Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante allègue avoir été victime de mesures disciplinaires de la part de l’employeur en raison de ses activités syndicales antérieures et de l’exercice de ses droits - la plaignante prétend que l’employeur a tenté de l’intimider en lui imposant des mesures disciplinaires qu’elle qualifie d’abusives, ce qui contrevient à l’article 8 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique - suite à une rencontre avec des enquêteurs, une collègue de la plaignante avait signé un désistement de sa plainte de harcèlement, puis avait ensuite changé d’idée - la plaignante a accompagné sa collègue à l’heure du dîner au bureau de la personne responsable des plaintes de harcèlement pour lui expliquer que sa collègue souhaitait se rétracter - le responsable a dit qu’il s’occuperait de l’affaire plus tard et leur a demandé de quitter son bureau - la plaignante et sa collègue n’étaient pas satisfaites et, au lieu de retourner à leur poste de travail après l’heure du dîner, elles se sont rendues au bureau des enquêteurs chargés de la plainte de harcèlement - la plaignante a écopé d’une mesure disciplinaire suite à cet incident - la plaignante a également fait l’objet d’une mesure disciplinaire pour avoir discuté de questions non reliées au travail pendant les heures de travail - la plaignante avait déjà fait l’objet de mesures disciplinaires pour avoir quitté son poste de travail sans autorisation à plusieurs occasions par le passé - la sanction disciplinaire n’était pas exagérée à un point tel qu'elle ne pouvait pas être en relation directe avec les gestes commis par la plaignante - celle-ci a commis une faute, et l’employeur ne s’est pas servi de ces gestes comme prétexte pour lui imposer une sanction disciplinaire - la plaignante n’a pas prouvé que les sanctions disciplinaires constituaient de l’intimidation, des menaces ou des représailles pour avoir déposé une plainte contre l’employeur. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-03-23
  • Dossier:  161-2-1273
  • Référence:  2005 CRTFP 24

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



 

ENTRE

MICHELINE RIOUX

plaignante

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration Canada)


défendeur

AFFAIRE :Plainte fondée sur l'article 23 de la Loi sur les
relations de travail dans la fonction publique


Devant :   Jean-Pierre Tessier, commissaire

Pour la plaignante :  Elle-même et Simon Cloutier

Pour le défendeur :  Raymond Piché, avocat


Affaire entendue à Montréal (Québec),
du 13 au 15 octobre 2004.


[1]    Micheline Rioux est à l'emploi de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). À l'été 2000, elle dépose une plainte en vertu de l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP). Un autre collègue de travail, Simon Cloutier, a déposé une plainte similaire. Essentiellement, les plaignants allèguent avoir fait l'objet de représailles et de discrimination en raison de leurs activités syndicales et en violation des articles huit à dix de la LRTFP.

[2]    À la mi-août 2001, lors d'une audience relativement à leurs plaintes de l'été 2000, les plaignants indiquent au commissaire Léo-Paul Guindon qu'ils désirent soumettre des allégations supplémentaires et une « demande d'intervention ».

[3]    Comme nous le verrons ci-après, ces allégations supplémentaires et cette « demande d'intervention » portent sur des événements survenus en 2001, ce qui est postérieur à leurs plaintes initiales de l'été 2000.

[4]    Dès le 30 septembre 2001, Mme Rioux fait parvenir à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) une « demande d'intervention », alors que, de son côté, M. Cloutier fait parvenir ses allégations supplémentaires le 3 mars 2003.

[5]    En raison de diverses interventions, l'audience sur les plaintes de l'été 2000, qui avait débutée en 2001, fut reportée à plusieurs reprises. Finalement, lors d'une continuation de la cause en août 2003, les plaignants demandent au commissaire Guindon de recevoir leurs « allégations supplémentaires » et leur « demande d'intervention » comme faisant partie du litige initial, ce à quoi l'employeur s'objecte.

[6]    Le commissaire Guindon rend une décision interlocutoire sur ce point (2003 CRTFP 75) et décide d'en faire des plaintes distinctes de celles déposées en 2000, tel qu'indiqué aux paragraphes 15 et 16 de la décision :

En conséquence, je demande au personnel de la Commission de traiter les « allégations supplémentaires » déposées en date du 3 mars 2003 et la « demande d'intervention » déposée le 30 septembre 2001 comme de nouvelles plaintes logées en vertu de l'article 23 de la Loi. La Commission devra ouvrir un dossier de plainte au nom de Micheline Rioux et comprenant les « allégations supplémentaires » ainsi que la « demande d'intervention ». Un dossier de plainte distinct devra être ouvert au nom de Simon Cloutier comprenant les « allégations supplémentaires. » La Commission traitera ces plaintes selon la procédure administrative applicable à ces nouvelles plaintes et en avisera l'employeur en conséquence.

Pour ce qui est de la date à laquelle ces documents seront réputés avoir été déposés à la Commission, la date du 3 mars 2003 est retenue pour les « allégations supplémentaires » et celle du 30 septembre 2001 est retenue pour la « demande d'intervention » transmise par Mme Rioux.

[7]    La « demande d'intervention » présentée par Mme Rioux constitue donc un dossier distinct à examiner lors de l'audience le 13 octobre 2004. Lors de cette audience, le dossier de M. Cloutier est aussi soumis. Chacun fait l'objet d'une décision distincte.

Les faits

[8]    Le 27 septembre 2001, Mme Rioux reçoit de son employeur un avis de convocation à une audition disciplinaire. Cette audition doit avoir lieu le 1er octobre 2001, et a pour but de recueillir sa version des faits relativement à la présence d'un collègue de travail au bureau de Mme Rioux le 10 septembre 2001.

[9]    Devant ce fait, Mme Rioux adresse à la CRTFP sa « demande d'intervention » alléguant qu'on lui impose abusivement des sanctions à cause de ses antécédents syndicaux et l'exercice de ses droits. En plus de cette sanction, qu'elle anticipe pour le 1er octobre 2001, Mme Rioux se réfère à une autre sanction disciplinaire (suspension de cinq jours) reliée à des événements survenus en mai 2001.

[10]    Par sa plainte fondée sur l'article 23 de la LRTFP, elle prétend que l'employeur contrevient à l'article 8 de cette même loi en cherchant à l'intimider et en lui imposant des sanctions pécuniaires qu'elle qualifie d'abusives.

[11]    Lors de l'audience, Mme Rioux dépose plusieurs documents reliés aux événements du 9 mai 2001 (pièces F-1 à F-18 ainsi que F-36 et F-37). Pour situer le contexte, il faut rappeler qu'une collègue de travail de Mme Rioux avait déposé une plainte de harcèlement contre l'employeur et que cette plainte était traitée selon la procédure interne. Lors d'une rencontre avec des enquêteurs, cette collègue a signé un désistement de sa plainte.

[12]    Le « Rapport sur mesure disciplinaire » (pièce F-17) résume en substance les événements du 9 mai 2001, qui ont conduit à une sanction disciplinaire de cinq jours :

...

Mme Rioux souligne que vers 12h30 le 9 mai 2001, Mme Antonieta Sépulvéda est venue les rejoindre, elle, M. Simon Cloutier et Mme Diane l'Heureux [sic] sur l'heure du dîner. Mme Rioux mentionne que Mme Sepulvada [sic] était dans un état de détresse psychologique et que son expérience était traumatisante. Mme Sépulvéda lui amentionné [sic] qu'elle avait signé et que c'était fini. Mme Rioux lui a demandé ce qu'elle avait signé et de lui montrer le document. Mme Rioux indique qu'elle a surtout retenu le fait que Mme Sépulvéda avait dû renoncer à tous ses recours et que pour eux, c'était de lui enlever ses droits fondamentaux.

Selon Mme Rioux, Mme Sépulvéda aurait dit qu'elle n'était pas d'accord à signer le document et qu'elle était inconfortable avec cette signature. Mme Sépulvéda aurait aussi indiqué qu'elle aurait signé n'importe quoi qu'il fallait que ça arrête.

Le but de leurs démarches était de voir les enquêteurs pour récupérer le document que Mme Sépulvéda avait signé avant que es enquêteurs ne partent. Mme Rioux, M. Cloutier, Mme L'Heureux et Mme Sépulvéda ont donc quitté [sic] le parc pour se rendre vers le bureau des enquêteurs.

Étant donné l'absence des enquêteurs, ils se sont dirigés vers le bureau de Mme Leclair aux alentours de 12h45 afin de récupérer l'original du document sur l'heure du dîner. M. Bélanger, les a rencontrés en remplacement de Mme Leclair. Mme Rioux a demandé (5 fois) à M. Bélanger : Sommes nous autorisés à vous parler et d'être ici, il est 13h00? M. Bélanger a dit : « Pas de problème, je vous écoute. » Mme Rioux et M. Cloutier ont demandé que la lettre originale de désistement de Mme Antoineta [sic] soit déchirée devant témoin car il s'agissait de l'abus de pouvoir, de l'intimidation illégale et sans valeur.

Selon Mme Rioux, M. Bélanger leur a dit qu'il s'en occuperait, mais pas immédiatement parce qu'il était en réunion. M. Cloutier a demandé à M. Bélanger de rencontrer les enquêteurs avec eux. M. Bélanger leur a répondu que ce n'était pas nécessaire et qu'il s'en occupait. M. Bélanger a mentionné qu'il allait communiquer avec Mme Sepulvada [sic] plus tard. Mme Rioux mentionne que M. Bélanger a dit de quitter le bureau, qu'il s'en occupait. Mme Rioux souligne avoir mentionné qu'elle n'était pas satisfaite et elle a demandé à M. Bélanger de les référer à Mme Nicole Grenier.

À une question posée sur les directives données par M. Bélanger [sic] cette rencontre Mme Rioux indique qu'elle n'est pas capable de dire vraiment si M. Bélanger leur a dit de retourner à leur poste de travail mais elle souligne que M. Bélanger leur a dit qu'il n'était pas nécessaire de voir les enquêteurs, qu'il allait s'en occuper.

Mme Rioux indique alors que Mme L'Heureux, Mme Sépulvéda, M. Cloutier et elle même se sont dirigées [sic] vers le 2e étage. Mme Rjoux [sic] a frappé à la porte et Simon a demandé la permission de s'introduire. Mme Rioux mentionne que c'est elle qui a parlé aux enquêteurs. Elle aurait dit : « Vous connaissez Antonieta, elle vient de signer un document avec lequel elle n'est pas confortable, elle veut le détruire, elle ne veux [sic] plus le signer ».

Mme Rioux indique que l'un des enquêteurs, Monsieur Lafrenière leur aurait demandé : « Vous êtes ici à quel titre?», selon elle avec un ton « Far West ». Mme Rioux dit avoir été très impressionnée du ton de M. Lafrenière et que selon elle : « C'était un manque de respect et une surprise car c'était comme s'il voulait les provoquer. [sic]

Selon Mme Rioux, le téléphone aurait alors sonné, et c'était M. Bélanger qui demandait à parler à un des employés. Mme Rioux a pris le téléphone et mentionne que M. Bélanger lui a dit « Vous sortez de là maitenant [sic] ? Allez vous sortir? » Mme Rioux indique avoir répondu : « Oui je vais sortir immédiatement ».

...

[13]    Mme Rioux indique avoir déposé un grief relativement à la sanction disciplinaire qui lui fut imposée pour cet incident et produit plusieurs documents y afférant (pièces F-19 à F-26).

[14]    Deux autres incidents survenus les 10 et 27 septembre concernent le fait que Mme Rioux, dans son bureau, ait discuté avec d'autres employés de sujets non reliés à son travail. Les pièces F-27 à F-36 traitent de ces incidents, qui furent sanctionnés par une mesure disciplinaire équivalant à huit jours de suspension sans traitement.

[15]    La mesure disciplinaire indique notamment ce qui suit (pièce F-34) :

Le lundi 10 septembre 2001, Mme Diane L'Heureux et M. Simon Cloutier se sont présentés à votre poste de travail sans autorisation alors que vous étiez au travail, pour discuter d'un sujet qui n'était pas relié à votre travail d'agent de suivis des cas. Vous avez accepté de participer à cette discussion de nature privée qui a duré une vingtaine de minutes sans avoir demandé l'autorisation à votre superviseure. Questionnée à deux reprises au sujet de cette discussion, vous avez finalement admis les faits.

Le jeudi 27 septembre 2001, de 16 h 30 à 16 h 40 pendant vos heures de travail, M. Simon Cloutier s'est de nouveau présenté à votre poste de travail sans autorisation pour discuter d'un sujet qui n'était pas relié à votre travail d'agent de suivis des cas. Vous avez encore une fois accepté de participer à cette discussion de nature privée sans avoir demandé l'autorisation à votre superviseure.

Même si l'utilisation du temps et des locaux de votre employeur pour vaquer occasionnellement à des occupations de nature personnelle est généralement tolérée par ce dernier pour la majorité des employés, j'estime que votre comportement constitue un cas particulier que votre employeur ne peut plus tolérer. En effet, j'ai remarqué que vous refusez systématiquement d'accepter les limites et les normes de comportement que votre employeur a le droit d'imposer à ses employés et que vous croyez que vous avez le droit de faire ce que vous voulez avec qui vous voulez pendant vos heures de travail.

[16]    Mme Rioux confirme que la rencontre du 10 septembre 2001 est d'une durée de 20 minutes et que le sujet de la discussion est relié à une enquête sur la dotation. Elle écrivait d'ailleurs à ce sujet le 13 septembre 2001 (pièce F-30) :

...

3-Q. Les raisons motivant cette rencontre.

R. Diane L'Heureux a répondu à un sondage sur la dotation à notre Ministère. Suite à l'opinion de Diane sur la dotation, un enquêteur, sous-traitant du Conseil du Trésor, a communiqué avec elle et lui a donné un rendez-vous pour en discuter. De plus, l'enquêteur a demandé à Diane le nom d'autres collègues qui seraient intéressés à le rencontrer pour discuter du sujet de la dotation. Simon et moi étions en train de discuter de la pertinence de donner nos noms à Diane car nous étions très conscients que le harcèlement serait encore plus sévère si jamais on donnait notre opinion sur un sujet aussi controversé que la dotation au CIC Montréal.

Avant de terminer, j'aimerais vous exprimer mon étonnement à l'effet que je n'avais pas le droit de consulter un représentant syndical avant de répondre à votre courriel.

[17]    Relativement à la rencontre avec M. Cloutier le 27 septembre 2001, Mme Rioux souligne qu'elle fut de courte durée, trois à quatre minutes. Ils discutaient de leur réticence à participer à une enquête sur la dotation.

[18]    Mme Rioux dépose ensuite une lettre écrite par Mme Diane L'Heureux et adressée à la Commission de la fonction publique (CFP), le 21 mai 2003 (pièce F-35). Cette lettre est postérieure aux événements de 2001, elle est acceptée sous réserve et ne fait preuve que de la teneur de la discussion qui a eu lieu le 20 septembre 2001, au bureau de Mme Rioux. Mme L'Heureux explique qu'elle était sollicitée par la CFP pour participer à une enquête sur la dotation. Un enquêteur l'a invitée à consulter des collègues de travail.

[19]    Mme Rioux précise que lorsque Mme L'Heureux l'a consultée le 20 septembre 2001, elle a décidé de communiquer avec son collègue, M. Cloutier, pour savoir ce qu'il pensait de cette participation à l'enquête de la CFP. Lorsque Mme Miriam Ettinger, la directrice adjointe, leur a demandé ce qu'ils faisaient, s'ils discutaient d'un dossier relatif à leur travail, Mme Rioux n'a pas précisé la nature de la discussion, car elle hésitait à révéler qu'il s'agissait d'une enquête sur la dotation.

[20]    Relativement à l'incident du 27 septembre 2001, elle souligne qu'elle a discuté moins de cinq minutes avec M. Cloutier.

[21]    De son côté, l'avocat de l'employeur indique qu'il n'a pas de preuve particulière à produire et qu'il se réfère à l'ensemble de la documentation produite pour démontrer qu'il s'agit d'indiscipline et que les employés ont quitté leur travail sans autorisation.

Arguments des parties

[22]    M. Cloutier représente Mme Rioux pour les fins de la plaidoirie. Il souligne que l'employeur tolère que les employés se réunissent à l'occasion (pour discuter d'affaires personnelles : retour de vacances; retour après le congé de Noël; etc.).

[23]    Cependant, selon lui, l'employeur est plus sévère à l'égard de Mme Rioux alors qu'elle se réunit avec certains collègues pour discuter de choses qui ont indirectement trait au milieu de travail, telles : le problème d'un employé, des informations sur ses droits, une enquête, etc.

[24]    Se référant au Code de conduite publié par la CIC (pièce F-39), il soutient qu'on incite les employés à signaler des cas d'inconduite ou de débits.

[25]    Le fait de sanctionner par cinq jours et huit jours de suspension Mme Rioux pour avoir quitté son travail afin de se porter à la défense d'une collègue de travail et pour avoir pris une vingtaine de minutes pour discuter de la possibilité de participer à une enquête de la CFP constitue une mesure de représailles contre l'employée plutôt qu'une sanction purement disciplinaire.

[26]    Se référant aux événements du 7 mai, il souligne que dans une note du 29 septembre 2000 (pièce F-40), l'employeur désigne M. Lucien Bélanger à titre d'agent ministériel régional responsable des plaintes de harcèlement. Or, c'est justement M. Bélanger que Mme Rioux et ses collègues ont rencontré pour discuter de la plainte de harcèlement dont Mme Sépulvéda venait de se désister. Il est insensé selon lui que Mme Rioux soit punie pour avoir agi dans le cadre des politiques du ministère. Le représentant de la fonctionnaire souligne de plus que l'employeur est plus sévère à l'égard de Mme Rioux à cause de ses antécédents comme déléguée syndicale, comme si l'employeur se sent dérangé par tous les gestes qu'elle pose et toutes les demandes qu'elle fait.

[27]    L'employeur rappelle qu'il s'agit ici d'une plainte pour intimidation ou représailles et qu'il appartient à la plaignante d'établir que l'employeur est fautif.

[28]    L'employeur souligne que les lettres disciplinaires font état qu'il s'agit d'un problème récurrent et que l'employeur rappelle qu'il y a eu cinq mesures disciplinaires précédemment.

[29]    De plus, il souligne que ni Mme Rioux ni son collègue, M. Cloutier, n'occupaient de fonction syndicale au moment des événements. Il est requis, même pour les représentants syndicaux, de signaler leur absence pour affaire syndicale; cela s'applique aussi, et même davantage, à l'employeur qui n'occupe pas de telles fonctions.

Motifs de la décision

[30]    Il s'agit d'une plainte dans laquelle la fonctionnaire prétend que l'employeur contrevient à la Loi des relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) en exerçant des représailles à son égard et en cherchant à l'intimider parce qu'elle a exercé un droit que lui accorde la Loi.

[31]    Essentiellement, Mme Rioux allègue qu'elle a déposé une plainte contre l'employeur en 2000 et qu'en 2001, il prend des mesures disciplinaires contre elle en guise de représailles.

[32]    La LRTFP protège les fonctionnaires qui veulent exercer ou ont exercé leurs droits en interdisant à l'employeur de faire des représailles à leur égard. L'article 8 de la Loi prévoit :

8. 1) Il est interdit a quiconque occupant un poste de direction ou de confiance...

    2) Sous réserve du paragraphe (3), il est interdit :

c) de chercher, notamment par intimidation, par menace de destitution ou par l'imposition de sanctions pécuniaires ou autres, à obliger un fonctionnaire :

(i) à adhérer - ou s'abstenir ou cesser d'adhérer --, ou encore, sauf disposition contraire dans une convention collective, à continuer d'adhérer à une organisation syndicale,

(ii) à s'abstenir d'exercer tout autre droit que lui accorde la présente loi.

[33]    Dans le présent cas, la fonctionnaire prétend qu'il y a menaces, représailles et intimidation de la part de l'employeur. Elle pourrait en faire la preuve en démontrant, par exemple :

a) qu'il y a intimidation; cette intimidation pouvant prendre diverses formes : allusions, changements d'attitudes, gestes ou paroles voilés qui ont pour effet d'intimider la fonctionnaire parce qu'il a exercé ou veut exercer un droit ;

b) que l'employeur se sert du moindre prétexte pour sévir contre la fonctionnaire en lui imposant des sanctions pécuniaires ou autres ;

c) que l'employeur profite d'un geste fautif posé par la fonctionnaire pour lui imposer une sanction nettement exagérée et démesurée à un point tel qu'elle ne peut être en relation directe et cohérente avec la faute commise mais qu'elle constitue des représailles qui pourraient être assimilées à un geste drastique d'intimidation.

[34]    Dans son argumentation, le représentant de la fonctionnaire souligne que l'employeur se sentirait dérangé par tous les gestes de Mme Rioux et qu'il serait plus sévère à son égard. La preuve dans le présent dossier ne couvre pas l'ensemble des gestes posés par Mme Rioux pendant la période de mai à octobre 2001 mais s'est limitée aux deux sanctions imposées par l'employeur. À cette occasion, l'employeur a imposé des sanctions disciplinaires de cinq à huit jours; on ne peut parler de gestes ou paroles voilées, ou d'allusions indirectes. Il reste donc à examiner les deux autres démonstrations que peut faire la fonctionnaire pour prouver qu'il y a eu intimidation, menaces ou représailles.

[35]    Les documents déposés en preuve décrivent en détail le déroulement des événements survenus le 9 mai 2001, ainsi que ceux survenus en septembre 2001.

[36]    Mme Rioux prétend qu'elle se devait de se porter à la défense de Mme Sépulvéda le 9 mai 2001, car elle jugeait que les enquêteurs lui avaient fait signer lors de son désistement de la plainte de harcèlement une renonciation à tout recours.

[37]    Il est vrai que la directive de l'employeur prévoit que M. Bélanger est responsable de la politique de harcèlement. Il est exact que c'est à M. Bélanger que Mme Rioux s'est plaint et qu'elle lui a demandé si elle était autorisée à rester à son bureau pour discuter.

[38]    Le Code de conduite (pièce F-38) prévoit, à la page 14, ceci :

  1. De signaler immédiatement l'incident à leur superviseur immédiat à titre strictement confidentiel. Les employés qui se posent des questions peuvent communiquer avec les conseillers régionaux en relations de travail, sous le sceau du secret, lorsque pour une raison ou pour une autre, ils ne peuvent entrer en contact avec leur superviseur immédiat.

  2. Les gestionnaires doivent ensuite informer le directeur général régional, le directeur ou le chef du Centre de traitement des demandes, selon le cas, et les conseillers régionaux en relations de travail de l'incident.

  3. Les conseillers régionaux en relations de travail doivent ensuite communiquer avec un agent de la Division des relations de travail, de la déontologie et de la rémunération (BHS).

[39]    Puisque l'événement s'est produit à la fin de l'heure du repas de midi, il est possible que Mme Rioux n'ait pu rejoindre son superviseur immédiat et qu'elle ait communiqué avec M. Bélanger, désigné comme responsable de l'application de la politique; jusque-là, l'employeur se doit d'analyser le contexte du geste posé avant de conclure à de l'inconduite.

[40]    Cependant, par la suite, Mme Rioux a pris l'initiative de pénétrer dans le bureau des enquêteurs et d'argumenter pour qu'ils modifient le libellé du désistement signé par Mme Sépulvéda. Cette initiative de Mme Rioux est en dehors des règles usuelles et ne renvoie à aucun droit prévu par la LRTFP. Pour s'absenter de son travail, Mme Rioux se doit d'obtenir une permission d'absence.

[41]    Le second incident se situe en septembre. Il est mis en preuve que Mme Rioux discutait avec des collègues de la possibilité de participer à une enquête. Cependant, il faut aussi tenir compte du fait que c'est Mme Rioux qui prend l'initiative de convoquer M. Cloutier à son bureau et que la discussion se poursuit pendant près de 20 minutes.

[42]    Dans la sanction disciplinaire reliée à cet événement, l'employeur admet qu'il tolère que des employés, à l'occasion, se réunissent dans un bureau pour discuter d'affaires personnelles. Cependant, il pose une distinction avec des convocations répétées où des employés discutent pendant plusieurs dizaines de minutes.

[43]    Selon les documents déposés, Mme Rioux n'est pas sans savoir qu'on lui reprochait de quitter son travail pour discuter avec des employés.

[44]    Je comprends qu'il s'agit d'une enquête sur la dotation, mais il n'y avait pas nécessité d'agir rapidement dès le 10 septembre 2001. Mme Rioux, après un simple appel téléphonique avec son collègue, M. Cloutier, et avec Mme L'Heureux, aurait pu communiquer avec le syndicat pour qu'il établisse avec l'employeur un cadre de participation des employés.

[45]    Bien qu'il soit souhaitable que les employés participent à des enquêtes, cela doit s'effectuer dans un cadre spécifique et nul ne peut s'arroger le droit de cesser son travail pendant près de 20 minutes sans autorisation préalable.

[46]    Cela étant déterminé, il reste à examiner si les sanctions imposées par l'employeur sont nettement exagérées et s'apparentent ainsi à une mesure de représailles ou si elles sont en relation directe et cohérente avec les gestes posés par Mme Rioux.

[47]    Il ne s'agit pas ici d'un grief demandant de juger de la validité de la mesure disciplinaire et de la justesse de la sanction imposée. Il s'agit plutôt d'une plainte dans laquelle la fonctionnaire entend démontrer qu'il y a eu représailles de la part de l'employeur.

[48]    Dans le cas des événements du 9 mai 2001, je constate qu'on ne tient pas compte du fait que M. Bélanger a autorisé Mme Rioux à discuter avec lui du cas de Mme Sépulvéda. En plus dans la sanction disciplinaire, on coupe le traitement de Mme Rioux pour la durée totale de son absence, y incluant le temps de rencontre avec M. Bélanger. Il s'agit là d'un écart que l'arbitre chargé d'entendre le grief sur le fond pourra apprécier. Cependant, cette anomalie ne me paraît pas suffisante pour conclure qu'il ne s'agit pas d'une sanction disciplinaire mais plutôt de représailles.

[49]    Hors contexte, des suspensions de cinq et huit jours peuvent paraître sévères. Cependant, selon la preuve déposée, il s'agit là d'une sixième et septième sanction, qui doit être examinée sous l'angle de la gradation des sanctions.

[50]    L'examen du présent dossier ne m'amène pas à conclure que les sanctions soient exagérées à un point tel qu'elles ne puissent être reliées aux gestes d'indiscipline reprochés et en relation cohérente avec ceux-ci.

[51]    La preuve établit clairement qu'il y a eu des gestes fautifs posés par Mme Rioux et que l'employeur ne s'est pas servi d'un prétexte ou d'un incident bénin pour imposer une sanction.

[52]    La plaignante n'a pas démontré que les gestes posés par l'employeur sont assimilables à de l'intimidation, des menaces ou des représailles, suite à la plainte qu'elle avait déposée en 2000.

[53]    Pour ces motifs, je rejette la plainte déposée par Mme Rioux.

Jean-Pierre Tessier,
commissaire

OTTAWA, le 23 mars 2005

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