Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Plainte fondée sur l'article 133 du Code canadien du travail (Code), alléguant une infraction à l'article 147 - Accident de travail - Fin prématurée d'un emploi à durée déterminée - le plaignant était employé pour une durée déterminée - pendant son terme, il a été victime d'un accident de travail - l'employeur a mis fin à l'emploi du plaignant avant l'expiration du terme - le plaignant a déposé une plainte fondée sur l'article 133 du Code, alléguant que l'employeur avait pris des mesures disciplinaires à son égard pour avoir rapporté son accident de travail en conformité de l'alinéa 126(1)b) - l'employeur a annulé sa décision de mettre fin au terme du plaignant - par la suite, il lui a aussi offert un autre terme d'emploi, qui n'a cependant pas été renouvelé - la Commission a conclu que la décision de l'employeur d'annuler la fin d'emploi prématurée du plaignant avait régularisé la situation de ce dernier - la Commission a aussi conclu que la décision de l'employeur de ne pas renouveler le terme d'emploi subséquemment donné au plaignant ne faisait pas l'objet de la plainte, telle que déposée devant elle. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Code canadien du travail, partie II

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  • Date:  2004-12-15
  • Dossier:  160-2-93
  • Référence:  2004 CRTFP 173

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique



ENTRE

FERNAND DION
plaignant

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Ministère des Pêches et des Océans)

employeur



AFFAIRE : Plainte fondée sur l'article 133 du Code canadien du travail

Devant :   Sylvie Matteau, présidente suppléante

Pour le plaignant :  Fernand Dion

Pour l'employeur :  Mark Sullivan, avocat

(Affaire entendue sans audience)


[1]    La Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) a reçu une plainte de la part de M. Fernand Dion, le 17 mars 2003, en vertu de l'article 133 Code canadien du travail (CCT) . Il y allègue que son employeur a contrevenu à l'article 147 du CCT le 20 décembre 2002, lui ayant fait perdre ses avantages sociaux et la possibilité d'obtenir un poste indéterminé en raison d'un accident de travail survenu à bord du navire NGCC Pierre Radisson le 14 novembre 2002.

[2]    La présente décision porte sur l'objection préliminaire, quant à la compétence de la CRTFP, soulevée par l'employeur. Le 13 juillet 2004, les parties ont été invitées à soumettre un bref exposé de leurs arguments, de manière à ce qu'une décision sur cette question soit rendue sur la base de représentations écrites. L'exposé de M. Dion a été reçu le 16 août 2004; l'exposé de l'employeur, le 8 septembre 2004 et la réplique du plaignant a été reçue le 1er octobre 2004.

[3]    Selon la correspondance au dossier et les exposés des parties, les faits et allégations se résument comme suit : M. Dion a été à l'emploi du ministère des Pêches et des Océans, s'étant prévalu d'une offre d'emploi à durée déterminée qui devait prendre fin le 16 février 2003. Le 14 novembre 2002, il fut victime d'un accident sur le navire où il était assigné, le NGCC Pierre Radisson. Le 12 décembre 2002, il fut avisé, par lettre datée du 6 décembre 2002, que l'employeur mettait fin à son contrat de travail à compter du 20 décembre 2002. M. Dion a fait plusieurs démarches pour faire corriger sa situation et sauvegarder ses avantages sociaux et ses acquis. Il s'est adressé à la Commission de la santé et de la sécurité au travail du Québec (CSST) en décembre 2002 et au Conseil canadien des relations industrielles (CCRI). Ces deux organismes ont décliné compétence, puisque M. Dion était un employé du Conseil du Trésor du Canada. La plainte a ensuite été acheminée à la CRTFP.

[4]    À la réception du dossier à la CRTFP une tentative de médiation a été faite, puis, suite à son échec, des prolongations de délais ont été accordées pour permettre aux parties de déposer des représentations écrites.

[5]    Le 27 mars 2003, l'employeur a annulé sa décision de mettre fin au contrat de M. Dion et, par la même occasion, a prolongé son contrat de travail jusqu'au 16 avril 2003, date à laquelle tous les employés du navire voyaient leur contrat se terminer. M. Dion était toujours en arrêt de travail suite à l'accident de novembre 2002.

[6]    Le 6 juin 2003, suite à la lettre que l'employeur lui envoyait le 27 mars 2003 et n'ayant pas été rappelé au travail comme ses collègues, M. Dion a écrit à la CRTFP, demandant que celle-ci intervienne pour le faire réintégrer dans ses fonctions, lui assurant de conserver ses acquis accumulés avant l'accident de travail. Il considère alors le tout comme une sanction pécuniaire.

[7]    L'employeur souleva alors une objection préliminaire le 11 juin 2004. Il y souligne que M. Dion se plaint maintenant que la décision de son employeur de ne pas renouveler son emploi à période déterminée constitue « une sanction pécuniaire arbitraire à mon égard. » Cette question ne relèverait pas, selon lui, du CCT, partie II. En effet, la plainte de M. Dion ne ferait aucunement référence à des mesures prises contrairement à l'article 147 du CCT, ni à l'exercice des droits d'un employé prévu aux articles 128 ou 129 du CCT, soit les situations de refus de travail et enquêtes des agents de santé et sécurité mentionnées au paragraphe 133(3) du CCT. Alternativement, l'employeur demande que le plaignant fournisse des détails sur ses allégations en vertu de l'article 133 du CCT, de manière à préparer sa défense.

ARGUMENTS

[8]    Dans son exposé, M. Dion allègue avoir été victime d'une mesure disciplinaire au sens de l'article 147 du CCT. Il poursuit en expliquant qu'il a été « victime d'un congédiement ou d'une mesure illégale à cause de [son] accident de travail, plus précisément parce [qu'il s'est] conformé aux consignes réglementaires en matière de santé et de sécurité au travail en déclarant [son] accident de travail au sens du paragraphe 126(1) de la Loi. »

[9]    Dans ce même exposé, M. Dion demande l'intervention de la CRTFP pour les motifs suivants :

[...]

(i)j'ai exercé mes droits en temps utile ;
(ii)j'ai motivé ma demande pour les raisons suivantes :
(a)congédiement en raison de mon accident de travail ;
(b)perte de mes avantages contractuels ;
(c)perte du cumul de mon ancienneté ;
(iii)la CSST me dit qu'elle n'a pas juridiction ;
(iv)mon représentant syndical me dit que c'est un cas qui relève de la juridiction de la CSST, sans plus ;
(v)le représentant de l'employeur demande le rejet pur et simple de la plainte, sans autre forme de procès, pour cause de non-juridiction.

[...]

Et il ajoute:

[...]

      Avec respect pour l'opinion émise par mon représentant syndical et le représentant de l'employeur, je crois que la Commission a juridiction dans ce dossier.

      Le refus de mon employeur de me rappeler au travail après le 16 avril 2003 constitue une mesure disciplinaire qui m'est imposé [sic] parce que j'ai observé l'obligation que m'impose le paragraphe (b) de l'article 126(1). J'ai déclaré l'accident de travail conformément aux consignes réglementaires en matières de santé et de sécurité au travail avec les résultats que l'on connaît aujourd'hui :

(i)l'employeur ne m'a jamais rappelé au travail depuis cet accident;
(ii)l'employeur me prive de mes avantages contractuels;
(iii)l'employeur m'empêche de cumuler l'ancienneté nécessaire pour que je puisse obtenir ma permanence.

      Dire que je n'ai pas été victime d'une mesure disciplinaire aux motifs que les activités du [sic] bateau sur lequel je travaillais a cessé ses opérations le 16 avril 2003 n'est qu'un vil prétexte.

      Le bateau a repris ses opérations dans un délai inférieur à 60 jours de la date du 16 avril 2003. N'eut été de mon accident de travail, j'aurais été rappelé au travail comme ce fut toujours le cas auparavant. Des salariés ayant moins d'ancienneté que moi ont été embauchés.

      Dire que l'employeur ne m'a pas rappelé parce que ma lésion n'était pas encore consolidée est également un vil prétexte.

      J'avais le droit d'être rappelé et ce, même si ma lésion n'était pas encore consolidée. Il aurait appartenu à mon médecin de décider si j'avais la capacité nécessaire pour effectuer un retour au travail et il ne revenait pas à mon employeur de prendre cette décision de façon arbitraire.

[...]

[10]    M. Dion allègue par la suite que des mesures d'adaptation, même temporaires, auraient pu être mises en place. De toute façon, soutient-il, il avait droit au maintien de ses droits et avantages, de son ancienneté, de son lien d'emploi ininterrompu. Alternativement, il demande à la CRTFP de considérer sa plainte logée en vertu du paragraphe 240(1) du CCT, puisqu'il a injustement été congédié pour cause d'accident du travail, ce qui est interdit en vertu du paragraphe 239(1) du CCT. Il demande donc que le délai pour loger cette plainte soit prolongé en vertu du paragraphe 240(3) du CCT, ayant exercé ses recours en temps utile et avec diligence.

[11]    L'employeur répond le 8 septembre 2004 qu'il réitère la position qu'il a exprimée initialement au soutien de son objection. Il ajoute que:

[...]

         [...]M. Dion indique pour la première fois, que sa plainte est motivée par le fait qu'il s'est conformé à l'article 126 du CCT. Spécifiquement, il allègue qu'il croit avoir été victime d'un « congédiement ou d'une mesure illégale » en raison de son accident de travail et du fait qu'il a déclaré cet accident.

         Sur ce point, l'employeur désire souligner que M. Dion occupait un emploi à durée déterminée au sein du ministère de Pêches et Océans Canada. Le fait que son contrat de travail initial a été modifié pour prendre fin prématurément (décembre 2002) a été corrigé. Son contrat de travail initial a été respecté et a même été prolongé jusqu'au 16 avril 2003, soit la date prévue de l'arrêt de travail pour tous les employés du navire NGCC Pierre Radisson.

         Une personne nommée pour une période déterminée cesse d'être employée à l'expiration du contrat de travail, en application de l'article 25 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. L'article 25 de cette Loi se lit comme suit :

« Nomination pour une période déterminée »

25. Le fonctionnaire nommé pour une période déterminée perd sa qualité de fonctionnaire à l'expiration de cette période.

         L'employeur soutient que la fin de la période d'emploi de M. Dion ne constitue pas un congédiement ou une mesure illégale tel qu'allégué. Son emploi a cessé conformément à ce qui était prévu dans son contrat de travail, ce qui a coïncidé avec l'arrêt des opérations du navire le 16 avril 2003 et non pas par suite d'une décision de l'employeur indépendamment de ce contrat.

         La jurisprudence est d'ailleurs bien établie à l'effet que la Commission n'a pas compétence pour entendre une plainte ou un grief d'un fonctionnaire qui s'estime lésé parce que son contrat de travail est arrivé à échéance.

         Compte tenu de ce qui précède, l'employeur maintient toujours que cette plainte est non fondée et que le recours basé sur le CCT n'est pas applicable. Par conséquent, l'employeur réitère respectueusement sa demande que la Commission rejette cette plainte sans audition.

         Enfin, dans sa dernière correspondance, M. Dion indique qu'advenant le rejet de sa plainte sous l'article 133-147 [sic], il demande que la Commission considère sa demande en vertu de l'article 240(1) du CCT. L'employeur soumet que la Partie III du CCT, qui inclut l'article 240, ne s'applique pas aux employés d'un ministère au sens de la Loi sur la gestion des finances publiques. Par conséquent, l'employeur soumet que la Commission n'a pas compétence relativement à l'article 240.

[...]

[12]    Tel que déjà mentionné, M. Dion a produit une réplique dans laquelle il maintient qu'il recherche réparation à son préjudice pécuniaire et déplore qu'aucun organisme ne semble avoir compétence pour entendre sa cause.

MOTIFS

[13]    La plainte de M. Dion a été présentée en vertu de l'article 133 du CCT, alléguant violation de l'alinéa 147 (c) par le ministère des Pêches et des Océans le 20 décembre 2002, lui faisant perdre ses avantages sociaux et la possibilité d'obtenir un poste indéterminé.

[14]    Le 27 mars 2003, l'employeur avait transmis à M. Dion une lettre prolongeant la durée de son contrat à durée déterminée au 16 avril 2003, tout comme, semble-t-il, les autres employés du navire NGCC Pierre Radisson. Dans sa lettre à la CRTFP du 6 juin 2003, M. Dion a confirmé avoir reçu cette lettre du 27 mars 2003 et avoir vu son contrat de travail prolongé jusqu'au 16 avril 2003. La plainte n'avait donc plus de fondement; la situation de M. Dion était régularisée.

[15]    Toutefois, dans cette même lettre du 6 juin 2003, M. Dion fait part à la CRTFP qu'il désire poursuivre sa plainte fondée sur l'article 133 du CCT car, selon lui, à partir du 23 avril 2003, il aurait perdu tous ses avantages sociaux par suite de la « rupture de son contrat de travail » pendant plus de 5 jours. Comme il était encore en arrêt de travail à cette époque, il soutient que cette « rupture de contrat » est une sanction pécuniaire arbitraire à son égard. Il soutient que la possibilité d'obtenir un poste à durée indéterminée après trois années de travail consécutives lui est devenue impossible. Il souligne qu'il avait déjà accumulé plus de deux années de travail consécutives avant son accident.

[16]    Il demande alors de lui « permettre de réintégrer [ses] fonctions à la date approuvée par [son] médecin, tout en conservant [ses] acquis antérieurs à l'accident au lieu de retomber à zéro; ce qu'[il] 'persiste à percevoir' aussi comme une sanction pécuniaire. ».

[17]    Ce que M. Dion reproche donc maintenant à l'employeur c'est, soit de ne pas l'avoir maintenu à son emploi jusqu'à ce que son médecin approuve son retour au travail, soit de ne pas l'avoir rappelé au travail. Dans son exposé, il dit bien :

[...]

Le refus de mon employeur de me rappeler au travail après le 16 avril 2003 constitue une mesure disciplinaire qui m'est imposé [sic] parce que j'ai observé l'obligation que m'impose le paragraphe (b) de l'article 126(1). J'ai déclaré l'accident de travail conformément aux consignes réglementaires en matières de santé et de sécurité au travail avec les résultats que l'on connaît aujourd'hui:

(i)l'employeur ne m'a jamais rappelé au travail depuis cet accident;
(ii)l'employeur me prive de mes avantages contractuels;
(iii)l'employeur m'empêche de cumuler l'ancienneté nécessaire pour que je puisse obtenir ma permanence.

[...]

[18]    M. Dion allègue une mesure disciplinaire déguisée: « Dire que je n'ai pas été victime d'une mesure disciplinaire aux motifs que les activités du [sic] bateau sur lequel je travaillais a cessé ses opérations le 16 avril 2003 n'est qu'un vil prétexte ». Il demande également que sa plainte soit considérée avoir été faite sous l'article 240 du CCT. La CRTFP n'a pas compétence sous cette disposition du CCT, sa compétence étant limitée à la partie II du CCT.

[19]    Les événements contestés à partir de juin 2003 sont différents de ceux énoncés dans la plainte initiale. Cette dernière n'avait plus de raison d'être dès le mois de mars 2003. M. Dion aurait dû entamer un nouveau recours, puisque le « non-rappel » au travail est un événement distinct et subséquent à la plainte originale.

[20]    Ainsi, je maintiens l'objection préliminaire de l'employeur à la plainte présentée en vertu de l'article 133 du CCT, puisque l'employeur avait remédié à la situation.

[21]    Comme l'article 240 du CCT ne trouve pas application en ce qui concerne M. Dion, celui-ci étant fonctionnaire fédéral au moment de l'accident, je ne peux non plus examiner sa plainte sous cet angle, contrairement à ce qu'il demande dans son exposé.

[22]    L'objection étant maintenue, la plainte est rejetée.

Sylvie Matteau,
présidente suppléante

OTTAWA, le 15 décembre 2004

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