Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Pratique déloyale de travail - Plainte fondée sur l'alinéa 23(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique alléguant violation du paragraphe 10(2) de la Loi - Devoir de représentation équitable - Demande fondée sur l'article 21 de la Loi alléguant violation de l'article 6 de la Loi - Questions syndicales internes - Délai - Compétence - les parties ont convenu que la décision s'appliquerait à toutes les plaintes et demandes déposées par les plaignants - les plaignants ont soutenu que la représentante syndicale défenderesse s'était servi de son poste de dirigeante du syndicat afin d'obtenir de l'agent négociateur des fonds pour financer une poursuite civile contre eux et que cela constituait un manquement au devoir de représentation équitable - le plaignant Feldsted a en outre soutenu que les défendeurs avaient injustement suspendu son adhésion syndicale pour une période de cinq ans, en violation de l'article 6 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique - les défendeurs ont maintenu que les plaintes étaient irrecevables puisque la poursuite civile avait été entamée en février 1995 et que les plaintes n'avaient été déposées qu'en octobre 1996 - de plus, en septembre 1995 les plaignants savaient que la dirigeante syndicale recevrait des fonds de l'agent négociateur pour financer la poursuite civile - la Commission a jugé que les plaintes n'étaient pas irrecevables - la Loi n'imposait aucun délai en l'occurrence - de toute façon, à la lumière des circonstances, il ne s'était pas écoulé un temps déraisonnable entre le moment où les plaignants avaient eu connaissance des faits et la date du dépôt des plaintes - cependant, la Commission a conclu qu'elle n'avait pas compétence pour instruire les plaintes et les demandes puisqu'elles avaient trait à des affaires syndicales internes. Plaintes et demandes rejetées. Décisions citées : St. James et autres (100-1); Forsen (148-2-209).

Contenu de la décision

Dossier : 148-2-252 et 253, 161-2-813 à 816, 161-2-819, 820, 822 à 824

Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE JOHN B. FELDSTED, KARL H. BUCHART, ALVIN P. SPEWAK, RICHARD SANDERSON

plaignants et LINDA GARWOOD-FILBERTS, ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeurs AFFAIRE : Demandes fondées sur l’article 21 et plaintes fondées sur l’article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Devant : J. Barry Turner, commissaire Pour les plaignants : Don Bjornson, avocat Pour les défendeurs : Edith Bramwell, avocate Affaire entendue à Winnipeg (Manitoba), le 10 septembre 1997.

DÉCISION À la suite de discussions avec les parties, il a été décidé que les questions dont je suis saisi seront tranchées simultanément dans le cas des quatre plaignants qui sont tous des fonctionnaires du Service correctionnel du Canada (SCC) au Manitoba. Il a également été convenu que la présente décision portera sur les plaintes fondées sur l’article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) selon le texte de la plainte déposée par le plaignant Feldsted (dossiers 161-2-813 et 161-2-814), mais que ma conclusion s’appliquera à toutes les questions dont je suis saisi. Les parties ont convenu que je devais entendre leur argumentation concernant l’admissibilité des plaintes et des demandes et ma compétence seulement.

Dans le cas de la plainte fondée sur l’article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), datée du 18 octobre 1996, dossier 161-2-813, la défenderesse est M me Linda Garwood-Filberts, vice-présidente régionale, SCC, Manitoba, Syndicat des employés du Solliciteur général (SESG), un élément de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC).

Le plaignant se plaint de ce qui suit : [Traduction] d) une personne agissant pour le compte d’une organisation syndicale,

a abusé de son pouvoir à titre de dirigeant du syndicat et s’est approprié des fonds du syndicat dans le but de financer une poursuite civile personnelle devant la Cour du banc de la Reine (Manitoba), dossier de la Cour CI 95-01-87608, contre d’autres membres du syndicat, dont moi-même, en violation des dispositions du paragraphe 10(2) de la LRTFP.

Le paragraphe 10(2) de la LRTFP est ainsi libellé : (2) Il est interdit à l'organisation syndicale, ainsi qu'à ses représentants, d'agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation des fonctionnaires qui font partie de l'unité dont elle est l'agent négociateur.

L’article 23 de la LRTFP est libellé comme suit : 23. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle l'employeur ou une organisation

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Décision Page 2 syndicale ou une personne agissant pour le compte de celui-là ou de celle-ci n'a pas, selon le cas :

a) observé les interdictions énoncées aux articles 8, 9 ou 10;

b) mis à effet une disposition d'une décision arbitrale; c) mis à effet une décision d'un arbitre sur un grief; d) respecté l'un des règlements pris en matière de griefs par la Commission conformément à l'article 100.

(2) Dans les cas où, en application du paragraphe (1), elle juge l'employeur, une organisation syndicale ou une personne coupable d'un des manquements qui y sont énoncés, la Commission peut, par ordonnance, lui enjoindre d'y remédier ou de prendre toute mesure nécessaire à cet effet dans le délai qu'elle estime approprié.

(3) L'ordonnance visant une personne est en outre adressée :

a) lorsque l'auteur du manquement a agi ou prétendu agir pour le compte de l'employeur,

(i) au premier dirigeant concerné, dans le cas d'un employeur distinct,

(ii) ou au secrétaire du Conseil du Trésor, dans les autres cas;

b) lorsqu'il a agi ou prétendu agir pour le compte d'une organisation syndicale, au dirigeant attitré de celle-ci.

Le plaignant demande à la Commission d’émettre les ordonnances suivantes : [Traduction] (1) obligeant la défenderesse à rembourser au syndicat, sur- le-champ, toutes les sommes dépensées en son nom personnel aux fins de la poursuite civile en question; (2) interdisant à la défenderesse d’occuper un poste au sein du syndicat pendant cinq (5) ans à compter de la date de l’ordonnance; (3) obligeant la défenderesse à me rembourser tous les frais judiciaires engagés relativement au traitement et à l’audition de la présente plainte.

En ce qui concerne la plainte (dossier 161-2-814) initialement déposée en vertu de l’article 23 de la LRTFP le 18 octobre 1996 et subséquemment transformée en

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Décision Page 3 demande fondée sur l’article 21 de la LRTFP par le plaignant Feldsted le 31 janvier 1997, les défendeurs sont le SESG et l’AFPC : dossier 148-2-253.

La demande est ainsi formulée : [Traduction] Le requérant soutient que les défendeurs, une organisation syndicale et un conseil d’organisations syndicales, ont suspendu à tort mon adhésion syndicale pour une période de cinq ans, en violation des dispositions de l’article 6 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

L’article 6 de la LRTFP est ainsi libellé : 6. Un fonctionnaire peut adhérer à une organisation syndicale et participer à l'activité légitime de celle-ci.

Le paragraphe 21(1) de la LRTFP est rédigé comme suit : 21. (1) La Commission met en oeuvre la présente loi et exerce les pouvoirs et fonctions que celle-ci lui confère ou qu'implique la réalisation de ses objets, notamment en prenant des ordonnances qui exigent l'observation de la présente loi, des règlements pris sous le régime de celle-ci ou des décisions qu'elle rend sur les questions qui lui sont soumises.

Le plaignant demande à la Commission d’émettre les ordonnances suivantes : [Traduction] 1.) une ordonnance obligeant les défendeurs à me rembourser sans délai toutes les cotisations syndicales que j’ai payées entre la date de la « suspension » et la date de l’ordonnance.

2.) une ordonnance interdisant aux défendeurs de suspendre des membres ou d’autrement brimer ou d’enfreindre les droits conférés aux fonctionnaires aux termes de l’article 6 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

L’audience a duré une journée. Les parties n’ont déposé aucune pièce et n’ont fait entendre aucun témoin. Malgré l’absence d’un énoncé conjoint des faits, les faits n’étaient pas contestés dans les affaires dont je suis saisi et sont principalement

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Décision Page 4 repris dans diverses lettres versées aux dossiers de la Commission concernant ces affaires.

Arguments concernant l’admissibilité des plaintes et des demandes M e Bramwell soutient que, même si aucun délai n’est fixé dans la loi, elle est d’avis que « des relations de travail différées sont des relations de travail refusées ». Elle affirme que les poursuites civiles intentées relativement à ces affaires ont commencé en février 1995 et que les plaintes n’ont été déposées qu’en octobre 1996. Elle fait valoir que les plaignants connaissaient très bien leurs droits, qu’ils n’étaient pas ignorants du processus et qu’ils auraient pu par conséquent déposer leurs plaintes beaucoup plus tôt, étant donné surtout que l’AFPC est toujours prête à recevoir des plaintes. Elle soutient que la LRTFP n’est pas censée s’appliquer sans limites de temps. Elle termine en disant que le retard de presque deux ans est injuste pour l’AFPC et que je devrais, par conséquent, rejeter les plaintes parce qu’elles n’ont pas été déposées en temps opportun. L’avocate a invoqué l’affaire Horstead (dossier 161-2-739) et l’affaire Harrison (dossier 161-2-725).

M e Bjornson soutient que les plaintes se rapportent à une série de circonstances inhabituelles et que les plaignants estiment que l’argument de l’agent négociateur est sans fondement. En effet, lorsque l’interrogatoire préalable a commencé en août 1995 au sujet de la procédure civile intentée par M me Garwood-Filberts contre M. Feldsted et que l’AFPC a envoyé une lettre datée du 14 septembre 1995 dans laquelle elle précisait que les frais judiciaires de M me Linda Garwood-Filberts étaient assumés par l’AFPC, les plaignants ont alors voulu régler l’affaire civile, mais ils ont échoué. L’affaire se poursuit encore aujourd’hui au su de l’agent négociateur et avec le soutien financier de celui-ci même si les plaignants ont offert de régler l’affaire. M e Bjornson termine en disant qu’on a tort de débattre la question de l’admissibilité des plaintes et des demandes étant donné que ses [traduction] « clients ont cherché à régler la question avant de déposer leurs plaintes ».

En réfutation, M e Bramwell soutient que le plaignant Feldsted a intenté une poursuite au civil contre M me Garwood-Filberts en décembre 1995 et que l’AFPC n’était pas partie à cette affaire. Elle me demande de ne pas confondre la lenteur du processus judiciaire avec « l’inextricable affaire » dont je suis saisi. Elle fait valoir que

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Décision Page 5 si les plaignants ont obtenu la confirmation du financement des frais judiciaires de M me Garwood-Filberts en septembre 1995, pourquoi ont-ils attendu jusqu’en octobre 1996 pour déposer leurs plaintes. L’avocate déclare que le temps, dans cette affaire, devrait être mesuré en mois et non pas en années. D’après elle, la période qui s’est écoulée entre le 14 septembre 1995, soit la date à laquelle les plaignants ont officiellement appris que l’AFPC finançait M me Garwood-Filberts, et le 6 décembre 1996, date à laquelle le plaignant Feldsted a écrit à la Commission pour obtenir son avis aux termes de l’article 6 de la LRTFP, est trop longue.

Je réserve ma décision au sujet de l’admissibilité des plaintes et des demandes. Arguments concernant la compétence M e Bramwell soutient que les plaintes fondées sur l’article 23 et les demandes fondées sur l’article 21 de la LRTFP ne relèvent pas de la compétence de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) en raison de la teneur de ces plaintes qui se rapportent à des affaires internes du syndicat. Elle fait valoir que la décision d’appuyer la poursuite de M me Garwood-Filberts a été prise par l’agent négociateur sans qu’il ait été nécessaire de consulter l’employeur, et que la décision a été prise conformément au règlement administratif de l’agent négociateur à l’occasion d’une réunion dûment convoquée par le SESG. Elle arrive donc à la conclusion que la présente action ne répond à aucun des critères énoncés à l’article 23 ou au paragraphe 10(2) de la LRTFP il est question des rapports entre l’agent négociateur et le plaignant. Elle fait valoir que la décision d’aider financièrement M me Garwood-Filberts est une décision interne du syndicat et que le paragraphe 10(2) de la LRTFP ne mentionne aucunement la façon dont les fonds doivent être utilisés à l’interne par l’agent négociateur. L’AFPC est une organisation démocratique qui doit répondre de ses actes devant ses membres uniquement. M e Bramwell soutient que la LRTFP autorise la CRTFP à intervenir seulement lorsque la relation d’emploi d’un plaignant est en cause. La CRTFP administre un régime différent de celui du Conseil canadien des relations du travail (CCRT).

En ce qui concerne le redressement demandé dans l’affaire Garwood-Filberts, M e Bramwell soutient que la CRTFP n’est pas autorisée à adjuger des frais et elle ne l’a jamais fait. Elle indique que je ne peux permettre que l’article 6 de la LRTFP,

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Décision Page 6 concernant l’adhésion à une organisation syndicale, qui est un article déclaratoire, devienne un moyen détourné de faire appliquer le paragraphe 10(2) de la LRTFP. En bref, elle fait valoir que je n’ai pas compétence pour trancher aucune des questions qui m’ont été soumises étant donné qu’elles ont toutes trait aux affaires internes du syndicat.

L’avocate invoque les affaires St-James et autres (dossier 100-1); Shore (dossier 161-2-732); Mark Conlin and Canadian Union of Postal Workers (1994), 27 C.L.R.B.R., (2d) 149; Forsen (dossier 148-2-209); Hibbard (dossier 161-2-136); Laporte (dossiers 148-2-199, 161-2-640); Martel (dossier 161-2-669 à 671).

M e Bjornson fait valoir, au sujet du financement des frais judiciaires de M m e Garwood-Filberts, que ses clients jugeaient que leurs plaintes étaient fondées étant donné que, dans la mesure ils pouvaient le déterminer, l’agent négociateur n’a pas respecté les procédures internes en agissant comme il l’a fait. Il soutient aussi qu’ils estimaient que la CRTFP était leur seul recours étant donné que l’AFPC et le SESG sont visés par la LRTFP. Il déclare que la jurisprudence invoquée par M e Bramwell n’est pas valable et qu’elle n’a pas force obligatoire du fait surtout qu’aucune de ces décisions n’a jamais été renvoyée à la Cour fédérale en vue de faire clarifier toute ambiguïté concernant l’argument perpétuel voulant que la CRTFP n’ait pas le droit d’intervenir dans les affaires internes d’un syndicat. Selon M e Bjornson, le principe ou le droit incorporé dans la version révisée de la LRTFP en juin 1993, est erroné. Il soutient que la LRTFP doit être prise dans son ensemble et interprétée en fonction de son intention première qui est de [traduction] « protéger le petit employé contre les agissements d’une organisation syndicale ».

M e Bjornson invoque l’article 37 du Code canadien du travail (CCT) qui fait référence aux droits reconnus par la convention collective, qui n’ont pas été incorporés par le Parlement au paragraphe 10(2) de la LRTFP.

L’article 37 du CCT est rédigé comme suit : 37. Il est interdit au syndicat, ainsi qu'à ses représentants, d'agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l'égard des employés de l'unité de négociation dans l'exercice des droits reconnus à ceux-ci par la convention collective.

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Décision Page 7 M e Bjornson fait valoir que ses clients auraient pu invoquer la procédure de règlement des griefs en s’adressant à M me Garwood-Filberts, mais ils ne l’ont pas fait pour des raisons évidentes et parce qu’ils ne pouvaient sans doute pas intenter des poursuites au civil contre l’agent négociateur. Il soutient que le devoir de représentation juste est une obligation en common law étant donné que la LRTFP ne semble pas offrir de solutions aux plaignants.

M e Bjornson me demande d’interpréter la LRTFP en me déclarant compétent pour trancher les présentes affaires en vue donner au [traduction] « petit employé la chance de se faire entendre à une date ultérieure ».

En réfutation, M e Bramwell déclare que la décision d’omettre toute référence à une convention collective au paragraphe 10(2) de la LRTFP est une décision délibérée du Parlement. Elle soutient que le libellé du paragraphe 10(2) était limpide par le passé et qu’il continuera d’être interprété comme il a été interprété dans la jurisprudence qu’elle a invoquée. Les termes « agent négociateur » sont mentionnés au paragraphe 10(2) parce que l’agent négociateur contrôle les rapports entre le fonctionnaire et l’employeur.

M e Bramwell termine en disant que même si les plaignants estiment être victimes d’une injustice, la CRTFP n’a pas pour autant compétence pour trancher les questions soulevées étant donné que la LRTFP est à toutes fins utiles muette sur la façon dont un agent négociateur doit se comporter.

Décision Je conclus, au sujet de la question de l’admissibilité des plaintes et des demandes, qu’en l’absence de délai fixé par la loi, les plaintes et les demandes ont été présentées en temps opportun pour les raisons suivantes. Contrairement à la décision rendue dans l’affaire Horstead (supra) qui concerne une situation qui s’est prolongée pendant plusieurs années, on peut dire que les plaintes dont je suis saisi se rapportent à une situation qui, au pire, dure depuis treize mois (du 14 septembre 1995 au 16 octobre 1996) selon M e Bjornson ou, au mieux, depuis dix mois (de décembre 1995 à octobre 1996) selon M e Bramwell. Ce sur quoi les avocats ne s’entendent pas c’est sur la longueur des délais et sur la question de savoir si les plaintes et les demandes devraient être considérées comme présentées hors délai.

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Décision Page 8 Bien qu’on puisse faire valoir que ces délais sont à la limite de l’acceptable pour le maintien de bonnes relations de travail, ils ne sont pas déraisonnables dans les circonstances particulières des affaires dont je suis saisi. Je reconnais toutefois qu’il incombe au plaignant de déposer une plainte le plus tôt possible. Les actions étaient et sont encore en cours, sinon devant la CRTFP, du moins devant les tribunaux civils, lorsque la question du paiement des frais judiciaires s’est initialement posée en septembre 1995. Je crois M e Bjornson lorsqu’il dit que les parties ont déployé des efforts continus en vue de régler la question avant de déposer des plaintes écrites à la CRTFP en octobre 1996. Pour ces motifs, j’estime que les plaintes et les demandes ont été déposées en temps opportun.

Pour ce qui est de la question de ma compétence, je dois répondre différemment en reconnaissant « l’inextricable affaire » pour le « petit employé » dans laquelle se retrouvent les plaignants. Si j’interviens, je dois me demander en vertu de quel pouvoir je le fais et quelles limites doivent être fixées relativement à ce genre d’intervention à l’avenir?

Si je n’interviens pas, alors vers qui les plaignants doivent-ils se tourner pour faire trancher leurs plaintes et qui paiera leurs frais?

Les réponses à ces deux questions ne sauraient se trouver dans la présente décision; toutefois, peut-être figureront-elles dans de futures révisions de la LRTFP. Telle qu’elle est libellée actuellement, la LRTFP, qu’il s’agisse de l’article 6 ou du paragraphe 10(2), ne me permet pas de conclure que j’ai légalement le pouvoir de me pencher sur les plaintes et les demandes qui m’ont été soumises.

La décision St.-James et autres (supra), rendue en mars 1992, étaye ma conclusion. On peut y lire, aux pages 7 et 8 : Il est généralement reconnu qu’une commission de relations de travail, du moins en l’absence de dispositions précises dans sa loi habilitante, n’a pas le pouvoir de contrôler ou de régir les affaires internes d’un agent négociateur. Par exemple, M e George Adams, ex-président de la Commission des relations de travail de l’Ontario (maintenant le juge Adams), affirme ce qui suit dans Canadian Labour Law (1985) Canadian Law Book, page 721 :

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Décision Page 9 [traduction] Les commissions des relations de travail ont clairement indiqué que le devoir de représentation juste prévu par la loi ne s’appliquait pas aux affaires internes des syndicats. Il ne s’applique qu’à la représentation des membres du syndicat du point de vue de leurs relations avec l’employeur. C’est pourquoi les commissions de relations de travail refusent de statuer sur : la tenue des votes de ratification; la suspension de membres par les syndicats, l’interdiction aux non- membres de voter sur des questions contractuelles pendant les négociations collectives; les procédures d’appel des syndicats concernant la décision de donner ou non suite à un grief; les procédures prévues par les statuts d’un syndicat à l’égard des élections; le droit d’un membre de se porter candidat à un poste de délégué syndical; les méthodes utilisées pour choisir les délégués qui participent aux congrès des syndicats et les dérogations éventuelles d’un syndicat à son propre règlement; le retrait injustifié d’un plaignant d’un poste syndical ou son exclusion du syndicat dans les cas il était clair qu’il ne faisait pas partie de l’unité de négociation; et la présumée omission d’un syndicat d’offrir un régime de retraite convenable.

La Commission des relations de travail dans la fonction publique n’a pas d’autres pouvoirs que ceux que lui confère la loi. Or, il est tout à fait clair que la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ne lui donne pas le droit de régir les affaires internes des agents négociateurs. Le fait d’avoir été accrédité en vertu de l’article 28 de la Loi impose sans aucun doute des obligations à l’agent négociateur. Cependant, comme l’a fait remarquer le représentant des défendeurs, à moins que les mesures de l’agent négociateur ne touchent les relations employeurs-employés, la Commission ne peut intervenir.

La Commission a déclaré ce qui suit, en septembre 1993, au sujet de l’article 6 de la LRTFP, aux pages 7 et 8 de la décision Forsen (supra) : La jurisprudence des commissions de relations de travail et des tribunaux montre que, depuis longtemps, il est jugé que cette disposition visait principalement à établir et à protéger le droit des employés d’adhérer à un syndicat et de participer à ses activités sans craindre de représailles de la part de l’employeur.

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Décision Page 10 Je crois que cette décision est toujours valable aujourd’hui et qu’elle s’applique dans les affaires dont je suis saisi.

De même, en ce qui concerne le paragraphe 10(2) de la LRTFP, je ne trouve aucun libellé, précédent ni aucune compétence légale qui me permette d’intervenir dans ces affaires.

Pour tous ces motifs, ni l’article 6 ni le paragraphe 10(2) de la LRTFP ne peuvent être invoqués pour que j’intervienne dans les affaires internes d’un agent négociateur, comme on l’a demandé dans les affaires dont je suis saisi.

Par conséquent, les présentes plaintes et demandes sont rejetées faute de compétence.

J. Barry Turner, commissaire.

OTTAWA, le 3 novembre 1997. Traduction certifiée conforme

Serge Lareau

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