Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Santé et sécurité au travail - Refus de travailler - Licenciement - Plainte fondée sur l'article 133 de la Partie II du Code canadien du travail - la requérante, qui était atteinte de troubles de la santé liés à l'environnement, a refusé pour la troisième fois de travailler, invoquant la partie II du Code canadien du travail (le Code) - le même jour, l'employeur l'a licenciée - la requérante s'est plainte en vertu de l'article 133 du Code - l'employeur a convenu qu'il lui incombait d'établir que le licenciement ne constituait pas des représailles du fait que la requérante s'était prévalue du droit de refuser de travailler que lui accordait la partie II du Code - la preuve a établi que les tests de la qualité de l'air exécutés au lieu de travail de la plaignante ne révélaient aucun résultat en dehors des niveaux acceptables - l'employeur a soutenu que le refus de travailler de la plaignante n'était pas motivé par une croyance de bonne foi que sa santé était réellement en danger - l'employeur a fait valoir que, au fil des ans, il avait à maintes reprises tenté de composer avec les troubles de santé de la requérante, qui n'avait pas coopéré - la Commission a décidé que la plainte n'était pas fondée - la Commission a conclu que le troisième refus de la plaignante constituait un abus du Code et une utilisation frivole des droits qu'il lui accordait, et qu'elle ne voulait plus travailler. Plainte rejetée. Décisions citées : Hutchinson (165-2-113); Cross et Pike (165-2-82); Kasper et Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et Association unie des compagnons et apprentis de l'industrie de la plomberie et de la tuyauterie des États-Unis et du Canada, section locale 257 (dossier du CCRT 950-195), le 11 décembre 1992, décision no 979; Ladouceur (166-2-43); et Simon, Fontaine et Gélinas et Société canadienne des postes (dossier du CCRT 950-218), le 29 janvier 1993, décision no 988.

Contenu de la décision

Dossier : 160-2-52 Code canadien du travail, Devant la Commission des relations partie II de travail dans la fonction publique ENTRE CHARLOTTE HUTCHINSON plaignante et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Environnement Canada)

employeur AFFAIRE : Plainte fondée sur l'article 133 du Code canadien du travail Devant : J. Barry Turner, commissaire Pour la plaignante : Gary Bannister, Alliance de la Fonction publique du Canada Pour l’employeur : Harvey Newman, avocat Affaire entendue à Darthmouth (Nouvelle-Écosse), les 25 et 26 novembre 1997.

DÉCISION M me Charlotte Hutchinson, une technicienne en génie de l’environnement, Section de lutte contre la pollution des eaux, Environnement Canada, Dartmouth (Nouvelle-Écosse) a présenté une plainte contre Environnement Canada en vertu du paragraphe 133(1) du Code canadien du travail (le Code), partie II.

Sa plainte, datée du 29 avril 1997, est formulée comme suit : [Traduction] Par les présentes, je dépose une plainte contre Environnement Canada en vertu de l’article 133 du Code canadien du travail, partie II, à la suite de mon refus de travailler le 21 avril 1997.

Il y a une longue histoire à la présente situation, mais j’estime que les documents suivants suffiront à au moins entamer la plainte :

- lettre de M. MacDonald à M. John Clarke, datée du 21 juin 1996 - une décision rendue par l’ARS le 14 avril 1997 - la lettre en date du 17 avril 1997 que Garth Bangay m’a adressée - la lettre en date du 21 avril 1997 que Garth Bangay m’a adressée - la lettre en date du 22 avril 1997 que j’ai envoyée à Garth Bangay - la lettre datée du 22 avril 1997 que j’ai adressée à Glenn Grandy - la lettre datée du 22 avril 1997 que Garth Bangay m’a adressée - la lettre en date du 23 avril 1977 que j’ai envoyée à Garth Bangay

Les responsables locaux du Programme de travail, DRHC ont essayé d’amener Environnement Canada à suspendre mon licenciement au moins jusqu’au règlement de mon dernier refus de travailler à l’immeuble Queen Square, mais EC n’a pas voulu le faire. Ils donnent un « sens » particulier à leurs actions, et ils n’établissent aucun lien entre mon licenciement et mon refus de travailler.

Il y a des preuves nombreuses et cohérentes comme quoi Queen Square me rend (ainsi que d’autres employés) malade, en dépit du fait qu’on n’a pas encore réussi à le prouver selon les critères du CCT. Garth Bangay se comporte de façon irresponsable et répréhensible lorsqu’il affirme que le lieu de travail ne constitue pas un danger pour les employés, comme il l’a fait dans la lettre qu’il m’a envoyée le 17 avril 1997.

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Décision Page 2 La lettre du 21 avril qu’il m’a adressée est également une déformation créative de la vérité. Ce qu’une personne ne connaissant pas bien la situation conclurait d’emblée de sa présentation des «faits » serait tout à fait erroné. J’espère que dans vos rapports avec les gestionnaires et le personnel des ressources humaines d’Environnement Canada vous ne perdrez pas de vue le fait que l’information qu’ils vous donneront sera probablement sélective et biaisée. Assurez-vous d’obtenir ma version des faits (qui est abondamment documentée!) avant de rendre une décision.

Il est intéressant de noter que, selon le dernier rapport de Santé Canada en date de juin 1996, je suis apte au travail sauf que je ne puis travailler dans les immeubles l’air est pollué comme à Queen Square. J’ignore mes supérieurs ont puisé leur expertise médicale pour affirmer que je suis inapte au travail maintenant, et que je le serai pour un avenir prévisible.

Quoi qu’il en soit, et quel que soit le « sens » que le Ministère veut donner à ses actions, il est clair que si je n’étais pas tombée malade à Queen Square le 21 avril 1997 et que si je n’avais pas retiré mes services comme j’avais le droit de le faire en vertu du CCT, on ne m’aurait pas licenciée le 22 avril 1997. Pour conserver mon emploi, il aurait fallu que je demeure dans un immeuble qui me rend malade, ce dont mon ministère était parfaitement au courant, et que je devienne de plus en plus malade au point de ne plus pouvoir fonctionner. Il n’y a vraiment pas moyen de s’en sortir, me semble-t-il.

J’attends votre réponse avec impatience. Mme Hutchinson est atteinte de troubles de la santé liés à l’environnement. Le paragraphe 133(1) du Code est ainsi libellé : 133.(1) L'employé peut présenter une plainte écrite au Conseil au motif que son employeur a pris, à son endroit, des mesures contraires à l'alinéa 147a) parce qu'il s'était prévalu de l'article 128 ou 129.

L’alinéa 147a) du Code est ainsi formulé : 147. Il est interdit à l'employeur: a) de congédier, suspendre, mettre à pied ou rétrograder un employé ou de lui imposer une sanction financière ou autre ou de refuser de lui verser la rémunération afférente à la période au cours de laquelle il aurait travaillé s'il ne s'était pas prévalu des droits prévus par la présente partie, ou de

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Décision Page 3 prendre -- ou menacer de prendre -- des mesures disciplinaires contre lui parce que:

(i) soit il a témoigné -- ou est sur le point de le faire -- dans une poursuite intentée ou une enquête tenue sous le régime de la présente partie,

(ii) soit il a fourni à une personne agissant dans l'exercice de fonctions attribuées par la présente partie un renseignement relatif aux conditions de travail touchant sa sécurité ou sa santé ou celle de ses compagnons de travail,

(iii) soit il a observé les dispositions de la présente partie ou cherché à les faire appliquer;

Le paragraphe 128(1) du Code prévoit ce qui suit : 128.(1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l'employé au travail peut refuser d'utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose ou de travailler dans un lieu s'il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas:

a) l'utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui-même ou un autre employé;

b) il y a danger pour lui de travailler dans le lieu. M e Newman reconnaît que, en vertu du paragraphe 133(6), le fardeau de la preuve incombe à l’employeur; il prouvera selon la prépondérance des probabilités qu’il n’y a pas eu de violation de la Loi, dit-il.

Le paragraphe 133(6) prévoit ce qui suit : 133. [...] (6) Dans toute plainte faisant état d'une violation, par l'employeur, de l'alinéa 147a), la présentation même d'une plainte constitue une preuve de la violation; il incombe dès lors à la partie qui nie celle-ci de prouver le contraire.

M e Newman soutient que M me Hutchinson a déposé sa plainte après avoir été licenciée pour incapacité par le directeur général régional en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques le 21 avril 1997. Il démontrera que son licenciement ne constitue pas des représailles déguisées pour avoir refusé de travailler en invoquant le Code, ce qui était son droit. La fonctionnaire, ajoute-t-il, avait déjà refusé de travailler à deux autres occasions.

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Décision Page 4 M. Bannister s’oppose puisque le seul incident dont je suis saisi est celui qui a mené à la présente plainte; autrement dit, le refus de travailler de la fonctionnaire le 21 avril 1997.

M e Newman soutient qu’il y a lieu d’établir les motifs qui ont incité l’employeur à licencier la fonctionnaire, puisqu’il ne s’agit pas d’une décision qu’il a prise dans le feu de l’action. Il se réfère à la plainte elle-même l’on peut lire au paragraphe 2 : [traduction] « [...] il y a une longue histoire à la présente situation. [...] ». Je remarque que le paragraphe six la fonctionnaire dit notamment que sa version des faits est «abondamment documentée » étaye l’argument de M e Newman selon lequel il y a lieu d’examiner la genèse de l’affaire.

M e Newman soutient que l’affaire dont je suis saisi n’est pas une plainte valide déposée en vertu du paragraphe 133(1), car l’employeur ne reconnaît pas que M me Hutchinson a agi conformément aux articles 128 ou 129 du Code, puisqu’il s’agit de son troisième refus de travailler au même endroit, pour les mêmes raisons, semble-t-il. Aux termes de l’article 128, dit-il, la plaignante devait avoir des motifs raisonnables de croire qu’il y avait un danger pour elle de travailler dans l’immeuble en question afin de refuser de travailler le 21 avril 1997. La décision, datée du 23 septembre 1996, que j’ai rendue dans l’affaire Hutchinson (dossier 165-2-113), soutient-il, s’appliquait lorsque la plaignante a refusé de travailler la première fois. Lorsque M me Hutchinson a refusé de travailler la deuxième fois, l’employeur a demandé la révision de la décision qu’avait rendue l’agent de sécurité Thibault en novembre 1996 et dans laquelle il avait conclu que M me Hutchinson avait eu raison de refuser de travailler; l’agent régional de sécurité (ARS) qui a révisé cette décision, M. Douglas Malanka, a infirmé, le 14 avril 1997 (pièce E-33), la décision de M. Thibault. M. Malanka a conclu que, en novembre 1996, il n’existait aucune preuve de l’existence d’un danger au sens du Code. Quelques heures à peine après avoir repris son travail saisonnier le 21 avril 1997 à l’immeuble Queen Square, la cliente a invoqué le Code pour refuser de travailler une troisième fois, mais il n’existait aucun danger. La plaignante devait se présenter au travail le 1 er avril 1997, mais elle ne l’a fait qu’après que l’ARS eut produit son rapport. Le 17 avril, on lui a dit qu’elle devait retourner au travail. Elle a été rémunérée à compter du 1 er avril. Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 5 M e Newman n’affirme pas que M me Hutchinson n’est pas malade; il soutient plutôt qu’il n’y a pas de danger pour elle à son lieu de travail et qu’elle ne satisfait donc pas aux critères préalables au dépôt d’une plainte. Même si sa plainte était valide, poursuit-il, rien ne permet de conclure que l’employeur l’a licenciée par représailles pour avoir exercé son droit d’invoquer le Code.

M e Newman signale qu’on ne me demande pas de déterminer si la décision de l’employeur de licencier la fonctionnaire était correcte, mais plutôt de décider si elle a été prise en guide de représailles aux termes de l’alinéa 147a) du Code.

Selon M. Bannister, tout ce que j’ai à décider c’est si la fonctionnaire avait le droit de refuser de travailler sans être congédiée, comme le prévoit l’alinéa 147a). Elle a refusé de travailler le 21 avril 1997 et l’employeur l’a licenciée le jour même.

1. M. Garth Bangay est directeur général de la région de l’Atlantique, à Environnement Canada, depuis avril 1995, et il est responsable d’environ 350 employés. Il a avisé la plaignante de retourner au travail le 21 avril 1997 dans une lettre datée du 17 avril 1997 (pièce E-1). Elle est retournée à son poste, mais elle a retiré ses services pour des raisons de santé vers midi le 21, et l’employeur l’a licenciée le jour même (pièce E-2). Le témoin était au courant de certains de ses antécédents professionnels, mais il ne connaissait pas la fonctionnaire personnellement. En 1996, l’employeur avait mis en place, à l’immeuble Queen Square, une politique visant à créer un milieu sans odeurs de façon à aider M m e Hutchinson pendant que des rénovations étaient effectuées à l’immeuble. M. Bannister s’oppose à ces questions en faisant valoir que les antécédents professionnels de M me Hutchinson ne sont pas pertinents en l’occurrence. Je lui ai donné en partie raison, mais j’ai ajouté que, sans un certain éclairage sur la genèse de la décision, je ne saurais décider si l’employeur a agi ou non par représailles. Il a dit comprendre le dilemme dans lequel je me trouvais. J’ai signalé que la plaignante avait elle-même fait allusion à la genèse de l’affaire dans sa plainte.

Lorsque la plaignante est retournée au travail en mai 1996, elle a écrit à son superviseur, M. John Clark, une lettre (pièce E-3) que M. Bangay a trouvé instructive et utile pour comprendre son état de santé. Il a également reconnu une lettre de suivi écrite en juin (pièce E-4) dans laquelle on précise que l’Institut océanographique de

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Décision Page 6 Bedford (IOB) est un endroit « sûr » pourrait travailler la fonctionnaire. M m e Hutchinson, a-t-on suggéré, pourrait travailler à l’entrepôt de l’Institut (pièce E-5). Le D r K. MacDonald, des Services de santé de Santé Canada, l’a jugée apte à travailler à certaines conditions, en juin 1996 (pièces E-6 et E-7). M. John Clark a écrit à la plaignante le 4 juillet 1996 pour lui dire que l’Institut ne convenait pas et pour lui offrir de lui avancer des crédits de congé de maladie si nécessaire (pièce E-8). Un autre bureau situé boulevard Akerley, à Dartmouth, ne lui convenait pas non plus (pièce E-9). En juillet 1996, la fonctionnaire a déménagé temporairement de l’immeuble Queen Square pour s’installer de l’autre côté de la rue, à Belmont House, dont les locaux étaient partagés avec le ministère des Anciens combattants. Dans la pièce E-10, la fonctionnaire a fait savoir qu’elle ne demanderait pas la permission de travailler à la maison, c’est-à-dire de faire du télétravail.

M. Bannister s’est opposé à toutes ces précisions sur les antécédents de travail de la fonctionnaire, qu’il juge sans rapport avec la présente affaire, mais il admet que l’employeur a essayé de composer avec la situation de M me Hutchinson.. Les choses n’ont pas fonctionné à l’immeuble Belmont House (pièce E-11). Le 31 juillet 1996, la plaignante a été avisée que les tests menés à l’immeuble Queen Square satisfaisaient aux normes de santé et de sécurité et qu’elle pouvait donc y travailler; on lui a en outre dit qu’il lui faudrait peut-être demander des prestations d’assurance-invalidité ou envisager de faire du télétravail (pièce E-12). M me Hutchinson a retiré ses services la première fois le 31 juillet 1996 (pièce E-13). Le 6 août 1996 (pièce E-14), M. John Clark a écrit à M. Guilcher, gestionnaire, Division de la réduction de la pollution, à propos des exigences de la plaignante concernant sa santé. M. Bangay est devenu préoccupé par la sécurité de la fonctionnaire, spécialement aux emplacements industriels.

Le témoin savait par ailleurs que l’agent de sécurité R. Muzzerall avait conclu qu’il n’existait aucun danger lorsque la plaignante avait retiré ses services la première fois (pièce E-15). Le 11 août 1996, M me Hutchinson a écrit à l’agent de sécurité Michael S. de la Ronde pour lui dire qu’elle ne voulait plus travailler du tout à l’immeuble Queen Square, pas plus d’ailleurs qu’à l’entrepôt Burnside et dans les laboratoires d’Environnement Canada (pièce E-16). M. Bangay y a vu une escalade de toute l’affaire, puisqu’il semblait maintenant que tous les lieux de travail étaient

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Décision inacceptables pour la fonctionnaire. Le 9 septembre 1996 (pièce E-17), M a suggéré qu’on lui aménage un bureau satellite; elle a offert de payer les frais de location, mais l’employeur a jugé la suggestion inacceptable.

M e Newman rappelle à M. Bangay la décision que j’ai rendue dans l’affaire Hutchinson (supra) et par laquelle j’ai confirmé la décision qu’avait rendue l’agent de sécurité Muzzerall, à savoir qu’il n’existait aucun danger pour la plaignante.

Le 1 er octobre 1996, M. Kozak, directeur associé, région de l’Atlantique, a demandé à la plaignante de retourner au travail (pièce E-19).

Le 29 septembre 1996, M me Hutchinson a écrit au bureau du ministère à Hull (Québec) pour demander si on la punissait et pourquoi elle ne pouvait pas faire du télétravail à partir d’un autre bureau (pièce E-20). M. Bangay a répondu qu’on ne la punissait pas et que le télétravail devait s’effectuer depuis le domicile du fonctionnaire. Ce n’est pas ce qu’elle demandait. M me Hutchinson a de nouveau retiré ses services le 1 er octobre 1996 (pièce E-21). M. de la Ronde lui a écrit le 2 octobre 1996 (pièce E-22) pour l’informer qu’elle devait demander à faire du télétravail. La plaignante a répondu le 3 octobre 1996 (pièce E-23) en faisant mention de l’enquête sur la mine Westray, une situation désastreuse en Nouvelle-Écosse que M. Bangay trouvait troublante. M me Hutchinson a en outre mentionné un sondage auprès des employés concernant lequel il savait peu de choses; dans la pièce E-23, elle a également fait des commentaires qu’il a trouvés irrationnels.

M. Bangay a reconnu une lettre datée du 25 octobre 1996 que M avait écrite à M. André Gauthier, superviseur intérimaire (pièce E-24), indiquant qu’elle n’était pas prête à venir travailler à l’immeuble Queen Square, qu’elle n’avait pas présenté de demande de télétravail et qu’elle ne semblait plus disposée à faire du travail sur le terrain non plus.

Le témoin a reconnu un certain nombre de documents constituant la pièce E-25, notamment une lettre datée du 18 octobre 1996 du D travail et de l’hygiène du milieu, Santé Canada, qui dit notamment ce qui suit :

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Page 7 me Hutchinson

m e Hutchinson

r Kirkbride, Services de santé au

Décision Page 8 [Traduction] [...] Je suis d’avis que, pour des raisons médicales, M m e Hutchinson est incapable de travailler efficacement à l’immeuble Queen Square, et j’estime qu’il est raisonnable de sa part de refuser de travailler d’ici à ce que son état de santé s’améliore. Cela étant dit, je n’ai aucune raison d’affirmer que ce lieu de travail est d’aucune façon insatisfaisant ou dangereux pour d’autres employés, et je ne fais pas de recommandations à propos des études environnementales qu’il y aurait lieu de mener à l’avenir ou concernant les modifications à apporter au lieu de travail précis de M m e Hutchinson ou à l’immeuble Queen Square en général. Dans une seconde lettre du D r Kirkbride, celle-là datée du 25 octobre 1996, on peut lire ce qui suit (pièce E-25) :

[Traduction] J’aimerais apporter des éclaircissements à propos de la lettre que je vous ai adressée le 18 octobre 1996.

La cause de la maladie de Mme Hutchinson n’est pas du tout claire. Dans ma lettre, je n’ai pas voulu laisser entendre que l’immeuble Queen Square était responsable de sa maladie. Le fait d’être exposée à ce lieu de travail aggrave ses troubles de santé actuels, et c’est pourquoi j’ai affirmé qu’il était raisonnable pour elle de refuser d’y travailler d’ici à ce que son état de santé s’améliore.

La plaignante, d’expliquer M. Bangay, refusait de faire du télétravail et l’employeur ne pouvait rénover l’immeuble Queen Square. De plus, l’agent de sécurité R. Thibault a conclu le 12 novembre 1996 qu’il existait à l’immeuble Queen Square un problème qui faisait qu’il était dangereux pour la fonctionnaire d’y travailler (pièce E-25), même si M. Robert Reid, un technologue en hygiène industrielle, avait conclu, après avoir effectué des tests les 4, 7, 8 et 29 octobre 1996, qu’il n’y avait pas de danger. M. Reid a formulé sa conclusion générale dans les termes suivants :

[Traduction] Conclusion générale Je conclus de l’ensemble de l’étude qu’il n’existait, les jours les tests ont été effectués, aucun contaminant ni aucune condition dans les secteurs de l’immeuble visés pouvant normalement constituer un danger pour les employés.

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Décision Page 9 Le 18 novembre (pièce E-26), M. Bangay a demandé une révision de la décision de M. Thibault.

La plaignante, de poursuivre le témoin, n’a pas travaillé du tout après le 1 er octobre 1996, mais elle a été rémunérée jusqu’à la fin de décembre 1996. Ses gestionnaires voulaient licencier M m e Hutchinson en octobre 1996, mais il voulait pour sa part étudier sa situation une fois de plus. Il s’est entretenu avec le D r MacDonald pour en apprendre davantage sur les problèmes de santé liés à l’environnement. Le corps médical, a-t-il appris, n’arrive pas à identifier clairement les causes, et il peut donc difficilement avancer une solution. La situation lui semblait alors sans issue.

Le 2 décembre 1996, M. Ken Hamilton, directeur régional de la Protection de l’environnement, Environnement Canada a avisé M m e Hutchinson qu’elle ne devait pas se présenter au travail à l’immeuble Queen Square (pièce E-28). Le 17 février 1997 (pièce E-29), M m e Hutchinson a écrit à M. Roger Percy, un gestionnaire intérimaire à Environnement Canada, pour lui dire qu’elle pourrait avoir besoin d’une roulotte pouvant être attachée à sa voiture lorsqu’elle doit effectuer des voyages de plusieurs jours sur le terrain, vu les difficultés qu’elle éprouvait dans les hôtels/motels, et aussi pour l’informer qu’une retraite pour raisons médicales était une possibilité dans son cas. L’employeur ne s’opposait pas à une retraite pour raisons médicales (pièce E-30), mais il ne lui appartenait pas d’amorcer les démarches en ce sens. (En fait, M me Hutchinson a présenté une telle demande uniquement après avoir été licenciée (pièce E-35)).

M. Bangay a reconnu une lettre datée du 27 mars 1997 que M. Ken Hamilton avait adressée à M me Hutchinson (pièce E-31) pour lui rappeler que la date prévue de son retour au travail était le 1 er avril 1997 et qu’elle devait effectuer à son domicile les heures de travail qu’elle aurait normalement faites à l’immeuble Queen Square. M. Bangay a reconnu sur la pièce E-31 des notes manuscrites, qu’il pensait être de la main de M m e Hutchinson, faisant allusion à du « harcèlement ». M. Bangay a nié qu’il s’agissait de harcèlement, puisque la fonctionnaire avait un travail à accomplir et que l’employeur s’attendait à ce qu’elle s’acquitte de ses fonctions. Le 29 mars 1997, M m e Hutchinson a répondu à M. Sinc Dewis, qui était probablement lui aussi un gestionnaire intérimaire, pour lui faire part de ses craintes à propos de l’éventualité de travailler à la maison (pièce E-32).

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Décision Page 10 M. Bangay a ajouté : [traduction] « Nous étions à court de solutions à ce moment-là, puisque M m e Hutchinson n’était pas disposée à travailler ». Le rapport de l’agent régional de sécurité qui a infirmé la décision de M. Thibault a été communiqué le 14 avril 1997 (pièce E-33). Aux pages 7 et 8, on peut y lire ce qui suit :

[Traduction] [...] Par conséquent, je ne conclus pas que les lettres du D r Kirkbride confirment qu’il existait pour M m e Hutchinson une situation dangereuse à l’immeuble Queen Square, ni qu’il y a un lien de cause à effet entre le danger et le lieu de travail.

Voici plutôt ce que j’ai constaté : selon la preuve présentée, l’employée a des problèmes de santé, ses symptômes s’aggravent avec le temps et elle éprouve ces problèmes tant à différents endroits de travail qu’à la maison. D’après les tests menés à l’immeuble Queen Square, le lieu de travail ne présente rien d’anormal, et il n’y a pas eu d’infraction au Code et au règlement. Aucun des médecins consultés ni l’agent de sécurité ne sont en mesure de préciser à l’employeur la cause spécifique de l’aggravation, ou le lien entre l’aggravation des symptômes qu’éprouve M m e Hutchinson et le lieu de travail. Tout ce que l’on peut affirmer du point de vue médical, comme l’indique le rapport du D r MacDonald, c’est que les problèmes de santé sont réels et non imaginaires, que les causes sont inconnues et que le stress est peut-être un facteur qui entre en ligne de compte. Rien de ce qu’a fait Environnement Canada n’a pu éclaircir la situation ou apporter quelque indice que ce soit quant à ce qui aggrave les problèmes de santé de M m e Hutchinson à l’immeuble Queen Square. La solution que propose le D r Kirkbride est de permettre à M m e Hutchinson de travailler à la maison.

Par conséquent, je conclus que les faits de la présente affaire ne confirment pas l’existence pour M m e Hutchinson d’un danger dans le lieu de travail, puisque ces faits ne satisfont pas aux exigences de l’article 122 (définition de danger) et de l’alinéa 128(1)b) du Code. En clair, je n’affirme pas que les problèmes de santé de M m e Hutchinson ne sont pas réels. Cependant, d’ici à ce que l’on puisse établir qu’il existe un danger réel dans le lieu de travail au moment l’agent de sécurité mène son enquête et qu’il y a un lien médical ou scientifique permettant d’établir un lien de cause à effet entre l’environnement et la possibilité d’un danger imminent pour la santé de M m e Hutchinson, je conclus que le prétendu danger Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 11 échappe aux dispositions du Code canadien du travail. À mon avis, l’agent de sécurité Thibault n’a pas tenu pleinement compte de ces faits lorsqu’il a conclu qu’il existait pour M m e Hutchinson un danger parce qu’elle a un problème de santé qui fait en sorte que le lieu de travail à l’immeuble Queen Square présente un danger pour elle.

M. Bangay estimait que ce processus avait été utile puisqu’il avait été mené de façon indépendante. Il a conclu que l’employeur avait fait tout ce qu’il pouvait pour la plaignante et qu’il pouvait maintenant envisager qu’elle ne reviendrait plus jamais au travail. M. Bangay m’a rappelé qu’il avait informé M m e Hutchinson le 17 avril 1997 (pièce E-1) que si elle ne revenait pas au travail elle pourrait être licenciée, ce qu’il n’avait jamais fait auparavant.

La plaignante, par une note manuscrite adressée à M. Dave Aggett (pièce E-34), a retiré ses services pour des raisons de santé le 21 avril 1997 à 12 h 05, et elle a été licenciée le même jour (pièce E-2) parce qu’elle ne semblait pas capable d’exercer les fonctions de son poste.

Le 22 avril 1997, la plaignante a répondu à M. Bangay (pièce E-35); elle a fait état d’un certain nombre de plaintes de harcèlement non réglées qu’elle avait déposées et dont le témoin était au courant. Elle a envoyé une copie de la pièce E-35 à 21 personnes. M. Bangay n’était pas disposé à revenir sur sa décision de la licencier (pièce E-36), ce qui a amené une autre réponse de M me Hutchinson (pièce E-37). Cette dernière a depuis présenté un grief concernant son licenciement.

M. Bangay a affirmé qu’il n’avait pas été troublé par le troisième refus de travailler de la fonctionnaire, mais qu’il avait été déçu puisque M tout simplement pas en mesure de faire son travail. Le télétravail aurait peut-être fonctionné dans son cas, mais il n’était pas disposé à louer et à rénover des locaux séparés pour elle.

En contre-interrogatoire, M. Bangay a déclaré qu’il était en voyage à Ottawa le 21 avril 1997 et que M. Ken Hamilton lui a téléphoné pour revoir la lettre de licenciement de M m e Hutchinson (pièce E-2). Si elle n’avait pas retiré ses services, elle n’aurait pas été licenciée, précise-t-il. Personne ne lui a jamais dit qu’elle ne faisait pas du bon travail, ou qu’elle ne travaillait pas aux emplacements industriels, mais elle ne

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m e Hutchinson n’était

Décision Page 12 s’acquittait pas de ses obligations. M. Bangay n’a pas visité les lieux de travail qu’on avait envisagés pour M me Hutchinson. Pour ce qui est de la création d’un lieu de travail exempt d’odeurs, le témoin a déclaré qu’il n’y avait aucune règle écrite à ce sujet, et que chacun y allait donc de sa propre solution.

L’employeur, d’ajouter le témoin, a fait tout ce qu’il pouvait pour s’adapter à la situation de M m e Hutchinson, surtout qu’il n’y avait aucune cause connue à ses problèmes. Il n’a jamais parlé à M me Hutchinson et il estimait que les avis médicaux qu’il avais reçus en avril 1997 étaient suffisants. À propos de la lettre du D r MacDonald (pièce E-7), M. Bangay a fait les observations suivantes : il a essayé en vain de lui trouver un autre lieu de travail; il a demandé au personnel de ne rien porter qui dégageait des odeurs; il a effectué ce qu’il est convenu d’appeler des rénovations « écologiques » à l’immeuble Queen Square; il a donné instruction au personnel d’entretien d’utiliser des linges humides pour le nettoyage; il a déplacé le photocopieur; il n’était pas en mesure de lui donner un bureau avec fenêtre ouvrable; il lui a fourni un purificateur d’air et un respirateur; et il a examiné les possibilités du télétravail.

Le témoin Bangay a déclaré que même lorsque la fonctionnaire a refusé de faire du travail sur le terrain, il n’a pris aucune mesure parce qu’il cherchait encore une solution à tout cet imbroglio pour les deux parties. Il s’est accordé du temps pour trouver une solution et il ne se serait pas opposé à une demande de retraite pour raisons médicales.

Le 21 avril 1997, d’ajouter le témoin, si M me Hutchinson avait été alitée, il ne l’aurait pas licenciée. Toutefois, elle avait déjà à deux reprises refusé de travailler par le passé, la CRTFP ayant tranché la première affaire, et l’agent régional de sécurité ayant eut à faire enquête sur le second refus de travailler. Même si elle était encore en droit de refuser une troisième fois de travailler, on lui avait dit que si elle quittait le travail une fois de plus sans motif raisonnable, elle serait licenciée.

M. Bangay ne connaissait pas très bien le Code et ses règlements, et il savait peu de choses à propos du comité mixte de santé et de sécurité. Il savait que le comité se réunissait tous les mois et que le personnel avait accès aux procès-verbaux. Le

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Décision Page 13 comité s’est penché uniquement sur la politique concernant un milieu de travail libre d’odeurs. Il a trouvé intéressant le sondage sur les questions de santé mené auprès du personnel et il ne l’a pas rejeté.

M e Newman s’est opposé à ces questions, qu’il a qualifiées de non pertinentes puisque tout ce que j’ai à décider, dit-il, c’est si la décision de l’employeur de licencier la fonctionnaire avait été prise par représailles ou non. M. Bannister a affirmé qu’il cherchait simplement à offrir la défense la plus large possible à tous les éléments de preuve de l’employeur. J’ai accordé une certaine latitude à M. Bannister.

M. Bangay a affirmé qu’à ce qu’il sache, les évaluations de rendement de la plaignante étaient bonnes; par contre, [traduction] « elle ne se présentait pas au travail et elle ne s’acquittait pas des obligations de son poste, et elle ne voulait plus faire son travail ». Même M me Hutchinson, d’ajouter le témoin, reconnaissait que sa situation se détériorait, et elle a refusé de faire des voyages sur le terrain le 25 octobre 1996 (pièce E-24). M. Bangay n’a pas trouvé très convaincantes les raisons qu’elle a avancées dans la pièce E-24 pour refuser de travailler. Cela faisait partie de la nature de ses fonctions qu’on pût lui téléphoner au milieu de la nuit, et M. Bangay a convenu qu’il était possible que sa santé s’améliore.

À propos du fait que, dans la pièce E-31 datée du 27 mars 1997, on a dit à M m e Hutchinson de travailler à son domicile, M. Bangay a reconnu qu’il s’agissait d’une lettre inhabituelle, mais qu’il avait été avisé par l’avocat du ministère que, puisque l’ARS n’avait pas encore rendu sa décision, il n’y avait pas d’autre solution pour le moment que de faire travailler la fonctionnaire à la maison ou sur le terrain.

Selon M. Bangay, M me Hutchinson ne voulait pas faire de télétravail parce qu’elle ne voulait pas être éloignée de ses collègues et qu’elle ne voulait pas que son travail empiète sur sa vie familiale, même si les télétravailleurs viennent périodiquement au bureau. Lorsque, dans la pièce E-31, l’employeur a donné instruction à M me Hutchinson de travailler chez elle, il ne s’agissait pas de télétravail; de plus, à la place de M me Hutchinson, M. Bangay aurait examiné sérieusement la possibilité qui lui était offerte dans la pièce E-31.

2. M. Glenn Grandy, un agent des affaires du travail, Développement des ressources humaines Canada (Programme Commission des relations de travail dans la fonction publique

de travail), interprète le Code

Décision Page 14 quotidiennement, et il a été appelé à intervenir lorsque la plaignante a refusé de travailler le 21 avril 1997 en vertu de l’article 128 du Code. L’employé, explique-t-il, qui a un problème devrait d’abord chercher à le régler avec son superviseur; s’il n’obtient pas gain de cause, il doit ensuite faire appel à un représentant de la sécurité au travail, ou à quelqu’un comme lui. Le 21 avril, M. Michael de la Ronde lui a téléphoné. Par la suite, M. Grandy a téléphoné à la plaignante, qui lui a dit qu’elle était devenue congestionnée. Les 21 et 22 avril, on a effectué à l’immeuble Queen Square des tests sur la qualité de l’air ambiant qui n’ont révélé aucune irrégularité.

M. Grandy n’avait jamais vu qui que ce soit se faire licencier pour avoir exercé son droit de refuser de travailler.

Lorsque M. Bannister a demandé à M. Grandy combien de fois un employé pouvait invoquer son droit de refuser de travailler, M e Newman s’est opposé à la question en faisant valoir que cela revenait à demander un avis juridique à M. Grandy, ce qui n’était pas son rôle. Je lui ai donné raison.

Le témoin a reconnu avoir déjà traité avec des employés qui avaient invoqué leur droit de refuser de travailler à plus d’une reprise pour les mêmes motifs. À sa connaissance, aucune de ces personnes n’avait jamais fait l’objet de mesures disciplinaires.

Dans d’autres immeubles du gouvernement, M. Grandy a fait enquête sur des plaintes de fonctionnaires qui trouvaient l’air de l’immeuble sec et qui avaient les yeux qui piquaient; ces conditions, a-t-il dit, pouvaient changer de jour en jour. Il a appris en fin de journée le 21 ou le 22 avril que M m e Hutchinson avait été licenciée. Le fait qu’on ait infligé une sanction disciplinaire à quelqu’un dans les circonstances l’a surpris, mais on lui a dit que ce n’était pas le motif réel de cette décision.

En contre-interrogatoire, M. Grandy a déclaré qu’il avait parlé avec quelques membres du personnel des mesures disciplinaires imposées à M m e Hutchinson. Il a dit à M e Newman que ce serait une erreur d’infliger une peine en vertu du Code, et il a ajouté qu’il considérait les mesures prises en l’occurrence par l’employeur comme une sanction disciplinaire. Par contre, a-t-il ajouté, [traduction] « on peut licencier quelqu’un pour d’autres raisons ». Le témoin était au courant des autres refus de travailler de la fonctionnaire, ainsi que des décisions rendues par l’ARS et la CRTFP,

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Décision Page 15 mais ces antécédents n’avaient eu aucun effet sur son dernier refus. M. Grandy a répété que les tests effectués les 21 et 22 avril n’avaient révélé aucune anomalie.

Argumentation de l’employeur M e Newman me rappelle ses propos introductifs et soutient que l’affaire dont je suis saisi ne constitue pas une plainte régulière en partant, puisque M me Hutchinson n’avait pas de motif raisonnable de croire que, le 21 avril 1997, il existait un danger pour sa santé et sa sécurité. Il admet, cependant, que le seuil d’admissibilité d’une plainte est très bas. Pourtant, la plaignante n’a pas réussi à franchir ce seuil puisqu’elle ne réagissait pas à un danger véritable pour elle. M me Hutchinson s’est obstinée à ne pas vouloir travailler, et elle aurait savoir que sa situation ne constituait pas un danger au sens du Code le 21 avril 1997.

M me Hutchinson, de soutenir M e Newman, a reçu à la suite de son second refus la décision de l’ARS qui a infirmé la décision rendue par M. Thibault, et pour la troisième fois elle a refusé de travailler. Une employée, conclut-il, ne peut sans cesse invoquer le Code pour ne pas avoir à travailler tout en continuant d’être rémunérée. La fonctionnaire utilisait le Code pour se protéger et elle ne peut maintenant l’invoquer pour prétendre que l’employeur a agi par représailles à son endroit.

M e Newman reconnaît que la qualité de l’air peut changer d’une journée à l’autre, mais il n’était pas raisonnable de supposer qu’il y avait un danger le 21 avril. M me Hutchinson jouait un jeu, dit-il, et sa plainte devrait être rejetée. Il me renvoie à l’affaire Kasper et Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et Association unie des compagnons et apprentis de l’industrie de la plomberie et de la tuyauterie des États-Unis et du Canada, section locale 257 (dossier du CCRT 950-195), le 11 décembre 1992, décision n o 979. M e Newman accepte le fardeau de la preuve à établir d’après la prépondérance des probabilités et me demande d’examiner attentivement les faits, spécialement ceux dont la plaignante fait état dans ses lettres, puisque celle-ci y fait preuve d’une attitude négative et qu’elle ne s’est pas acquittée de ses fonctions pendant presqu’une année, même si ses fonctions sont saisonnières et qu’elle ne travaille pas en janvier, en février ou en mars.

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Décision Page 16 L’avocat fait valoir que M. Bangay a été très patient avec M me Hutchinson en reconnaissant qu’elle avait des problèmes de santé. L’employeur a adopté une politique visant à faire du milieu de travail un lieu sans odeurs et a tenté de lui trouver un autre endroit pour travailler, mais elle a érigé des obstacles à tous les tournants. Rien ne semblerait faire son affaire. Il ajoute que pour s’adapter à une situation, il faut que chacun y mette du sien, et que la fonctionnaire n’a même pas témoigné à l’audience et qu’elle n’était pas disposée à faire la moindre concession. M. Bangay est même allé voir le D r MacDonald. L’employeur reconnaissait que M me Hutchinson était malade, mais celle-ci ne pouvait continuer de refuser de travailler et d’être rémunérée, puisqu’une personne n’a pas le droit de conserver indéfiniment son emploi si elle ne travaille pas. L’employeur, de conclure M e Newman, est devenu de plus en plus désespéré puisqu’elle ne faisait que provoquer des affrontements et ne coopérait pas avec lui. M e Newman me rappelle que dans les trois cas aucun des tests, dont ceux sur la qualité de l’air, n’a révélé quoi que ce soit d’anormal, et que le dernier refus de la fonctionnaire ne découlait pas d’un danger dans le lieu de travail; il tenait plutôt à la motivation de M me Hutchinson, qui ne voulait tout simplement pas travailler.

M. Bangay était sincère et il a mis beaucoup de temps à décider des mesures à prendre, mais à la fin, cela n’a servi à rien puisque M vouloir faire quoi que ce soit pour conserver son emploi.

M e Newman me renvoie à la jurisprudence suivante : Bonfa (dossier de la Commission 160-2-32); Dragseth c. Canada (Conseil du Trésor), (C.A.F.), 1991; Koller (dossier de la Commission 160-2-27); Paquet (dossier de la Commission 160-2-25). Argumentation de la plaignante M. Bannister reconnaît que le fardeau de la preuve incombe à l’employeur et que l’alinéa 147a) est très explicite.

Il se reporte à la pièce E-1, page 2, qu’on peut interpréter comme une menace :

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me Hutchinson ne semblait plus

Décision Page 17 [Traduction] Je vous informe par la présente que vous devez vous présenter au travail à votre poste assigné au 4 e étage à l’immeuble Queen Square, à 8 h le 21 avril 1997. Si vous ne vous présentez pas au travail, vous risquez d’être licenciée en vertu de l’alinéa 11(2)g) de la Loi sur la gestion des finances publiques, qui confère à l’employeur le pouvoir de licencier un fonctionnaire qui est déclaré incapable de s’acquitter des fonctions de son poste.

M. Bannister me rappelle que la plaignante n’a fait l’objet d’aucune évaluation de rendement négative, d’aucun rapport négatif quant à son travail sur le terrain, d’aucun rapport selon lequel elle ne pouvait faire de travail de laboratoire. De plus, les difficultés soulevées à propos des hôtels/motels n’ont été mentionnées que dans certaines des lettres de M me Hutchinson admises en preuve. Le représentant me renvoie à l’affaire Ladouceur (dossier de la Commission 166-2-43), dans laquelle il est fait état d’une menace voilée ou d’intimidation; selon M. Bannister, c’est précisément la situation en l’espèce. M. Bannister me renvoie aux affaires suivantes :

Nolin et Gauthier et VIA Rail Canada Inc. (dossier du CCRT 950-96, 78 di 211), le 31 octobre 1989, décision n o 761; Simon, Fontaine et Gélinas et Société canadienne des postes, (dossier du CCRT 950-218; 91 di 1), le 29 janvier 1993, décision n o 988; Malboeuf et Canadien National, Montréal (Québec), (dossier du CCRT 950-99; 78 di 150), le 28 septembre 1989, décision n o 757; Bérubé et Canadien National, (dossier du CCRT 950-167, 84 di 170), le 12 mars 1991, décision n o 858; Finley et VIA Rail Canada Inc., (dossier du CCRT 950-231; 88 di 173), le 21 juillet 1992, décision n o 948. M. Bannister soutient qu’une partie importante des éléments de preuve dont j’ai été saisi sont sans rapport avec une plainte fondée sur l’article 133 du Code, et que les décisions antérieures rendues en matière de santé et de sécurité au travail sont

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Décision Page 18 également non pertinentes, puisque l’employeur est tenu de réagir à un nouveau refus de travailler de la façon indiquée par M. Grandy.

Il me rappelle que la pièce E-9 montre clairement que l’employeur ne voulait pas composer avec la situation de la fonctionnaire en lui permettant de travailler dans les entrepôts, et que la pièce E-1 constituait une menace à l’endroit de la fonctionnaire si elle ne se présentait pas au travail. Elle s’est présentée au travail le 21 avril et ses problèmes de santé ont surgi de nouveau, et elle avait donc des motifs raisonnables de croire qu’il existait un danger pour elle. Finalement, de soutenir le représentant, l’employeur l’a pénalisée, en contravention de l’article 147 du Code.

Réfutation de l’employeur En guise de réfutation, M e Newman souligne que rien n’indique que l’employeur considérait M me Hutchinson comme un cas problème ou comme un cas d’insubordination, mais elle était assurément obstinée. Tous les éléments de preuve qui m’ont été présentés, soutient-il, ont servi à montrer que le licenciement de la fonctionnaire fut un processus lent qui s’est étendu sur une longue période.

L’avocat me renvoie à l’affaire Kasper (supra) dans laquelle l’arbitre a conclu que M. Kasper ne faisait que se protéger en invoquant les mots magiques du Code, en l’occurrence l’article 128, ce que M me Hutchinson cherche à faire devant moi. M e Newman signale en outre que toute la jurisprudence invoquée par M. Bannister porte sur des affaires mettant en cause des mesures disciplinaires sous une forme ou sous une autre.

Il termine en concluant qu’on devait démontrer que l’immeuble Queen Square était dangereux, et que la direction, n’ayant aucune raison de croire que les conditions dans l’immeuble avaient changé, avait pris les mesures qui s’imposaient. Aucune des preuves qu’il a produites ne va dans le sens de mesures de représailles, et l’avocat me demande de rejeter la plainte.

Décision M me Hutchinson a déposé auprès de la Commission une plainte fondée sur l’article 133 du Code.

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Décision Page 19 On me demande de déterminer si la décision de l’employeur de licencier la fonctionnaire pour avoir refusé de travailler le 21 avril 1997 en vertu de l’article 128 du Code, pour la troisième fois en neuf mois, constituait des représailles au sens de l’alinéa 147a) du Code. En vertu du paragraphe 133(6) du Code, la charge de la preuve incombe à l’employeur. J’estime que l’employeur s’est acquitté de cette charge; autrement dit, il n’y a pas eu d’infraction à l’alinéa 147a) du Code.

Au début de l’audience, M. Bannister a fait valoir qu’il n’y avait pas lieu de brosser un long portrait des antécédents de travail de la plaignante, en remontant jusqu’à son premier refus de travailler le vendredi 2 août 1996, refus dont il est question dans la décision Hutchinson (supra). Je ne suis pas d’accord. Comme l’a soutenu M e Newman, afin d’analyser la décision de l’employeur il était nécessaire d’exposer les efforts que celui-ci avait faits à la lumière du Code, ainsi que les obligations de l’employeur face à un refus de travailler.

Dans sa plainte, M m e Hutchinson dit elle-même qu’il y a « une longue histoire à la présente situation » et que sa version des faits est « abondamment documentée ». L’employeur, pour justifier les mesures qu’il a prises et le moment il les a prises, devait forcément faire état de toute la genèse de l’affaire.

Dans la décision antérieure que j’ai rendue dans Hutchinson (supra), j’ai conclu ce qui suit à la page 13 :

En outre, l’employeur a effectivement tenté de répondre aux besoins de M m e Hutchinson, en lui offrant divers emplacements de travail ainsi que le télétravail, en rénovant l’immeuble Queen Square d’une façon respectueuse de l’environnement, en l’embauchant comme employée saisonnière, en retirant l’imprimante au laser de son bureau, en installant le principal photocopieur dans une pièce distincte, et en encourageant un milieu de travail sans odeurs au moyen d’affiches.

Entre le 23 septembre 1996, date la décision précitée a été rendue, et le 21 avril 1997, la plaignante a également refusé de travailler le 1 er octobre 1996 (pièce E-21), le jour M. Kozak, directeur associé, région de l’Atlantique (pièce E-19) lui a ordonné de retourner au travail. Le 12 novembre 1996, l’agent de sécurité Thibault a conclu que la fonctionnaire avait eu raison de refuser de travailler, même si le technologue en hygiène industrielle, M. Robert Reid, avait conclu, après avoir

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Décision Page 20 effectué des tests de la qualité de l’air intérieur à l’immeuble Queen Square les 4, 7, 8 et 29 octobre 1996, ce qui suit :

[Traduction] Je conclus [...] qu’il n’existait, les jours les tests ont été effectués, aucun contaminant ni aucune condition dans les secteurs de l’immeuble visés pouvant normalement constituer un danger pour les employés.

Le 14 avril 1997, l’ARS Malanka (pièce E-33) a infirmé la décision rendue par M. Thibault. Le troisième refus de travailler de la plaignante a également coïncidé avec la date de son retour au travail, c’est-à-dire le 21 avril 1997.

M. Bangay, que j’ai trouvé sincère, crédible et très patient avec la plaignante, spécialement à la lumière de sa visite au D r MacDonald dans le but d’en apprendre davantage au sujet des causes et des symptômes des manifestations d’intolérance au milieu et des solutions possibles à ce problème, a expliqué les efforts que l’employeur avait déployés en vue de répondre aux besoins de la plaignante. L’employeur a notamment proposé d’autres lieux de travail, et il a à plusieurs occasions suggéré à M m e Hutchinson de faire du télétravail. L’employeur, par l’intermédiaire de M. Bangay, était aussi disposé à étudier, de la part de la plaignante, une demande de retraite pour raisons médicales. Elle a toutefois attendu d’être licenciée pour présenter une demande en ce sens et elle l’a fait en passant, sans trop de sincérité, à mon avis, dans une lettre datée du 22 avril 1997 (pièce E-35) dans laquelle on peut notamment lire ce qui suit à la page 2, paragraphe 6 : [traduction] « [...] si la direction estime qu’un licenciement est justifié, alors je demande qu’on étudie la possibilité que je puisse prendre une retraite pour raisons médicales. Si besoin est, veuillez considérer la présente comme une demande en ce sens. » L’employeur a par ailleurs été très généreux envers la fonctionnaire en la rémunérant intégralement pour les périodes pendant lesquelles elle ne travaillait pas durant sa période d’emploi saisonnier.

Ce que nous avons ici, c’est un cas classique d’abus du Code pour justifier un refus de travailler et une utilisation frivole des droits conférés par le Code. Dans l’une de ses lettres, en l’occurrence une lettre d’octobre 1996 admise en preuve sous la cote E-23, la plaignante fait référence d’une manière insensible au désastre survenu à la mine Westray. À mes yeux, cela est le fait d’une employé qui a perdu contact avec la

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Décision Page 21 réalité, qui se comporte d’une manière troublante, et qui cherche quelqu’un ou quelque chose à blâmer parce qu’elle ne travaille pas.

Déjà, le 25 octobre 1996, dans une lettre adressée à M. André Gauthier, un gestionnaire intérimaire, la fonctionnaire avait fait savoir qu’elle ne voulait pas retourner à l’immeuble Queen Square, ni même se préparer à faire des voyages sur le terrain, lorsqu’elle a écrit qu’elle « refusait respectueusement tout travail ».

Même si le D r Kirkbride, dans sa deuxième lettre datée du 25 octobre 1996 (pièce E-25), a expliqué que le fait d’être exposée à l’air ambiant de l’immeuble Queen Square aggravait son état de santé, la plaignante a refusé d’envisager le télétravail aussi longtemps que son état de santé ne se serait pas amélioré. Je peux comprendre son point de vue, mais son obstination a rendu impossible le processus normal de concessions mutuelles et rendu la tâche de l’employeur très difficile. Son offre de payer le loyer d’un bureau était inacceptable à l’employeur. Au bout du compte, elle ne voulait tout simplement pas travailler, et elle a utilisé le Code comme moyen frivole de parvenir à ses fins. Lorsque, en février 1997, elle a demandé qu’on lui fournisse une roulotte à attacher à sa voiture pendant ses voyages sur le terrain afin d’éviter d’avoir à coucher dans certains motels ou hôtels qui auraient pu nuire à sa santé, le besoin exprimé frisait l’exagération.

M. Bangay a clairement expliqué que la plaignante n’avait pas été licenciée à cause de son mauvais travail, mais parce que pour la troisième fois elle avait refusé de s’acquitter des obligations de son poste et qu’elle « ne voulait plus faire son travail » le 21 avril 1997.

Il est intéressant de noter que les tests de la qualité de l’air effectués les 21 et 22 avril 1997 à l’immeuble Queen Square n’ont révélé aucune irrégularité ni anomalie.

Dans ma décision Hutchinson (supra), je me suis reporté aux propos suivants que l’arbitre Young avait fait valoir au sujet du Code dans l’affaire Cross et Pike (dossier de la Commission 165-2-82) :

[...] Ce droit prévu par le Code doit cependant être exercé judicieusement; il ne doit pas devenir un moyen de pression ni d’expression du mécontentement des employés. Tout exercice frivole de ce droit ne peut que diluer et affaiblir l’efficacité et l’importance de la loi. On peut finir, par de tels

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Décision Page 22 abus, à jeter le discrédit sur cette protection durement acquise.

Comme dans Kasper (supra), M m e Hutchinson cherche simplement à utiliser le Code pour justifier son refus de travailler, et en prononçant les mots magiques prévus à l’article 128 du Code elle a voulu échapper à ses obligations; ce faisant, elle a jeté le discrédit sur cette disposition. En fait, je dirais que dans les circonstances son refus équivaut à un acte d’inconduite.

Il n’y a devant moi absolument aucune preuve permettant de conclure que le licenciement de la fonctionnaire après son refus de travailler prenait valeur de représailles. Contrairement à ce que l’arbitre a conclu dans Ladouceur (supra), je ne crois pas que l’employeur ait proféré des menaces voilées à l’endroit de la plaignante, pas plus qu’il ne l’a intimidée. L’employeur voulait simplement qu’elle s’acquitte de ses fonctions et il s’attendait à ce qu’elle le fasse. De plus, contrairement à ce qui a été conclu dans l’affaire Simon (supra), l’employeur n’a pas « contourné tout le système en prenant immédiatement des mesures disciplinaires contre les employés en cause » (page 11 dans 90 di 130). Pendant plusieurs mois, il a fait tout ce qu’il pouvait pour essayer de répondre aux besoins de M m e Hutchinson. Pour tous ces motifs, je conclus que la plainte doit être rejetée puisque l’employeur n’a pas violé l’alinéa 147a) du Code en usant, tel qu’on l’a allégué, de représailles à l’endroit de M me Hutchinson. En abusant du paragraphe 128(1) du Code, la plaignante a simplement amené l’employeur à la conclusion inexorable qu’elle n’avait guère l’intention de s’acquitter des fonctions de son poste.

J. Barry Turner, commissaire OTTAWA, le 14 janvier 1998.

Traduction certifiée conforme Serge Lareau

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