Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Plainte fondée sur l'alinéa 23(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique - Défaut de mettre en oeuvre une décision arbitrale - Loi sur la rémunération du secteur public - l'employeur défendeur n'ayant pas prouvé de façon convaincante, que ce soit devant le président au moment de l'établissement du mandat du conseil d'arbitrage ou devant le conseil d'arbitrage lui-même, que le Conseil du Trésor avait exercé la compétence que lui confère le paragraphe 7(2) de la Loi sur la rémunération du secteur public et modifié le régime de rémunération en vigueur en février 1991, le conseil d'arbitrage a endossé ce régime de rémunération dans sa décision (dossier de la Commission 185-28-364) - l'agent négociateur a déposé la présente plainte parce que l'employeur n'avait pas mis en vigueur la décision - à l'audience tenue relativement à la plainte, l'employeur a déposé un extrait certifié du procès-verbal d'une réunion du Conseil du Trésor, tenue à Ottawa, le 2 juin 1993, dans le but d'autoriser un changement au régime de rémunération, conformément au paragraphe 7(2) de la Loi sur la rémunération du secteur public - de plus, la Commission avait reçu une copie certifiée conforme d'un autre extrait d'un procès-verbal d'une réunion du Conseil du Trésor, tenue à Ottawa, le 15 juin 1995, qui ordonnait à l'employeur de ne pas mettre en vigueur la décision arbitrale parce que son application était incompatible avec les modifications effectuées au régime de rémunération aux termes de l'article 7(2) de cette loi - l'employeur a fait valoir que, dans les circonstances, la Commission ne devrait pas lui ordonner de mettre en vigueur la décision dans la mesure où celle-ci allait à l'encontre des directives du Conseil du Trésor - la Commission a signalé que l'alinéa 23(1)b) de la Loi ne lui reconnaît qu'une compétence restreinte - la Commission n'a pas le pouvoir de réviser la décision arbitrale - l'employeur ayant reconnu qu'il n'avait pas entièrement appliqué la décision arbitrale, la Commission a accueilli la plainte et elle a ordonné à l'employeur de mettre la décision à exécution - la Commission a laissé entendre que si les parties étaient incapables de régler cette question par le biais de la négociation, un tribunal compétent devra la résoudre pour elles. Plainte admise.

Contenu de la décision

Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ENTRE LE CONSEIL DES UNIONS DES ARTS GRAPHIQUES DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

plaignant et LE GROUPE COMMUNICATION CANADA défendeur AFFAIRE: Plainte fondée sur l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Devant: Yvon Tarte, président suppléant Pour le plaignant: James Shields, avocat Pour le défendeur: Steven Chaplin, avocat Affaire entendue à Affaire entendue à Ottawa (Ontario),, le 20 décembre 1995.

Dossier: 161-28-779 Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 1 DÉCISION La plainte Le Conseil des unions des arts graphiques de la Fonction publique du Canada (le Conseil) a déposé une plainte en vertu de l’article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) dans laquelle il allègue que la partie défenderesse « n’a pas mis à effet la décision arbitrale rendue le 27 mars 1995, contrairement au paragraphe 71 (1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ». Les parties s’entendent sur les faits de cette affaire tels qu’exposés dans la plainte et dans la réplique de l’employeur ainsi que dans la mesure ils sont reproduits dans la présente décision.

La décision arbitrale La décision arbitrale mentionnée dans la plainte a été rendue le 27 mars 1995 par M. Michael Bendel, président du conseil d’arbitrage dont faisaient également partie MM. Donald Fowler et Ronald O’Connel. Elle se lit en partie comme suit :

Le conseil d'arbitrage a été constitué par le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, conformément à l'article 65 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique («LRTFP»), dans le but de rendre une décision arbitrale portant sur certaines questions qui opposent le Conseil des unions des arts graphiques de la fonction publique du Canada («le Conseil») et le Groupe Communication Canada («l'employeur») concernant l'unité de négociation du groupe des fonctionnaires des services de production d'imprimerie et des fonctionnaires exerçant des fonctions connexes («l'unité de négociation»). La demande d'arbitrage a été présentée par le Conseil le 27 septembre 1994, et le président du conseil d'arbitrage a été nommé le 22 décembre 1994. Le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique a publié le mandat le 10 janvier 1995. Le conseil d'arbitrage a tenu des audiences le 17 janvier et le 1 er février 1995, au cours desquelles les parties ont eu l'occasion de soumettre la preuve et de formuler des observations. Le conseil d'arbitrage a tenu une session le 21 février afin d'étudier la décision à rendre.

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Decision Page 2 Voici les questions en litige entre les parties à la date de l'audience :

Article 23 - Administration de la paye Article 24 - Nouveaux taux Article 31 - Durée de la convention Notes sur la rémunération et taux de rémunération - Addenda «A» à «E» (les parties ont convenu que ce devrait être «H»)

Recueil des conditions Dès la lecture du mandat et des exposés des parties et dès l'audition des thèses des avocats, le conseil d'arbitrage a tout de suite compris qu'il fallait régler une question préalable avant de passer à l'examen de tout autre aspect de ce conflit (...)

Voici la question préalable à laquelle le Conseil doit répondre, énoncée dans les termes les plus simples :

Est-ce que les régimes de rémunération qui étaient en vigueur en février 1991 ont continué de l'être en vertu de la Loi de la rémunération du secteur public, ou ont-ils été remplacés par le régime prétendument approuvé par le Conseil du Trésor en juin 1993 en vertu du paragraphe 7(2) de la LRSP? (...)

À l'audience relative à l'affaire dont est saisi le conseil d'arbitrage, Me Chaplin, avocat de l'employeur, a réitéré qu'il ne lui était pas loisible de produire au conseil la décision ou le document en vertu duquel les modifications apportées aux régimes de rémunération étaient censés être en vigueur en juin 1993. (...)

L’employeur a cependant produit certains éléments de preuve à partir desquels il nous a demandé de conclure qu'effectivement le Conseil du Trésor a apporté des modifications aux régimes de rémunération. Me Shields, avocat du Conseil, tout en acceptant que nous recevions cette preuve, a soutenu avec vigueur qu'il nous était impossible de conclure, sur la base de celle-ci, que le Conseil du Trésor avait pris la décision alléguée par l'employeur.

La preuve produite par Me Chaplin, avec le consentement de Me Shields, comprend ce qui suit :

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Decision Page 3 a) des bulletins d'information internes de l'employeur traitant du régime de rémunération et de la structure salariale approuvés par le Conseil du Trésor le 2 juin 1993;

b) la correspondance entre l'employeur et d'autres organismes gouvernementaux, notamment le Secrétariat du Conseil du Trésor et la Commission de la fonction publique, touchant le nouveau régime de classification et la structure salariale; (tous les renvois à la décision du Conseil du Trésor elle-même ont été éliminés de cette correspondance);

c) des offres d'emploi faisant mention de postes classifiés en vertu de ce nouveau régime de classification;

d) des avis de concours faisant référence aux nouvelles classifications et aux nouveaux taux de rémunération;

e) une copie du Décret pour la nomination de certains employés du Groupe Communication Canada au ministère des Approvisionnements et Services, C.P. 1994-1886, du 15 novembre 1994; et une déclaration d'un conseiller en ressources humaines à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada expliquant la nécessité du décret en question.

(...) En guise d'observations préliminaires à notre décision sur ce point, nous aimerions souligner que, en vertu de l'article 66 de la LRTFP, il appartient au président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique de décider si les questions en litige sont exclues de la compétence du conseil d'arbitrage en vertu de l'article 69. Nous doutons fortement que le Parlement aurait pu vouloir qu'une partie mécontente du mandat établi par le président en vertu de l'article 66 soit libre de présenter de nouveau l'affaire au conseil d'arbitrage. L'esprit de la LRTFP semblerait exiger que tous les litiges relatifs à l'exclusion d'un point de la compétence du conseil d'arbitrage, en vertu de l'article 69, soient tranchés par le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Nous signalons, à cet égard, que la question de savoir quel régime de rémunération est en vigueur en vertu de la LRSP a été débattue devant le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique au moment il se prononçait sur le mandat, et cette question est traitée aux pages 12 et 13 du mandat. Il a conclu qu'il ne pouvait pas tenir compte des modifications qui auraient été apportées au régime de rémunération par le Conseil du Trésor en vertu du

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Decision Page 4 paragraphe 7(2) de la LRSP, vu que l'employeur n'avait pu établir que de telles modifications avaient été effectivement apportées.

Toutefois, dans la présente affaire, l'employeur nous a présenté une preuve qui ne l'avait pas été au président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Nous n'avons entendu aucune thèse cherchant à déterminer si la nouvelle preuve constituait une affaire présentée à bon droit au conseil d'arbitrage; si, dans une telle situation, le président avait le pouvoir, en vertu de l'article 66, de modifier le mandat; ou encore, si la nouvelle preuve n'avait tout simplement pas été prise en considération. L'avocat du syndicat, nous le rappelons, ne s'est pas opposé au fait que nous acceptions la nouvelle preuve. De plus, nous faisons remarquer qu'il n'a pas non plus contesté fortement notre pouvoir de régler la question de savoir quel régime de rémunération était gelé en vertu de la LRSP. (...)

Nous avons donc conclu que nous devrions juger que le Conseil du Trésor a apporté les modifications en vertu du paragraphe 7(2) de la LRSP seulement dans le cas la preuve produite par l'employeur était suffisante pour persuader un tribunal judiciaire d'un tel fait.

Il nous semble que la façon normale de prouver qu'une décision officielle a été prise serait de recourir au témoignage d'une personne qui est, de source sûre, au courant de la prise de décision; ou de produire un document qui soutient-on renferme la décision, appuyé, au besoin, par le témoignage d'une personne qui connaît bien le(s) document(s) de ce genre. Il serait logique de conclure que, compte tenu de tels éléments de preuve, la décision alléguée a été de fait prise.

Les éléments de preuve produits par l'employeur dans la présente affaire, tout en étant conformes à la possibilité que la prétendue décision a été prise, sont loin de nous persuader que la décision en question a été effectivement prise. Nous ne serions pas surpris d'apprendre, compte tenu de ces éléments de preuve, qu'une décision a été bel et bien prise par le Conseil du Trésor en vertu du paragraphe 7(2) de la LRSP, mais c'est une toute autre question de dire que la preuve nous donne la certitude qu'une décision a été prise. (...)

Si les fonctionnaires du gouvernement se sont montrés disposés à agir en supposant qu'une décision avait été prise en bonne et due forme par le Conseil du Trésor conformément au paragraphe 7(2) sans voir la prétendue décision, c'est leur affaire. Le présent conseil d'arbitrage ne

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Decision Page 5 peut toutefois conclure qu'une décision a été prise par le Conseil du Trésor qu'à la seule condition que la preuve reçue soit suffisante pour persuader un tribunal judiciaire d'un tel fait. Nous n'hésitons pas à conclure que la preuve produite ne satisfait pas à cette exigence.

Nous voudrions signaler le fait que nous n'avons entendu aucune thèse à l'effet que nous pourrions légitimement exiger de l'employeur une preuve moins forte étant donné que la prétendue décision pourrait être «un document confidentiel du Conseil Privé de la Reine du Canada», au sens de l'article 39 de la Loi sur la preuve, L.R.C. 1985, c. C-5, et, de ce fait, ne peut être divulguée.

En conclusion, nous devons donc procéder à cet arbitrage en prenant comme fait qu'aucune modification n'a été apportée aux régimes de rémunération conformément au paragraphe 7(2) de la LRSP.

(...) Puisque nous n'avons pas le pouvoir, en vertu de la LRSP, de modifier les régimes de rémunération des employés, notre décision est que, pour toutes les questions en litige, les régimes de rémunération doivent continuer d'être en vigueur, comme ils l'étaient le 26 février 1991. Cette décision a effet rétroactif au 6 mai 1994, date à laquelle l'avis de négocier a été donné.

(...) Par voie de conséquence, nous avons décidé que la présente décision arbitrale sera en vigueur jusqu'au 30 septembre 1996.

La décision arbitrale n’a pas fait l’objet d’une demande de contrôle judiciaire. Les décisions du Conseil du Trésor À la suite de la diffusion de la décision arbitrale, le Conseil du Trésor, par lettre datée du 27 juin 1995 ( voir la réplique de l’employeur à la plainte), a autorisé, à des fins spécifiques, la diffusion d’un extrait du procès-verbal d’une réunion du Conseil du Trésor tenue à Ottawa le 2 juin 1995.

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Decision Page 6 La copie reproduite ci-dessous, certifiée conforme au document original par M. R.J. Giroux, alors secrétaire du Conseil du Trésor, indique ce qui suit :

À l’occasion de la réunion qu’il a tenue le 2 juin 1993, le Conseil du Trésor a modifié, conformément au paragraphe 7 (2) de la Loi sur la rémunération du secteur public, les conditions d’emploi afférentes aux régimes de rémunération applicables aux employés du Groupe Communication Canada (GCC) le 1 er avril 1993. De ce fait, il a autorisé la mise en oeuvre d’une conversion et l’établissement de conditions d’emploi applicables aux nouveaux employés afin de mettre en application la nouvelle norme de classification. En particulier, le Conseil a autorisé ce qui suit :

- La mise en oeuvre d’un nouveau régime de classification sans discrimination sexuelle, constitué de 17 niveaux assortis des échelles salariales indiquées à l’annexe A, à compter du 1 er avril 1993. La gamme des taux de rémunération correspondant aux niveaux 1 à 13 sera assortie d’une augmentation annuelle de 3,5 p. 100 pour chaque niveau. Pour ce qui est des niveaux 14 à 17, les taux de rémunération seront conformes aux dispositions du régime d’administration des salaires des EX..

- Pour permettre la mise en oeuvre du régime de conversion et de la nouvelle norme de classification :

a) la modification des règles de conversion conformément aux modalités énoncées à l’annexe B;

b) la modification des conditions d’emploi correspondant aux régimes de rémunération précédemment en vigueur, de la façon indiquée à l’annexe C.

- L’élaboration des conditions d’emploi destinées à régir les nouveaux employés qui n’ont pas été assujettis aux régimes précédemment en vigueur. Ces conditions d’emploi ne donneront pas lieu à de nouveaux avantages ni à l’augmentation des avantages actuellement consentis.

Il n’est pas nécessaire de reproduire ici les annexes susmentionnées. Parmi les documents remis à la Commission se trouve une copie certifiée conforme d’un autre extrait d’un procès-verbal d’une réunion du Conseil du Trésor tenue à Ottawa le 15 juin 1995. Cet extrait se lit comme suit :

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Decision Page 7 Pour que le Groupe Communication Canada (GCC) continue de se conformer à la Loi sur la rémunération du secteur public (LRSP), le Conseil du Trésor, à sa réunion du 15 juin 1995, et conformément à l’article 12 (3) de cette loi, lui ordonne de ne pas donner suite à la décision arbitrale rendue le 27 mars 1995 concernant l’unité de négociation pour Production d’imprimerie, dans la mesure cette décision est en contradiction avec les modifications apportées aux conditions d’emploi de GCC aux termes du paragraphe 7 (2) de la LRSP.

Plus particulièrement, GCC doit faire en sorte que les changements apportés aux conditions d’emploi, le 1 er avril 1993, et qui avaient trait à la conversion qui s’imposait pour mettre en oeuvre le nouveau régime de classification, soient maintenus tels quels et qu’ils ne soient modifiés en aucune façon, sans égard aux éléments de la décision susmentionnée qui, s’ils étaient mis en oeuvre, nécessiteraient l’apport d’une modification et amèneraient GCC à enfreindre la LRSP.

Le Conseil du Trésor fait remarquer que GCC ne sera pas tenu de mettre à exécution la décision avant l’expiration de la période de 90 jours prévue par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, soit le 26 juin 1995 dans le cas présent. Donc, d’ici cette date, GCC n’aura pas à appliquer la décision arbitrale et, par conséquent, à se trouver en infraction par rapport à la LRSP.

Vu les décisions prises par le Conseil du Trésor, comme en témoignent les extraits précités, l’employeur a conclu qu’il ne peut appliquer la totalité de la décision arbitrale signée par M. Bendel.

Plaidoiries Pour le plaignant : La décision arbitrale signée par le président du conseil d’arbitrage, M. Bendel, ordonne clairement et sans équivoque que le régime de rémunération qui s’appliquera jusqu’au 30 septembre 1996, soit celui qui était en vigueur le 26 février 1991. Le régime mentionné dans la décision arbitrale comprend l’article sur les nouveaux taux (pièce c-1) et l’Addendum « G » renfermant les Notes sur la rémunération (pièce C-2).

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Decision Page 8 La pièce C-1 traite des changements technologiques tandis que la pièce C-2 établit les pourcentages des taux pour les apprentis. L’employeur a reconnu qu’il n’avait pas exécuté la totalité de la décision arbitrale pertinente.

L’unique conclusion possible, en l’occurrence, est que l’employeur n’a pas mis à effet les dispositions de la décision arbitrale. Par conséquent, la Commission doit émettre une ordonnance intimant à l’employeur d'appliquer toutes les dispositions de la décision arbitrale signée par le président du conseil d’arbitrage, M. Bendel, le 27 mars 1995.

Pour la partie défenderesse La plainte du Conseil porte sur l’inapplication de deux articles du régime de rémunération. À la lumière de la décision du Conseil du Trésor prise le 2 juin 1993, les deux articles en question (voir les pièces C-1 et C-2) ne peuvent être appliqués.

Le conseil d’arbitrage n’avait pas en main les documents pertinents indiquant de manière concluante que les deux articles avaient cessé d’exister le 2 juin 1993.

M. Bendel indique très clairement dans la décision arbitrale que la Loi sur la rémunération du secteur public régit cette question. Le paragraphe 7(2) de cette Loi autorise le Conseil du Trésor à modifier un régime de rémunération dont les dispositions stipulent qu’il est gelé.

L’employeur reconnaît volontiers que beaucoup des difficultés posées par cette affaire auraient pu être évitées si les extraits certifiés conformes des décisions du Conseil du Trésor avaient pu être diffusés en temps plus opportun. Aussi malheureux que soit ce délai, il n’invalide pas les décisions prises. L’affaire ne se résume pas à une simple question d’éléments de preuve. Le Conseil du Trésor a émis des décrets législatifs valides régissant le comportement des parties.

De plus, le 15 juin 1995, le Conseil du Trésor a ordonné à l’employeur de ne pas appliquer la décision arbitrale dans la mesure elle n’est pas conforme avec sa propre décision antérieure prise le 2 juin 1993.

Dans l’arrêt British Columbia Telephone Co. c. Shaw Cable Systems (B.C.) Ltd. [1995] 2 R.C.S. 739, la Cour suprême du Canada énonce la procédure et les critères à

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Decision Page 9 suivre lorsqu’une agence est visée par des ordonnances conflictuelles émises par des tribunaux différents qui exercent un contrôle sur ses activités.

Lorsque les litiges ne peuvent être résolus, la Cour suprême a recours à la théorie de la prépondérance pour déterminer laquelle des décisions contradictoires doit prévaloir. Assurément, le législateur a voulu que la Loi sur la rémunération du secteur public ait préséance sur la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

La Commission doit se pencher sur les modalités d’application de la décision arbitrale dans le contexte des décisions prises la concernant.

L’article 23 de la LRTFP traite des pratiques déloyales de travail. Son application ne devrait pas s’étendre aux violations involontaires de ses dispositions prévues en vertu d’une loi. Toute ordonnance que rendrait la présente Commission en vue de donner plein effet à la décision arbitrale contreviendrait à la Loi sur la rémunération du secteur public.

Le paragraphe 23 (2) de la LRTFP confère un certain pouvoir discrétionnaire à la Commission relativement à l’émission d’une ordonnance enjoignant une partie de se conformer aux dispositions du paragraphe 23 (1).

Une lecture superficielle des pièces C-1 et C-2 indique clairement que les dispositions de l’ancienne convention collective ne sont plus applicables depuis la décision du Conseil du Trésor prise le 2 juin 1993. S’il y a eu entorse à la décision arbitrale en l’occurrence, cette entorse est minime et est obligatoire en vertu de la loi.

Réplique du plaignant : La décision arbitrale signée par M. Bendel demeure intacte. Elle n’a pas fait l’objet d’un contrôle judiciaire. Elle doit donc être respectée. La présente Commission et l’agent négociateur n’ont tous les deux été informés officiellement des décisions du Conseil du Trésor qu’après la diffusion de la décision arbitrale. C’est un outrage à la présente Commission et au Conseil. Le Conseil a demandé à la Cour fédérale d’annuler les deux décisions du Conseil du Trésor.

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Decision Page 10 La compétence de la présente Commission est limitée et très restreinte. Elle ne concerne que le défaut de l’employeur de donner suite à une décision arbitrale. La présente Commission n’a pas compétence pour déterminer si les dispositions du régime de rémunération approuvées par le conseil d’arbitrage et énoncées dans les pièces C-1 et C-2 contredisent la décision du Conseil du Trésor prise le 2 juin 1993.

À première vue, la pièce C-1 concerne les changements technologiques et n’a rien à voir avec le régime de classification exposé dans la décision du Conseil du Trésor datée du 2 juin 1993. On peut en dire autant de la pièce C-2 qui traite uniquement des apprentis.

La question de l’application en l’occurrence de la théorie de la prépondérance mentionnée dans l’arrêt Shaw Cable (précité) doit être tranchée par un autre tribunal. Par conséquent, il doit être fait droit à la plainte et le tribunal doit rendre une ordonnance en conséquence.

Motifs de la décision Le bourbier dans lequel se trouvent les parties n’aurait sans doute pas vu le jour si le Conseil du Trésor avait trouvé, en temps opportun, le moyen d’informer le conseil d’arbitrage ou le président de la présente Commission, au moment celui-ci énonçait le mandat, de la décision prise le 2 juin 1993.

Quoi qu’il en soit, la compétence conférée à la Commission conformément à l’alinéa 23 (1) b) est plutôt limitée. Elle n’a pas compétence pour revoir la décision arbitrale. L’employeur, en l’occurrence, a reconnu ne pas avoir appliqué intégralement la décision arbitrale signée par M. Bendel le 27 mars 1995. Il ne m’est donc pas difficile de conclure que la plainte du Conseil est fondée.

L’employeur a proposé que la présente Commission exerce le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 23 (2) de la LRTFP de ne pas rendre d’ordonnance lui intimant de se conformer à la décision. Dans les présentes circonstances, je ne crois pas que ce serait approprié. Je n’ai pas compétence pour rouvrir la décision arbitrale en vue de déterminer si le contenu des pièces C-1 et C-2 contredit en quelque sorte la décision prise par le Conseil du Trésor le 2 juin 1993.

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Decision Page 11 Si effectivement il y a contradiction, les parties devraient essayer de régler le problème par la voie de la négociation à défaut de quoi elles devront s’adresser à un tribunal compétent pour le faire à leur place. Je suis conscient que je risque de placer l’employeur dans une situation embarrassante en rendant une ordonnance en l’occurrence. Néanmoins, il y a lieu d’en émettre une en tenant compte de ce qui précède.

Par conséquent, j’ordonne à l’employeur de mettre à effet les dispositions de la décision arbitrale signée par M. Bendel le 27 mars 1995, lesquelles sont exposées dans les pièces C-1 et C-2.

Yvon Tarte, président suppléant

OTTAWA, le 16 janvier 1996. Traduction certifiée conforme Serge Lareau

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