Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Demande de prolongation du délai pour présenter un grief et du délai de renvoi d'un grief à l'arbitrage - Requérante prétendait que l'abolition de son poste constituait un congédiement disciplinaire déguisé - le 6 janvier 1996, la requérante a pris connaissance de documents qui l'ont convaincue que l'abolition de son poste en 1989 constituait en vérité un congédiement disciplinaire - d'après la convention collective, elle n'avait que 25 jours pour déposer un grief - un grief ne fut rédigé que le 26 avril 1996 et il fut acheminé à la Commission de la fonction publique qui n'avait aucune compétence en l'affaire - la requérante demanda donc à la Commission des relations de travail de lui permettre de renvoyer à l'arbitrage une lettre qui soutenait-elle constituait un grief, ou alors, de lui permettre de déposer un grief - la Commission a statué que la lettre ne constituait pas un grief - la preuve a révélé que la requérante avait démissionné du poste avant qu'il soit aboli et que par la suite elle avait reçu quatre offres d'emploi du même employeur - la preuve a aussi révélé que les omissions des procureurs de la requérante ont eu un rôle à jouer dans le délai - la Commission a statué que les faits dans leur ensemble étaient insuffisants pour proroger le délai. Demande rejetée.

Contenu de la décision

Dossier: 149-2-160 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE BIBIANNE BOULAY requérante et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Service correctionnel Canada)

employeur AFFAIRE: Demande de prolongation du délai pour présenter un grief et du délai de renvoi d'un grief à l'arbitrage

Devant: Marguerite-Marie Galipeau, présidente suppléante Pour la requérante: François Leduc, avocat Pour l'employeur: Hélène Laurendeau, avocate Affaire entendue à Québec (Québec), les 8 et 9 octobre 1996.

Decision Page 1 DÉCISION La présente décision porte sur une demande de prorogation de délai pour, à la fois, déposer un grief et, selon le procureur de la fonctionnaire, le renvoyer à l'arbitrage s’il est décidé que le grief a déjà été validement déposé.

Voici les grandes lignes de cette affaire. Au mois d'août 1989, Bibianne Boulay qui est Chef des services médicaux (NU-HOS-05) à l'établissement pénitentiaire de Donnacona, remet sa démission suite à l'annonce de l'abolition de son poste.

Six ans plus tard, soit, au mois d'août 1995, elle reçoit et perd en l'espace de quelques jours, une offre d'emploi (superviseur de soins à l'établissement Donnacona) de l'agence en placement de personnel Marie-Andrée Laforce. Cette agence fournit des employés à l'établissement pénitentiaire de Donnacona. Suite à une conversation avec Marie-Andrée Laforce, Bibianne Boulay en vient à la conclusion que le sous-directeur par intérim de l'établissement de Donnacona, Michel Bélisle, ne veut pas de ses services.

Bibianne Boulay demande aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels d'avoir accès à des renseignements sur sa personne, et elle prend connaissance le 6 janvier 1996, de trois documents qui la portent à croire que l'abolition de son poste en 1989 était, en réalité, un congédiement disciplinaire déguisé. Deux jours plus tard, elle consulte un avocat et par l'entremise de celui-ci, met en demeure l'agence Marie-Andrée Laforce de lui payer 115 400 $ pour bris de contrat de travail. Par la suite, son avocat cesse d'exercer sa profession. Le 7 mars 1996, elle consulte un deuxième avocat, M e François Leduc. Par son entremise, elle demande le 8 mars 1996 à son agent négociateur, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, ainsi qu'au sous-directeur du pénitencier de Donnacona, de renvoyer à l'arbitrage en son nom un grief de congédiement. Ni un ni l'autre n'accepte et les deux lui font part de leurs raisons les 22 et 27 mars 1996.

Le 12 avril 1996, par l'entremise du même avocat, Bibianne Boulay présente à la Commission de la fonction publique une demande de prolongation de délai pour porter un grief de congédiement à l'arbitrage. Le 9 mai 1996, cette Commission l'avise qu'elle doit plutôt s'adresser à la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Le 29 mai 1996, Bibianne Boulay dépose devant la Commission des

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Decision Page 2 relations de travail dans la fonction publique une «demande d'arbitrage et d'extension de délai». Enfin, le 31 mai 1996, elle fait parvenir à la Commission un document intitulé «Grief» dans lequel elle expose les circonstances à l'appui de sa réclamation et demande sa réintégration dans son emploi.

Deux questions se posent: faut-il proroger le délai de 25 jours prévu à la convention collective (clause 35.09, pièce E-1) afin de permettre à Bibianne Boulay de déposer un grief auprès de son employeur? Ou plutôt, faut-il considérer qu'il y a eu dépôt du grief auprès de l'employeur et par conséquent, proroger le délai de 25 jours afin de permettre à Bibianne Boulay de renvoyer ce grief à l'arbitrage?

Dans un cas comme dans l'autre, Bibianne Boulay demande à la Commission d'exercer le pouvoir de prorogation que lui confère l'article 63 du Règlement et règles de procédure de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (1993), DORS/93-348. 63. Par dérogation à toute autre disposition de la présente partie, les délais prévus aux termes de la présente partie, d'une procédure applicable aux griefs énoncée dans une convention collective ou d'une décision arbitrale, pour l'accomplissement d'un acte, la présentation d'un grief à un palier ou la remise ou le dépôt d'un avis, d'une réponse ou d'un document peuvent être prorogés avant ou après leur expiration:

a) soit par une entente entre les parties; b) soit par la Commission, à la demande de l'employeur, du fonctionnaire ou de l'agent négociateur, selon les modalités que la Commission juge indiquées.

Cette décision porte uniquement sur la demande de prorogation de délai. Cette demande se fonde sur des faits qui se sont produits en 1995 et en 1996 et c'est à partir de ces faits qu'il faut décider s'il y a lieu de proroger le délai. Toutefois, afin de permettre une meilleure compréhension, il convient de relater brièvement certains faits survenus en 1989 avant la démission de Bibianne Boulay.

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Decision Page 3 Événements antérieurs à 1995 Le 5 décembre 1984, Bibianne Boulay débute un emploi comme infirmière à l'établissement pénitentiaire de Dorchester (Nouveau-Brunswick).

Le 2 juin 1986, suite à un concours, elle devient Chef des services médicaux à l'établissement pénitentiaire de Donnacona. Elle supervise le travail d'une autre infirmière, Suzanne Pelletier (NU-HOS-03) ainsi que celui de six ou sept infirmiers et infirmières dont les services sont fournis dans le cadre d'un projet-pilote de privatisation, par l'agence Sécamed et subséquemment, par l'agence Médicis. On juge satisfaisant son rendement (pièce E-2) lors d’une évaluation de rendement couvrant la période du 9 février 1987 au 4 juillet 1988 tout en notant certaines difficultés au plan des relations interpersonnelles.

Au mois de février 1988, Bibianne Boulay s'absente en congé de maladie pour trois semaines. À son retour au mois de mars 1988, elle constate que son bureau est déplacé. On l'avise que désormais elle doit travailler à l'étage de l'administration. On lui interdit de se rendre au Centre de soins (ou Centre de santé) sauf pour procéder à des inventaires ou pour répondre aux plaintes de détenus. En 1989, elle est détachée (pièce A-2) pour trois mois à l'établissement pénitentiaire de Port-Cartier. À la fin de mars 1989, elle revient à l'établissement pénitentiaire de Donnacona. En réponse à une demande d'explications (pièce A-5), le sous-directeur de l'établissement, Robert Chaput, répond (pièce A-6), que d’une part, c’est suite à une décision administrative qu'on l'a retirée du Centre de santé et d'autre part, que les conditions de son détachement à Port-Cartier ont été respectées puisqu'elle a réintégré son poste de Chef des services médicaux à son retour de Port-Cartier le 28 mars 1989.

Dès son retour, elle reçoit, le 30 mars 1989, le mandat (pièce A-3) de coordonner les cours offerts par le Ministère sur le nouvel énoncé de la mission du Service correctionnel du Canada.

Le 4 avril 1989, elle reçoit une lettre en date du 31 mars 1989 dans laquelle on l'avise que son poste est aboli à compter du 3 octobre 1989 (pièce A-4) et qu'elle devient employée excédentaire à compter du 3 avril 1989.

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Decision Page 4 À compter du moment elle apprend qu'elle est excédentaire, c'est-à-dire, le 4 avril 1989, elle s'acquitte des fonctions de coordinatrice qui lui ont été confiées (pièce A-3) le 30 mars 1989.

Entre le mois d'avril 1989 et le mois de juin 1989, son employeur lui offre trois postes: un à Dorchester (Nouveau-Brunswick); un à Kingston (Ontario); un à Drummond (Québec). Elle décline les trois offres. On lui souligne qu'elle a refusé trois postes et qu'elle risque de ne plus recevoir d'offre.

Finalement, elle accepte un poste (NU-HOS-03) à Ste-Anne-de-Bellevue (Québec). Elle continue de recevoir la rémunération d'un poste NU-HOS-05. Elle travaille à Ste-Anne-de-Bellevue pendant deux semaines. Au bout de deux semaines elle décide de quitter ce poste afin de rejoindre son mari à Québec.

Le 11 août 1989, elle demande à son employeur d'allonger la période de son statut d'employée excédentaire (pièce E-6). L'employeur accepte de prolonger la période jusqu'au 1 er mars 1990 (pièce E-8). De plus, Bibianne Boulay donne sa démission (pièce E-6) en date du 19 août 1989 et l'employeur accepte cette démission (pièce E-8). Finalement, Bibianne Boulay obtient six mois de rémunération (pièce E-9) en remplacement de la partie non expirée de la période de priorité d'excédentaire.

Un an après avoir quitté son emploi, soit le 4 août 1990, on diagnostique à Bibianne Boulay une sclérose en plaques «légère». Selon un avis médical, Bibianne Boulay a la capacité physique nécessaire pour assumer des fonctions d'infirmière-chef et d'enseignante.

Événements de 1995 et 1996 Comme je le relatais au début, selon son propre témoignage, six ans après avoir démissionné, Bibianne Boulay reçoit et perd en l'espace de quelques jours, une offre d'emploi de l'agence Marie-Andrée Laforce de retourner à l'établissement de Donnacona elle travaillait avant sa démission. Un entretien qu'elle a avec Marie-Andrée Laforce vers la fin août 1995 la convainc que c'est le sous-directeur de l'établissement qui fait obstacle à son embauche comme superviseur des soins (Marie-Andrée Laforce n'a pas témoigné).

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Decision Page 5 Soupçonnant anguille sous roche, elle tente le 23 novembre 1995 (pièce E-9) d'en savoir plus long et dépose une demande en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

En dépouillant les renseignements reçus le 6 janvier 1996, elle tombe sur trois documents dont la lecture la convainc que l'abolition de son poste n'était qu'un congédiement disciplinaire déguisé.

D'abord, dans une note de service (pièce A-10-3) en date du 31 mars 1989, une administratrice régionale de la division du personnel, Louise Guertin, fait parvenir au Directeur régional de la planification et de la gestion des ressources la lettre de déclaration d'excédentaire de Bibianne Boulay. Elle termine la note de service ainsi: «Vous comprendrez que dans un dossier de cette complexité, nous sommes d'avis qu'il eut été souhaitable de procéder par étapes». (Louise Guertin n'a pas témoigné.)

Un deuxième document (pièce A-10-5) signé par le sous-directeur de l'établissement de Donnacona, Robert Chaput, au mois de mai 1990, est une réponse à une demande de référence par l'Hôtel-Dieu du Sacré-Coeur de Jésus de Québec. Bibianne Boulay a fait une demande d'emploi auprès de ce centre hospitalier. Robert Chaput écrit: «Comme infirmière, nous pensons qu'elle est très compétente. Son problème se situe au niveau des relations interpersonnelles». (Robert Chaput n'a pas témoigné.)

Finalement, un troisième document (pièces A-10-9, A-10-10, A-10-11) intitulé «Rapport quotidien» énumère les tâches de Bibianne Boulay au Centre de soins et contient des remarques sur les différentes tâches qu'elle a exécutées aux mois de juin, juillet et août 1988. Bibianne Boulay constate qu'à son insu, on observait son travail en 1988. Son hypothèse est qu'une dénommée Suzie Marcotte, employée successivement par les agences Sécamed, Médicis et Upjohn qui se sont succédées au Centre de soins, est l'auteur du «Rapport quotidien» (pièces A-10-9, A-10-10, A-10-11) et l'observatrice de ses faits et gestes durant la période en cause. (Suzie Marcotte n'a pas témoigné.)

C'est le 6 janvier 1996 qu'elle prend connaissance des documents ci-hauts décrits. Ce n'est que le 29 mai 1996, qu'elle dépose devant la Commission une «demande d'arbitrage et d'extension de délai» (pièce A-17). Selon son témoignage,

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Decision Page 6 c'est le 6 janvier 1996 que Bibianne Boulay acquiert la conviction que l'abolition de son poste en 1989 était un congédiement déguisé.

Voici la chronologie des événements entre le 6 janvier et le 29 mai 1996. Le 8 janvier 1996, après consultation avec l'avocat Serge Lessard, elle met en demeure (pièce A-11) l'agence Placement de personnel Marie-Andrée Laforce de lui payer 115 400 $ pour bris de contrat de travail.

Dans les semaines qui suivent, elle apprend que l'avocat Lessard a cessé de pratiquer et que son dossier a été remis à un autre bureau. Elle tente de récupérer son dossier auprès de ce bureau et n'y parvient que vers le 6 mars 1996.

Le 7 mars 1996, elle consulte l'avocat François Leduc. Le 8 mars 1996, M e Leduc écrit (pièce A-13) au syndicat de Bibianne Boulay, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada («l'Institut professionnel») et au sous-directeur du pénitencier de Donnacona, et les informe qu'il a reçu le mandat de loger un grief de congédiement et les invite à renvoyer à l'arbitrage le grief de congédiement de Bibianne Boulay.

Le 20 ou 21 mars 1996, Bibianne Boulay rencontre une avocate de l'Institut professionnel et discute de son dossier.

Le 22 mars 1996, Robert Chaput (pièce A--4) répond à M e François Leduc que Bibianne Boulay n'a pas été congédiée, que son poste a été aboli en 1989, qu'elle a reçu un montant forfaitaire et enfin, qu'elle ne peut exercer un droit de grief et de renvoi à l'arbitrage.

Le 27 mars 1996, l'avocate de l'Institut professionnel écrit (pièce A-12) à Bibianne Boulay qu'à son avis, il serait difficile sinon impossible de convaincre un arbitre que l'abolition de son poste constitue un congédiement déguisé et que par conséquent, l'Institut professionnel ne la représentera pas dans ce dossier.

Le 12 avril 1996, M e François Leduc (pièce A-15) demande à la Commission de la fonction publique d'accueillir une demande de prolongation de délai afin de porter le grief de congédiement de Bibianne Boulay à l'arbitrage.

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Decision Page 7 Le 9 mai 1996, la Commission de la fonction publique répond (pièce A-16) à M e François Leduc qu'on a tenté à plusieurs reprises de le rejoindre (les 25 avril, 2 et 8 mai 1996), qu'il n'a pas retourné les appels et que les demandes d'arbitrage doivent être portées devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique.

Enfin, le 29 mai 1996, notre Commission reçoit une «demande d'arbitrage et d'extension de délai» (pièce A-17). Le 31 mai 1996, elle reçoit un document (pièce A-18) intitulé «Grief».

L'employeur a produit comme témoin, Serge Doyon, un conseiller en relations de travail qui travaille à l'administration régionale du Service correctionnel. Serge Doyon a produit la directive du Commissaire (pièce E-11) en matière de délégation des pouvoirs reliés aux relations de travail. Cette directive énumère les postes qui constituent des paliers de grief. Selon le témoin, il en découle que Robert Chaput, le sous-directeur de l'établissement Donnacona, n'est pas un palier de grief et qu'en conséquence, il n'est pas habilité à répondre à un grief. Serge Doyon a témoigné qu'en dépit du fait qu'il soit écrit «Sous-directeur» au paragraphe 4 de la page 3 de cette directive, dans les faits, il n'y a pas de sous-directeur en établissement qui soit palier de grief bien que ce même sous-directeur ait des pouvoirs délégués en matière disciplinaire.

Plaidoiries Voici, en résumé, les prétentions de Bibianne Boulay. Selon son procureur, il s'agit de décider s'il y a lieu d'accorder cette demande de prorogation de délai pour déposer le grief ou pour le renvoyer à l'arbitrage s'il est conclu qu'il est validement déposé.

Les faits survenus en 1989 étaient tels que Bibianne Boulay pouvait croire que son poste avait été aboli. Toutefois lorsqu'elle perd, en août 1995, par l'entremise de l'agence Laforce l'offre d'emploi et l'opportunité de retourner travailler à Donnacona, elle ne peut qu'être surprise en apprenant par Marie-Andrée Laforce que le sous-directeur s'oppose à son retour au pénitencier. Cette révélation en 1995 ajoutée à la découverte au début de janvier 1996 des trois documents (pièces A-10-3, A-10-5,

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Decision Page 8 A-10-9, A-10-10, A-10-11) jetait un autre éclairage sur les faits survenus en 1989 et donnèrent naissance aux soupçons de Bibianne Boulay.

Le point de départ pour calculer le délai est le 8 janvier 1996 car avant ce jour, elle tentait de connaître la vérité. Ceci dit, le 8 janvier 1996, elle n'a pas reçu un suivi professionnel adéquat de son premier avocat qui est disparu. Il faut conclure qu'en raison de ce manque, elle était dans l'impossibilité d'agir.

Par ailleurs, elle a posé plusieurs gestes entre le 8 janvier et le 7 mars 1996, jour elle consulte son deuxième avocat. La période entre ces deux dates ne devrait pas être comptée et c'est le syndic du Barreau qui aurait s'en mêler.

Il faut recommencer à calculer le délai à partir du jour Bibianne Boulay rencontre son second avocat, le 7 mars 1996. La lettre (pièce A-13) adressée à l'Institut professionnel et au sous-directeur du pénitencier, le 8 mars 1996, tient lieu de grief. Le sous-directeur devait, aux termes du paragraphe 72(1) du Règlement, renvoyer ce grief au dernier palier de la procédure de griefs. Il ne l'a pas fait. Plutôt, il a répondu lui-même à la lettre du 8 mars 1996, et ce, le 22 mars 1996. La date limite à laquelle l'employeur devait répondre au dernier palier était le 1 er avril 1996. Bibianne Boulay avait 25 jours à partir du 22 mars 1996 ou du 1 er avril 1996 pour renvoyer son grief à l'arbitrage. Donc, au plus tard, elle devait agir soit le 3 mai 1996 ou le 13 mai 1996. Même si le renvoi a eu lieu le 29 mai 1996, il faut bonifier le renvoi malgré l'erreur d'aiguillage commise le 12 avril 1996, lorsque Bibianne Boulay par son procureur s'est adressée à la Commission de la fonction publique au lieu de la Commission des relations de travail dans la fonction publique.

La plaidoirie du procureur de l'employeur peut être résumée comme suit. Il n'y a pas eu de grief et par conséquent, la requête de Bibianne Boulay ne peut qu'être une demande de déposer un grief et non de le renvoyer à l'arbitrage. Même si la formule de grief n'est pas sacramentelle, encore faut-il que l'on retrouve les éléments énumérés à l'article 70 du Règlement. La lettre du 8 mars 1996 (pièce A-13) ne contient ni les éléments de faits ni le redressement recherché. Les éléments contenus dans le document (pièce A-18) déposé devant la Commission auraient se retrouver dans la lettre du 8 mars 1996 (pièce A-13). Bref, cette lettre du 8 mars 1996

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Decision Page 9 adressée au sous-directeur n'est qu'une lettre d'intention dans laquelle on annonce de futurs recours.

En 1989, Bibianne Boulay savait de par l'évaluation de son rendement global (pièce E-2) qu'il y avait selon son employeur certains aspects de son rendement (relations interpersonnelles) qu'elle devait améliorer. Par conséquent, c'est en 1989 qu'elle aurait demander de consulter son dossier. Lui permettre d'avoir recours à la procédure de griefs six ans après avoir démissionné, créerait de l'instabilité. Les documents découverts en 1996 et la perte de l'offre d'emploi de l'agence Laforce ne sauraient servir d'événement déclencheur.

Par ailleurs, s'il est décidé que ces deux éléments constituent des faits nouveaux lui permettant de déposer un grief, il faut constater que le 6 janvier 1996, Bibianne Boulay était au courant de ces faits et qu'à partir de ce jour, elle devait agir. Or, à cette date, au lieu de déposer un grief, elle décide d'entamer un recours contre l'agence Laforce. Ce faisant, elle fait son choix sur ce qu'elle estime être son recours prioritaire et ce choix ne devrait pas peser sur l'employeur. Elle n'a pas fait preuve de diligence ni le 8 janvier 1996, ni le 8 mars 1996 (pièce A-13) lorsque par son deuxième procureur, elle s'est adressée à la Commission de la fonction publique au lieu de la Commission des relations de travail dans la fonction publique. On pourrait même prétendre que c'est en septembre 1995 qu'elle aurait agir.

Sont citées: Odette Béliveau et Le Conseil du Trésor (dossier de la Commission 166-2-11937); Walter Stubbe et Le Conseil du Trésor (dossier de la Commission 149-2-114) (dossier de la Cour d'appel fédérale: A-130-93); Keith Rattew et Le Conseil du Trésor (dossier de la Commission 149-2-107); Yvon Labelle et Le Conseil du Trésor (dossiers de la Commission 149-2-119 et 166-2-21900); Wayne Miller et Le Conseil du Trésor (dossier de la Commission 166-2-27258); Leo E. O'Neill et Le Conseil du Trésor (dossier de la Commission 166-2-3109).

Motifs Cette requête est rejetée pour les raisons qui suivent. Bibianne Boulay démissionne le 19 août 1989 (pièce E-6). Sept ans plus tard, elle commence à soupçonner qu’elle a été congédiée. Selon son témoignage, ses

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Decision Page 10 soupçons sont nés à la lecture de trois documents (pièce A-10) reçus en janvier 1996 et qui, selon son interprétation, sont peut-être des indices de congédiement.

Bibianne Boulay se met à penser que l’abolition du poste (pièce A-4) qu’elle occupait au mois d’avril 1989 suivie d’une mise en disponibilité au mois d’octobre 1989 aurait pu en fait être un congédiement déguisé.

J’ai eu quelque difficulté à suivre ce raisonnement car suite à l’annonce de l’abolition du poste, Bibianne Boulay reçoit quatre offres d’emploi de son employeur. Elle accepte la quatrième offre d’emploi à Ste-Anne-de-Bellevue et elle s’y rend pour y travailler. Finalement, c’est de son propre chef qu’elle choisit de quitter ce dernier poste et de remettre sa démission (pièce E-6).

Il me semble que les offres d’emploi de l’employeur, ajoutées à l’acceptation par Bibianne Boulay d’un poste à Ste-Anne-de-Bellevue et de son éventuelle démission, sont, du moins a priori, incompatibles avec l’intention et la matérialisation d’un congédiement et d’ailleurs, je constate que le procureur de son propre agent négociateur a fait à Bibianne Boulay des remarques en ce sens (pièce A-12).

Quoiqu’il en soit et sans préjuger du mérite de cet aspect de l'affaire, je constate que Bibianne Boulay voudrait, quelque sept ans plus tard, saisir la Commission de cette affaire.

Or, sa position se complique car le délai pour déposer un grief devant son ex-employeur est expiré et partant, celui pour renvoyer ce grief à l’arbitrage une fois franchies les diverses étapes de la procédure de grief. Bibianne Boulay voudrait donc que la Commission lui accorde une prorogation de délai soit pour déposer un grief devant l’employeur soit pour le renvoyer à l’arbitrage si la Commission conclut qu’il a déjà été validement déposé devant l’employeur.

D’abord, j’estime qu’aucun grief n’a été validement déposé devant l’employeur et que la lettre (pièce A-13) du 8 mars 1996 ne peut en tenir lieu. Cette lettre s’adresse à deux destinataires: l’employeur et le syndicat. Dès lors, elle est ambigüe. Ensuite, elle constitue une invitation «à renvoyer à l’arbitrage son grief» alors qu'à ce stade, ce n’est ni la responsabilité du syndicat et encore moins celle de l’employeur de le faire puisqu'il faut d'abord que Bibianne Boulay dépose un grief devant son employeur.

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Decision Page 11 Finalement, cette lettre (pièce A-13) ne contient aucun des éléments (en particulier les détails de la situation évoquée et le redressement recherché) qui permettraient de l’assimiler à un grief. Par conséquent, je conclus: 1) qu'il n’y a pas eu de grief validement déposé devant l’employeur et 2) que la présente requête en est une pour déposer un grief devant l’employeur et 3) que le renvoi à la Commission le 29 mai 1996 était prématuré dans la mesure aucun grief n'avait été validement déposé devant l'employeur.

Ceci dit, faut-il permettre la prorogation du délai pour déposer un grief devant l’employeur?

Tenons pour acquis que le point de départ pour calculer le délai durant lequel Bibianne Boulay devait déposer un grief auprès de son ex-employeur est le 6 janvier 1996 car c’est le jour où, selon son témoignage, elle a pris connaissance des «faits» qui l’ont amenée à conclure à un congédiement déguisé, ces «faits» étant les remarques contenues dans les documents obtenus par le biais de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Que fait Bibianne Boulay après le 6 janvier 1996? Elle embauche successivement deux avocats: le premier met en demeure (pièce A-11) l’agence de placement Laforce de la dédommager pour bris de contrat; le deuxième se limite à inviter (pièce A-13) le syndicat et l’employeur à renvoyer à l’arbitrage un grief de congédiement.

Dans le premier cas, la mise en demeure (pièce A-11) demeure en plan. Dans le deuxième, tant l’employeur que le syndicat déclinent (pièces A-12, A-14) l’invitation qui leur est faite.

Ce n’est que le 26 avril 1996 qu’est rédigé par le deuxième avocat un grief (pièce A-18) contenant un exposé des faits survenus et des redressements recherchés.

Malheureusement, au lieu d’être déposé auprès de l’employeur, ce grief (pièce A-18) est renvoyé à deux Commissions, la première suggérant d’avoir recours à la deuxième. Finalement, le 29 mai 1996 (pièce A-17), il est demandé à la deuxième Commission, c’est-à-dire à la Commission des relations de travail dans la fonction publique, de proroger le délai pour porter l’affaire à l’arbitrage.

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Decision Page 12 En résumé, à partir du 6 janvier 1996, Bibianne Boulay a confié ses affaires à deux avocats. On ignore la teneur des entretiens qu’elle a eus avec eux, les directives qu’elle leur a données et les conseils qu’elle en a reçus. Toutefois, il est clair qu’à partir du 6 janvier 1996, le délai pour déposer un grief n’a pas été respecté. Pourtant, c’est au plus tard le 6 janvier 1996, lorsqu’elle a pris connaissance des trois documents (pièces A-10-3, A-10-5, A-10-9, 10, 11), que s’est affermie, selon son témoignage, sa conviction d’avoir été l’objet d’un congédiement déguisé sept années auparavant. Par conséquent, elle devait agir au plus tard 25 jours après le jour elle a eu connaissance pour la première fois de la situation à l’origine de son grief. Elle ne l’a pas fait. Le défaut d’agir dans le délai semble en premier lieu, imputable à la disparition de son premier procureur bien qu’à cet égard, en l’absence d’une preuve plus complète, il m’est difficile de tirer une conclusion définitive à ce sujet.

Le second procureur a tenté de rectifier la situation le 8 mars 1996 (pièce A-13) mais pour des raisons qui demeurent obscures, il n'a finalement rédigé un grief que le 26 avril 1996. Et de plus, le grief ne sera pas déposé devant l’employeur ainsi qu’il aurait l’être mais plutôt il sera renvoyé devant une Commission qui n'a pas compétence sur ce type de litige.

Il n’y a aucune preuve que les omissions et actions des procureurs aient été commises de mauvaise foi. Toutefois, je pense que ces omissions et actions qui, selon la preuve, semblent être à la source du retard ne peuvent constituer à elles seules un motif pour proroger le délai pour déposer un grief devant l’employeur. Il me semble qu’en relevant une partie de son défaut d’agir dans les délais au seul motif d’erreurs commises par les procureurs, on risquerait d’ouvrir la porte à une série de requêtes invoquant les diverses méprises des représentants, avocats inclus, auxquels ont recours les fonctionnaires qui se présentent devant la Commission. En conclusion, j’estime que les faits dans leur ensemble, et tels qu’ils m’ont été présentés, sont insuffisants pour asseoir la conclusion qu’il y a lieu de proroger le délai pour déposer un grief et par conséquent, cette requête est rejetée.

Marguerite-Marie Galipeau, présidente suppléante

OTTAWA, le 25 novembre 1996.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

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