Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Défaut de l'employeur de mettre en application une convention collective dans le délai prévu - Prorogation du délai prévu pour mettre en application une convention collective - Groupe Exploitation - Articles 21 et 57 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) - l'employeur n'a pas appliqué la convention collective du groupe Exploitation dans le délai de quatre-vingt-dix jours prévu par l'article 57 de la LRTFP - au cours de cette période, l'employeur s'est rendu compte qu'il ne pourrait pas respecter le délai prévu par la loi et il a pris les mesures suivantes : il a approuvé de nombreuses heures supplémentaires facultatives en plus du travail à la maison, il a reporté la plupart des congés discrétionnaires, il a temporairement réaffecté du personnel au service de la rémunération, il a accordé des heures de tranquillité afin de permettre au personnel de travailler sans interruption et il a accordé la plus haute priorité aux tâches relatives à la mise en application de la convention - l'employeur a en outre présenté, au cours de la période de quatre-vingt-dix jours, une demande de prorogation du délai prévu pour mettre en application la convention collective du groupe Exploitation - la convention collective a été appliquée intégralement 12 jours après l'expiration du délai prévu par la loi - l'employeur a soutenu que les problèmes de mise en application n'étaient pas prévisibles et qu'il n'avait fait preuve d'aucune négligence ou incompétence - l'agent négociateur a répondu que, s'il avait fait preuve de diligence, l'employeur aurait pu prévoir les problèmes qui l'attendaient - la Commission a prorogé le délai prévu pour mettre en application la convention du groupe Exploitation. Demande de prorogation agréée. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Dossiers : 148-2-367 151-2-13 151-2-14

Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE LE CONSEIL DU TRÉSOR employeur et L'ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA agent négociateur AFFAIRE : Demandes de prorogation de délai présentées par l'employeur en vertu de l'article 57 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et plaintes déposées par l'agent négociateur en vertu de l'article 21 de la LRTFP

Devant : Yvon Tarte Pour l’employeur : Raymond Piché Pour l’agent négociateur : Edith Bramwell Affaire entendue à Ottawa (Ontario), le 31 août 1999

Décision DÉCISION Page 1 DÉCISION Il s’agit ici de deux demandes présentées par l’employeur en vertu de l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) pour proroger le délai prévu pour la mise en application de la convention collective du groupe de l’exploitation (table II) et de la convention collective du groupe Services correctionnels (CX). La présente a aussi pour objet deux plaintes déposées par l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’Alliance) en vertu de l’article 21 de la LRTFP concernant le défaut de l’employeur de mettre en application les conventions collectives susmentionnées de la façon prescrite par la loi.

Aux termes de l’article 57 de la LRTFP, les parties à une convention collective sont tenues, lorsque la convention ne prévoit aucun délai, d’en appliquer les dispositions dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date de sa signature. De plus, l’article 57 autorise les parties à une convention collective à convenir d’un délai plus long et, en l’absence d’une telle entente, autorise la Commission à fixer un délai plus long sur demande de l’une ou l’autre des parties.

Selon la preuve produite à l’audience, la convention de la table II a été signée le 16 avril 1999, tandis que la convention du groupe CX est entrée en vigueur par décret le 30 mars 1999. Ainsi, le délai de quatre-vingt-dix jours pour la convention de la table II a expiré le 15 juillet 1999 et celui de la convention CX, le 29 juin 1999.

À la demande des parties, les quatre affaires ont été regroupées pour les besoins de l’audience. Un seul témoin, M. Tom Smith, directeur de l’Administration de la paye à la Division des relations de travail du Conseil du Trésor, a été cité à témoigner. Voici le résumé de son témoignage.

Au début de juillet 1999, le ministère de la Défense nationale et le ministère des Pêches et Océans ont informé le Conseil du Trésor qu’ils ne seraient pas en mesure de mettre en application la convention collective de la table II dans le délai prescrit par la loi. Immédiatement le Conseil du Trésor s’est mis à la tâche avec ces ministères afin de cerner les problèmes et de trouver des solutions.

Plusieurs problèmes ont rapidement été relevés. Dans bien des cas, les fonctionnaires à qui l’on devait de l’argent avaient été en grève pendant la période de rétroactivité. Il fallait traiter leurs dossiers séparément. De plus, la convention de la

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Décision Page 2 table II était extrêmement difficile à mettre en application à cause des changements apportés aux zones de la paye, aux taux régionaux et aux taux horaires.

De plus, l’employeur devait faire face à l’application successive et rapide de plusieurs autres conventions collectives. La conjugaison de ces facteurs a créé une charge de travail incroyable pour les agents des finances des ministères.

La plupart des avantages sociaux prévus par les deux conventions collectives ont été mis en œuvre dans le délai de quatre-vingt-dix jours. Les arrérages portaient principalement sur la rémunération des heures supplémentaires dont le traitement devait être effectué manuellement par les agents des finances des ministères, ce qui prenait en général entre un et deux jours de travail par compte.

Afin de terminer la mise en application de la convention collective de la table II, l’employeur a approuvé de nombreuses heures supplémentaires facultatives en plus du travail à la maison, a reporté la plupart des congés discrétionnaires, a temporairement réaffecté du personnel au service de la rémunération, a accordé des heures de tranquillité afin de permettre aux agents des finances de travailler sans interruption et a accordé la plus haute priorité aux tâches relatives à la mise en application de la convention.

La mise en application de la convention collective conclue à la table II a été achevée le 27 août 1999. Bien que l’employeur ait tenu les ministères au courant de leur obligation aux termes de l’article 57 de la LRTFP, il n’avait pas en place un système automatisé officiel pour suivre la mise en application des diverses conventions collectives.

Avant de signer les conventions de la table II et du groupe CX, l’employeur a étudié la question de savoir s’il pouvait les mettre en application dans le délai prescrit. Il estimait pouvoir le faire dans le délai de quatre-vingt-dix jours prévu par la loi. Il était convaincu de pouvoir y parvenir parce qu’il avait réussi à le faire pour la convention collective de la table I, qui regroupait quelque 85 000 fonctionnaires. Malheureusement, la fatigue s’est installée et le travail nécessaire à la mise en application intégrale des conventions de la table II et du groupe CX n’a pu être terminé à temps.

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Décision Page 3 Avant de demander la prorogation du délai le 14 juillet 1999, l’employeur a communiqué avec l’Alliance afin de discuter du problème et de la possibilité d’une prolongation.

En ce qui a trait à la convention collective du groupe CX, les difficultés de mise en application étaient en gros les mêmes que celles rencontrées pour la table II. La situation est toutefois différente ici puisque l’employeur ne s’est rendu compte qu’il n’avait pas respecté le délai qu’une fois celui-ci échu.

Six cents comptes CX de la région de l’Atlantique sur une population CX totale d’environ 6 000 n’ont pu être terminés à temps. La mise en application de la convention collective CX a été terminée le 16 août 1999. Ici encore, lorsqu’on l’a mis au courant de la situation, l’employeur a approuvé de nombreuses heures supplémentaires facultatives, a permis aux employés de travailler à la maison, a emprunté du personnel d’autres régions et a réaffecté les ressources du secteur des finances afin de terminer la mise en application de la convention CX le 16 août 1999. Service correctionnel Canada a été lent à réagir dans ce cas.

Plaidoiries des parties L’employeur soutient que les difficultés de mise en œuvre qui ont surgi dans ces deux cas n’étaient pas facilement prévisibles. De plus, l’employeur a pu, en l’occurrence, être trop optimiste du fait qu’il avait réussi à mettre en application la convention collective conclue à la table I.

La convention collective négociée à la table II présentait des problèmes de mise en œuvre extrêmement complexes. L’employeur ne s’est pas conduit de manière négligente ou incompétente. Dans Le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (dossier de la Commission 151-2-12), le président suppléant Chodos (tel était alors son titre) a autorisé la prolongation du délai pour la mise en application de plusieurs conventions collectives dans des circonstances semblables.

Il était impossible pour l’employeur de prévoir tous les problèmes qui surgiraient dans la mise en application des conventions collectives de la table II et du groupe CX. Pas plus qu’il n’était possible de prédire le niveau de fatigue qui s’installerait parmi les agents des finances ministériels.

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Décision Page 4 L’agent négociateur maintient que l’employeur savait ou aurait savoir qu’il ne pouvait respecter le délai de quatre-vingt-dix jours prévu pour la mise en application et qu’il aurait soulever la question à la table de négociation.

Comme dans Le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (dossier de la Commission 151-2-7), l’employeur a une fois de plus manqué de prévoyance. S’il avait fait preuve de diligence raisonnable il aurait su quels problèmes l’attendaient. Le lourd fardeau de démontrer que les problèmes qui ont entraîné les retards de mise en application n’auraient pu être prévus repose sur l’employeur.

L’employeur a toujours pu sortir indemne de ses infractions à l’article 57. Puisqu’aucun intérêt n’est payable s’il ne respecte pas le délai prescrit par la loi, l’employeur n’a aucune incitation à le respecter.

L’Alliance estime que la Commission a la pouvoir, aux termes de l’article 21 de la LRTFP, d’imposer des amendes pour les infractions à la Loi.

L’arrêt rendu par la Cour fédérale dans Eaton c. Canada, [1972] C.F. 185 (C.F. première instance) appuie la position selon laquelle l’employeur devrait être tenu responsable des dommages subis par les employés à qui l’on n’a pas versé de paiements rétroactifs dans le délai prescrit par la LRTFP.

La Commission est chargée d’appliquer la LRTFP. Cette responsabilité est assortie du pouvoir d’attribuer des dommages-intérêts selon le modèle « Eaton ». L’Alliance demande donc que la Commission demeure saisie de l’affaire afin de donner à l’agent négociateur la possibilité de consulter ses membres pour voir s’ils ont subi des dommages à la suite du retard de l’employeur. Quoi qu’il en soit, l’employeur a violé la Loi et sa conduite ne devrait pas être sanctionnée par la prorogation du délai demandée.

En réplique, l’employeur affirme que la Commission n’a pas compétence pour se prononcer sur la responsabilité civile de l’État.

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Décision Page 5 Motifs de la décision L’article 57 de la LRTFP prévoit que les dispositions d’une convention collective doivent être mises en application par les parties, lorsqu’aucun délai n’est prévu dans la convention, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date de sa signature. L’article permet en outre la prorogation du délai de quatre-vingt-dix jours.

La Commission a maintes fois signalé que cette disposition oblige l’employeur à apprécier les ressources dont il dispose pour la mise en application avant la conclusion d’une convention collective. L’article oblige en outre l’employeur à agir rapidement lorsqu’il doit redresser une situation qu’il n’aurait pu raisonnablement prévoir et qui surgit après la signature de la convention. Les parties ont l’obligation de bien apprécier, tout au long du processus, la mise en application d’une convention collective.

J’incite fortement les parties, dans tous les cas avant la signature d’une convention collective, à la table de négociation, à soulever officiellement la question de sa mise en application. En l’occurrence, si les parties avaient ouvertement abordé toutes les questions entourant la mise en application en temps utile, l’on aurait très bien pu éviter certains des problèmes qui ont surgi.

En ce qui a trait à la convention conclue à la table II, je suis convaincu que les motifs invoqués par l’employeur pour expliquer le fait qu’il n’a pu mettre la convention en application dans les quatre-vingt-dix jours suivant sa signature, et le fait qu’il a apprécié les problèmes qui ont surgi et qu’il a réagi rapidement, justifient la prolongation du délai. Par conséquent, la Commission prolonge jusqu’au 27 août 1999, maintenant pour alors, le délai accordé à l’employeur pour mettre en application la convention collective conclue à la table II le 16 avril 1999. Par conséquent, la plainte de l’agent négociateur fondée sur l’article 21 au sujet de la convention de la table II est par les présentes rejetée.

En ce qui concerne la convention du groupe CX, je ne suis pas convaincu que l’employeur a agi avec la diligence dont il aurait pu et aurait faire preuve. Il est inacceptable qu’un délai de mise en application puisse expirer sans que le Conseil du Trésor ne se rende compte qu’il a violé la LRTFP.

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Décision Page 6 Il semble y avoir eu un relâchement de la communication et de la surveillance dans le cas du groupe CX. Le Conseil du Trésor, en tant qu’employeur, doit veiller à ce que tous les ministères visés par la mise en application d’une convention collective se conduisent conformément aux exigences de la Loi. Je n’accorde donc pas la prolongation de délai demandée par l’employeur. Ce dernier ne s’est pas conformé aux obligations que lui impose l’alinéa 57(1)b) de la LRTFP, et je fais une déclaration à cet effet. Puisque la convention collective du groupe CX avait été mise en application intégralement à la date de l’audience, je n’ai pas à ordonner à l’employeur de se conformer immédiatement à la Loi.

La Commission a déjà à maintes occasions affirmé qu’elle n’avait pas le pouvoir d’attribuer des intérêts en pareilles circonstances. Dans le cas du groupe CX, aucune ordonnance de paiement d’intérêts ne peut donc être rendue au sujet des paiements tardifs.

L’agent négociateur a en outre demandé pour ses membres des dommages- intérêts selon le modèle « Eaton » sans qu’il ait été prouvé que des dommages avaient effectivement été subis. L’agent négociateur voudrait qu’on lui accorde la possibilité de retourner consulter ses membres pour voir s’ils ont subi des pertes financières à la suite de l’application tardive de la convention collective du groupe CX.

Même si la Commission a la pouvoir d’attribuer des dommages-intérêts lorsque les circonstances le justifient, et en supposant pour les besoins de la présente décision qu’elle peut effectivement le faire, je ne crois pas qu’il serait approprié d’attribuer des dommages-intérêts dans les présentes circonstances, surtout qu’on n’a pas prouvé à l’audience que les employés avaient subi de tels dommages.

Par conséquent, la demande que l’employeur a présentée en vue de faire proroger le délai de mise en application de la convention collective du groupe CX est

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Décision Page 7 rejetée. La demande de l’agent négociateur fondée sur l’article 21 est accueillie dans la mesure mentionnée plus haut.

Le président, Yvon Tarte

FAIT à Ottawa le 12 e jour d’octobre 1999. Traduction certifiée conforme Serge Lareau

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