Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Pratique déloyale de travail - Plainte fondée sur l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique alléguant une violation des dispositions du paragraphe 10(2) de la Loi - Devoir de représentation équitable - le plaignant a allégué que les défendeurs ont agi de mauvaise foi ou de manière arbitraire lorsqu'ils l'ont représenté dans le cadre d'un grief déposé au regard d'une lettre de réprimande - la preuve a établi que le défendeur Gingras avait de l'expérience dans le domaine des relations de travail et qu'il a fait valoir tous les points que le plaignant avait soulevés dans sa défense à l'encontre du grief, et ce, à tous les niveaux du processus de règlement des griefs - le Commission a conclu que le plaignant n'avait fourni aucune preuve qui laisserait entendre, même indirectement, que les droits que lui reconnaît la Loi avaient été violés - en réalité, la preuve a semblé indiquer tout le contraire. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Dossier: 161-2-788 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE CHRISTIAN LAMARRE plaignant et MICHEL GINGRAS et L'INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeurs OBJET: Plainte fondée sur l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Devant: Yvon Tarte, président suppléant Pour le plaignant: lui-même Pour les défendeurs: Michel Paquette, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Affaire entendue à Ottawa (Ontario), le 22 février 1996.

Decision Page 1 DÉCISION M. Lamarre a déposé une plainte fondée sur l’article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique dans laquelle il allègue que les défendeurs, M. Michel Gingras et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) ont agi [TRADUCTION] «de manière arbitraire ou de mauvaise foi en matière de représentation des fonctionnaires qui font partie de l’unité de négociation». À titre de mesure de redressement, le plaignant demande que la Commission émette une ordonnance pour exiger que [TRADUCTION] «le syndicat défende convenablement le plaignant lorsque ce dernier a une cause de peu d’importance à gagner, de façon à ce que les éléments pertinents de cette affaire soient abordés et documentés comme il se doit». À première vue, le plaignant semble alléguer, quoiqu’il le fasse de façon incohérente, que les défendeurs ont négligé d’exercer convenablement le devoir de représentation équitable qui leur incombe à l’égard du plaignant en application du paragraphe 10(2) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. À la demande du plaignant, la présente affaire a été entendue en anglais.

Résumé de la preuve Au début de l’année 1995, M. Lamarre, agent de normalisation et d’intégration de l’information, a été requis par sa superviseure d’entreprendre un projet qui a abouti, à la fin de mai 1995, à la préparation d’un document de planification intitulé «Promotion/Population of Oracle Case Repository» (pièce C-2). Ce document renferme plusieurs annotations inscrites par la superviseure du plaignant, M m e Denyer. M. Lamarre a souligné que ce document excluait tout rôle précis ou responsabilité de sa superviseure qui ne devait agir, au besoin, qu’à titre consultatif.

Au début de juin 1995, le plaignant a entrepris de mettre en oeuvre le projet. Sans consulter sa superviseure, M. Lamarre, s’appuyant sur son interprétation de la pièce C-2, a transmis un sondage à plusieurs personnes dans la région de la Capitale nationale.

Cette activité a manifestement déplu a M lettre de réprimande rédigée dans les termes suivants (pièce C-3) :

Le 9 juin, vous avez procédé à la distribution d’un sondage auprès d’un certain nombre de personnes dans la RCN. Cela après avoir été informé de ne pas entreprendre un telle

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me Denyer qui a remis au plaignant une

Decision Page 2 action avant que j’aie examiné et approuvé une étude de cas et que j’aie pu en discuter avec les gestionnaires des employés impliqués.

Votre refus de suivre mes instructions a causé de l’embarras et a nui à la prestation des services de l’organisation.

Exception faite de cette lettre, aucune mesure disciplinaire n’est envisagée pour l’instant. Cependant, je profite de cette occasion pour insister sur le fait que je m’attend à ce que vous suiviez mes instructions à l’avenir de manière à ce qu’il ne soit pas nécessaire de prendre des mesures disciplinaires plus sévères à cet égard ou à quelque autre aspect de votre rendement et de votre comportement.

Étant convaincu que son document de planification (pièce C-2) lui donnait le pouvoir d’agir comme il l’a fait, M. Lamarre a déposé un grief (pièce C-4) afin de dénoncer la mesure disciplinaire et le fait que la lettre avait été rédigée en anglais.

M. Lamarre a communiqué avec son agent négociateur dans le but de préparer son grief. Le dossier a été confié à M. Michel Gingras, agent des relations avec les employés de l’IPFPC. M. Gingras est détenteur d’un baccalauréat en relations industrielles. Il a travaillé dans le domaine des relations de travail pendant plusieurs années à des titres différents et dans divers secteurs. M. Gingras a aidé M. Lamarre à rédiger et à déposer le grief.

M. Gingras a rencontré M. Lamarre à deux ou trois occasions avant la tenue de l’audience au premier palier le 30 août 1995. De plus, M. Lamarre a remis à M. Gingras une lettre datée du 21 août 1995 (pièce S-1) dans laquelle il énonce certains arguments qu’il voulait soulever à l’audience relative au grief.

Messieurs Lamarre et Gingras ont rencontré M me Berverly Hopkins, directrice générale, Gestion de l’information et services techniques, dans le cadre de l’audition du grief au premier palier. Avant cette rencontre, M. Gingras avait demandé au plaignant de ne pas intervenir et de le laisser présenter l’affaire. Selon M. Gingras, cette demande était justifiée par le fait que M. Lamarre était considéré au sein du ministère comme un sujet d’irritation. C’est également la raison pour laquelle M. Gingras a suggéré à M. Lamarre de ne pas se présenter à l’audience au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Dans son témoignage, M. Gingras a fait valoir d'un ton plein de sous-entendus que s’il n’avait pas eu l’intention de

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Decision Page 3 représenter le plaignant de façon équitable, il lui aurait tout simplement demandé d'assister à la rencontre au dernier palier de grief.

M. Lamarre a témoigné que, à son avis, son représentant a manqué de cohérence et de précision lorsqu’il a présenté à M m e Hopkins les éléments de sa défense. D’autre part, M. Gingras a produit des notes manuscrites contemporaines utilisées à l’occasion des deux auditions tenues dans le cadre de la procédure de règlement des griefs. Ces notes (pièce S-2) renferment un exposé complet de la défense qui concorde avec les points soulevés précédemment par M. Lamarre. M. Gingras a fait valoir que même si les notes manuscrites n’ont pas été lues textuellement devant M m e Hopkins ou devant M me Martha Hynna, sous-ministre adjointe, au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, tous les points qu’elles comprenaient ont été, de fait, soulevés. M. Gingras a également signalé que M. Lamarre ne lui avait fait aucun commentaire quant à la qualité de son exposé devant M m e Hopkins. Les deux réponses au grief (pièces C-5 et C-6) renvoient au document de planification (pièce C-2) et aux annotations de M m e Denyer. De plus, les deux réponses traitaient de la question des pouvoirs de supervision de M me Denyer à l’endroit du plaignant.

À la suite de ces audiences, M. Lamarre a demandé que son grief concernant la lettre de réprimande soit renvoyé à l’arbitrage. M. Gingras a répété au plaignant la remarque qu’il lui avait déjà faite selon laquelle la Loi des relations de travail dans la fonction publique ne permet pas le renvoi à l’arbitrage de ce type de mesure disciplinaire. M. Lamarre a également demandé si la lettre disciplinaire pourrait éventuellement être utilisée contre lui dans le cadre d’un système d’imposition de mesures disciplinaires progressives.

ARGUMENTATION Pour le plaignant: M. Lamarre fait valoir que le seul fait que son grief qu’il jugeait «gagné d’avance» avait été perdu par M. Gingras établissait qu’il avait été représenté de façon

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Decision Page 4 insatisfaisante. Les défendeurs n’avaient manifestement pas réussi à convaincre l’employeur de la validité de ses arguments.

Le plaignant présente ensuite un argument nouveau, quoique plutôt illogique, selon lequel l’agent négociateur n’aurait pas accepter de le représenter dans cette affaire puisque, en bout de ligne, l’impossibilité de renvoyer l’affaire à l’arbitrage rendait illusoire toute chance de réussite.

Pour les défendeurs: Le paragraphe 10(2) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique énonce clairement les responsabilités de l’agent négociateur en matière de représentation équitable. De plus, il incombait au plaignant d’établir que l’agent négociateur ou son représentant avait enfreint une disposition de la loi.

Le témoignage de M. Gingras établit clairement le contraire. M. Lamarre a été convenablement représenté. Les arguments qu’il voulait présenter ont été soulevés à tous les paliers du processus de règlement des griefs.

L’agent négociateur n’est pas responsable du fait qu’un grief portant sur une lettre de réprimande ne peut être renvoyé à l’arbitrage, et cet argument ne peut servir à étayer une plainte fondée sur le paragraphe 10(2).

La décision rendue dans l’affaire Lamarre (dossiers de la Commission 161-2- 741, 756, 764, 765, 770, 771, 772, 774 et 776) ainsi que les arrêts La guilde de la Marine marchande du Canada c. Guy Gagnon et l’Administration de pilotage des Laurentides, [1984] 1 R.C.S. 509, et Gendron c. Syndicat des approvisionnements et services de l’Alliance de la fonction publique du Canada, section locale 50057, [1990] 1 R.C.S. 1298 appuient la position des défendeurs dans cette affaire.

MOTIFS DE LA DÉCISION Selon le paragraphe 10(2) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, «il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation des fonctionnaires qui font partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur».

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Decision Page 5 M. Lamarre n’a présenté aucun élément de preuve qui établit, même indirectement, que les défendeurs ont violé les droits que lui confère le paragraphe 10(2) de la Loi. Au contraire, la preuve a établi que M. Lamarre a bénéficié d’une représentation juste et équitable dans ses relations avec l’employeur au moment de la contestation de sa lettre de réprimande. L’échec du grief de M. Lamarre découle davantage du fait que son grief était loin d’être «gagné d’avance» que de la qualité de la représentation des défendeurs.

Ayant été en mesure d’observer M. Lamarre pendant son témoignage et au cours de l’argumentation, je conclus que le problème en l’occurrence ne résulte pas de la représentation dont celui-ci a bénéficié. Il provient plutôt du fait que le plaignant n’écoute pas ce qu’on lui dit et qu’il n’accepte pas l’autorité hiérarchique qui doit exister dans tout lieu de travail. M. Lamarre donne tout son sens au vieux dicton selon lequel : «il a peut-être des défauts, mais pas celui d’avoir tort».

Pour tous ces motifs, je rejette la plainte de M. Lamarre.

Yvon Tarte, président suppléant

OTTAWA, le 13 mars 1996 Traduction certifiée conforme Serge Lareau

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