Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Politique sur la réinstallation - Contrôleur de la circulation aérienne - Formation - Prolongation du délai prévu pour renvoyer un grief à l'arbitrage (article 63 du Règlement et règles de procédure de la CRTFP) - le fonctionnaire s'estimant lésé, qui travaillait à la tour de contrôle de St. Andrews au Manitoba, a été envoyé en formation à Winnipeg - de ce fait, il parcourait quotidiennement le trajet aller-retour entre sa résidence et Winnipeg, soit une distance totale de 66 kilomètres par jour - le fonctionnaire s'estimant lésé a cherché à obtenir le remboursement des frais en cas de réinstallation demandée par l'employeur, mais l'employeur a soutenu qu'il n'avait droit à aucun remboursement en vertu de la politique - au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, le Comité exécutif du Conseil national mixte en est venu à la conclusion que le fonctionnaire s'estimant lésé avait droit au remboursement de ses frais de réinstallation en vertu de la politique puisqu'il respectait les exigences relatives à la distance minimale - l'employeur a donc accordé au fonctionnaire s'estimant lésé une indemnité de transport quotidien, mais au taux inférieur des indemnités en cas de réinstallation demandée par l'employé plutôt qu'au taux plus élevé d'une réinstallation demandée par l'employeur auquel le fonctionnaire s'estimant lésé croyait avoir droit - l'agent négociateur a par inadvertance négligé de renvoyer le grief à l'arbitrage et ce n'est que six mois après avoir reçu la réponse de l'employeur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs que le grief a finalement été renvoyé à l'arbitrage - la Commission a accordé au fonctionnaire s'estimant lésé une prolongation du délai prévu au motif que l'employeur n'avait subi aucun préjudice et que le fonctionnaire s'estimant lésé avait toujours eu l'intention de renvoyer son grief à l'arbitrage - le témoignage du fonctionnaire s'estimant lésé contredisait d'autres éléments de la preuve soumise à savoir si oui ou non il aurait été disposé à déménager à Winnipeg pendant sa formation - d'autres témoins ont déclaré que le fonctionnaire s'estimant lésé avait informé l'employeur qu'il n'était pas disposé à déménager pendant l'année scolaire - l'arbitre a conclu que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait droit qu'au remboursement de ses dépenses au taux de réinstallation demandée par l'employé. Demande de prolongation de délai agréée. Grief rejeté. Décision citée: Canada (procureur général) c. Lussier, dossier de la Cour A-1235-91 (non publiée) (Cour d'appel fédérale).

Contenu de la décision

Dossiers: 149-2-156 166-2-26146

Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE BRUCE ARTHUR CORAM fonctionnaire s'estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Transports Canada)

employeur

Devant: Muriel Korngold Wexler, président suppléant Pour le requérant: Peter Barnacle, avocat, Association canadienne du contrôle du trafic aérien

Pour l'employeur: Roger Lafrenière, avocat

Affaire entendue à Winnipeg (Manitoba), les 10 et 11 avril 1996.

Decision Page 1 DÉCISION Le 14 décembre 1992, M. Bruce Coram, contrôleur de la circulation aérienne employé par Transports Canada à la tour de St. Andrews, au Manitoba, a présenté le grief suivant :

[Traduction] Le 9 novembre 1992, j’ai demandé officiellement par lettre le remboursement de mes dépenses pour une réinstallation à court terme (Manuel de gestion du personnel, vol. 13, chap. 375, sect. 1.1, article 9.3 et Indemnités de déplacement (article 7.2.1c) - Politique concernant les voyages). Dans sa réponse de RAEA en date du 18 novembre 1992, le surintendant régional, Administration et ressources, Services de la circulation aérienne (ATS), P. L. Leech, a indiqué que la demande est jugée irrecevable et que le contribuable ne devrait pas payer cette dépense.

Mesure de redressement demandée : Comme je subis actuellement à la fois le stress et les frais associés à cette décision irréfléchie, je demande une indemnité entière comme je l’explique dans la lettre du 9 novembre 1992 (dont une copie archivée peut être obtenue auprès soit du directeur régional - Centre de l’ACCTA, soit du président de la section locale du Centre de contrôle régional de Winnipeg).

(pièce 1a)) Voici la lettre du 9 novembre 1992 de M. Coram. (Traduction) M. Duane Clefstad Gestionnaire, École de l’ATS

D’après les renseignements que je possède, suivant les dispositions de la lettre du CNM et du Manuel de gestion du personnel (MGP) au sujet de ce qui est prévu pour les contrôleurs de la circulation aérienne qui suivent une formation opérationnelle, je crois savoir que j’ai droit au remboursement de mes dépenses si ma réinstallation a été demandée par l’employeur. Comme l’exige le MGP (vol. 13, chap. 375, sect. 1.1.9), la distance entre ma nouvelle résidence et mon nouveau poste de travail au CCA de Winnipeg (4 km) après mon déménagement sera d’au moins 40 km inférieure à la distance que j’ai à parcourir actuellement entre ma résidence et le CCA de Winnipeg (48 km). Je demande donc dans mon cas l’application des

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Decision Page 2 dispositions de la politique (article 9.3) relative à la réinstallation à court terme en cours de déplacement (article 7.2.1.c)) de la politique concernant les voyages.

Par l’entremise du directeur régional (ACCTA), M. F. Bhimji, j’ai demandé que soit confirmée la réinstallation ci-dessus et de recevoir les indemnités de déplacement depuis juin 1992 après avoir accepté l’offre de formation sur les règles de vol aux instruments (IFR) au CCA de Winnipeg.

M. Bhimji a été informé par M. A. Sutherland que les indemnités mentionnées ci-dessus ont été refusées, mais il a maintenant demandé que le refus soit confirmé par écrit de sorte qu’il y ait une pièce au dossier qui pourrait servir de point de départ au lancement d’une procédure officielle de règlement de grief. Le grief portera notamment sur des frais de transport quotidien temporaire de 28,32 $, plus des frais de repas de 16,86 $, pour un total de 45,18 $, jusqu’à ce que la réinstallation à court terme soit établie.

Le long trajet quotidien de deux heures aller-retour a été un facteur ayant entraîné à la fois de la fatigue et des dépenses, de sorte que j’ai trouvé difficile de respecter l’horaire du cours 92-14, ce qui pourrait m’amener à demander de suivre à nouveau le cours si les problèmes ne peuvent être résolus.

Je vous saurais gré de votre aide à ce sujet.

L’employeur a refusé de faire droit au grief au premier palier de la procédure le 17 décembre 1992 et au deuxième palier le 23 août 1993. Le grief a ensuite été transmis au Comité exécutif du Comité national mixte (CNM) pour examen. Le 5 janvier 1994, l’employeur a répliqué au grief comme il suit :

[Traduction] Le Comité exécutif du Comité national mixte (CNM) s’est réuni le 15 décembre 1993 et a examiné votre grief au sujet de la réinstallation à court terme.

Le Comité exécutif a remarqué que le Comité des voyages en service commandé a indiqué que, selon le représentant ministériel et selon les directives ministérielles sur la formation, l’employé qui s’engage à suivre une telle formation renonce à tous ses droits à son ancien poste et, ce qui est une conséquence directe de cette formation, l’employé est habituellement muté à un poste à un autre endroit. Les membres du Comité des voyages en service commandé ont

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(pièce 1e))

Decision Page 3 donc convenu que, dans ces conditions et comme vous répondiez à l’exigence minimale de la directive pour ce qui est de la distance, vous aviez droit à la réinstallation.

Le Comité exécutif a convenu, comme l’indiquait le rapport du Comité des voyages en service commandé, que vous n’aviez pas été traité conformément à l’esprit de la directive. Le Comité exécutif a convenu également que la décision avait été fondée sur le fait qu’on ne vous avait pas donné des indications claires au sujet des conditions préalables à la formation.

Par conséquent, conformément à l’alinéa 14.1.13 des Statuts et règlements du CNM, nous faisons droit au grief et, conformément à l’alinéa 14.1.15 des règlements, la décision du Comité exécutif vous est communiquée.

(pièce 1d))

Le 19 janvier 1994, une agente des relations de travail à Transports Canada, M me Carole LaPointe, a écrit au vice-président de l’Association canadienne du contrôle du trafic aérien (ACCTA), M. Fazal Bhimji, pour l’informer que M. Coram recevrait l’indemnité de transport quotidien (pièce 19). Le fonctionnaire s’estimant lésé avait demandé un taux par mille plus élevé tandis que l’employeur avait accordé le taux qui s’applique comme si M. Coram avait demandé d’utiliser son véhicule. En avril 1994, M. Coram a reçu un chèque en remboursement de ses frais de déplacement par automobile, mais au taux par mille moins élevé, et il a encaissé le chèque. M. Coram n’était pas satisfait de l’interprétation par l’employeur de l’indemnité à laquelle il avait droit. Toutefois, le grief a été renvoyé à l’arbitrage bien après l’expiration du délai, soit à 8 h 21 le 3 novembre 1994. Les parties ont convenu que le renvoi à l’arbitrage n’a pas eu lieu dans les délais prescrits.

Le renvoi à l’arbitrage du présent grief devait d’abord être entendu le 28 novembre 1995 et il devait suivre un autre renvoi à l’arbitrage par M. Coram d’un grief concernant un différend au sujet de crédits de congé annuel (dossier de la Commission 166-2-26681). Toutefois, le renvoi du grief relatif au taux par mille a été reporté à ce moment-là. Le 23 novembre 1995, l’avocat de l’employeur, M e Roger Lafrenière, a soulevé une exception déclinatoire de ma compétence pour décider de ce grief au motif qu’il avait été présenté en retard.

En raison de l’exception soulevée par M l’ACCTA a présenté au nom de M. Coram une demande visant une prorogation du

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e Lafrenière le 23 novembre 1995,

Decision Page 4 renvoi de ce grief en arbitrage (dossier de la Commission 149-2-156). La présente décision porte sur les deux requêtes, soit la demande de prorogation du renvoi du grief à l’arbitrage et le bien-fondé du grief.

Preuve relative à la question du délai et au bien-fondé du présent grief M. Bruce Coram est employé à titre de contrôleur opérationnel (AI-02) à la tour St. Andrews, au Manitoba, depuis 1972. En 1992, il avait demandé, en faisant valoir son ancienneté, de suivre le cours de formation IFR au Centre de contrôle régional de Winnipeg. C’est ainsi que, le 1 er juin 1992, le surintendant, Formation et ressources humaines, Services de la circulation aérienne, à Winnipeg, M. H.D. Buchanan, a offert à M. Coram de suivre la formation conduisant à un poste de contrôleur IFR au Centre de contrôle régional de Winnipeg, dans la spécialité de Winnipeg. La formation devait commencer le 12 octobre 1992 et M. Coram devait se présenter au travail le 5 octobre 1992 (pièce 5). Le 3 juin 1992, M. Coram a demandé l’application des dispositions sur la réinstallation à court terme de la Directive sur la réinstallation (pièce 2) et d’être considéré en déplacement (pièce 3). À ce moment-là, M. Coram habitait à Selkirk, au Manitoba, soit à quelque 48 km de Winnipeg.

Le 4 juin 1992, M. Coram a été informé qu’il n’avait pas droit ni n’aurait droit à une indemnité de déplacement ou de réinstallation. Sa demande à ce sujet a par conséquent été refusée (pièce 6b)). Néanmoins, le 7 juin 1992, M. Coram a accepté l’offre de M. Buchanan (pièce 7).

Cependant, le 28 février 1992, M. Coram avait envoyé une lettre relativement à sa demande de suivre le cour IFR et il y exposait trois conditions en vertu desquelles il entreprendrait la formation. L’une des conditions était qu’il ne n’aurait pas à se réinstaller pour la durée du cours pour des raisons familiales. M. Coram ne pouvait aller habiter ailleurs. La deuxième condition était qu’il soit informé de la spécialité à laquelle on le destinait et la troisième, qu’il ait droit à l’indemnité de déplacement par automobile pendant sa formation. M. Coram expliquait qu’il avait droit à la réinstallation et que, comme il ne déménageait pas, il aurait droit au remboursement de ses frais de transport (aller-retour de 66 km) (pièce 13). Le 30 mars 1992, M. Buchanan a répondu que l’employeur n’était pas disposé à modifier le choix selon les lignes directrices du programme de promotion par ancienneté ni à accepter l’une ou l’autre des conditions posées par M. Coram (pièce 15).

M. Coram a suivi la formation en octobre 1992 et il a constaté que la première partie du cours exigeait beaucoup d’étude. Il y avait des examens hebdomadaires. Le

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Decision Page 5 cours était très intensif et il devait durer un an. Le 9 novembre 1992, M. Coram a écrit au gestionnaire de l’école du Service d’information aéronautique, M. Duane Clefstad, pour lui indiquer qu’il avait droit au remboursement de ses frais de réinstallation à la demande de l’employeur en vertu de la Directive sur la réinstallation (chapitre 375, volume 13). Il a demandé la réinstallation à court terme comprise dans la Directive sur la réinstallation (pièce 2) et d’être considéré en déplacement conformément à la Directive sur les voyages (pièce 3) (pièce 1e)). M. Coram a expliqué qu’il demandait le remboursement de frais quotidiens de déplacement de 28,32 $, plus des frais de repas de 16,86 $, pour un total de 45,18 $, jusqu’à ce qu’il soit établi qu’il était dans une situation de «réinstallation à court terme» (pièce 1e)). Le 18 novembre 1992, la demande qu’avait présentée M. Coram le 9 novembre 1992 a été refusée. Par conséquent, le 14 décembre 1992, il a présenté son grief.

En outre, le 20 novembre 1992, M. Coram a de nouveau écrit au surintendant régional, M. Leech, pour lui indiquer que, le 28 février 1992, il ne savait pas qu’il avait droit au remboursement de ses dépenses parce que sa résidence (Selkirk) était située à plus de 40 km du Centre de contrôle régional de Winnipeg. Dans sa lettre, M. Coram n’a pas expliqué davantage sa demande sauf pour mentionner sa lettre du 28 février 1992 dans laquelle il demandait l’indemnité de déplacement par automobile de la tour St. Andrews au Centre de contrôle régional de Winnipeg (aller-retour de 66 km) (pièce 9). M. Coram a témoigné qu’il avait présenté cette demande parce qu’il avait besoin de plus de temps pour étudier et qu’il ne lui convenait pas de faire l’aller- retour. Il perdait ainsi 50 minutes dans chaque direction. Il lui fallait être au Centre de contrôle régional de Winnipeg de 8 h à 16 h. Il devait également étudier pendant quelque 200 heures. M. Coram a assisté au cours pendant 56 jours et il a inscrit 360 heures d’études. Il a assisté au cours du 16 octobre 1992 au 18 janvier 1993 et, à ce moment-là, l’employeur a décidé de mettre fin à sa formation étant donné que les choses allaient de moins en moins bien. M. Coram est revenu à la tour St. Andrews le 20 janvier 1993. Le 17 décembre 1992 et le 23 août 1993, le grief a été refusé au premier et au deuxième palier de la procédure de règlement. Le grief a ensuite été transmis pour examen au Comité des voyages en service commandé du Conseil national mixte.

Dans une lettre datée du 26 octobre 1993, le grief de M. Coram a été renvoyé par le secrétaire du Conseil national mixte au Comité des voyages en service commandé (pièce 16). Le 4 novembre 1993, le comité a déterminé que M. Coram avait droit à la réinstallation. Il avait donc droit ou bien à l’indemnité pour l’occupation

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Decision Page 6 temporaire de deux résidences, ou bien à l’indemnité de transport quotidien au lieu de la première (pièce 17).

Le 22 décembre 1993, le secrétaire du Conseil national mixte a informé Transports Canada de cette décision (pièce 18) et le Ministère en a à son tour informé le fonctionnaire s’estimant lésé le 5 janvier 1994 (pièce 1d)). L’agent négociateur a également été informé le 19 janvier 1994 (pièce 19). L’employeur a informé M. Coram et le vice-président de l’ACCTA, M. Fazal Bhimji, que M. Coram recevrait l’indemnité de transport quotidien (pièces 1d) et 19). On a demandé à M. Coram de présenter une demande de remboursement, ce qu’il a fait le 25 février 1994 (pièce 10). M. Coram a demandé 29,5 cents le kilomètre, montant qu’il a ensuite réduit à 29 cents le kilomètre, plus les intérêts et les repas. M. Coram a calculé ses dépenses au taux de 29 cents le kilomètre parce qu’il s’agissait du taux qu’il touchait lorsqu’il suivait des cours de recyclage chaque année depuis 1973. Le 1 er mars 1994, le directeur régional du Service de la circulation aérienne, M. Al Sutherland, a ramené la demande à 10,5 cents le kilomètre et a refusé le remboursement des repas (du midi) et des intérêts. M. Sutherland a décidé de ne verser que 564,48 $ (pièce 11). Le 11 avril 1994, M. Coram répondait à la lettre de M. Sutherland en lui disant que, le 10 mars 1994, il avait reçu le chèque de 564,48 $ et qu’il l’avait déposé sous réserve de tous droits relativement à son grief (pièce 12). M. Coram n’était pas satisfait de la réponse de l’employeur à sa demande.

M. Coram a déclaré qu’il avait calculé le coût de son déplacement de sa maison (Selkirk) au Centre de contrôle régional de Winnipeg pour les 56 jours pendant lesquels il avait suivi les cours IFR. Il a ajouté qu’il avait conservé les reçus d’essence, mais il ne les a pas présentés en preuve. Aucune preuve n’a été présentée relativement aux dépenses de M. Coram, sauf sa déclaration verbale suivant laquelle il avait conservé les reçus d’essence et que son assurance avait augmenté parce qu’il conduisait en ville (Winnipeg) plutôt que dans une localité. M. Coram a témoigné qu’il n’a pas demandé le remboursement de ses dépenses à l’employeur (ni à l’arbitre soussigné) parce qu’il avait demandé de toucher le taux par mille le plus élevé en vertu de la Directive concernant les voyages (le taux pour l’utilisation de son véhicule à la demande de l’employeur), lequel à son avis compensait toutes ces dépenses. Il a ajouté que ce taux correspond aux dépenses véritables du transport quotidien. Il a indiqué dans son témoignage au moment de l’interrogatoire principal que, si l’employeur avait autorisé la réinstallation, il aurait fait l’acquisition d’une deuxième résidence à Winnipeg. Pour que le grief soit réglé à sa satisfaction, il lui suffirait

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Decision Page 7 d’obtenir une indemnité au taux par mille pour l’utilisation de son véhicule à la demande de l’employeur.

En contre-interrogatoire, toutefois, M. Coram a expliqué qu’il habitait à Selkirk, du côté sud de la Route 9, depuis 1981 ou 1982. Il est marié et il a trois enfants qui, à ce moment-là, devaient fréquenter l’école de Selkirk de septembre à juin de l’année suivante. M. Coram a témoigné qu’il «n’aurait pas déménagé pendant que ses trois enfants étaient à l’école». M. Coram a témoigné au sujet de sa lettre du 28 février 1992 (pièce 13). Il a expliqué qu’il l’avait écrite avant l’offre de formation qui lui a été faite le 1 er juin 1992 et qu’il avait demandé de revenir à la tour St. Andrews s’il ne réussissait pas le cours. Il ne savait pas non plus à ce moment-là qu’il avait droit à la réinstallation. Il a donc offert de voyager avec son automobile, mais l’employeur a refusé de l’indemniser. En outre, M. Coram a jugé que le refus de M. B. Roos, le 3 juin 1992, n’était pas une réponse satisfaisante (pièce 6). Il n’a pas pris sa réponse au sérieux et il a accepté l’offre qui lui était faite de suivre la formation IFR.

M. Coram a appris pour la première fois que sa demande était agréée le 10 février 1994. Aussi lorsque le conseiller intérimaire en relations de travail, M. Alan Ashton, a écrit le 25 février 1994 pour indiquer que l’indemnité de transport quotidien lui était accordée (pièce 14), il a présenté une demande sur dix pages (la pièce 10 fait partie de cette demande). Le 11 mars 1994, M. Coram a appris que sa demande de remboursement avait été ramenée à 564,48 $ et l’employeur n’a jamais indiqué qu’il réexaminait le bien-fondé de la demande.

M. Fazal Bhimji est vice-président, Relations de travail, de l’ACCTA depuis le 1 er juillet 1993. Il est chargé de représenter les membres de l’ACCTA au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs du CNM et au troisième palier des griefs lorsqu’il y a violation alléguée d’une disposition de la convention collective. Il rédige des rapports à l’intention des membres sur les questions de relations de travail intéressant l’ACCTA. En outre, c’est lui qui recommande au Comité exécutif de l’ACCTA le renvoi ou non d’un grief à l’arbitrage. C’est à lui qu’il appartient de renvoyer les griefs à l’arbitrage, avec l’aide d’un adjoint en relations de travail.

M. Bhimji a pris connaissance du grief de M. Coram en 1992 et il s’en est occupé à titre de vice-président peu avant qu’il ne soit transmis au troisième palier de la procédure de règlement des griefs. Le 26 octobre 1993, M. D.S. Davidge, alors secrétaire général du Conseil national mixte, a rédigé une lettre accusant réception de la participation de l’ACCTA et de M. Bhimji dans la procédure de règlement (pièce 16).

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Decision Page 8 La réunion portant sur ce grief a eu lieu le 4 novembre 1993 (pièce 17) et le président de l’ACCTA, M. Dave Lewis, a présenté les arguments au nom de M. Coram. M. Bhimji a renseigné M. Lewis sur l’affaire. C’est M. Bhimji qui a reçu la décision faisant droit au grief le 22 décembre 1993 (pièce 18). Ensuite, le directeur général, Relations de travail et rémunération, M. R.-Daniel Paris, a écrit à M. Coram le 5 janvier 1994 pour confirmer la décision de faire droit au grief (pièce 1d)). M. Bhimji a eu des entretiens avec l’agente des relations de travail, M m e Carole Lapointe, et, le 19 janvier 1994, elle a confirmé que M. Coram aurait droit à l’indemnité de transport quotidien (pièce 19).

M. Bhimji a fait le suivi nécessaire et a demandé quand M. Coram toucherait le paiement. Ensuite, lorsque s’est posée la question du taux par mille, M. Bhimji a écrit à M. Paris le 22 mars 1994 pour demander une réponse au troisième palier de la procédure à ce sujet (pièce 20). L’employeur soutenait que M. Coram n’avait droit qu’au taux par mille le moins élevé en vertu de la Directive sur la réinstallation (pièce 2). L’alinéa .3.9.2 indique que l'administrateur en chef peut approuver le paiement d’une indemnité de transport quotidien entre la résidence à l’ancien lieu de travail et le nouveau lieu de travail et que le taux doit être celui qui est consenti lorsque l’employé fait la demande (10,5 cents le kilomètre). M. Bhimji a soutenu que M. Coram ne devait jamais avoir à perdre de l’argent et qu’il devait être remboursé de ses dépenses raisonnables. M. Coram avait expliqué qu’il n’avait pas d’autre choix que de prendre sa propre voiture et qu’il devait par conséquent être indemnisé au taux le plus élevé. M. Coram demandait aussi qu’on lui paie des heures supplémentaires pour ses déplacements entre sa résidence et le centre de formation.

Le 28 mars 1994, M. Coram a reçu une réponse à ses autres demandes. Dans la lettre qu’il adressait à M. Bhimji (pièce 21), M. R-Daniel Paris expliquait que, au moment il avait présenté des arguments le 4 novembre 1993 devant le Comité des voyages en service commandé relativement au grief de M. Coram, M. Dave Lewis avait demandé que l’indemnité de transport quotidien soit accordée à M. Coram. Par conséquent, cette indemnité lui a été accordée en vertu de l’alinéa 3.9 de la Directive sur la réinstallation, laquelle prévoit un remboursement au taux le moins élevé. En outre, M. Coram n’avait droit à aucun autre avantage suivant la Directive sur les voyages (pièce 21). M. Dave Lewis n’a pas témoigné à ce sujet. M. Bhimji a indiqué dans son témoignage que, avant la réunion du 4 novembre 1993, il avait informé M. Lewis. Ils ont parlé de façon générale de l’aide au transport quotidien et de ce qui serait une juste indemnité dans ce cas. La «réinstallation» ne pouvait s’appliquer de façon rétroactive.

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Decision Page 9 M. Bhimji a déclaré que, après la lettre du 28 mars 1994, il s’est de nouveau entretenu avec M me Lapointe en lui réitérant le point de vue de l’ACCTA sur ce qui serait un redressement raisonnable dans la présente affaire. M. Bhimji ne pouvait se rappeler de la dernière fois il avait abordé la question avec l’employeur ou avec M me Lapointe. M. Bhimji a donné les raisons pour lesquelles le grief de M. Coram a été renvoyé à l’arbitrage le 3 novembre 1994 et pourquoi une prorogation du renvoi de ce grief à l’arbitrage n’avait pas été demandée avant le 23 novembre 1995. L’ACCTA venait tout juste d’embaucher un adjoint en relations de travail et M. Bhimji n’occupait le poste de vice-président que depuis moins d’un an lorsque M. Coram a renvoyé son grief au troisième palier de la procédure en mars 1994 (pièce 20). M. Bhimji est entré en fonction le 1 er juillet 1993. À ce moment-là, il y avait plus de 900 dossiers en cours au bureau et ces deux personnes étaient les seules à faire tout le travail, et ce manuellement. M. Bhimji et l’adjoint en relations de travail pensaient que le grief de M. Coram avait été renvoyé à l’arbitrage. L’adjoint avait informé M. Bhimji que le grief avait été renvoyé à l’arbitrage et c’est seulement à la fin d’octobre 1994 que M. Bhimji a constaté que tel n’était pas le cas. À la fin d’octobre 1994, le directeur régional de l’ACCTA, M. Terry Barclay, a appelé M. Bhimji pour lui demander en était rendu le grief. Lorsque M. Bhimji a ouvert le dossier de M. Coram, il n’a trouvé aucune lettre (c’est lui qui signe habituellement ces lettres) renvoyant le grief à l’arbitrage. Il a donc sur-le-champ renvoyer le grief à l’arbitrage.

M. Bhimji s’est rendu compte que quelque chose n’allait pas parce que la Commission n’avait pas communiqué une date d’audience, ce qui se produit normalement dans les trois mois du renvoi du grief à l’arbitrage. Il s’est rendu compte que le renvoi à l’arbitrage n’avait pas été fait dans le délai prescrit. Il n’a pas pu se rappeler s’il avait eu d’autres entretiens avec l’employeur au sujet du cas de M. Coram après l’avoir renvoyé à l’arbitrage. Il s’est souvenu toutefois avoir demandé à M me Lapointe de communiquer avec le Conseil national mixte pour clarifier le sens de «indemnité de transport quotidien», mais il n’a pu se rappeler la date de l’entretien. Il aurait pu avoir lieu au début de 1995. La première fois que M. Bhimji a pris connaissance de l’opposition de l’employeur, ce fut au moment M e Lafrenière a envoyé sa lettre du 23 novembre 1995. C’est ainsi que l’ACCT a présenté une demande visant à reporter le délai de renvoi du grief à l’arbitrage. L’ACCTA n’a pas vu la nécessité de présenter cette demande avant le 23 novembre 1995 parce que l’employeur n’avait pas soulevé une exception déclinatoire de compétence et que le montant demandé était inférieur à 1 100 $. M. Bhimji pensait qu’il s’occuperait de

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Decision Page 10 l’exception lorsqu’elle serait présentée. À son avis, le grief et la question du délai n’avaient aucune conséquence sérieuse, sauf pour M. Coram. Toutefois, le grief était important pour M. Coram.

Avant le 1 er juillet 1993, M. Bhimji avait été directeur de la région centrale chargé des griefs au deuxième palier de la procédure de règlement. Il était au courant des délais prévus dans la convention collective. Il savait que ces délais devaient être respectés et, conformément à la clause 5.17 de la convention de l’ACCTA, que ces délais pouvaient être prolongés. Il avait demandé des prorogations lorsque c’était nécessaire. L’employeur et l’ACCTA s’entendaient pour faire preuve de souplesse à cet égard. M. Bhimji savait que l’employeur avait fermement décidé de refuser le taux par mille plus élevé depuis le 22 mars 1994 (pièce 20). M. Bhimji a par conséquent reconnu qu’il aurait pu renvoyer le grief à l’arbitrage à ce moment-là.

ARGUMENTATION M e Peter Barnacle, avocat du fonctionnaire s’estimant lésé, reconnaît que le grief n’a pas été renvoyé à l’arbitrage dans le délai prescrit. Le retard est de quelque six ou sept mois. À cet égard, M e Barnacle cite les auteurs Brown et Beatty dans Canadian Labour Arbitration à l’appui de son argument suivant lequel la demande de prorogation doit être agréée parce que rien n’a été présenté en preuve pour indiquer qu’un tel retard aurait pu causer un préjudice à l’employeur. Les décisions Vincent (dossier de la Commission 166-2-21022) et Hitchcock et al. (dossiers de la Commission 166-2-16651 à 16654 et 149-2-78) portent sur la question du préjudice. Dans le cas de M. Coram, l’employeur n’a présenté aucune preuve suivant laquelle le retard a causé un préjudice. Le retard n’a engendré aucune difficulté pour l’employeur. Toutefois, si la demande de prorogation de M. Coram était refusée, il perdrait la chance de faire juger son grief sur le fond, ce qui serait pour lui une injustice beaucoup plus grave que l’inconvénient pour l’employeur d’une audition du grief à cette date. L’oubli n’a aucunement nui à l’employeur ni ne l’a privé de quoi que ce soit. La demande est d’ordre monétaire et il serait facile d’accorder un redressement. Pour appuyer son argument, M e Barnacle a mentionné Ouellette (dossier de la Commission 166-2-21255), Brochu (dossiers de la Commission 166-2-17574 et 149-2-84) et The Canadian Labour Arbitration de Brown et Beatty, 3 e édition (alinéa 2.3140). Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 11 Pour ce qui est du bien-fondé, M e Peter Barnacle allègue que, au départ, le grief portait sur le droit à la réinstallation pour la période pendant laquelle M. Coram suivait une formation IFR au Centre de contrôle régional de Winnipeg. M. Coram a demandé la réinstallation suivant la Directive sur la réinstallation ou d’être considéré comme étant en déplacement suivant la Directive sur les voyages. L’employeur lui a refusé sa demande le 18 novembre 1992 (pièce 8). M. Coram a réitéré sa demande le 20 novembre 1992 (pièce 9) et a présenté son grief le 14 décembre 1992 (pièce 1). Il demandait le taux quotidien à raison de 29 cents le kilomètre et le remboursement de ses repas du midi. L’employeur a remboursé la distance parcourue à raison de 10,5 cents le kilomètre mais a refusé de rembourser les frais de repas. M. Coram a reçu un chèque qu’il a encaissé sous réserve de tous droits. La seule question qui reste est par conséquent le taux auquel M. Coram a droit pour son transport. M e Barnacle allègue que le problème reste tout entier parce que le redressement offert par l’employeur ne répond pas au grief. Le fonctionnaire s’estimant lésé a droit à un remboursement au taux consenti pour l’utilisation de son véhicule à la demande de l’employeur parce qu’il avait droit à la réinstallation et que c’est la seule façon pour lui de ne pas perdre de l’argent. L’employeur a refusé de lui consentir ses indemnités suivant les directives sur la réinstallation et sur les voyages. Si la réinstallation lui avait été accordée, la Directive sur les voyages ne s’appliquerait pas. M e Barnacle mentionne l’alinéa 3.9.3 de la Directive sur la réinstallation et l’alinéa .7.2.1c) de la Directive sur les voyages (qui renvoie à la Directive sur la réinstallation). Le redressement demandé est fondé sur le coût réel du déplacement par automobile. Par conséquent, la demande est faite suivant la Directive sur les voyages parce qu’il existe déjà un taux pour l’utilisation d’un véhicule.

M. Coram a demandé un remboursement pour 56 jours à raison de 29 cents le kilomètre, soit le taux versé lorsque c’est l’employeur qui fait la demande, en guise de compensation des pertes qu’il avait subies. Il a choisi ce taux parce que c’est celui qui lui a été versé en d’autres occasions. M e Barnacle affirme que la preuve montre que M. Coram se serait réinstallé et il a rédigé la lettre du 28 février 1992 (pièce 9) avant de connaître ses droits. Il a le droit de ne pas perdre d’argent et la seule façon d’y arriver consiste à l’indemniser au taux le plus élevé. M e Barnacle soutient également que l’alinéa .3.9.1 de la Directive sur la réinstallation ne s’applique que lorsque l’employeur demande à l’employé de se déplacer quotidiennement plutôt que de se réinstaller. À cet égard, M e Barnacle mentionne Canadian Labour Arbitration par les auteurs Brown et Beatty, 3 e édition, alinéas 2:1300 à 1:1412, Degaris (dossier de la Commission 166-2-22490), L’Institut professionnel de la fonction publique du Canada

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Decision Page 12 (dossier de la Commission 125-2-63) et Grant and Stoykewich (dossiers de la Commission 166-2-3323 et 3324).

L’avocat de l’employeur, M e Roger Lafrenière, réplique que le facteur de préjudice n’est qu’un parmi d’autres et il mentionne la décision Stubbe (dossier de la Commission 149-2-114). Le fonctionnaire s’estimant lésé se devait d’agir avec une diligence raisonnable. Le préjudice dans le cas de M. Coram tient à ce que l’employeur soit obligé de s’astreindre à une procédure à ce moment-ci. Il y a une obligation de la part du fonctionnaire s’estimant lésé et de l’agent négociateur de justifier le retard. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a rien fait après avoir reçu le chèque ainsi que la lettre de M. Sutherland le 11 mars 1994 (pièce 11). M. Coram n’a présenté aucune preuve relativement à des mesures qu’il a pu ou non prendre pour donner suite à son grief après mars-avril 1994. En outre, l’adjoint aux relations de travail n’a pas été mandé pour expliquer pourquoi le grief n’avait pas été renvoyé à l’arbitrage au moment voulu. Lorsque M. Bhimji s’est rendu compte que le grief n’avait pas été renvoyé à l’arbitrage, il avait l’obligation de demander une prorogation à ce moment-là. MM. Bhimji et Coram n’ont pris aucune mesure pour corriger la situation. M e Lafrenière a également mentionné la décision Ouellette (supra). Pour ce qui est du bien-fondé du grief, M e Lafrenière allègue que le fond du grief ne peut être modifié au moment de l’arbitrage. Le fonctionnaire s’estimant lésé et l’ACCTA n’invoquent aucune disposition de la convention collective pour étayer leur demande. Ils invoquent la décision du Comité des voyages en service commandé du Conseil national mixte. M e Lafrenière signale que la question posée au Comité avait trait à la réinstallation à court terme et au fait que M. Coram devait être considéré comme étant en déplacement. Dans son grief, M. Coram demandait le remboursement de ses frais de déplacement au taux du voyage et de ses frais de déjeuner. Voilà la question qui a été présentée au Comité des voyages en service commandé du Conseil national mixte (pièce 1e), lettre du 19 novembre 1982). Le Comité a pris sa décision à ce sujet le 4 novembre 1993. Il a été convenu que M. Coram était admissible à la réinstallation et qu’il avait droit à l’indemnité pour l’occupation temporaire de deux résidences ou à l’indemnité de transport quotidien à la place de la première (pièce 17). M e Lafrenière soutient que cette décision renvoie clairement à l’alinéa .3.9.1 de la Directive sur la réinstallation (pièce 2). M. Coram avait droit à l’une ou à l’autre : soit l’indemnité pour l’occupation temporaire d’une résidence, soit l’indemnité de transport quotidien.

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Decision Page 13 En outre, il appartient à l'administrateur général d’approuver l’indemnité de transport quotidien, auquel cas le taux est celui qui s’applique lorsque c’est l’employé qui fait la demande.

M e Lafrenière indique que la demande de M. Coram de «ne pas perdre d’argent» n’a pas été invoquée devant le Comité des voyages en service commandé du CNM. Il mentionne la décision Canada (Procureur général) c. Lussier rendue par la Cour d’appel fédérale (dossier de la Cour A-1235-91, non publié) dans laquelle il a été décidé que la demande d’indemnité ne pouvait être agréée parce qu’aucune preuve n’avait été présentée pour justifier une telle demande et que l’arbitre ne pouvait accorder des dommages-intérêts exemplaires. Aussi, M. Coram a indiqué dans son témoignage qu’il a utilisé sa voiture personnelle et aucune preuve n’a été présentée pour indiquer que le taux versé lorsque c’est l’employé qui fait la demande était insuffisant. D'après la Directive sur les voyages du CNM, ce taux est suffisant. Par conséquent, il n’est absolument pas de la compétence de l’arbitre d’accorder des dommages-intérêts en général parce qu’une telle demande ne découle pas de l’application et de l’interprétation d’une disposition quelconque de la convention collective qui s’applique.

Dans sa réplique, M e Barnacle mentionne la décision Stubbe (supra). M. Coram n’a pas consulté M. Bhimji lorsqu’il a reçu le chèque de 564,48 $ (pièce 11). M. Coram, l’ACCTA et M. Bhimji avaient l’intention de renvoyer le grief à l’arbitrage. M e Barnacle affirme que j’ai toutes les preuves nécessaires relativement à ce que M. Bhimji a ordonné et à ce qu’il voulait faire à cet égard. M. Bhimji assume la responsabilité de l’oubli. En outre, le grief existe toujours parce qu’il n’y a eu aucun redressement.

La décision du Comité des voyages en service commandé du CNM doit être interprétée compte tenu des circonstances (pièce 17). M. Coram aurait eu le choix en 1992 entre l’indemnité pour l’occupation temporaire de deux résidences et l’indemnité de transport quotidien. Ce fut le choix de M. Coram et il avait décidé de déménager. Toutefois, au point l’on en est, le seul redressement est une indemnité. M e Barnacle maintient que la décision Lussier (supra) ne s’applique pas. La question ici en litige est le coût du transport quotidien entre Selkirk et Winnipeg.

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Decision Page 14 DÉCISION Demande de prorogation pour le renvoi d’un grief à l’arbitrage L’article 63 des Règlements et des règles de procédure de la CRTFP prévoit ce qui suit :

63. Par dérogation à toute autre disposition de la présente partie, les délais prévus aux termes de la présente partie, d’une procédure applicable aux griefs énoncée dans une convention collective ou d’une décision arbitrale, pour l’accomplissement d’un acte, la présentation d’un grief à un palier ou la remise ou le dépôt d’un avis, d’une réponse ou d’un document peuvent être prorogés avant ou après leur expiration :

a) soit par une entente entre les parties; b) soit par la Commission, à la demande de l’employeur, du fonctionnaire ou de l’agent négociateur, selon les modalités que la Commission juge indiquées.

La preuve a démontré que le renvoi à l’arbitrage du grief de M. Coram s’est fait six ou sept mois après l’expiration des délais. Toutefois, aucune preuve n’a été apportée quant au préjudice que ce retard aurait pu causer à l’employeur. Les témoins ont pu témoigner. D’ailleurs, seul le fonctionnaire s’estimant lésé a été appelé à témoigner sur le bien-fondé du grief. La preuve démontre également que MM. Coram et Bhimji ont toujours eu l’intention de renvoyer le grief à l’arbitrage. Le retard s’est produit par inadvertance. M. Bhimji croyait que le renvoi à l’arbitrage de ce grief avait été présenté à la Commission lorsque l’ACCTA et M. Coram ont reçu la réponse de M. R.-Daniel Paris le 28 mars 1994 (pièce 21).

C’est seulement en octobre 1994, au moment M. Bhimji a examiné le dossier de M. Coram, qu’il s’est rendu compte que cela n’avait pas été fait. À ce moment-là, il a bien vu que le renvoi à l’arbitrage ne s'était pas fait dans les délais, mais il a décidé de faire la demande en retard et d’aborder la question du non-respect des délais lorsqu’elle serait soulevée.

On pourrait invoquer le fait que MM. Coram et Bhimji n’ont peut-être pas fait preuve d’une diligence raisonnable. Toutefois, la preuve a bel et bien montré qu’ils avaient l’intention de contester l’interprétation par l’employeur des directives sur la réinstallation et sur les voyages, ce dont témoigne la lettre de M. Bhimji du 22 mars 1994 (pièce 20). J’ai décidé de faire droit à la demande de prorogation du

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Decision Page 15 délai pour renvoyer le présent grief à l’arbitrage et, pour cela, j’ai tenu compte de divers facteurs. La nature du grief ne touche que M. Coram. En outre, ce grief est important pour lui. Le retard n’a causé aucun préjudice à l’employeur et MM. Coram et Bhimji ont toujours eu l’intention de renvoyer le grief à l’arbitrage.

Le bien-fondé Le présent grief porte sur l’interprétation et l’application de la Directive sur la réinstallation et de la Directive sur les voyages, lesquelles sont intégrées par renvoi dans la convention collective entre le Conseil du Trésor et l’ACCTA (code : 402/91) par la voie de l’article 29 et en particulier de la clause 29.01 :

29.01 Les ententes conclues par le Conseil national mixte de la fonction publique sur les clauses qui peuvent figurer dans une convention collective et que les parties à cette dernière ont ratifiées après le 6 décembre 1978 feront partie de la présente convention collective, sous réserve de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) et de toute loi du Parlement qui, selon le cas, a été ou peut-être établie en application d’une loi stipulée à l’annexe III de la LRTFP.

Voici les dispositions pertinentes de la Directive sur la réinstallation : .3.9 Aide pour le transport quotidien au lieu de l'indemnité pour l'occupation temporaire d'une deuxième résidence

.3.9.1 Lorsqu’un employé a droit à l'indemnité et qu’il est possible de parcourir chaque jour la distance entre l’ancien et le nouveau lieu de travail, le sous-chef peut approuver le versement d’une aide pour le transport quotidien entre le domicile de l’employé à l’ancien lieu de travail et son nouveau lieu de travail. Celle-ci sera versée aux mêmes conditions et pendant la même période que celles établies pour l’indemnité susmentionnée; lorsque l'employé utilise sa propre voiture, le montant d'aide sera calculé au taux demandé par l'employé, en conformité avec l'article .1.2 de l'appendice C du chapitre 370 - Voyages. Toutefois, le paiement mensuel maximum ne doit pas dépasser l'indemnité versée pour un logement particulier (voir l'article .3.2a)).

(pièce 2) La Directive sur les voyages prévoit ce qui suit : Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 16 .7.2.1 Il arrive que l'employé ait à quitter sa zone d'affectation pour quelques mois afin d'aller vivre dans une autre communauté en raison d’un stage de formation ou d’une affectation. Dans ce cas :

... c) Si le séjour à l'autre endroit dure plus de quatre mois, c'est la disposition sur la réinstallation à court terme (Politique sur la réinstallation) qui doit s'appliquer;

(pièce 3) Dans son grief (pièce 1a)), le fonctionnaire demande le remboursement de frais de réinstallation à court terme en vertu de la politique sur la réinstallation et des indemnités de voyage suivant la politique sur les voyages. Dans son grief, M. Coram mentionne également une lettre qu’il avait écrite le 9 novembre 1992 (pièce 1e)) et dans laquelle il invoque les alinéas .1.1.9 et .9.3 de la Directive sur la réinstallation. Il demande d’être considéré comme étant en déplacement suivant l’alinéa .9.3. Il demande la même chose suivant l’alinéa .7.2.1c) de la politique sur les voyages. Il ajoute toutefois que [TRADUCTION] «le grief porte également sur les frais de déplacement quotidien temporaire de 28,32 $ plus des frais de repas de 16,86 $ pour un total de 45,18 $ jusqu’à ce que la réinstallation à court terme soit établie.»

Cette lettre doit être lue concurremment avec une autre lettre que M. Coram a écrite le 28 février 1992 au moment il a demandé de participer au cours IFR (pièce 13). Dans cette dernière lettre, il explique qu’il a présenté la demande à trois conditions. La première est claire : [TRADUCTION] «Je ne désire pas déménager pour la durée du cours pour des raisons familiales, que je peux expliquer au besoin...». Le message est sans équivoque : M. Coram a informé l’employeur qu’il ne s’installerait pas à Winnipeg pour le programme de formation. Cette condition étant posée, il appartenait à l'administrateur général d’approuver le paiement suivant l’alinéa .3.9.1 de l’indemnité de transport quotidien entre Selkirk et le Centre de contrôle régional de Winnipeg. De plus, selon cette disposition, cette indemnité est calculée au taux qui s’applique lorsque c’est l’employé qui fait la demande.

À mon avis, la teneur du grief et de la mesure corrective demandée porte plutôt à confusion. Dans son grief, M. Coram demande l’application à la fois de la Directive sur la réinstallation et de la Directive sur les voyages. C’est bien ce qu’il dit dans sa lettre du 28 février 1992. Dans sa lettre du 9 novembre 1992, il répète la même

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Decision Page 17 demande mais il ajoute que la demande est présentée «jusqu’à ce la réinstallation à court terme soit établie». M. Coram n’a pas expliqué ce qu’il entend par cela. Il a indiqué dans son témoignage que [TRADUCTION] «si l’employeur avait autorisé ma réinstallation, j’aurais acquis une deuxième résidence à Winnipeg», ce qui ne correspond pas toutefois à la preuve documentaire, en particulier la lettre du 28 février 1992. Cette lettre est très importante parce qu’il l’a rédigée pour expliquer pourquoi il demandait à s’inscrire au cours IFR. En outre, cette déclaration contredit également une déclaration qu’il a faite en contre-interrogatoire lorsqu’il a dit à M e Lafrenière qu’[TRADUCTION] «il n’aurait pas déménagéWinnipeg) pendant que ses trois enfants étaient à l’école».

J’ai décidé de donner plus de poids à la teneur de la lettre du 28 février 1992 dans laquelle il indique qu’il ne veut pas se réinstaller pendant le cours de formation pour des raisons familiales et à sa déclaration en réponse au contre-interrogatoire de M e Lafrenière. La déclaration faite au moment de l’interrogatoire principal est intéressée et n’est par conséquent pas crédible dans les circonstances.

En outre, la demande de M. Coram serait refusée même si j’acceptais sa déclaration suivant laquelle il avait eu l’intention de se réinstaller temporairement à Winnipeg pour la durée du cours et qu’il avait perdu de l’argent parce que ses dépenses étaient supérieures au taux qui s’applique lorsque c’est l’employé qui fait la demande. M. Coram n’a présenté aucune preuve de ses dépenses et des coûts de son transport quotidien. Je n’ai aucune preuve que le taux qui s’applique lorsque c’est l’employé qui fait la demande est insuffisant ou qu’il ne suffisait pas à rembourser les dépenses de M. Coram pour l’utilisation de son véhicule.

En conclusion, j’estime que l’employeur n’a pas violé les dispositions de la Directive sur la réinstallation. La directive indique clairement que l’indemnité est calculée au taux qui s’applique lorsque c’est l’employé qui fait la demande. Il n’y a pas de doute que M. Coram a été remboursé à ce taux. En outre, même si je le voulais, pour faire droit à la demande de M. Coram de ne pas perdre d’argent, il me faudrait une preuve des coûts réels de ses déplacements par automobile. Faute d’une telle preuve, la Directive sur la réinstallation doit s’appliquer et le taux qui s’applique lorsque c’est l’employé qui fait la demande est le seul prévu dans cette directive. La décision Lussier (supra) portait sur une question analogue. M. Lussier demandait d’être indemnisé des pertes et des inconvénients qu’il avait subis en raison du refus de l’employeur de lui accorder le congé demandé. La Cour d’appel fédérale a jugé que, faute de preuve de ces pertes et inconvénients, elle ne pouvait faire droit à la demande. La Cour a décidé que lorsque M. Jean Galipeault, l’arbitre dans cette cause,

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Decision Page 18 a fait droit à la demande d’indemnité de M. Lussier, il avait en fait accordé des dommages-intérêts exemplaires et, ce faisant, il avait outrepassé sa compétence.

Pour tous ces motifs, je rejette le grief de M. Coram suivant lequel il aurait être indemnisé au taux qui s’applique lorsque c’est l’employeur qui fait la demande.

Muriel Korngold Wexler président suppléant

OTTAWA, le 19 août 1996. Traduction certifiée conforme

Serge Lareau

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