Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Suspension (1 jour) - Refus d'obéir à un ordre légal - Heures supplémentaires perdues - Procédure de règlement des griefs - Nouvelles questions soulevées à l'arbitrage - le fonctionnaire a été suspendu pour une journée pour avoir refusé d'obtempérer à un ordre direct de son superviseur - il a présenté un grief concernant la suspension - l'incident s'est produit pendant que le fonctionnaire effectuait des heures supplémentaires un jour de repos - le fonctionnaire s'était comporté de la même façon au cours du mois antérieur et on l'avait informé que sa conduite constituait de l'insubordination - lorsqu'il a été suspendu, le fonctionnaire a été renvoyé à la maison le jour même - à l'audience, le fonctionnaire a également demandé à être rémunéré pour les heures supplémentaires perdues le jour de l'incident - l'arbitre a conclu que le fonctionnaire ne pouvait soulever de nouvelles questions à l'arbitrage et il a limité sa décision à la suspension d'une journée - l'arbitre a conclu que l'ordre qui avait été donné au fonctionnaire était légal et que ce dernier devait y obtempérer - l'arbitre a conclu que la suspension d'une journée était appropriée dans les circonstances. Grief rejeté. Décision citée : Burchill c. le Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109.

Contenu de la décision

Dossiers : 149-2-169 166-2-27963

Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE MARCELLO IMPERATORE fonctionnaire s'estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Revenu Canada - Douanes, Accise et Impôt)

employeur

Devant : Joseph W. Potter, commissaire Pour le fonctionnaire s'estimant lésé : Barry Done, Alliance de la Fonction publique du Canada Pour l'employeur : Robert H. Jaworski, avocat Affaire entendue à Hamilton (Ontario), les 30 et 31 mars 1998.

DÉCISION On me demande de rendre une décision au sujet de deux renvois à l'arbitrage. Le premier concerne une demande de prolongation du délai de présentation d'un grief à l'arbitrage et le second une suspension d'une journée.

Dès le début de l'audience, M e Jaworski, l'avocat de l'employeur, a indiqué qu'il ne s'opposait pas à la demande de prolongation du délai de présentation du grief à l'arbitrage. Cette question est donc réglée.

Le fonctionnaire s'estimant lésé, M. Marcello Imperatore, CR-2, est membre du groupe Commis aux écritures et aux règlements. Il travaille pour Revenu Canada, Douanes, Accises et Impôt, à Hamilton. Il conteste une suspension d'une journée qui lui a été imposée pour insubordination. Le « Rapport de mesure disciplinaire », pièce E-3, décrit l'incident dans les termes suivants : [Traduction] Le 8 août 1995, votre superviseure, M m e Joan Tilley, vous a ordonné de quitter l'aire de travail DA-CON. Vous avez refusé d'obtempérer à cet ordre direct. En fait, vous avez refusé d'obéir aux ordres de M m e Tilley à trois reprises ce matin-là. Le 13 juillet vous avez eu un entretien avec M m e Tilley et le chef, M. Paul Yake, au sujet de votre insubordination. M. Yake vous a alors indiqué que vous aviez une conduite « carrément insubordonnée » et que ce type de comportement devait cesser.

Le fonctionnaire a demandé le redressement suivant : [Traduction] Que la suspension soit révoquée sans perte de salaire ou d'avantages sociaux.

Au cours de l'audience, M. Done a également demandé que le fonctionnaire soit indemnisé pour l'occasion perdue de faire des heures supplémentaires le 8 août 1995.

Faits M m e Joan Tilley a déclaré qu'elle était, à l'époque, la superviseure du fonctionnaire à titre intérimaire depuis le 15 mai 1995 et qu'elle supervisait de 10 à 15 personnes. Au cours du contre-interrogatoire, elle a affirmé qu'elle avait été

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Décision Page 2 superviseure intérimaire pendant quatre mois moins une journée en 1994 et pendant 13 jours en 1992.

Le 12 juillet 1995, à la fin de sa journée de travail, M me Tilley a laissé une note au fonctionnaire pour le lendemain matin vu qu'il débute sa journée de travail avant elle. La note demandait à M. Imperatore de s'occuper d'une tâche particulièrement urgente en arrivant. À son arrivée au travail, M me Tilley a constaté que M. Imperatore, bien qu'il fut présent, n'était pas en train d'exécuter la tâche prévue et il a refusé de le faire lorsqu'elle le lui a demandé. M. Paul Yake a rencontré le fonctionnaire pour discuter de l'incident et il lui a dit que refuser d'obtempérer à un ordre direct constituait de l'insubordination. Les choses en sont restées là.

Le fonctionnaire travaille selon le régime de la semaine de travail comprimée, de telle sorte qu'il était en congé le 8 août 1995. Vu que les employés qui travaillent selon ce régime sont autorisés à faire des heures supplémentaires pendant leur jour de congé, le fonctionnaire a décidé d'en faire le 8 août. M m e Tilley avait déjà expliqué aux employés que, s'ils voulaient faire des heures supplémentaires leur jour de congé, ils ne pouvaient pas occuper leur bureau habituel pendant les heures obligatoires et ils devaient s'installer ailleurs. La raison en était que M me Tilley assignait le bureau de l'employé en congé à une autre personne pour faire le travail plus urgent tandis que l'employé qui faisait des heures supplémentaires était affecté à des tâches moins urgentes ailleurs.

La version de M me Tilley au sujet de l'incident du 8 août est diamétralement opposée à celle du fonctionnaire.

M m e Tilley a déclaré que, en arrivant au travail à 7 h 30 le 8 août, elle a aperçu le fonctionnaire assis à son bureau habituel en train de répartir son travail; elle lui a donc dit qu'il ne pouvait pas s'asseoir là. Le fonctionnaire a refusé de déménager en répondant à M m e Tilley qu'elle pouvait demander au remplaçant d'utiliser l'autre bureau. M me Tilley a affirmé lui avoir demandé deux ou trois fois de déménager avant de lui ordonner de le faire; il a continué de refuser de bouger. Elle est donc allée voir son superviseur, M. Mass, pour lui expliquer la situation. M. Mass a convoqué le fonctionnaire dans son bureau et l'a renvoyé chez lui. Vers 8 h 30, il a informé M m e Tilley que le fonctionnaire avait été renvoyé chez lui. M m e Tilley a reconnu la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 3 pièce E-2, soit des notes qu'elle avait prises le 8 août, peu après l'incident ci-dessus. M. Brian Randall, CR-3 intérimaire en août 1995, a corroboré la version de M m e Tilley. Il travaillait dans le même secteur que le fonctionnaire et M me Tilley était sa superviseure. Il était présent lors de l'altercation du 8 août et on lui a demandé de préparer un rapport sur l'incident. C'est ce qu'il a fait. Il s'agit de la pièce E-4. M. Randall confirme dans ce rapport que le fonctionnaire était assis à son bureau lorsque M m e Tilley lui a demandé de déménager. Il l'a reconfirmé lors du contre-interrogatoire également. Sa déclaration concernant le refus du fonctionnaire de déménager est rédigée dans les termes suivants : [Traduction] Marcello a refusé d'obéir et a continué d'empiler les dossiers sur son bureau.

Au cours du contre-interrogatoire, M m e Tilley a confirmé que les heures obligatoires sont de 8 h à 17 h et a précisé avoir expliqué aux employés, lors d'une réunion tenue au début d'août, qu'ils ne pouvaient pas travailler à leur bureau s'ils faisaient des heures supplémentaires pendant les heures obligatoires. Elle a convenu avoir dit au fonctionnaire de déménager avant 8 h. Elle a affirmé qu'elle était sûre qu'il se trouvait à son bureau lorsqu'elle lui a demandé de déménager et qu'il a refusé en disant : « C'est mon bureau. » Elle a également convenu que le remplaçant aurait pu travailler ailleurs qu'au bureau du fonctionnaire. Elle n'a jamais reçu de formation de superviseure.

La version du fonctionnaire est très différente. M. Imperatore a affirmé que, le 8 août 1995, il est arrivé au travail entre 7 h et 7 h 30 et qu'il ne s'est pas assis à son bureau. Il s'est plutôt installé à une vingtaine de pieds plus loin, sont gardées les piles de dossiers. Il a commencé à travailler à cet endroit. Lorsque M me Tilley est arrivée, il était au fond de la pièce et non pas à son bureau. M m e Tilley lui a demandé de prendre ses stylos, ses documents, ses crayons-feutres et le reste de ses « effets personnels » et de s'installer à un autre bureau. Le fonctionnaire lui a dit d'accord mais il lui a demandé pourquoi elle l'obligeait à déménager alors que deux autres employés à une autre occasion n'avaient pas, eux, été obligés de le faire. Elle lui a répondu : « Parce que je vous l’ordonne. » Elle lui a redemandé s'il avait l'intention de déménager. Le fonctionnaire a répondu par l'affirmative tout en lui demandant

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Décision cependant de lui donner une explication. M que c'est ce que je veux », puis elle est partie.

Le fonctionnaire s'est alors rendu à son bureau et a déménagé ses « effets personnels ». Il est retourné dans l'aire de classement. M me Tilley est revenue et lui a demandé s'il avait l'intention de déménager. Il a répondu qu'il allait le faire, mais qu'il voulait savoir pourquoi les autres employés n'avaient pas été obligés de déménager quand ils faisaient des heures supplémentaires. À ce stade-ci, selon le fonctionnaire, M m e Tilley est partie et il a été convoqué dans le bureau de M. Mass qui l'a renvoyé chez lui. Il a donc raté une occasion de faire des heures supplémentaires ce jour-là et il a été suspendu pendant une journée le 31 août 1995.

M me Tina Muzzin a déclaré qu'elle était une étudiante jumelée avec le fonctionnaire le 8 août 1995. Elle est arrivée au travail vers 7 h et a vu M me Tilley s'approcher du fonctionnaire dans l'aire de classement et lui demander de changer de bureau. Elle se trouvait à cinq pieds environ de M. Randall et à une quinzaine de pieds du fonctionnaire. Elle a insisté sur le fait que le fonctionnaire ne se trouvait pas à son bureau. Elle l'a entendu dire à la superviseure qu'il allait changer de bureau mais qu'il voulait savoir pourquoi d'autres employés dans les mêmes circonstances n'étaient pas obligés de déménager. Ils ont discuté ainsi pendant un moment, puis M m e Tilley est partie et est revenue accompagnée de M. Mass. Le fonctionnaire est ensuite parti avec M. Mass.

M m e Muzzin a déclaré que le fonctionnaire n'a jamais refusé de changer de bureau, mais elle ne l'a pas vu personnellement transporter ses « effets personnels » à un autre bureau.

Au cours du contre-interrogatoire, le fonctionnaire a admis qu'il n'avait pas immédiatement déménagé ses effets personnels parce que lui et M continuaient de discuter. Il a aussi admis ne pas avoir dit à M déménagé ses effets personnels parce qu'elle n'avait pas répondu à sa question. Il a déclaré que ses collègues ne l'auraient pas vu en train de déménager ses effets personnels parce qu'ils travaillaient.

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Page 4 m e Tilley lui a de nouveau répondu : « Parce

me Tilley me Tilley qu'il avait

Décision Page 5 Argumentation M e Jaworski affirme que les employés ont l'obligation d'obéir à leur superviseur. La pratique généralement acceptée est qu'un employé doit d'abord obéir à un ordre légitime, puis le contester par la suite s'il le désire. Ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles que les employés peuvent désobéir à un ordre direct, ce qui n'était pas le cas en l'occurrence.

La preuve indique que le fonctionnaire a refusé d'obtempérer aux ordres de M m e Tilley plusieurs fois. Après l'avertissement du 13 juillet (pièce E-3), le fonctionnaire savait qu'on s'attendait à ce qu'il obéisse à ses superviseurs. S'il a effectivement déménagé ses effets personnels comme il le prétend, pourquoi ne l'a-t-il pas dit à M me Tilley? La question aurait été réglée dès lors. Cependant, pour une raison quelconque, il a décidé de ne pas le lui dire, si nous prêtons foi à sa version selon laquelle il a obtempéré à l'ordre de M me Tilley. Un témoin impartial, M. Randall, a déclaré que le fonctionnaire a refusé d'obtempérer à l'ordre de M m e Tilley en continuant d'empiler du travail sur son bureau. L'autre témoin impartial, M m e Muzzin, n'a pas été témoin de la réaction du fonctionnaire et ne l'a pas vu déménager ses effets personnels.

Enfin, M e Jaworski affirme qu'il s'agit en l'espèce d'une suspension d'une journée et que j'outrepasserais mes pouvoirs si concluais que la perte de l'occasion de faire des heures supplémentaires le jour le fonctionnaire a été renvoyé chez lui faisait partie de la mesure disciplinaire.

M. Done fait valoir que M me Tilley avait une expérience très limitée du travail de supervision et qu'elle n'a presque rien fait pour prendre le contrôle de la situation. D'après lui, elle n'avait pas de raison de donner l'ordre en question; il n'était pas urgent que le fonctionnaire aille s'installer à un autre bureau et, en outre, il était entendu que les bureaux habituels devaient absolument être libérés durant les heures obligatoires, soit entre 8 h et 17 h. L'ordre a été donné à 7 h 30 ou à peu près à cette heure-là.

De plus, M. Done soutient que la preuve montre que M. Imperatore n'a pas refusé d'obtempérer à l'ordre. Il a accepté de déménager, mais il voulait simplement

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Décision Page 6 savoir pourquoi d'autres collègues n'avaient pas reçu le même ordre. Tout ce qui a été prouvé en l'espèce, selon M. Done, c'est qu'il y a eu aberration momentanée provoquée par l'apparente incapacité d'un superviseur de régler un incident mineur. Vu qu'il incombe à l'employeur de prouver que le fonctionnaire a désobéi à un ordre direct, M. Done maintient qu'il devrait être fait droit au grief parce que l'employeur n'a pas réussi à se décharger de ce fardeau. Par conséquent, le fonctionnaire devrait se faire rembourser sa journée de salaire et les heures supplémentaires perdues. Le redressement demandé englobe ce dernier point.

Subsidiairement, M. Done estime que l'incident ne mérite rien de plus qu'une réprimande verbale.

Décision M. Imperatore a contesté la suspension fixée à la journée du 31 août 1995 qui lui a été imposée pour avoir refusé d'obtempérer à un ordre direct de sa superviseure. C'est la seule question qui a été soulevée dans le grief. Rendu au stade de l'arbitrage, il est trop tard pour soulever de nouvelles questions et pour me demander de me pencher sur la question de la perte des heures supplémentaires le jour le fonctionnaire a été renvoyé chez lui (voir Burchill c. le Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109). Par conséquent, ma décision doit porter uniquement sur les conséquences des actions du fonctionnaire qui ont mené à la suspension du 31 août.

M. Done affirme qu'aucune urgence ne justifiait l'ordre qui a été donné. Selon lui, également, le déménagement n'était pas nécessaire avant les heures obligatoires qui commençaient à 8 heures.

Qu'il y ait eu urgence ou non, n'est pas la question. Une superviseure a demandé au fonctionnaire de déménager ses effets personnels. Il n'était pas contesté que le fonctionnaire avait compris l'ordre. C'était un ordre légitime auquel le fonctionnaire aurait obéir dès qu'il lui a été donné. La question qu'il faut se poser est la suivante : « Le fonctionnaire a-t-il obéi comme il le prétend ou a-t-il refusé d'obéir comme le prétend la superviseure? »

Comme la discussion s'est déroulée en présence de témoins, il y aurait lieu de croire que leurs souvenirs de l'incident seraient très semblables. Ce n'est pourtant pas Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 7 le cas. M me Muzzin affirme avoir entendu le fonctionnaire dire qu'il allait déménager; M. Randall affirme l'avoir entendu refuser et l'avoir vu continuer d'empiler le travail sur son propre bureau.

Pour respecter l'ordre donné, le fonctionnaire devait agir d'une façon précise. Il devait prendre ses effets personnels et aller s'installer ailleurs. Le dicton selon lequel « les actes sont plus éloquents que les mots » s'applique très bien aux circonstances en l'espèce. Le fonctionnaire a déclaré qu'il avait déménagé ses effets personnels, mais personne ne l'a réellement vu le faire. En fait, M. Randall a affirmé qu'il l'a vu en train de continuer d'empiler du travail sur son bureau. M me Muzzin n'a rien vu du tout. Aussi, l'unique action qui a été vue par un témoin impartial étaye la thèse que le fonctionnaire a refusé d'obtempérer à un ordre.

Par conséquent, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que M. Imperatore n'a pas obéi à l'ordre donné. L'ordre était légitime et la prise d'une mesure disciplinaire par l'employeur était justifiée.

Une suspension d'une journée a été imposée. Cela correspond à la norme pour ce genre d'infraction vu l'avertissement émis le 13 juillet à la suite d'un incident analogue. Il ne serait pas indiqué que je substitue une mesure moins sévère en l'espèce lorsque l'employeur a tenu compte de facteurs atténuants tels que les états de service et le rendement antérieur.

Par conséquent, le grief est rejeté.

Joseph W. Potter, commissaire

OTTAWA, le 4 mai 1998. Traduction certifiée conforme Serge Lareau

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