Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Pratique déloyale de travail - Plainte fondée sur l'alinéa 23(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique alléguant une violation du sous-alinéa 8(2)c)(ii) et du paragraphe 10(2) de la Loi - Allégation selon laquelle l'employé a été empêché d'exercer son droit de déposer un grief - Devoir de représentation équitable - le plaignant, un agent de correction, a été suspendu de ses fonctions sans rémunération pour avoir censément dérobé un article dans une pharmacie - il a déposé deux griefs au regard de cette suspension - la défenderesse, représentante régionale de l'agent négociateur et collègue de travail du plaignant, a retiré les griefs parce qu'elle pensait, à tort, que ceux-ci requéraient l'approbation de l'agent négociateur - elle a déposé à la place trois griefs qui reprenaient le libellé des deux premiers - les trois nouveaux griefs ont été néanmoins déposés dans les délais prescrits par rapport à la date d'imposition de la suspension - le plaignant a été représenté par l'agent négociateur dans le processus interne de règlement des griefs qui a abouti à une réduction de la durée de la suspension - les griefs étaient en instance d'arbitrage devant la Commission lorsque les plaintes ont été instruites - le plaignant a allégué que son droit de déposer un grief avait été entravé - le plaignant a également allégué que la défenderesse avait manqué de discrétion en mentionnant la suspension à un collègue et que ce geste, ainsi que le retrait des deux griefs initiaux, constituaient un manquement au devoir de représentation équitable de l'agent négociateur - la Commission a conclu que le retrait par la défenderesse des deux griefs initiaux et leur remplacement par trois nouveaux n'avaient causé aucun préjudice au plaignant - elle a également conclu que la défenderesse n'était pas de mauvaise foi lorsqu'elle a retiré les griefs initiaux ou qu'elle a mentionné à un collègue que le plaignant avait fait l'objet d'une suspension. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Dossier: 161-2-751 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE PAUL D. LLEWELLYN plaignant et LINDA GARWOOD-FILBERT défenderesse AFFAIRE: Plainte fondée sur l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Devant: Rosemary Vondette Simpson, commissaire Pour le plaignant: John Feldsted Pour la défenderesse: David Landry, Alliance de la Fonction publique du Canada Affaire entendue à Winnipeg (Manitoba), le 23 novembre 1995.

Decision Page 1 DÉCISION M. Paul D. Llewellyn a formulé une plainte en vertu de l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la Loi) alléguant que :

[Traduction] La vice-présidente régionale (V.-P.R), Linda Garwood-Filbert, agissant au nom du Syndicat des employés du Solliciteur général, un élément de l'Alliance de la Fonction publique du Canada, a retiré, sans autorisation, directive ou permission du plaignant à cet effet, deux griefs découlant d’une suspension sans salaire de durée indéterminée, griefs que le plaignant avait soumis à l'employeur le 28 décembre 1994.

Au début de l'audience, M. Landry, représentant la défenderesse, et M. Feldsted, représentant le plaignant, m'ont présenté un énoncé conjoint des faits qui se lit comme suit :

[Traduction] 0.1 Paul D. Llewellyn est un agent de correction (CX-1) employé par le Service correctionnel du Canada (ci-après appelé «le SCC») à l'établissement de correction de Stony Mountain et est membre de la section locale 50026 de Stony Mountain du Syndicat des employés du Solliciteur général - AFPC (ci-après appelé le «SESG»).

02. Linda Garwood-Filbert est une agente de correction (CX-2) employée par le SCC à l'établissement de correction de Stony Mountain et est vice-présidente régionale du SESG, SCC (Manitoba) et fiduciaire en chef de la section locale 50026 du SESG à Stony Mountain.

03. Le 22 décembre 1994, M. Llewellyn a été suspendu sans salaire de son poste pour une période indéterminée en attendant les résultats d’une enquête visant à faire la lumière sur des allégations d’inconduite le concernant.

04. Le 22 décembre, l'employeur a demandé à M. Llewellyn, le plaignant, s'il désirait être représenté par le syndicat, invitation que M. Llewellyn a déclinée.

05. Le 28 décembre 1994, M. Llewellyn a communiqué par télécopieur avec M m e Lynn Ray, la présidente nationale du SESG, à Ottawa demandant que cette dernière prenne des dispositions afin d’assurer sa représentation.

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Decision Page 2 06. Le 28 décembre 1994, M. Llewellyn a déposé deux griefs qui ont été remis en main propre aux autorités compétentes de l'établissement de correction de Stony Mountain par M. John Feldsted .

07. Le 29 décembre 1994, ou aux environs de cette date, M m e Garwood-Filbert a retiré les griefs déposés par M. Llewellyn au Service du personnel de l'établissement de Stony Mountain. Le plaignant n'a pas communiqué avec la défenderesse avant le 3 janvier 1995. Le 29 décembre 1994, ou aux environs de cette date, D. Weinez du Service du personnel a communiqué avec la défenderesse au sujet des deux griefs qui avaient été signés par M. Feldsted. D. Weinez a demandé à la défenderesse si M. Felsted était autorisé à signer les griefs, puisqu’il n'était pas un délégué syndical à ce moment. La défenderesse a répondu qu'elle s’informerait et qu'elle donnerait ultérieurement une réponse à D. Weinez. D. Weinez a demandé à la défenderesse de conserver les griefs jusqu'à ce qu'elle ait obtenu une réponse et la défenderesse a bel et bien pris possession des griefs en question.

08. Le 4 janvier 1995, ou aux environs de cette date, M m e Garwood-Filbert, agissant conformément aux instructions de la présidente nationale du SESG, M m e Lynn Ray, a communiqué avec M. Llewellyn pour lui offrir d’être représenté par M. George Burns, un délégué syndical désigné de la section locale 50026 de Stony Mountain ou par M m e Diana Brown, représentante régionale de l’Alliance de la Fonction publique du Canada au bureau régional de Winnipeg. La défenderesse a laissé un message sur le répondeur téléphonique du plaignant le 3 janvier 1995. La défenderesse et le plaignant ont eu des conversations téléphoniques le 4 et le 5 janvier 1995.

09. M. Llewellyn a choisi M m e Brown comme représentante et cette dernière a ensuite déposé de nouveaux griefs au nom de M. Llewellyn le 9 janvier 1995.

Outre l'énoncé conjoint des faits qui précède, des témoignages ont été entendus. Ont témoigné au nom du plaignant : MM. Edward Sokoloff et Jim Patton ainsi que le plaignant lui-même.

M. Edward Sokoloff, un agent de correction de l'établissement de Rockwood, anciennement de l'établissement de Stony Mountain, a témoigné s’être rendu à ce dernier

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Decision établissement en décembre 1994, dans l'exercice de ses fonctions normales. Au moment il a pénétré dans les locaux de l'établissement, il a rencontré M et lui a demandé : «Quoi de neuf?» Celle-ci lui a relaté que M. Llewellyn avait été suspendu de son poste parce qu'il avait censément été surpris en train de voler des marchandises dans un magasin. M. Sokoloff connaissait M avait travaillé avec elle à l'établissement de Stony Mountain pendant la plus grande partie de cette période. Outre leurs relations professionnelles, M. Sokoloff et M entretenaient des relations sociales et les deux étaient amis. M. Sokoloff n’a pas été outré que la plaignante lui communique cette information. Même si le témoin avait travaillé en étroite collaboration avec M. Llewellyn, les deux hommes n'avaient jamais entretenu de relations sociales.

M. Jim Patton, un agent de correction ayant récemment pris sa retraite du Service correctionnel, a témoigné que le 23 décembre 1994, il était en poste dans le vestibule de l'établissement. Ce jour-là, il a entendu malgré lui une partie de la conversation entre M. Sokoloff et M m e Garwood-Filbert. Il a notamment saisi qu’il était question de M. Llewellyn et de la suspension de ce dernier avant que M. Sokoloff et M m e Garwood- Filbert sortent du vestibule et «baissent davantage le ton de leur voix». Cette conversation a eu lieu après que M. Sokoloff eut demandé à M m e Garwood-Filbert : «Quoi de neuf?» M. Patton se montrait amical avec M. Llewellyn au travail, mais n'entretenait pas de véritables relations sociales avec lui. Le 22 décembre, il a vu M. Llewellyn quitter les lieux de travail en sachant pertinemment qu'il avait été renvoyé chez lui.

M. Llewellyn a témoigné être agent de correction depuis environ 11 ans. À l'heure actuelle, il exerce ses fonctions à l'établissement de Stony Mountain. Le 22 décembre 1994, il a été suspendu sans salaire pour une période indéterminée. Il a été convoqué au bureau principal. Lorsqu'il s'est présenté au bureau, deux autres agents de correction se trouvaient déjà ainsi que deux agents de la police de Winnipeg. On lui a alors fait visionner un ruban vidéo qui semblait le montrer en train de voler une boîte de pastilles pour la toux. Il n'a pas demandé la présence d’un représentant syndical à ce moment parce qu'ayant été lui-même délégué syndical, il se sentait en mesure de faire face à la situation. M. Llewellyn a aussi mentionné qu'il n'avait aucune confiance dans son syndicat qui était à ce moment-là en tutelle. Plus tard, il a été interrogé par le directeur sans avoir la possibilité de s'expliquer; ce dernier l’a suspendu sans salaire pour une période

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Page 3 m e Linda Garwood-Filbert m e Garwood-Filbert depuis plus de dix ans et m e Garwood-Filbert

Decision Page 4 indéterminée. Le directeur de l'établissement lui a fait savoir qu'un dénommé Ken Thompson enquêterait sur les allégations en vue d'une éventuelle audience disciplinaire, mais que cette personne était en vacances et n'était pas disponible pour l'instant. M. Llewellyn a donc été suspendu séance tenante. M. Llewellyn s'est senti lésé par la manière dont l'administration s'occupait de son cas. Il se trouvait dans un dilemme en ce qui concerne la possibilité d’être représenté par le syndicat. Il n'avait aucune confiance en M. George Burns qui était le délégué aux griefs affecté à son équipe de travail. Il ne faisait pas non plus confiance aux autres délégués syndicaux ni à M m e Garwood-Filbert. Dans le cas de cette dernière, il a précisé que lorsque M m e Garwood- Filbert était surveillante de correction CX-3, elle lui avait écrit pour obtenir des renseignements sur un revoler de service endommagé. M. Llewellyn s'était alors senti «traité différemment de ses pairs» et avait eu l'impression que cette demande de renseignements de M m e Garwood-Filbert dénotait un comportement discriminatoire à son endroit. Il avait d’ailleurs à l'époque envisagé d'engager des procédures pour harcèlement contre M m e Garwood-Filbert concernant cette affaire d'arme endommagée. Finalement, il avait décidé de s’abstenir. La relation entre M m e Garwood-Filbert et M. Llewellyn était donc mauvaise. Si elle ne lui inspirait pas confiance, le plaignant s’est toujours montré correct et poli avec la défenderesse. Il considérait qu'il y avait un conflit entre le rôle que celle-ci jouait en qualité de surveillante de correction chargée d'enquêter sur l'affaire de l'arme endommagée et son rôle de fiduciaire en chef de la section locale du syndicat.

Le 4 janvier 1995, M. Llewellyn a appris, de M celle-ci avait retiré ses griefs déposés au Service du personnel. M. Llewellyn était très inquiet du traitement qu'on accorderait à ses griefs. En effet, M. Llewellyn, un père célibataire assurant la subsistance de deux enfants, avait été suspendu sans salaire.

M. Llewellyn n'a jamais été reconnu coupable de quoi que ce soit. En fait, les accusations criminelles ont été abandonnées. Quoi qu'il en soit, le montant du présumé vol n'était que de 1,20 $ et il appert que M. Llewellyn avait placé cette somme en monnaie sur le comptoir pour payer pour son achat. Les deux griefs originaux (pièces R-1 et R-2) avaient été signés par M. Llewellyn et M. Felsted agissant en qualité de représentant de M. Llewellyn. Cependant, ils n'ont jamais été signés par l'employeur. Ces deux griefs contestaient la suspension de durée indéterminée. Trois nouveaux griefs (pièces R-3, R-4 et R-5) ont été déposés le 12 janvier 1995. Ces trois griefs déposés le 12 janvier portent sur

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m e Garwood-Filbert elle-même, que

Decision Page 5 la suspension de durée indéterminée et couvrent tous les éléments des deux griefs originaux. Ils étaient en l'espèce pratiquement semblables si l'on fait exception du moment ils ont été déposés. Ces trois griefs ont été déposés le 12 janvier 1995 par M m e Dianna Brown du bureau régional de Winnipeg de l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC). M m e Brown, en plus de déposer ces griefs, a également représenté M. Llewellyn à l'audience disciplinaire devant le directeur de l'établissement le 9 janvier 1995. À cette audience disciplinaire, la suspension de durée indéterminée de M. Llewellyn a été ramenée à une suspension de 15,5 jours. M. Llewellyn n'a aucune plainte à formuler quant à la représentation assurée par M m e Brown aux rencontres du 9 et 28 janvier 1995. Il n'a également aucune plainte à formuler quant à la représentation assurée par M m e Patricia Davis au moment de l’audition de son grief au palier régional à Saskatoon. Il n'a pas non plus de plainte à formuler quant à la manière dont M m e Linda McLaughlin l'a représenté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs à Ottawa. Tout juste avant l'audition du grief au dernier palier de la procédure, la suspension a de nouveau été réduite pour être ramenée cette fois à 10 jours. Ce grief, qui a suivi les différentes étapes de la procédure de règlement des griefs, est maintenant en instance d'arbitrage.

Lorsque M. Llewellyn a rencontré le directeur de l'établissement le 22 décembre 1994, on lui a offert d'être représenté par son syndicat, offre qu'il a déclinée parce qu'il n’avait aucune confiance dans la fiduciaire de la section locale du syndicat. Il n'avait pas non plus confiance dans les délégués syndicaux nommés par les fiduciaires. Lorsque M. Llewellyn a été convoqué par M. Thompson le 8 janvier 1995, il a informé ce dernier qu'il serait accompagné par un représentant syndical. M. Llewellyn a témoigné n'avoir effectué aucune tentative pour communiquer avec M m e Garwood-Filbert entre le 22 décembre 1994, soit la date à laquelle il a été suspendu, et le 4 janvier 1995, soit la date à laquelle elle l’aurait appelé et aurait laissé un message et un numéro de téléphone pour lui sur son système de messagerie téléphonique. Au cours des entretiens entre M m e Garwood-Filbert et M. Llewellyn, les 4 et 5 janvier, il a été établi que ce dernier pouvait être représenté par M. George Burns, un des délégués de la section locale du syndicat, ou par quelqu'un du bureau régional de l’AFPC. M. Llewellyn a alors expédié un message télécopié à M m e Lynn Ray, présidente du Syndicat des employés du Solliciteur général (SESG) lui exposant son problème. M. Llewellyn avait déjà communiqué avec le bureau régional et s'était entretenu auparavant avec M. Larry Gagnon qui est le représentant

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Decision Page 6 régional de l'AFPC. Toutes ces démarches avaient été entreprises avant même qu'il ne s'entretienne avec M m e Garwood-Filbert, les 4 et 5 janvier 1995. En contre-interrogatoire, M. Llewellyn a qualifié de «disciplinaire» la lettre que lui avait acheminée M m e Garwood-Filbert le 8 novembre précédent concernant l'arme endommagée. Il s'oppose au fait qu'en sa qualité de superviseure de correction CX-3, elle lui ait expédié une lettre de cette nature et qu'en même temps, elle soit à la tête de la section locale du syndicat. M. Llewellyn estime que M m e Garwood-Filbert était en situation de conflit d'intérêts. Le témoin a également indiqué ne pas avoir appelé M. Burns entre le moment il a été suspendu le 22 décembre 1994 et le 3 janvier 1995. Il explique ce fait par son désir d’être représenté par une personne plus compétente. M. Llewellyn éprouvait de l'amertume d'avoir été suspendu sans salaire pendant la période de Noël sans avoir droit à une audience disciplinaire et d’avoir attendre le retour de M. Thompson, alors en vacances, pour obtenir une audience disciplinaire.

Au cours d'un réinterrogatoire, M. Llewellyn a utilisé l'expression «retrait des griefs» pour décrire le geste posé par M m e Garwood-Filbert lorsqu'elle a pris possession des documents de grief au Service du personnel. Plus tard, dans le cadre d'un interrogatoire plus serré, le témoin a indiqué qu'il ne se souvenait pas si M m e Garwood-Filbert avait elle- même utilisé le mot «retiré» ou l'expression «pris les griefs» ou si elle avait simplement indiqué avoir enlevé ou pris les griefs. M. Llewellyn a été interrogé au sujet de lettres qu'il aurait écrites à l'AFPC afin de formuler un certain nombre de plaintes précises contre M m e Garwood-Filbert. Lorsqu'il a été interrogé sur les plaintes concernant la conduite de M m e Garwood-Filbert, M. Llewellyn a reconnu ne s’être jamais plaint du «retrait» ou de la «prise» des griefs. M. Llewellyn a reconnu que le 28 décembre, date à laquelle M. Felsted a soumis les deux premiers griefs à l'employeur, il savait que puisqu'il s'agissait d'une question disciplinaire, les griefs ne devaient pas forcément être déposés par un délégué syndical. Il avait toute liberté de désigner le représentant de son choix. On lui a demandé s'il avait ou non informé M m e Garwood-Filbert de ce fait au cours de leurs entretiens des 4 et 5 janvier 1995 et qu'elle lui avait alors indiqué ses inquiétudes concernant la procédure suivie et la nécessité qu'elle percevait de déposer correctement les griefs, puisque M. Felsted n'était pas un délégué syndical. M. Llewellyn a reconnu n’avoir rien dit à M m e Garwood-Filbert à ce sujet lorsqu'il s'est entretenu avec elle les 4 et 5 janvier. M. Llewellyn a invoqué de nouveau son manque de confiance en M m e Garwood-Filbert. Il a Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 7 indiqué clairement qu'elle était la seule personne contre qui ses plaintes étaient dirigées. Il n'avait aucune plainte à formuler sur la manière dont le Syndicat des employés du Solliciteur général (SESG) et l’AFPC ont représenté ses intérêts.

M m e Dianna Brown a ensuite témoigné. M m e Brown était représentante régionale de l'AFPC au bureau régional de Winnipeg au moment des faits en cause. Les deux griefs (pièces R-1 et R-2) ont été acheminés au bureau régional de Winnipeg par télécopieur le 6 janvier 1995. Le 4 janvier, soit avant de recevoir par télécopieur les griefs en question, M m e Brown s'était entretenue avec M m e Garwood-Filbert qui avait téléphoné au bureau régional afin de consulter M. Larry Gagnon, un autre représentant régional. À ce moment, M m e Garwood-Filbert avait mentionné à M m e Brown s'être entretenue auparavant avec quelqu'un de l'élément SESG à Ottawa. Des dispositions avaient été prises par l'entremise de M. Mike McTaggart, directeur de l'Organisation, AFPC, afin qu'un des représentants régionaux représente M. Llewellyn. L'affaire a été attribuée à M m e Brown. On a donc demandé à M m e Dianna Brown si M m e Garwood-Filbert lui avait dit quoi que ce soit au sujet du «retrait» des griefs de M. Llewellyn, question à laquelle elle a répondu par la négative. On lui a aussi demandé si quelqu’un, à quelque moment que ce soit, lui avait indiqué quoi que ce soit concernant une allégation selon laquelle M m e Garwood-Filbert aurait retiré les griefs de M. Llewellyn, question à laquelle elle a également répondu par la négative. Le 12 janvier 1995, elle a déposé trois griefs (pièces R-3, R-4 et R-5). Ces griefs avaient été signés par elle et par M. Llewellyn. M m e Brown et M. Gagnon avaient discuté du libellé des griefs et avaient apporté quelques modifications aux griefs originaux. M. Llewellyn a indiqué que le nouveau libellé ne lui posait aucun problème. M m e Brown a représenté M. Llewellyn le 9 janvier 1995 à l'audience disciplinaire et l'a également représenté devant le directeur de l'établissement vers la fin de janvier.

Argumentation du plaignant Le représentant du plaignant fait valoir qu'on a tenté de nuire à l’exercice du droit de M. Llewellyn de déposer un grief. Le dépôt rapide du grief était impérieux puisque M. Llewellyn avait été suspendu sans salaire et qu'il disposait de ressources financières limitées. Il existait une animosité personnelle entre M. Llewellyn et M m e Garwood-Filbert. Après sa suspension le 22 décembre 1994, il n'y a eu aucune communication entre M. Llewellyn et M m e Garwood-Filbert ou entre le plaignant et tout autre dirigeant de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 8 section locale et ce jusqu'au 4 janvier 1995, soit 13 jours plus tard. M. Llewellyn avait déposé ses griefs le 28 décembre 1994 et il croyait qu'on s'en occuperait pendant qu'il prenait des dispositions pour être représenté par quelqu'un du syndicat. M m e Garwood- Filbert a retiré les griefs de M. Llewellyn du Service du personnel et les a gardés. Le représentant du plaignant m'exhorte à en conclure que M m e Garwood-Filbert ne voulait pas que les griefs originaux soient traités. M m e Garwood-Filbert aurait tenté de nuire à l'exercice des droits de M. Llewellyn. Puisque les griefs de M. Llewellyn étaient de nature disciplinaire, ils n'avaient pas à être approuvés par le syndicat. Le représentant fait valoir que les mesures prises par M m e Garwood-Filbert à l’égard des griefs de M. Llewellyn constituent une infraction au sous-alinéa 8(2)c)(ii) de la Loi. Puisque les griefs de M. Llewellyn n'avaient pas à être appuyés par le syndicat, pas plus qu'ils n'étaient déposés au nom du syndicat, M m e Garwood-Filbert n'avait aucun droit de se saisir de ces documents. À cause des gestes posés par M m e Garwood-Filbert, l'employeur a disposé de plus de temps pour répondre aux griefs.

Avant le 6 janvier 1995, les griefs étaient la propriété de M. Llewellyn et l'agent négociateur n'étant pas une partie à ces griefs, il n'avait aucun droit de se saisir de ces documents.

Bien que le syndicat ne puisse empêcher les rumeurs de courir sur les lieux de travail, c'est faire preuve de bien peu de jugement pour un dirigeant syndical que de contribuer à la propagation de rumeurs concernant des allégations d’inconduite. Un dirigeant syndical qui agit ainsi peut être accusé de mauvaise foi, ce qui constitue une infraction au paragraphe 10(2) de la Loi. M. Felsted demande donc que j'émette les ordonnances demandées dans la plainte, plus particulièrement les ordonnances numéros 1 et 3.

Argumentation de la défenderesse Le représentant de la défenderesse fait valoir que M. Llewellyn n'a subi aucun préjudice du fait du retard dans le traitement de ses griefs. L'audience disciplinaire n'a eu lieu que le 9 janvier 1995. À la suite de cette audience, on lui a permis de réintégrer son poste dès le lendemain. Il n'a jamais été question de retirer les griefs.

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Decision Page 9 Après que les griefs originaux (pièces R-1 et R-2) eurent été télécopiés à M m e Dianna Brown le 6 janvier 1995, le libellé en a été modifié et il a été décidé de formuler trois griefs plutôt que deux. Cette décision découlait d'une discussion entre M. Gagnon et M m e Brown. Toute déclaration faite à M. Sokoloff par la défenderesse portait sur des faits qui relevaient du domaine public. En fait, de manière réaliste, lorsqu'un employé est renvoyé chez lui du lieu de travail, il est normal que les gens se posent des questions (Qu'est-ce qui se passe?) et il est donc normal qu'on réponde à de telles questions.

Motifs de décision Le sous-alinéa 8(2)c)(ii) et le paragraphe 10(2) de la Loi se lisent comme suit : 8.(2) Sous réserve du paragraphe 3(3), il est interdit : c) de chercher, notamment par intimidation, par menace de destitution ou par l'imposition de sanctions pécuniaires ou autres, à obliger un fonctionnaire : (ii) à s'abstenir d'exercer tout autre droit que lui accorde la présente loi.

10.(2) Il est interdit à l'organisation syndicale, ainsi qu'à ses représentants, d'agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation des fonctionnaires qui font partie de l'unité dont elle est l'agent négociateur.

Selon M. Llewellyn, M m e Garwood-Filbert a retiré les griefs qu'il avait soumis le 28 décembre 1994. En fait, ces griefs n'ont jamais été retirés.

L'employeur n'a jamais signé les documents confirmant la réception des griefs initiaux. Ces griefs ont simplement été reformulés et séparés en trois griefs distincts. Tous les témoins conviennent que ces trois griefs étaient, quant au fond, les mêmes que les premiers. Le bureau du Service du personnel s'est inquiété de la possibilité qu’ils soient invalides compte tenu que le syndicat ne les avait pas appuyés. En réaction à cette inquiétude, M m e Garwood-Filbert s’est saisie des griefs et a cherché à obtenir des éclaircissements sur ce point. Ses agissements ne reflètent aucune mauvaise foi. En fait, aucun des délais prévus n'a été dépassé. Les griefs ont franchi tous les paliers de la procédure de règlement des griefs et sont maintenant en instance d'arbitrage. M. Llewellyn n'a subi aucun préjudice du fait que les trois griefs remplaçant les deux premiers ont été déposés plus tard. Rien n'indique que la reformulation des deux griefs initiaux en trois

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Decision Page 10 griefs actuellement en instance d'arbitrage n'ait causé quelque préjudice que ce soit au plaignant.

C'est le 29 décembre 1994, ou aux environs de cette date, que M m e Garwood-Filbert a «pris» les griefs. Le week-end du Nouvel an a suivi avec ses congés habituels qui ont pris fin le 2 janvier 1995. Le 3 janvier, M m e Garwood-Filbert a laissé un message à M. Llewellyn sur son répondeur. Le 4 janvier, elle a de nouveau téléphoné à M. Llewellyn et elle s'est entretenue avec M m e Brown du bureau régional afin de prendre les dispositions nécessaires pour que M. Llewellyn soit représenté par ce bureau.

Puisque M. Thompson, à qui l'on avait confié l'enquête disciplinaire, était en vacances, l'audience disciplinaire n'a pas eu lieu avant le 9 janvier 1995. M. Llewellyn a été autorisé à reprendre le travail le lendemain. Rien n'indique que cette audience aurait pu être tenue plus tôt si les griefs initiaux étaient demeurés au bureau du personnel.

M m e Garwood-Filbert était la fiduciaire en chef de la section locale du syndicat et elle était donc logiquement la personne avec laquelle le Service du personnel devait communiquer afin d'obtenir des précisions sur les griefs de M. Llewellyn. Lorsqu'elle a entrepris de se pencher sur la question de la validité des griefs de M. Llewellyn, elle s'acquittait de ses fonctions syndicales en son nom. Comme l'ont confirmé les événements subséquents, ces griefs n'appartenaient pas à une catégorie exigeant le soutien du syndicat.

Ce n'est pas avant le 4 janvier 1995 que M. Llewellyn a appris que M m e Garwood- Filbert avait été impliquée dans le traitement de ses griefs. Au moment cette dernière l'a informé de ce fait, elle l'a également avisé qu'il pourrait être représenté par quelqu'un n'appartenant pas à la section locale. Des dispositions avaient en effet été prises afin que le plaignant puisse être représenté par quelqu'un du bureau régional plutôt que par quelqu'un de la section locale. Ce même jour, M m e Garwood-Filbert a également communiqué avec M m e Brown du bureau régional pour discuter de ces dispositions. Il semble que M m e Garwood-Filbert ait fait preuve de diligence dans la représentation des intérêts de M. Llewellyn et ait même agi avec beaucoup d'empressement en son nom.

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Decision Page 11 Le fond des deux griefs initiaux a été intégré dans le nouveau libellé des trois griefs distincts. M. Llewellyn a témoigné qu'il était heureux du nouveau libellé et les a signés. Il était également heureux de la représentation assurée par M m e Brown et par les autres personnes qui l'ont représenté aux différents paliers de la procédure de règlement des griefs. Il m'est donc impossible de souscrire à l'argumentation selon laquelle les droits de propriété de M. Llewellyn dans les griefs en question ont été violés de quelque manière. Je ne peux non plus souscrire à l'argumentation selon laquelle les gestes de M m e Garwood- Filbert, au moment elle a informé M. Solokoff de la suspension de M. Llewellyn, constituaient une infraction aux dispositions de la Loi invoquées par le plaignant. D'autres personnes savaient qu'il avait été renvoyé chez lui. Rien n'indique qu'il y ait eu mauvaise foi de la part de M m e Garwood-Filbert. Après examen de toute la preuve, j'en viens donc à la conclusion qu'il n'y a pas eu d'infraction au sous-alinéa 8(2)c)(ii) ni au paragraphe 10(2) de la Loi.

Rose-Marie Vondet Simpson commissaire

Ottawa, le 31 janvier 1996. Traduction certifiée conforme

Serge Lareau

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