmant que, dans le contexte de la LRTFP, « personne » désigne les seules personnes physiques qui relèvent de la portée de la Loi (à savoir les fonctionnaires ou les personnes physiques employées dans la fonction publique qui pourraient ne pas répondre à la définition de fonctionnaire énoncée à l'article 2 de la Loi). Rostrust n'est ni un fonctionnaire, ni une personne employée dans la fonction publique. Elle ne peut donc être habilitée à déposer une demande en vertu de l'article 49.

En outre, et ainsi qu'il est soutenu précédemment dans la présente affaire, l'AFPC fait valoir qu'il n'y a eu aucune fusion ni aucun transfert de compétence entre l'AFPC et le SCFP. Par conséquent, l'article 49 ne peut entrer en action.

L'AFPC fait valoir également qu'en l'absence d'une entente ou d'un accord entre les organisations syndicales concernant leurs responsabilités et pouvoirs respectifs, l'article 49 de la Loi ne peut s'appliquer, et la CRTFP (ou toute entité) n'est pas compétente pour invoquer cette disposition. À l'appui de cette prétention, l'AFPC invoque la décision rendue par la CRTFP dans l'affaire Ship Repair Machinists and Mechanics Union (Atlantique) c. Assoc. internationale des machinistes et des travailleurs de l'aéroastronautique, section locale 1723, dossiers de la CRTFP 125-2-67 et 140-2-12 (1996) (QL). Il convient de citer un long passage de cette décision :

17.    La Commission estime en outre que l'article 49 de la Loi ne sert pas le requérant en l'espèce. Cette disposition, qui est assortie de l'intertitre « Droits du successeur », porte sur les cas « de fusion d'organisations [d'employés] [...] ou de transfert de compétence entre celles-ci ». Nul ne conteste le fait que le déménagement des employés de Dartmouth à Halifax n'engendre aucune fusion; le requérant soutient que ce « transfert de personnel » a donné lieu à un « transfert de compétence de la section locale 1723 de l'AIM au requérant ». En toute déférence, la Commission ne voit pas comment la réinstallation de ces quelques employés pourrait engendrer un transfert de l'autorité conférée par la loi du genre visé à l'article 49. Une fusion implique la prise de décisions de restructuration par des associations d'employés ou par les entités qui en font partie. L'application de la règle d'interprétation ejusdem generis laisse entendre que l'expression « transfert de compétence » a une signification analogue. Je crois que d'autres commissions des relations du travail appuient cette interprétation. Par exemple, dans l'affaire United Food and Commercial Workers' Union and Waterloo Spinning Mills Ltd., [1984] O.L.R.B. Rep. 542, page 557, la Commission des relations de travail de l'Ontario déclare ce qui suit : [traduction] « Nous pourrions faire remarquer ici qu'à notre avis, l'argument voulant que l'opération avec le U.F.C.W. soit une fusion plutôt qu'un transfert de compétence en matière de négociation n'est d'aucune conséquence [...] Si une fusion modifie en profondeur la nature d'une organisation, un transfert de compétence doit avoir le même effet. » Voir aussi l'affaire Gill Lumber Chipman (1973) Ltd. and United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America (1973), 42 D.L.R. (3d) 271 (C.A.). Dans cette affaire portant sur le transfert de l'entreprise d'un employeur, la Cour a déclaré ce qui suit à la page 274 : [traduction] « Le verbe » transférer « signifie » transmettre la propriété d'un bien ou d'un droit d'une personne à une autre «. Le substantif » transfert « désigne l'acte par lequel se transmet la propriété de ce bien ou de ce droit. » La décision du Conseil canadien des relations de travail dans l'affaire La FIOE et l'ACECTC (1991), 86 di 59, 92 CLLC 16,012 présente un intérêt particulier. Dans cette affaire, le requérant demandait au Conseil de déclarer, en vertu de l'article 43 du Code canadien du travail (qui est presque identique à l'article 49 de la Loi), qu'il y avait eu fusion entre le requérant et l'organisation d'employés défenderesse relativement aux employés d'une certaine unité de négociation. La défenderesse niait qu'il y avait eu fusion et soutenait que le Conseil n'avait pas compétence pour faire la déclaration demandée par le requérant. En rejetant la requête, le Conseil a formulé l'observation suivante :

Selon nous, le Parlement a délibérément laissé la question des fusions et des transferts de compétence entre syndicats dans le domaine des considérations contractuelles privées entre les parties visées. Ce sont des questions syndicales internes dans lesquelles le Conseil ne peut pas intervenir, et dans lesquelles il ne devrait pas intervenir, cela dit en toute déférence. Nous souscrivons à l'argument de l'avocat de l'ACECTC selon lequel, d'après son libellé actuel, l'article 43 dispose que les droits du successeur ont été acquis et que la compétence du Conseil se limite à la définition de ces droits. Il va sans dire que le Conseil peut faire une analyse préliminaire des circonstances pour confirmer que les conditions essentielles à une fusion ou à un transfert de compétence se sont produites, mais une décision sur ce point ne bénéficierait pas de la protection de la clause privative du Conseil dans l'éventualité d'une révision judiciaire, étant donné qu'elle déborde sa compétence primaire (voir U.E.S., Local 298 c. Bibeault, [1988] 1 R.C.S. 1048).

18    La Commission n'a été saisie d'aucun élément de jurisprudence appuyant l'affirmation selon laquelle l'article 49 s'applique en l'espèce, c.-à-d. lorsqu'un prétendu transfert de compétence ne fait l'objet d'aucun accord ou convention entre les entités syndicales quant à leurs responsabilités et pouvoirs respectifs, pas plus qu'elle n'en a trouvé elle-même. La Commission estime que l'article 49 vise à lui permettre de reconnaître la validité de ces accords et conventions aux fins de la négociation collective et qu'en l'absence de ces documents, elle n'a aucun pouvoir en vertu de cet article. La Commission est d'avis que l'article 49 n'a pas été édicté pour lui conférer le pouvoir d'intervenir dans un litige opposant des organisations d'employés et portant sur leur compétence respective à l'égard de leurs membres.

[C'est nous qui soulignons.]

Sur le fondement du raisonnement énoncé précédemment par la CRTFP, l'AFPC soutient que, compte tenu du fait que l'AFPC et le SCFP ont tous deux nié qu'il y ait eu à quelque moment que ce soit fusion ou transfert de compétence, la CRTFP n'est pas compétente aux fins de l'article 49, et la demande de Rostrust doit par conséquent être rejetée.

Pour tous les motifs qui précèdent, l'AFPC soutient que la demande de Rostrust devrait être rejetée sommairement, sans la tenue d'une audience ni quelque autre traitement que ce soit. La requérante a déposé sa demande de mauvaise foi et à une fin irrégulière. Cette même demande est non fondée en droit et en fait; la requérante n'a pas la qualité requise pour la déposer et, à tous les égards, elle demande des mesures de réparation qui excèdent la compétence de la CRTFP. À titre d'exemple frappant, la requérante a demandé à la CRTFP de modifier une ordonnance d'accréditation provinciale.

Observations supplémentaires de Rostrust en réplique

Pour simplifier et résumer les prétentions de la requérante, il y a lieu de reproduire encore une fois les deux questions qui, essentiellement, ont été posées à la CRTFP dans la présente affaire :

  1. L'AFPC devrait-elle, à la place du SCFP, être reconnue, sous le régime de la LRTFP, à titre d'agent négociateur accrédité du groupe d'employés travaillant à l'entretien de L'Esplanade Laurier?

  2. Y a-t-il eu transfert de compétence entre des organisations syndicales au sens de l'article 49 de la LRTFP?

Ces questions relèvent clairement de la compétence de la CRTFP, notamment en application des articles 41 et 49 de la LRTFP.

Pendant toutes les périodes pertinentes, notre cliente avait et a encore un intérêt suffisant ainsi que la qualité requise pour déposer la présente demande et demander à la CRTFP de trancher les questions susmentionnées et autres questions connexes. Non seulement la requérante était-elle un mandataire de Sa Majesté du chef du Canada et un employeur au sens de la LRTFP, mais elle est une « personne » intéressée. À ce chapitre, nous soutenons avec égard que la prétention des intimées que le terme « personne » ne comprend que la personne physique ne trouve absolument aucun fondement et n'est absolument pas conforme à l'esprit et à l'objet de la LRTFP. Il n'y a donc pas lieu d'interpréter ce terme aussi étroitement tel que les intimés ont proposé de faire.

Les intimés donnent à entendre également que la demande a été déposée de mauvaise foi et à une fin irrégulière et que, quoi qu'il en soit, la requérante a renoncé à son droit de faire valoir la thèse qu'elle a invoquée dans le cadre de la présente instance, ce que la requérante nie catégoriquement.

À cet égard, la CRTFP devrait considérer notamment le fait que la relation de la requérante avec TPSGC et avec les employés qui fournissaient les services exclusivement à celui-ci à L'Esplanade Laurier n'était pas statique et qu'elle a plutôt évolué au fil du temps. En conséquence, à la suite de l'acquisition par la requérante de l'entreprise décrite dans la demande, et à la suite également de toute décision d'une commission des relations de travail provinciale censée reconnaître le transfert de l'accréditation et/ou de la convention collective à la requérante sous le régime des lois provinciales, les relations entre les parties ont continué d'évoluer.

Plus particulièrement, avec le passage du temps, le contrôle exercé par TPSGC sur les employés s'est accru, et TPSGC a exercé un contrôle de plus en plus grand sur leur travail. Au cours des quelques dernières années de cette relation, TPSGC avait chargé la requérante d'embaucher du nouveau personnel pour satisfaire à ses besoins, et c'est lui qui a versé les salaires requis. Dans ce contexte, TPSGC a mis en oeuvre des mesures supplémentaires pour surveiller et contrôler le travail en question.

Il s'agit d'une conjecture seulement, mais il se peut que TPSGC ait préféré établir la relation tripartite décrite dans la demande modifiée de manière qu'un tiers comme la requérante paraisse jouer le rôle d'employeur des personnes qui travaillaient pour TPSGC. Parmi les avantages que TPSGC aurait pu tirer d'une telle situation, il y a le fait qu'il aurait alors été libéré de l'obligation de négocier et d'interagir avec un syndicat puissant comme l'AFPC relativement à ces employés.

Toutefois, les ententes conclues entre les parties ne pouvaient, dans ces circonstances, priver la CRTFP de sa compétence, ni fermer la porte à l'application de la LRTFP relativement aux employés en question. À cet égard, la requérante prend note de l'admission de l'AFPC, dans ses observations, que les postes détenus par les employés en question relèvent du champ d'application de ses droits de négociation et, donc, de la portée de la LRTFP. Nous faisons valoir que, malgré les apparences, c'était le cas même avant le transfert de l'entreprise à TPSGC.

Nous aimerions également souligner que les allégations du SCFP selon lesquelles les intimés se sont fiés à leur dépens au silence de la requérante ne sont pas du tout étayées et qu'elles sont assez étonnantes de la part d'une partie qui n'a rien fait, depuis le transfert de l'entreprise et par quelque moyen que ce soit, pour préserver ses droits de négocier relativement à ces employés.

Nous aimerions également rappeler à la CRTFP qu'au moment du transfert de l'entreprise, le SCFP, en dépit de ses menaces à l'effet contraire, a acquiescé au transfert du rôle d'agent négociateur à l'AFPC. Cette situation doit de toute évidence relever de la notion de « transfert de compétence » au sens de l'article 49 de la LRTFP, même suivant l'interprétation étroite que les intimés ont fait valoir.

Enfin, nous faisons valoir avec égard que la demande ne vise pas à faire modifier ni à contester une accréditation qui a été accordée à l'échelle provinciale, ni non plus à empiéter sur la compétence d'un tribunal ou d'un arbitre nommé sous le régime des lois provinciales, comme l'ont donné à entendre de diverses manières les intimés. En réalité, un examen soigné de toutes les questions et conclusions de la demande, telle qu'elle a été modifiée, indiquerait clairement que ce n'est pas le cas.

Ainsi, il ne saurait faire de doute, compte tenu des faits exposés par la requérante, que la CRTFP est clairement compétente pour trancher les questions qui sont soulevées dans la demande ainsi que pour rendre la décision qui y est demandée.

La requérante a des raisons véritables et légitimes de demander à la CRTFP d'exercer sa compétence pour trancher ces questions. Par exemple, mais sans limiter la généralité de ce qui précède, une décision sur la question de savoir si TPSGC était, pendant toutes les périodes pertinentes, le véritable employeur des employés en question (qui ont continué à travailler pour TPSGC après le retrait de la requérante de la relation tripartite), aurait une incidence sur les questions qui ont été soulevées par le SCFP dans son grief. Cette question pourrait avoir des ramifications importantes, mais il appartient tout de même à la CRTFP de la trancher. Il n'y a rien de douteux ou d'irrégulier dans la volonté de la requérante de faire trancher toutes ces questions et d'autres questions connexes par la CRTFP.

MOTIFS DE DÉCISION

[9]    La présente demande découle de la résiliation d'un marché de services qui a été conclu en application du contrat de location auquel étaient liés Rostrust et TPSGC. En effet, TPSGC a pris en charge l'entretien de L'Esplanade Laurier, et nombre des anciens employés de Rostrust ont été engagés conformément à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP) pour exécuter les mêmes fonctions ou des fonctions semblables.

[10]    J'en suis arrivé à la conclusion que cette « sous-traitance interne » de services d'entretien ne constitue pas un transfert de compétence en application de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP). Dans sa demande modifiée, Rostrust allègue que ses employés ont toujours été des employés de TPSGC en raison du contrôle que celui-ci exerçait sur eux. Me fondant sur la décision qu'a rendue la Cour suprême du Canada dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1991] 1 R.C.S. 614 (appelée communément l'affaire Econosult), j'ai conclu que ces employés ne sont devenus les employés du Conseil du Trésor que lorsqu'ils ont été nommés conformément à la LRTFP.

[11]    La requérante demande à la Commission de rendre les décisions suivantes :

  1. Une décision sur la question de savoir si TPSGC et/ou le Conseil du Trésor a toujours été le véritable employeur des employés de L'Esplanade Laurier, et si l'accréditation du SCFP s'est toujours appliquée à ces employés.
  2. Une décision sur la question de savoir s'il y a eu transfert de compétence au sens de l'article 49 de la LRTFP.
  3. Une décision sur la question de savoir qui, du SCFP et de l'AFPC, a des droits, privilèges et obligations à l'égard des employés, y compris les droits qui découlent de toute décision d'accréditation et de la convention collective, dont le droit de donner suite à un grief déposé en vertu de celle-ci.
  4. Une déclaration que TPSGC a remplacé Rostrust à titre d'employeur aux fins de la convention collective.
  5. Une déclaration que TPSGC remplace Rostrust à titre d'employeur désigné aux fins de l'accréditation accordée par la CRTO à l'égard des employés de L'Esplanade Laurier.
  6. Une déclaration et une ordonnance visant à remplacer Rostrust par TPSGC à titre d'employeur désigné dans le cadre du grief.
  7. Une ordonnance visant à suspendre la tenue de l'audience ou une ordonnance visant à ce que le SCFP suspende l'audience en attendant la décision de la Commission.

[12]    Le grief dont il est question dans la demande est celui dont a été saisi un arbitre nommé en vertu de la Loi sur les relations de travail de l'Ontario (LRTO). Le SCFP ayant accepté de suspendre l'audience de ce grief, la demande de suspension est sans objet. Quoi qu'il en soit, la Commission n'est pas compétente à l'égard d'une instance qui est régie par la LRTO.

[13]    Rostrust demande notamment d'être remplacée par TPSGC à titre d'employeur aux fins de la convention collective conclue avec le SCFP, du certificat délivré par la CRTP et du grief. Or, le certificat, la convention collective et le grief sont tous régis par la LRTO. La Commission ne peut donc exercer aucune compétence à cet égard.

[14]    Bien que les activités d'entretien menées à L'Esplanade Laurier ne fassent pas partie des mesures de réparation demandées, la requérante donne à entendre à la fois dans la demande initiale et dans la demande modifiée que ces activités ressortissent à « une entreprise fédérale ». La demande et les observations ne permettent pas d'affirmer avec certitude quelle est la pertinence, dans la présente affaire, de cette assertion, qui, par ailleurs, n'est pas étayée par la preuve. Si une entreprise est qualifiée d'« entreprise fédérale », elle relève de la compétence fédérale et non de la compétence provinciale. Une conclusion dans ce sens déclencherait cependant l'application du Code canadien du travail (CCT) à l'entreprise, et non celle de la LRTFP. En conséquence, la Commission n'est pas habilitée à déterminer la validité de ces assertions, car c'est au Conseil canadien des relations industrielles qu'il appartient de déterminer si une entreprise est une « entreprise fédérale ».

[15]    Dans ses observations, Rostrust a indiqué ne pas s'opposer à ce que la Commission exerce ses pouvoirs généraux en vertu de l'article 21 de la LRTFP pour trancher les questions soulevées dans la demande. L'article 21 prescrit :

21. (1) La Commission met en oeuvre la présente loi et exerce les pouvoirs et fonctions que celle-ci lui confère ou qu'implique la réalisation de ses objets, notamment en prenant des ordonnances qui exigent l'observation de la présente loi, des règlements pris sous le régime de celle-ci ou des décisions qu'elle rend sur les questions qui lui sont soumises.

[16]    Premièrement, l'article 21 n'a été invoqué ni dans la demande initiale, ni dans la demande modifiée. De manière générale, les parties ne devraient pas être autorisées à modifier des demandes au moyen d'observations. Quoi qu'il en soit, la Cour suprême a déclaré que des dispositions semblables conférant des « pouvoirs généraux » ne confèrent toutefois pas de pouvoirs autonomes à la Commission de remédier à des situations pour lesquelles des pouvoirs spécifiques sont prévus ailleurs (Syndicat des employés de production du Québec et de l'Acadie c. Canada (Conseil des relations du travail), [1984] 2 R.C.S. 412).

[17]    L'AFPC et le SCFP allèguent que Rostrust a déposé sa demande « de mauvaise foi et à une fin irrégulière ». Je n'ai tiré aucune conclusion sur cette allégation, car rien dans la preuve ne me permet d'y souscrire.

Qui est le « véritable employeur »?

[18]    Rostrust allègue que les employés de L'Esplanade Laurier ont en tout temps été les employés de TPSGC et/ou du Conseil du Trésor et qu'ils ont toujours été visés par le certificat délivré à l'AFPC par la Commission. Ces employés ont été traités comme des employés de Rostrust et régis par une convention collective qui a été négociée avec le SCFP depuis 1993. Rostrust a acquis l'immeuble en décembre 1995. Il s'est écoulé près de neuf ans avant qu'elle ne soulève la question. Un employeur ne peut laisser s'écouler un tel délai avant de soulever une question qui touche au coeur même de la relation qui unit syndicat et direction.

[19]    L'allégation constitue également une contestation directe du certificat que la CRTO a délivré relativement à ces employés. Il n'appartient pas à la Commission de déterminer le caractère adéquat ou la légalité d'un certificat délivré par la CRTO.

[20]    Rostrust renvoie, dans sa demande modifiée, à l'article 41 de la LRTFP, qui énonce l'effet de l'accréditation et, au paragraphe (4), la possibilité de faire trancher des questions sur les effets d'une accréditation par voie de demande par l'employeur ou par l'ancien ou le nouvel agent négociateur. Aux termes de la LRTFP (paragraphe 2(1)), l'« employeur » désigne « Sa Majesté du chef du Canada, représentée [...] par le Conseil du Trésor » dans le cas d'un secteur de la fonction publique spécifié à la partie I de l'annexe I de la Loi. Rostrust ne satisfait pas à cette définition d'« employeur » au sens de la LRTFP. En conséquence, elle n'a pas la qualité requise pour présenter une demande en application de l'article 41 de la LRTFP.

[21]    Quoi qu'il en soit, depuis la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Econosult, supra, il est clair que seuls les employés nommés conformément à la LEFP peuvent être considérés comme des employés aux fins de la LRTFP :

21. [...] S'il n'y avait pas de définition du mot «employé», on pourrait soutenir que la Commission peut décider si quelqu'un est un employé en vertu des critères généralement utilisés dans les affaires de relations de travail. Ces critères servent ordinairement à déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant. La définition expresse du mot «employé» montre cependant que le Parlement a clairement eu l'intention de déterminer lui-même la catégorie d'employés sur lesquels la Commission aurait compétence. Cette catégorie se limite aux personnes employées dans la Fonction publique et qui ne sont pas assujetties au Code canadien du travail. [...] le rôle de la Commission consiste non pas à déterminer qui est employé, mais plutôt à déterminer si les employés qui répondent à cette définition appartiennent à une unité particulière de négociation

[...]

24. [...] La conclusion, sans plus, qu'ils sont des employés du gouvernement du Canada excéderait clairement la compétence attribuée par [la Loi] et contredirait directement l'art. 8 de la Loi sur l'emploi [dans la fonction publique] qui réserve expressément cette compétence à la Commission de la Fonction publique.

25. Dans le régime des relations de travail que j'ai exposé plus haut, il n'y a tout bonnement pas de place pour une espèce de fonctionnaire de fait qui ne serait ni chair ni poisson. [...]

[...]

27. [...] Ceux qui peuvent soumettre des litiges à la Commission sont des employés, des organisations d'employés et des employeurs au sens des dispositions législatives qui restreignent manifestement ces litiges à la Fonction publique. Il ne servirait à rien d'étendre la compétence de la Commission à des employés qui ne font pas partie de la Fonction publique et qui peuvent invoquer d'autres dispositions législatives, fédérales ou provinciales, en matière de relations de travail.

[22]    Par conséquent, les observations de la requérante selon lesquelles TPSGC lui a ordonné d'engager des employés supplémentaires, qu'il a payé les salaires de ces nouveaux employés et qu'il a surveillé de près et dirigé leur travail, ne sont pas pertinentes. J'en arrive donc à la conclusion que les employés qui travaillaient à L'Esplanade Laurier avant le 1er mars 2004 n'étaient pas des employés de TPSGC ou du Conseil du Trésor.

Y a-t-il eu transfert de compétence au sens de l'article 49 de la LRTFP?

[23]    L'article 49 de la LRTFP est reproduit ci-dessous :

49.(1) L'organisation syndicale qui, en raison de fusion d'organisations de ce genre ou de transfert de compétence entre celles-ci -- qui ne sont pas la conséquence d'une révocation d'accréditation -- succède à un agent négociateur est réputée en avoir acquis les droits, privilèges et obligations, y compris ceux qui découlent d'une convention collective ou d'une décision arbitrale.

      (2) Dans les cas de tels fusions ou transferts, la Commission, sur demande de l'employeur ou de toute personne ou organisation syndicale intéressée, détermine quels sont les droits, privilèges et obligations dévolus à une organisation syndicale en vertu de la présente loi, d'une convention collective ou d'une décision arbitrale à l'égard d'une unité de négociation ou d'un fonctionnaire en faisant partie.

      (3) La Commission peut, avant de rendre sa décision, faire des enquêtes et ordonner la tenue d'un scrutin de représentation parmi les fonctionnaires concernés, selon ce qu'elle estime nécessaire. Le paragraphe 36(3) s'applique à la tenue du scrutin.

[24]    Les intimés soutiennent que Rostrust n'a pas la qualité requise pour présenter une telle demande. La demande visée à l'article 49 peut être présentée par un employeur, une organisation syndicale ou toute personne « intéressée ». Rostrust n'est pas un employeur aux fins de la LRTFP, ni ne satisfait à la définition très particulière d'« employeur » énoncée dans la LRTFP (paragraphe 2(1)). Reste donc la question de savoir si elle est une « personne intéressée ». Le libellé de l'article 49 mène à l'adoption d'une approche itérative en ce qui concerne la qualité pour agir. Pour qu'une personne ait qualité pour agir, il faut d'abord qu'il y ait eu fusion ou transfert de compétence. Une fois cet élément établi, la personne « intéressée » peut déposer une demande. Or, pour les motifs énoncés ci-dessous, j'en suis arrivé à la conclusion qu'il n'y a eu aucun « transfert de compétence ». Je n'ai donc pas à déterminer si Rostrust est une personne « intéressée » au sens de l'article 49.

[25]    Dans l'affaire Ship Repair Machinists and Mechanics Union, supra, la Commission a dû faire face à la situation dans laquelle des employés étaient déplacés d'un côté à l'autre du port de Halifax. On alléguait que ce déplacement les assujettissait à la compétence traditionnelle d'une section locale différente (et, partant, à la compétence d'un regroupement d'organisations syndicales). Rejetant la demande, la Commission a succinctement décrit l'objet de l'article 49 :

La Commission n'a été saisie d'aucun élément de jurisprudence appuyant l'affirmation selon laquelle l'article 49 s'applique en l'espèce, c.-à-d. lorsqu'un prétendu transfert de compétence ne fait l'objet d'aucun accord ou convention entre les entités syndicales quant à leurs responsabilités et pouvoirs respectifs, pas plus qu'elle n'en a trouvé elle-même. La Commission estime que l'article 49 vise à lui permettre de reconnaître la validité de ces accords et conventions aux fins de la négociation collective et qu'en l'absence de ces documents, elle n'a aucun pouvoir en vertu de cet article. La Commission est d'avis que l'article 49 n'a pas été édicté pour lui conférer le pouvoir d'intervenir dans un litige opposant des organisations d'employés et portant sur leur compétence respective à l'égard de leurs membres.

[26]    La Commission a expliqué son raisonnement dans les termes suivants :

Nul ne conteste le fait que le déménagement des employés de Dartmouth à Halifax n'engendre aucune fusion; le requérant soutient que ce « transfert de personnel » a donné lieu à un « transfert de compétence de la section locale 1723 de l'AIM au requérant ». En toute déférence, la Commission ne voit pas comment la réinstallation de ces quelques employés pourrait engendrer un transfert de l'autorité conférée par la loi du genre visé à l'article 49. Une fusion implique la prise de décisions de restructuration par des associations d'employés ou par les entités qui en font partie. L'application de la règle d'interprétation ejusdem generis laisse entendre que l'expression « transfert de compétence » a une signification analogue. [...]

[27]    Dans la présente affaire, aucun conflit n'oppose les agents négociateurs. C'est entre l'ancien employeur et les agents négociateurs qu'un conflit survient. Cependant, les principes demeurent les mêmes. Rostrust a fait valoir que l'acquiescement du SCFP au fait que l'AFPC a acquis les droits de négociation illustre l'existence d'un accord ou d'une entente entre les agents négociateurs. Comme il n'existe aucune disposition portant sur les droits du successeur lorsqu'une activité relevant de la sphère de compétence provinciale devient régie par la LRTFP (comme c'est le cas dans le Code canadien du travail, au paragraphe 44(3)), on peut comprendre que le SCFP ait « acquiescé » au changement de compétence. Dans ce contexte, une telle inaction n'indique pas l'existence d'un accord ou d'une entente entre les agents négociateurs.

[28]    Rostrust s'est fondée également sur la décision rendue par le CCRT dans l'affaire C.B.R.T., supra, pour étayer sa prétention que, dans certains cas, l'absence d'une entente de plein gré entre agents négociateurs pourrait tout de même justifier l'intervention de la Commission. Dans l'affaire C.B.R.T., supra, la situation a été décrite par le CCRT comme ressortissant à des « circonstances anormales ». Dans cette affaire, un accord de fusion entre deux agents négociateurs avait échoué. En raison de cette situation « anormale », le CCRT a conclu qu'il convenait d'intervenir. En revanche, la résiliation d'une relation contractuelle ne constitue pas une circonstance « anormale » ni « inhabituelle ». Pour cette raison, la décision rendue dans l'affaire C.B.R.T., supra, se distingue facilement de la présente affaire.

[29]    Si aucun accord ou entente n'est conclu entre des syndicats sur leurs responsabilités et pouvoirs respectifs, la Commission n'a pas la compétence. La situation en l'espèce ne constitue pas un « transfert de compétence » au sens de l'article 49. On a assisté, relativement à L'Esplanade Laurier, à la résiliation d'une relation contractuelle et à l'embauche subséquente des anciens employés de l'entrepreneur. L'article 49 n'a jamais été destiné à régir de telles situations.

[30]    Par conséquent, la demande est rejetée.

Ian R. Mackenzie,
commissaire

OTTAWA, le 6 janvier 2005.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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