Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Alors qu’il se préparait à la reprise de l’audience relative à une plainte antérieure, le plaignant a avisé la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission) que le harcèlement visé par la première plainte se poursuivait - le plaignant n’a pas déposé de deuxième plainte à ce moment - lors de la reprise de l’audience, le plaignant a demandé à la Commission la permission de soumettre un document faisant état d’<< allégations supplémentaires >> contre l’employeur - les allégations concernaient des incidents s’étant produits en 2001 et donc après le dépôt de la première plainte - Dans sa décision relative à la première plainte, la Commission a conclu que les << allégations supplémentaires >> devraient faire l’objet d’une plainte distincte - bien qu’il ait d’abord soulevé la question des allégations supplémentaires en juillet 2001, le plaignant n’a soumis le document à la Commission qu’en mars 2003 - le plaignant a déposé une demande d’indemnisation pour accident de travail auprès de l’organe provincial approprié (CSST) en juin 2002 - la demande concernait des incidents étant survenus au lieu de travail depuis 1997 et incluait les << allégations supplémentaires >> visées par la présente décision - le document fourni à l’organe provincial contenant les allégations supplémentaires était daté d’août 2001 - le plaignant a également déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) en août 2002 - la plainte à la CCDP portait notamment sur des incidents mentionnés dans les << allégations supplémentaires >> - le plaignant était en congé de maladie à compter d’octobre 2001 et n’était toujours pas en mesure d’assumer ses fonctions en juillet 2002 - le plaignant a demandé à son agent négociateur de l’aider à formuler ses allégations supplémentaires, mais soutient ne pas avoir reçu l’aide nécessaire pour lui permettre de déposer sa deuxième plainte - le délai pour loger une plainte fondée sur l'article 23 peut s'étendre sur plusieurs mois, mais le plaignant doit fournir une explication satisfaisante justifiant le retard - aucune preuve médicale n’a démontré que le plaignant était trop malade pour déposer sa deuxième plainte - pendant cette période, il a déposé une demande d’indemnisation auprès de la CSST et une plainte auprès de la CCDP - aucune preuve n’a été produite relativement aux démarches entreprises par le plaignant auprès de son agent négociateur démontrant que le retard ne lui est pas imputable - retard de 18 à 22 mois pour la présentation de la plainte - aucune explication satisfaisante du retard. Plainte rejetée pour non-respect des délais.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-03-11
  • Dossier:  161-2-1272
  • Référence:  2005 CRTFP 21

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

SIMON CLOUTIER

plaignant

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Ministère de la Citoyenneté et de l'immigration)


défendeur



AFFAIRE :Plainte fondée sur l'article 23 de la Loi sur les
relations de travail dans la fonction publique


Devant :   Jean-Pierre Tessier, commissaire

Pour le plaignant :  lui-même

Pour le défendeur :  Raymond Piché, avocat


Affaire entendue à Montréal (Québec)
les 13 et 15 octobre 2004.


[1]    Simon Cloutier a été à l'emploi du Ministère de la Citoyenneté et de l'immigration (MCI). À l'été 2000, il dépose une plainte en vertu de l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP). Une autre collègue de travail, Micheline Rioux, a déposé une plainte similaire. Essentiellement, les plaignants allèguent avoir fait l'objet de représailles et de discrimination en raison de leurs activités syndicales et en violation des articles 8 à 10 de la LRTFP.

[2]    À la mi-août 2001, lors d'une audience relativement à leurs plaintes de l'été 2000, les plaignants indiquent au commissaire Léo-Paul Guindon qu'ils désirent soumettre des allégations supplémentaires et une « demande d'intervention ».

[3]    Comme nous le verrons ci-après, ces allégations supplémentaires portent sur des événements survenus en 2001, ce qui est postérieur à leurs plaintes initiales de l'été 2000.

[4]    Dès le 30 septembre 2001, Mme Rioux fait parvenir à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) une « demande d'intervention » alors que de son côté M. Cloutier fait parvenir ses allégations supplémentaires le 3 mars 2003.

[5]    En raison de diverses interventions, l'audience sur les plaintes de l'été 2000, qui avait débuté en 2001, fut reportée à plusieurs reprises. Finalement, lors d'une continuation de la cause en août 2003, les plaignants demandent au commissaire Guindon de recevoir leurs allégations supplémentaires et leur demande d'intervention comme faisant partie du litige initiale. Ce à quoi, l'employeur s'objecte.

[6]    Le commissaire Guindon rend une décision interlocutoire sur ce point (2003 CRTFP 75) et décide d'en faire des plaintes distinctes de celles déposées en 2000, tel qu'il appert aux paragraphes 15 et 16 de la décision :

[15] En conséquence, je demande au personnel de la Commission de traiter les « allégations supplémentaires » déposées en date du 3 mars 2003 et la « demande d'intervention » déposée le 30 septembre 2001 comme de nouvelles plaintes logées en vertu de l'article 23 de la Loi. La Commission devra ouvrir un dossier de plainte au nom de Micheline Rioux et comprenant les « allégations supplémentaires » ainsi que la « demande d'intervention ». Un dossier de plainte distinct devra être ouvert au nom de Simon Cloutier comprenant les « allégations supplémentaires ». La Commission traitera ces plaintes selon la procédure administrative applicable à ces nouvelles plaintes et en avisera l'employeur en conséquence.

[16] Pour ce qui est de la date à laquelle ces documents seront réputés avoir été déposés à la Commission, la date du 3 mars 2003 est retenue pour les « allégations supplémentaires » et celle du 30 septembre 2001 est retenue pour la « demande d'intervention » transmise par Mme Rioux.

[7]    Les allégations supplémentaires présentées par M. Cloutier constituent donc un dossier distinct soumis lors de l'audience le 13 octobre 2004. Lors de cette audience, le dossier de Mme Rioux est aussi soumis. Chacun fait l'objet d'une décision distincte.

[8]    L'employeur présente une objection relative au dossier de M. Cloutier. Selon l'employeur, la plainte de M. Cloutier est présentée le 3 mars 2003, et fait référence à des événements qui se sont produits en 2001, ce qui constitue un délai non raisonnable justifiant le rejet de la plainte.

[9]    Considérant qu'il s'agit là d'un motif sérieux qui pourrait avoir des conséquences déterminantes sur l'issue du dossier, j'ai informé les parties que je rendrais une décision sur l'objection après avoir entendu leurs arguments et examiné la preuve qu'ils présentent.

La preuve

[10]    L'employeur dépose en preuve une copie d'une réclamation présentée par M. Cloutier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec (CSST), le 13 juin 2002 (pièce E-1). Cette réclamation relate des incidents survenus au travail depuis 1997. À l'intérieur de l'énonce détaillé de sa réclamation à la CSST, M. Cloutier insert à la page 26 des « allégations supplémentaires » d'une quinzaine de pages et ce document est daté du 13 août 2001.

[11]    Ces « allégations », d'une quinzaine de pages, correspondent en substance et en termes de dates aux allégations que M. Cloutier a présentées dans le présent dossier. On y retrouve dans les deux cas, et selon la même formulation, un incident relié au cas d'une collègue de travail, Mme Sépulvéda. Cet incident est survenu le 9 mai 2001.

[12]    En second lieu, l'employeur dépose en liasse divers documents reliés à une plainte pour discrimination présentée par M. Cloutier le 14 août 2002, à la Commission canadienne des droits de la personne. Dans ces documents, M. Cloutier raconte qu'il s'est vu imposer des mesures disciplinaires par son employeur.

[13]    Relativement à l'audience reliée aux plaintes que lui et sa collègue Mme Rioux avaient déposés devant la CRTFP (dossier 161-2-1140 et 1146) qui devaient se poursuivre en août 2001, M. Cloutier écrit à la CRTFP le 13 juillet 2001 (pièce F-3). Dans cette correspondance de juillet 2001, M. Cloutier note que le harcèlement à son endroit ainsi qu'à l'égard de Mme Rioux se poursuit toujours et qu'il soumettra une documentation à cet effet. Voici un extrait de la lettre :

Nous tenons à être entendus dans les meilleurs délais car vous allez comprendre à la lecture de la documentation que je vais vous faire de notre plainte à la Commission. A titre d'exemple, l'employeur persiste à refuser les périodes de congé demandées dans le cadre de deux mois, l'employeur m'a remis deux évaluations de rendement que je n'ai d'autre choix que de contester. L'employeur nous a refusé la présence de notre représentante syndicale dans le cadre d'une enquête disciplinaire qui a résulté en une mesure disciplinaire de 8 jours de suspension dans mon cas. L'employeur ne m'a accordé qu'une heure trente minutes pour préparer mes représentations écrites dans le cadre du grief contestant cette mesure et d'un grief de discrimination faisant suite à des menaces verbales qu'un enquêteur nommé par le ministère m'a adressées.

[14]    Dans cette lettre du 13 juillet 2001, M. Cloutier fait allusion à des événements survenus en mai 2001 (suspension de huit jours et grief contre des menaces d'un enquêteur) ; il ne formule cependant aucune plainte formelle.

[15]    M. Cloutier souligne qu'il a dû s'absenter de son travail à compter d'octobre 2001, et qu'il était toujours inapte au travail le 19 juillet 2002, tel qu'en fait foi un certificat médical (pièce F-1).

[16]    Comme dernier élément, M. Cloutier souligne qu'il désirait obtenir des avis du syndicat sur les faits qu'il voulait soumettre dans sa plainte. Il dit ne pas avoir pu obtenir de réponse satisfaisante.

[17]    Interrogé par l'avocat de l'employeur relativement aux longs délais s'étant écoulés entre les événements de 2001 et la transmission de sa plainte concernant les " allégations supplémentaires " en 2003, M. Cloutier réplique qu'il était en congé de maladie.

[18]    L'avocat de l'employeur fait remarquer que pendant cette période, M. Cloutier a soumis des documents identiques à la CSST et à la Commission canadienne des droits de la personne. Ces documents, ainsi que les allégations supplémentaires sur lesquelles repose le présent dossier, portent notamment sur des incidents de l'année 2001.

[19]    M. Cloutier répond qu'il se voyait imposer certaines contraintes dans le cas de la CSST et de la Commission canadienne des droits de la personne. Il a donc décidé de produire des documents même s'il jugeait qu'ils auraient pu être mieux formulées.

[20]    Dans le cas du présent dossier, il considère que les allégations supplémentaires qu'il adresse contre l'employeur se devaient d'être mieux formulées. C'est d'ailleurs pourquoi il a cherché à avoir des avis du syndicat.

Arguments de parties

[21]    L'employeur souligne qu'à l'été 2001, M. Cloutier voulait ajouter de nouveaux faits à la plainte qu'il avait formulée en 2000. Cependant, les incidents de mai et juillet 2001 devaient selon l'employeur faire l'objet d'une plainte distincte.

[22]    L'employeur soutient que ce sont substantiellement les mêmes incidents de 2001 auxquels M. Cloutier se réfère dans la plainte (arguments supplémentaires) qu'il dépose en 2003 et qu'il veut débattre dans la présente cause.

[23]    L'avocat de l'employeur se réfère à la décision suivante : Rhéaume c. Alliance de la Fonction Publique , 2004 CRTFP 95. Il soutient qu'une plainte doit être présentée dans un délai raisonnable.

[24]    De son côté, M. Cloutier réitère qu'il a dû s'absenter pour des raisons de santé à l'automne 2001 et qu'il désirait obtenir l'avis du syndicat pour parfaire le libellé de sa plainte.

Motifs de la décision

[25]    L'employeur soulève un point de droit relatif au délai de présentation de la plainte. J'ai déjà eu l'occasion d'étudier une telle question dans le dossier Rhéaume (supra) . Au paragraphe 24, je conclus comme suit:

Trois (3) décisions de la Commission, Giroux c. Santé Canada, dossiers de la CRTFP 161-2-825 et 826 (1999) ( QL); Harrison c. Alliance de la Fonction publique du Canada, dossier de la CRTFP 161-2-739 (1995) (QL) ; Machnee c. Klaponski, 2001 CRTFP 28, indiquent que le délai pour loger une plainte, selon l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique peut s'étendre sur plusieurs mois, mais qu'il revient au plaignant de fournir une explication satisfaisante justifiant le délai pour soumettre sa plainte.

[26]    Il est vrai que M. Cloutier fut absent du travail dès octobre 2001, et ce, pour plusieurs mois. Cependant, ni la preuve ni le certificat médical ne démontrent qu'il souffrait d'un état d'inaptitude au travail tel qu'il ne pouvait lire ou écrire et poursuivre sa plainte. Pendant cette période, il a déposé des documents semblables à la présente plainte devant la CSST et la Commission canadienne des droits de la personne.

[27]    M. Cloutier allègue qu'il désirait parfaire le texte de ses «allégations supplémentaires» et qu'il voulait obtenir des avis du syndicat sans, toutefois, mettre en preuve les démarches qu'il a enterprises et prouver que le long délai ne lui était pas attribuable. Cet argument ne justifie pas, à mon sens, qu'il s'écoule plus de 22 mois entre le dépôt de la plainte en 2003 et les incidents survenus en mai 2001. En ce qui a trait aux événements de septembre et d'octobre 2001, il s'agit d'un délai de 18 mois.

[28]    M. Cloutier n'a pas fourni d'explication satisfaisante justifiant un long délai pour soumettre sa plainte. Ce délai est d'autant plus inexcusable puisque les documents que M. Cloutier a soumis en 2002 à la Commission canadienne de la personne et à la CSST sont identiques à la présente plainte.

[29]    Malgré le rejet de la présente plainte, il est à noter que M. Cloutier a eu l'occasion de participer à l'audition de la plainte de sa collègue de travail, Mme Rioux, et que les incidents reliés à la journée du 9 mai 2001 ont été examinés par le soussigné dans le dossier concernant Mme Rioux (dossier de la CRTFP 161-2-1273).

[30]    La plainte est rejetée pour motif de présentation tardive.

Jean-Pierre Tessier,
commissaire

Ottawa, le 11 mars 2005

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