Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Plainte fondée sur l'article 133 du Code canadien du travail (Code) - Harcèlement en contravention de l'article 147 du Code - le plaignant, un agent de correction, s'est prévalu de son droit de refuser de travailler dans un environnement dangereux, c'est-à-dire dans un environnement non exempt de fumée de cigarette - Santé Canada a confirmé que le plaignant ne devait pas être exposé à la fumée de cigarette pour des motifs de santé - l'usage du tabac étant très courant pendant la journée, particulièrement chez les détenus de l'établissement pénitentiaire où travaillait le plaignant, celui-ci a été affecté à des postes de travail de l'après-midi et de la nuit - le plaignant a allégué, entre autres choses, qu'il faisait l'objet de harcèlement en raison de son refus de travailler, et que son nouvel horaire de postes de soirée et de nuit constituait des représailles pour avoir invoqué les droits que le Code lui reconnaît - le plaignant a demandé le remboursement d'une somme de 71 $ pour des appels interurbains à Santé Canada effectués de son domicile en relation avec sa situation, soutenant qu'il n'avait pu téléphoner de l'établissement pendant les heures normales de bureau comme il pouvait le faire lorsqu'il était affecté à des postes de jour - il a également demandé les 15 jours de congé de maladie qui lui auraient censément été refusés à titre de représailles à la suite de son refus de travailler, ainsi qu'une ordonnance interdisant à un gestionnaire de lui téléphoner à la maison - la Commission n'a pas abordé la question du congé de maladie car celle-ci était en instance d'arbitrage - la Commission a conclu que même si elle avait la compétence requise pour trancher la plainte fondée sur l'article 147 du Code, elle était d'avis que, dans les circonstances, l'employeur avait agi raisonnablement en affectant le plaignant à un horaire de postes de soirée et de nuit et que les allégations du plaignant selon lesquelles il avait fait l'objet de harcèlement ou de toute autre violation de l'article 147 n'étaient pas fondées. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Dossier: 160-2-49 Code canadien du travail, Devant la Commission des relations partie II de travail dans la fonction publique ENTRE ROBERT MARTIN plaignant et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Solliciteur général Canada - Service correctionnel)

employeur AFFAIRE: Plainte fondée sur l'article 133 du Code canadien du travail Devant: Rosemary Vondette Simpson, commissaire Pour le plaignant: Lui-même Pour l’employeur: Jock Climie, stagiaire en droit, et Charlene Sullivan Affaire entendue à Bathurst (Nouveau-Brunswick), le 9 janvier 1996.

Decision Page 1 DÉCISION La plainte, présentée par M. Robert Martin, anciennement CO-1 auprès du Service correctionnel Canada, se lit comme suit :

[traduction] Objet :Représailles de l’employeur J’estime faire l’objet de harcèlement de la part de mon employeur à la suite d’une plainte que j’ai déposée au sujet de l’interdiction de fumer et de la qualité de l’air. (1) Je suis affecté en permanence au quart de nuit, puis aux quarts de soirée et de nuit depuis la rencontre du 28 juin 1995 avec la Commission des relations de travail dans la fonction publique. (2) On a insinué que je pourrais être renvoyé pour incapacité. (3) En violation de l'entente, des renseignements confidentiels relatifs à mon cas et à des ententes afférentes ont été divulgués. (4) J’ai demandé à avoir accès, aux termes de la Loi sur l’accès à l’information, à tout document portant mon nom concernant la présente plainte, sans recevoir de réponse.

M. Martin m’a référé à une note de service datée du 24 août 1995, que M. Robert Reid, Centre des services de main-d’oeuvre, Région de l’Atlantique, a envoyée à M. Luc Sarrazin, agent des Nouveau-Brunswick. M. Martin a affirmé que cette note de service apporte des précisions supplémentaires à sa plainte. Elle se lit comme suit :

[traduction] Plainte de harcèlement - Robert Martin c. SCC Comme vous le savez, j’ai pris l’initiative de rencontrer M. Robert Martin le mercredi 23 août 1995 en vue d’essayer de régler sa plainte dans laquelle il allègue avoir fait l’objet de harcèlement de la part de l’employeur en contravention de l’article 133 ou 147 du Code canadien du travail. La rencontre a eu lieu en dehors de ses heures de travail dans un endroit neutre (Tim Horton à Douglastown). Il était accompagné de sa femme et de son fils de 13 ans.

Voici, dans l’ordre chronologique, telles qu’elles m’ont été racontées lors de cette rencontre, les circonstances invoquées par M. Martin pour appuyer son assertion de harcèlement.

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relations du travail, Région du

Decision Page 2 23 MAI 1995 Ayant décidé d’exercer son droit de refuser de travailler en vertu de l’article 128 du CCT en faisant valoir que la fumée de cigarette posait un risque à sa santé, M. Martin a été affecté dans un secteur qui n’était pas non plus sans fumée pendant que son cas était à l’étude.

Après le refus, et en dépit du fait qu’un grief rendu au troisième palier de la procédure de règlement des griefs faisait en sorte qu’il ne pouvait toujours pas travailler dans les bâtiments principaux de l’établissement, on lui a ordonné de travailler à l’intérieur.

24 MAI 1995 J.K. Hare, surveillant correctionnel, faisant vraisem- blablement allusion à la mesure prise en vertu du Code canadien du travail, lui aurait dit : « Ferme ta crisse de gueule et travaille ».

24 JUIN (quatre jours avant l’audition de la plainte de M. Martin devant la CRTFP)

M. Martin a été convoqué dans le bureau de M. J.K. Hare en présence de témoins, soit M. A. Crowe (syndicat) et M. McCaully (direction). D’après M. Martin, M. Hare s’est tout de suite mis à parler de la plainte, donnant ainsi le ton de la réunion. Il s’est ensuite mis à annuler certaines dispositions de l’entente concernant les tâches allégées conclue antérieurement. Il a déclaré que M. Martin perdrait :

- le privilège de travailler par roulement sur les trois quarts - la possibilité de faire des heures supplémentaires - la rémunération des jours fériés (fêtes légales).

Il a également donné à entendre que les démarches effectuées par M. Martin pour faire interdire l’usage du tabac dans l’établissement allaient déclencher une émeute chez les détenus. Il a aussi sous-entendu que le syndicat s’était retourné contre lui (M. Martin) pour la même raison.

29-30 JUIN 1995 (un ou deux jours après l’audience) M. John Harris a rencontré M. R. Martin; M. Nicholson (représentant syndical) était présent. M. Harris a affirmé que M. Martin pouvait être renvoyé à cause de son incapacité à faire son travail. Il a dit quelque chose du genre : « Si l’établissement respecte les normes gouvernementales et que les détenus peuvent continuer de fumer, tu seras

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Decision Page 3 renvoyé pour incapacité puisque tu ne peux pas exécuter toutes les tâches de ton poste. »

M. Harris a fait des déclarations de nature personnelle : « On t'a vu entouré de fumeurs chez Tim Horton . »

M. Martin a cru comprendre qu’il n’avait d’autre choix que de signer un document stipulant les modalités de son affectation à des tâches allégées. L’entente avait été modifiée et le quart de jour avait été éliminé de la liste des affectations par roulement.

M. Martin a affirmé qu’il s’était senti menacé par les propos de M. Harris lors de la rencontre. Il venait de terminer son quart de nuit et était fatigué. Il a quand même attendu trois heures en vue de rencontrer M. Harris. (Il n’a pas encore été rémunéré (23-8-95) pour ces trois heures.)

Il a désavoué par la suite la signature du document et a envoyé un message à cet effet à MM. Harris, Hutcher, Hare, Banister, Monk et Nicholson. (Sa réaction a été notée dans une note de service de M. Harris en date du 14-7-95.)

11 JUILLET 1995 Pendant son congé de maladie, M. R. Martin a reçu un appel téléphonique de M. Harris qui a affirmé qu’il ne prêtait pas foi au certificat médical. ( « Tu n'as pas l’air malade. », lui a-t-il dit.)

- M. Harris lui a demandé de divulguer des renseignements personnels au sujet de son état de santé. Qu’est-ce qui ne va pas? »)

- M. Harris lui a demandé l’autorisation de consulter son médecin. M. Martin a refusé.

M. Martin a appris que M. Harris avait communiqué avec son médecin par la suite (d’après et le médecin et l'employé de ce dernier).

27 JUILLET 1995 M. J. Harris a téléphoné au domicile de M. Martin. Il s’est entretenu avec le fils de 13 ans de ce dernier, Steven, à qui il a dit que son père allait devoir se faire examiner par un médecin à Halifax. L’adolescent en a été bouleversé, ne sachant pas si son père était atteint d’une maladie grave ou non. M. Harris lui a ensuite donné des instructions compliquées au sujet des arrangements de voyage,

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Decision Page 4 notamment les horaires de train, les réservations d’hôtel et la date et l’heure du rendez-vous avec le médecin à Halifax.

28 JUILLET 1995 M. R. Martin a téléphoné au commis de M. Harris, qui lui a dit que les billets de train seraient livrés chez lui vers 14 h. N’étant pas rémunéré pendant qu’il attendait la livraison des billets, M. Martin n’était pas chez lui et n’a donc pu en prendre livraison.

D’après M. Harris, il n’y avait aucun véhicule de disponible pour effectuer le trajet jusqu’à Halifax. M. Martin a communiqué avec un certain Marshall Gaston, au garage, qui lui a dit que quatre véhicules étaient disponibles.

M. Harris a également réitéré son refus de payer des heures supplémentaires et le kilométrage. L’employeur tenait pour acquis que M. Martin prendrait un congé compensatoire. Ce dernier était prêt à se rendre à Halifax à la condition qu’on lui fournisse un véhicule. M. Harris a aussi affirmé que M. Martin était trop malade pour conduire. Ce dernier a dit que ce n’était pas le cas, qu’il se sentait assez bien pour conduire, mais qu’il avait demandé un « copilote » pour l’accompagner (cela aurait déjà été autorisé par le passé dans certains cas).

NOTA D’après M. Martin, on a voulu faire passer un message en lui demandant de prendre le train pour se rendre à Halifax. En effet, les agents renvoyés de l’établissement depuis peu voyagent normalement par train, tandis que les membres du personnel utilisent les véhicules du gouvernement (parfois le leur) lorsqu’ils doivent se déplacer.

28 JUILLET 1995 M. Martin a lui-même livré son certificat médical à l’établissement et confirmé qu’il était disposé à se rendre à Halifax si on lui fournissait un véhicule. M. Sharpe, avec qui on a communiqué, a refusé de lui en fournir un en affirmant que M. Martin ne possédait pas le permis requis pour conduire sur une route. (Nota : exigence dont on n’avait jamais entendu parler.)

1er AOÛT 1995 Bien qu’il se soit agi de la première journée de retour au travail à la fin du congé de maladie et qu’on accorde normalement un délai de trois jours pour la remise du certificat médical, on avait déjà pris des dispositions pour retenir le salaire de M. Martin. On a déduit le plein montant

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Decision Page 5 d’un seul coup, encore une fois contrairement à ce qui se fait normalement dans ce genre de situation.

M. Martin n’a pas invoqué un article particulier du Code qui, d’après lui, aurait été enfreint par l’employeur. J’attire toutefois votre attention sur l’alinéa 147 a).

En vertu de cet alinéa... « Il est interdit à l’employeur de congédier, suspendre, mettre à pied ou rétrograder un employé ou de lui imposer une sanction financière ou autre ou de refuser de lui verser la rémunération afférente à la période au cours de laquelle il aurait travaillé s’il ne s’était pas prévalu des droits prévus par la présente partie, ou de prendre des mesures disciplinaires contre lui parce que [cet employé] (iii) a observé les dispositions de la présente partie ou cherché à les faire appliquer [...] »

Comme vous le savez, en vertu de cet alinéa, il nous incombe de prouver que l’employé a fait l’objet d’une sanction. Il faudra donc vérifier la véracité des renseignements ci-dessus, faire la preuve des mesures de rétorsion et établir leur lien avec les actes posés par M. Martin aux termes du Code et (ou) du Règlement.

La Commission a été saisie de la plainte de M. Martin conformément à l’article 133 du Code canadien du travail (CCT). Cet article se lit comme suit : 133. (1) L'employé peut présenter une plainte écrite au Conseil au motif que son employeur a pris, à son endroit, des mesures contraires à l'alinéa 147a) parce qu'il s'était prévalu de l'article 128 ou 129.

[...] (3) Le droit de porter plainte est subordonné à l'observation des paragraphes 128(6) ou 129(1) en ce qui touche le fait qui a donné lieu à la plainte.

(4) Malgré toute règle de droit ou toute convention à l'effet contraire, l'employé ne peut déférer sa plainte à l'arbitrage.

[...] (6) Dans toute plainte faisant état d'une violation, par l'employeur, de l'alinéa 147a), la présentation même d'une plainte constitue une preuve de la violation; il incombe dès lors à la partie qui nie celle-ci de prouver le contraire.

Au début de l’audience, les parties m’ont indiqué que M. Martin n’était plus au service du Service correctionnel Canada. Il a accepté une indemnité pour départ

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Decision Page 6 volontaire et travaille désormais pour une entreprise privée. De plus, j’ai accordé du temps aux parties au début de l’audience pour qu’elles puissent discuter des questions litigieuses en suspens. À l’issue de leur discussion, les parties m’ont indiqué qu’elles avaient convenu de se limiter à certaines d’entre elles. M. Martin les a exposées de la manière suivante.

D’après M. Martin, l’employeur aurait pris des mesures de rétorsion contre lui parce qu’il s’était prévalu de son droit de refuser de travailler aux termes des articles 128 et 129 du CCT. Il a fait valoir que son affectation à des tâches allégées constituait une forme de mesure disciplinaire déguisée parce qu’il avait débourser la somme de 71 $ à cause de cette affectation. En effet, son horaire de travail l’avait empêché de se servir du téléphone du bureau comme il le faisait normalement. Il a engager des frais d’appels interurbains pour téléphoner au bureau du personnel à Moncton et à d’autres personnes avec qui il s’est entretenu de ses craintes pour sa santé. En guise de redressement, il a demandé que j’ordonne à l’employeur de payer sa note de téléphone. M. Martin a également soutenu que M. Harris lui avait téléphoné à la maison et que, de façon inconvenant, il s’était servi de son fils, à une occasion, pour lui transmettre un message. Il m’a demandé d’émettre une ordonnance interdisant à M. Harris de lui téléphoner à la maison.

M. Martin a également prétendu que le refus du congé de maladie de 15 jours en juillet 1995 constituait une forme de mesure disciplinaire et de représailles de la part de l’employeur parce qu’il avait exercé son droit de refuser de travailler. En guise de redressement, il me demande d’ordonner à l’employeur de le rémunérer pour les 15 jours de congé de maladie. M. Martin a déposé un grief contestant le refus de l’employeur de lui accorder ce congé de maladie. Le grief a été renvoyé à l’arbitrage.

La preuve Le premier témoin cité par l’employeur a été M. Hatcher, sous-directeur, Établissement de l’Atlantique. M. Hatcher, qui travaille à l’établissement depuis environ un an et demi, a connu M. Martin à son arrivée. Peu après son arrivée, on lui a fait part des inquiétudes de M. Martin au sujet de sa santé. M. Martin trouvait que le lieu de travail était malsain et posait des risques à sa santé à cause de la présence de fumée de cigarette. M. Hatcher a pris des mesures provisoires pour régler le problème après avoir obtenu confirmation de la maladie de M. Martin par les médecins; il l'a

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Decision Page 7 affecté à des tâches allégées. À la suite d’un examen médical effectué par Santé Canada, M. Martin a été classé dans la catégorie « Type B », soit apte à travailler moyennant certaines restrictions. Ces restrictions avaient trait à sa vulnérabilité à la fumée. Avant son affectation à des tâches allégées, M. Martin s’occupait de la surveillance des détenus dans divers secteurs de l’établissement. Beaucoup de fumée émane des détenus puisque 99 p. 100 d’entre eux fument. M. Martin a été affecté à l’entrée principale de l’établissement, aux unités mobiles et à la tour. On l’a initialement autorisé à travailler sur les trois quarts existant pour chacun de ces postes. Des dispositions ont été prises pour faire effectuer des analyses de la qualité de l’air par Travail Canada. Les résultats de ces analyses ont été très favorables. En fait, la qualité de l’air dans l’établissement était aussi bonne que dans beaucoup d’immeubles gouvernementaux, sinon supérieure. On a cependant décelé des particules de cendre de cigarette en suspension dans l’air, mais en très petite quantité. Sur la foi de ces résultats, M. Hatcher a songé à réaffecter M. Martin à l’exécution de la gamme complète de ses tâches. Mais, toujours préoccupé par la présence de particules en suspension, même si c’était en infime quantité, il a demandé des précisions à Santé Canada. Il voulait savoir si M. Martin, en raison de son état de santé, ne pouvait travailler que dans des secteurs il y avait absence totale de fumée ou, vu l’excellente qualité de l’air, s’il pouvait travailler n’importe où. La réponse de Santé Canada lui a clairement fait comprendre que M. Martin devait travailler uniquement dans des secteurs totalement exempts de fumée. M. Hatcher a donc décidé de négocier avec M. Martin une entente officielle d’exécution de tâches allégées. Les négociations se sont déroulées le 23 ou le 24 juin 1995 en présence de l’agent Hare, et M. Martin a signé l’entente le 30 juin 1995; il s’est cependant rétracté plus tard au cours de la journée. À la suite d’une audience en arbitrage tenue le 28 juin 1995, les parties ont essayé de trouver une solution. Même si M. Martin avait initialement été affecté au quart de nuit seulement, M. Harris, à l’issue des discussions visant à régler le problème, l’a autorisé, à titre d’essai, à travailler durant les quarts de soirée et à occuper des postes bien précis. On a établi les postes et les quarts auxquels on jugeait pouvoir l’affecter en fonction de la nécessité de restreindre ses contacts avec les visiteurs, les autres agents et les détenus eux-mêmes. L’employeur pouvait lui garantir une absence totale de fumée uniquement pendant le quart de nuit. En effet, les détenus retournent dans leur cellule à 22 h, il est extrêmement rare qu’il y ait des visiteurs et il y a moins de contact avec les autres membres du personnel étant donné

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Decision Page 8 qu’il est moins nécessaire de remplacer les autres agents aussi souvent et d’interagir autrement avec eux. M. Martin s’est adressé directement à M. Hatcher pour lui demander la permission de travailler le jour également. M. Hatcher a refusé à cause de la directive sans équivoque de Santé Canada, selon laquelle le lieu de travail de M. Martin devait être totalement exempt de fumée. Sa décision n’a rien eu à voir avec le refus de M. Martin de travailler. Même s’il était interdit de fumer dans certains secteurs, M. Martin aurait pu involontairement être exposé à la fumée. À l’entrée principale, par exemple, il arrive que des visiteurs se présentent une cigarette à la main. On leur demande de l’éteindre, mais la fumée continue de flotter dans l’air. Pendant le quart de jour, le remplacement et la réaffectation du personnel à d’autres postes pour régler des crises mineures posent un problème constant. Ces crises sont plus susceptibles de survenir le jour parce qu’il y a plus d’activités et que les détenus peuvent aller et venir et fumer presque n’importe dans l’établissement.

En réponse à une question de M. Martin, en contre-interrogatoire, à savoir s’il fallait accorder de l’importance au fait qu’on n’avait pas utilisé la formule prévue pour les affectations à des tâches allégées dans le cas de l’entente en question, le témoin a déclaré qu’il s’agissait d’une omission et qu’il ne fallait pas y attacher d’importance. L’entente conclue avec M. Martin a été imprimée sur du papier ordinaire afin de disposer d’amplement d’espace pour décrire son problème de santé.

Le témoin a également affirmé que les quarts de nuit étaient souvent utilisés pour l’affectation d’agents à des tâches allégées lorsqu’il était nécessaire de limiter leurs contacts avec les détenus. Par exemple, il arrive souvent aux agentes enceintes de demander à travailler de nuit afin d’être moins exposées à certains détenus qui pourraient être violents. C’est ce que l’on avait fait dans le cas de M. Martin. Étant donné que la principale source de fumée au sein de l’établissement provenait des détenus, il était nécessaire de limiter ses contacts avec eux pour l’exposer le moins possible à la fumée.

M. John Harris, directeur d’unité résidentielle, a également témoigné au nom de l’employeur. Il a été directement mis en cause lorsque M. Martin, vers la fin de mai 1995, s’est prévalu de son droit de refuser de travailler en vertu de la Partie II du CCT. L’incident à l’origine du refus de M. Martin est survenu avant le début du quart auquel il avait été affecté lorsqu’il a trouvé des mégots de cigarettes dans le cendrier de

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Decision Page 9 l’auto-patrouille qu’il devait utiliser durant le quart. Il en a conclu que quelqu’un avait fumé dans le véhicule avant son quart. Informé du refus de travailler de M. Martin, M. Harris a décidé de le réaffecter à la tour. Peu après cette réaffectation, l’agent de sécurité, M. Luc Sarrazin, a communiqué avec M. Harris. Il lui a donné des instructions sur la façon de régler le problème. M. Harris a ensuite convoqué M. Martin, qui se trouvait dans la tour. Bien que la tour n’ait pas été un secteur sans fumée, M. Martin devait y travailler seul à ce moment-là. Ce dernier a indiqué à M. Harris qu’il se prévalait de son droit de refuser de travailler dans un certain nombre d’autres postes également. Il a refusé de travailler dans le hall, au poste de contrôle vitré, avec la patrouille mobile et n’importe dans l’immeuble principal il pouvait y avoir de la fumée dans l’atmosphère. M. Sarrazin a effectué une visite de l’établissement et rencontré MM. Martin et Harris ainsi qu’un certain M. Tom Sharp. Il a demandé à M. Martin s’il avait noté un changement dans la qualité de l’air de l’établissement depuis les derniers tests que lui-même avait effectués. M. Martin a répondu par la négative, sur quoi M. Sarrazin a conclu que la qualité de l’air ne posait pas de danger.

M. Harris a déclaré qu’il s’était toujours bien entendu avec M. Martin jusqu’au 28 juillet 1995. Le fait que M. Martin se soit plaint de la qualité de l’air ne le dérangeait pas parce qu’il voulait lui-même l’améliorer. Il a affirmé qu’il était asthmatique.

Le 30 juin, M. Martin était présent à la séance de signature de l’entente datée du 25 juin concernant les tâches allégées. Il était accompagné de son représentant syndical, M. Murdoch Nicholson. M. Martin avait déjà convenu verbalement avec l’agent Hare, le 25 juin, qu’il travaillerait de nuit seulement. M. Harris a déclaré que, le 28 juin 1995, en vue de régler le problème, il « s’était exposé » en s’engageant à autoriser M. Martin à travailler en soirée. Le lendemain matin, lorsqu’il l’a mentionné à M. Hatcher, le sous-directeur de l’établissement, celui-ci a refusé d’autoriser M. Martin à travailler le jour. M. Harris a réfuté la déclaration de M. Martin, selon laquelle la direction avait refusé de le laisser travailler le jour en guise de représailles pour son refus antérieur de travailler. M. Harris a affirmé qu’il n’en avait jamais été question lors des discussions qu’il avait eues. En fait, lui-même et M. Hatcher avaient examiné le problème sous tous les angles afin de trouver une solution pour que M. Martin puisse travailler le jour sans être exposé à la fumée. Le témoin a affirmé

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Decision Page 10 que, même si un poste en particulier était désigné sans fumée, rien ne garantissait qu’il serait toujours « sans fumée ». Il a donné comme exemple le problème de la drogue. Même s’il n’est pas censé y en avoir dans l’établissement, il est évident qu’on trouve le moyen d’en obtenir et d’en consommer.

Contre-interrogé, M. Harris a déclaré qu’il n’avait pas menacé M. Martin de renvoi pour incapacité. Toujours durant le contre-interrogatoire, M. Harris a affirmé que, lorsqu’il avait affecté M. Martin à la tour le 23 mai, après que ce dernier s’était prévalu de son droit de refuser de travailler, il avait choisi ce poste en pensant qu’il serait sans fumée, étant donné que M. Martin y travaillerait seul.

M. Harris a en outre indiqué qu’il n’avait nullement voulu punir M. Martin lorsqu’il s’était entretenu avec son fils et qu’il lui avait laissé un message. Le garçon avait bien compris le message et n’avait pas du tout été perturbé.

Il a déclaré que M. Martin s’était vu refuser un congé de maladie parce que la direction n’avait jamais réellement été convaincue de sa maladie durant la période visée par la demande de congé. Bien que la maladie ait été attestée au moyen d’un certificat médical, M. Harris ne connaissait pas la nature de cette maladie. M. Martin s’est rendu à l’établissement durant la période en question et, selon M. Harris, « il paraissait aussi en santé que maintenant ». Il n’était pas sûr s’il devait le croire. M. Harris se demandait également pourquoi M. Martin avait initialement demandé un congé pour raisons familiales puis, changeant d’idée, avait demandé un congé de maladie avec certificat. Il voulait obtenir réponse à ces questions.

Le 24 juillet, M. Harris a demandé à M. Martin de se soumettre à un examen médical complet. D’après ses renseignements, M. Martin ne se sentait pas assez bien pour voyager seul. M. Harris avait donc pris des dispositions pour que M. Martin voyage en train. Il serait moins stressé et plus à l’aise. M. Martin s’était montré mécontent de ces dispositions et avait refusé de collaborer en ne se rendant pas disponible pour prendre livraison des billets. On a vainement essayé, à plusieurs reprises, de les lui livrer en mains propres chez lui. Le 25 juillet, M. Harris a téléphoné au domicile de M. Martin pour discuter de ses jours de repos. C’est son fils qui a répondu. Il était poli et coopératif. Il a répété le message que venait de lui laisser M. Harris avant de raccrocher. Il semblait très à l’aise.

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Decision Page 11 M. Martin ne s’est pas présenté au rendez-vous fixé pour lui à Santé Canada, à Halifax. C’est la raison pour laquelle M. Harris a décidé de refuser sa demande de congé de maladie.

M. Kevin Hare, surveillant correctionnel, unité 2, a également comparu au nom de l’employeur. Il relève du directeur de l’unité, M. John Harris, et s’occupe de l’administration courante de l’établissement. Le témoin a affirmé que, le 24 juin 1995, on lui avait demandé de négocier une entente de tâches allégées avec M. Martin. Il possédait de l’expérience dans ce genre de négociation. M. Hare a rencontré M. Martin et lui a remis une liste de postes servant, depuis quatre ans, à l’affectation d’employés à des tâches allégées. Un représentant syndical était également présent à ce moment-là. Lorqu’un agent est affecté à des tâches allégées et qu’il accepte d’assumer un poste en particulier, il doit pouvoir exécuter toutes les tâches du poste en question. Certains postes comportent un roulement avec d’autres postes. Par exemple, un agent affecté à la patrouille mobile pourrait échanger ses fonctions avec un autre affecté à la tour au bout d’environ une heure. De son côté, l’agent affecté à la tour pourrait devoir travailler à l’intérieur à l’heure du souper pour surveiller les détenus. M. Hare a passé tous les postes en revue avec M. Martin. Ce dernier a indiqué qu’il n’y avait que deux postes il pourrait exécuter toutes les tâches le jour ou la nuit, soit celui à l’entrée principale et celui de la patrouille mobile. Pour certains postes tels que la patrouille mobile, il faudrait exercer une surveillance 24 heures par jour pour faire respecter à la lettre l’interdiction de fumer, ce que l’établissement n’est pas en mesure de faire. En fait, une troisième auto-patrouille, dans laquelle il était strictement interdit de fumer, était réservée presque exclusivement pour l’usage de M. Martin. Le témoin a déclaré qu’il n’avait jamais vu un autre agent que M. Martin au volant de ce véhicule en particulier. Il a affirmé qu’il n’avait pas essayé d’user de coercition ou d’intimidation envers M. Martin lors des négociations de l’entente sur les tâches allégées. Les négociations avaient pour objectif d’aider M. Martin, et la réunion s’est bien déroulée, avec l’entière collaboration de ce dernier et en présence de son représentant syndical. Il n’a jamais été question de représailles concernant l’utilisation du téléphone par M. Martin pour discuter de ses problèmes de santé et de sécurité avec des membres du bureau du personnel et d’autres personnes. On ne lui a jamais imposé de restrictions à cet égard. Même s’il ne travaillait pas le jour, il pouvait rentrer une heure ou deux plus tôt ou rester une heure ou deux à la fin de son quart pour se servir du téléphone à cette fin s’il le désirait. Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 12 M. Murdoch Nicholson a été cité à comparaître au nom du plaignant. M. Nicholson était présent lorsque M. Harris a expliqué les diverses options qui s’offraient à M. Martin pour que ce dernier puisse travailler dans un environnement sans aucune fumée. M. Harris, en lui faisant part des diverses options, a mentionné le renvoi pour incapacité, mais uniquement dans le contexte des différentes possibilités, à défaut des tâches allégées qu’on pouvait lui confier.

Parmi les options discutées, M. Harris a mentionné la possibilité de réaffecter M. Martin dans un autre ministère ou de lui verser une indemnité pour départ volontaire. Le témoin a déclaré qu’il s’était senti à l’aise durant ces discussions. On parlait des options et on n’a exercé aucune coercition ni proféré de menace.

M. Martin a cité M me Charlene Sullivan à comparaître. Elle est chef régional du perfectionnement professionnel au bureau du personnel, à Moncton. La témoin a affirmé que, bien qu’elle se souvienne de s’être entretenue avec M. Martin au téléphone à plusieurs occasions, elle ne se souvenait pas de cas précis il aurait été obligé de la rappeler et, ainsi, d’engager des frais d’appels interurbains.

M. Martin, le plaignant, a témoigné. Il a fait part de ses préoccupations au sujet des dispositions de voyage prises par la direction pour qu’il se rende à Halifax subir les examens médicaux de Santé Canada. Au départ, on devait l’autoriser à s’y rendre en voiture. Il a demandé la permission de se trouver un copilote pour lui tenir compagnie. Il a appris par la suite qu’aucun véhicule n’était disponible. La direction lui a ensuite demandé de prendre le train. Il ne sait trop comment, mais sa demande de faire le trajet avec un copilote avait été interprétée par la direction comme signifiant qu’il ne se sentait pas assez bien pour conduire lui-même. Il a insisté sur le fait qu’il n’avait jamais laissé croire à qui que ce soit qu’il ne pouvait pas conduire. La direction était prête à payer ses billets de train et toutes les dépenses afférentes au voyage en train. M. Martin croyait que la décision de la direction de lui faire prendre le train était motivée par sa volonté d’user de représailles contre lui. Malgré plusieurs tentatives de livraison des documents de voyage et des billets de train, M. Martin ne s’est pas présenté à son rendez-vous à Halifax.

M. Martin a prétendu qu’on avait également voulu le punir en refusant de lui accorder un congé de maladie du 6 au 27 juillet 1995. On a fait remarquer que ce refus a fait l’objet d’un grief qui a été renvoyé à l’arbitrage et dont la Commission est

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Decision Page 13 actuellement saisie. Bien que M. Martin ait initialement demandé un congé pour raisons familiales, il a déclaré que sa situation avait changé durant la nuit du 6 juillet et qu’il avait eu besoin d’un congé de maladie de sept jours.

M. Martin a également fait valoir que M. Harris, son surveillant, avait harcelé son fils de 13 ans lors d’une conversation téléphonique.

Le plaignant a déclaré qu’il avait débourser environ 70 $ en frais d’appels interurbains parce qu’il n’avait pu se servir du téléphone du bureau pour communiquer avec l’agent des relations de travail.

Argumentation de l’employeur On n’a pas interdit à M. Martin de se servir du téléphone du bureau. Il aurait pu s’en servir avant ou après son quart.

M. Hare a décrit le processus employé pour établir l’horaire de travail de M. Martin. M. Nicholson, le représentant syndical de M. Martin, a indiqué que personne n’avait fait pression sur M. Martin au cours de la réunion à l’issue de laquelle ce dernier avait été affecté à des tâches allégées.

Un employé prendrait normalement les moyens nécessaires pour convaincre l’employeur de l’authenticité de sa maladie en cas de doute. Pourtant, M. Martin a refusé de collaborer.

L’employeur n’a pris, à l’endroit de M. Martin, aucune mesure que l’on pourrait qualifier de punitive, de discriminatoire ou non conforme au CCT.

Argumentation du plaignant M. Martin estimait avoir été traité différemment des autres. Son affectation à des tâches allégées ne lui avait pas été signifiée au moyen de la formule habituelle. La direction lui avait déjà donné la permission de travailler sur les trois quarts.

Il n’avait pas abusé des congés, et sa demande de congé de maladie avec certificat ne devrait pas lui être refusée.

M. Martin a invoqué la décision Dyck (dossiers de la Commission : 166-2-14422 et 166-2-14423). Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 14 Motifs de décision En raison des restrictions dues à son état de santé, M. Martin pouvait travailler en toute sécurité uniquement pendant les quarts de nuit et de soirée auxquels il a été affecté en vertu de l’entente concernant les tâches allégées. La question de son renvoi pour incapacité a été mentionnée seulement à titre de possibilité parmi plusieurs autres; elle ne comportait aucune menace ou coercition. On n’a présenté aucun élément de preuve démontrant qu’il y avait eu violation de la confidentialité ou qu’on avait refusé au fonctionnaire s’estimant lésé l’accès aux documents existants.

En ce qui concerne la conversation téléphonique entre M. Harris et le fils de M. Martin, je n’ai aucune raison de mettre en doute la mémoire de M. Harris à ce sujet. Le fils de M. Martin n’a pas témoigné, mais a envoyé une lettre (pièce G-2). Même si j’acceptais sa version de cette conversation, je ne trouve rien de répréhensible au message qu’on a laissé. La preuve montre que M. Martin n’était pas toujours facile à rejoindre.

En raison des restrictions imposées par la sensibilité de M. Martin à la fumée et de la nécessité de le faire travailler dans un environnement complètement exempt de fumée, l’entente concernant les tâches allégées n’était pas déraisonnable.

Bien qu’il ait été plus difficile pour M. Martin de se servir des téléphones du bureau après qu’il eut cessé de travailler le jour et bien qu’il ait engager des frais d’appels interurbains, on n’a présenté aucun élément de preuve établissant un lien entre cet état de fait et une tentative de l’employeur de le punir. C’était une conséquence de l’entente concernant les tâches allégées conclue en vue de lui consentir des aménagements en raison des restrictions.

Le refus du congé de maladie a fait l’objet d’un grief qui a été renvoyé à la Commission. N’étant pas saisie de ce grief en l’occurrence, je ne puis me prononcer sur son bien-fondé.

Bref, même en supposant que le motif de la plainte de M. Martin relève des dispositions de l’alinéa 147a) du CCT, je ne puis trouver de fondement à l’allégation selon laquelle le plaignant a été harcelé, congédié, suspendu, mis à pied ou rétrogradé, a subi une perte pécuniaire ou salariale, a fait l’objet d’une mesure disciplinaire ou été menacé d’une telle mesure, ou a autrement été traité de manière injuste. Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 15 Je dois donc rejeter la plainte.

Rosemary Vondette Simpson, commissaire

OTTAWA, le 26 juin 1996. Traduction certifiée conforme

Serge Lareau

Commission des relations de travail dans la fonction publique

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