Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Pratique déloyale de travail - Plainte fondée sur l'alinéa 23(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique - Paragraphe 8(1) de la Loi - Intervention dans la représentation des employés - Grief d'interprétation - Article 99 de la Loi - Loi sur la protection de la vie privée - l'agent négociateur a allégué que les défendeurs étaient intervenus dans la représentation des employés, contrevenant ainsi à l'article 8 de la Loi et à la Directive sur le réaménagement des effectifs qui fait partie intégrante de la convention cadre entre l'agent négociateur et l'employeur lorsqu'ils ont refusé de fournir à l'agent négociateur le nom et l'adresse des employés qui pourraient faire l'objet d'un licenciement - les défendeurs ont allégué que la Loi sur la protection de la vie privée leur interdisait de le faire sans avoir obtenu au préalable le consentement des employés visés - la plainte a été rejetée en ce qui a trait à la Commission de la fonction publique et à Mme Hubbard, étant donné qu'aucune preuve n'a été produite à leur égard - la preuve a établi que l'employeur et l'agent négociateur avaient conclu une entente de principe qui établissait un régime de cogestion du processus de réduction des effectifs dans la mesure où celui-ci concernait les employés touchés les comités mis en place aux termes de l'entente étaient dans l'impossibilité d'exécuter leur mandat sans connaître le nom et l'adresse des employés touchés - la Commission a conclu que, en refusant de fournir à l'agent négociateur les renseignements demandés, le Secrétaire du Conseil du Trésor était intervenu dans la représentation des employés par l'agent négociateur et qu'il avait violé les dispositions du paragraphe 8(1) de la Loi - la divulgation de ces renseignements à l'agent négociateur n'aurait pas violé les dispositions de la Loi sur la protection de la vie privée puisque l'utilisation de cette information était conforme au but dans lequel elle avait été obtenue - la Commission a ordonné au Secrétaire du Conseil du Trésor de fournir à l'agent négociateur les renseignements requis - compte tenu de cette décision, la Commission a jugé qu'il était inutile d'aborder les questions soulevées par l'agent négociateur au regard de l'article 99 de la Loi. Plainte admise contre le Secrétaire du Conseil du Trésor; Plainte rejetée contre les autres défendeurs. Décisions citées: Labourers' International Union of North America (Local 1059) v. COF Concrete Forming Construction Limited 1987 OLRB Rep. October 1213; Forintek Canada Corp. And Jacques Carette and Public Service Alliance of Canada (1986), 14 CLRBR (NS) (OLRB); Société canadienne des postes et Syndicat canadien des postiers (Bergeron) (affaire non publiée); Plaza Fibreglas Manufacturing Ltd. And U.S.W.A. (1990), 6 CLRBR (2d) 174 (OLRB); F.W. Woolworth Co. And U.F.C.W., Local 1400 (1994), 22 CLRBR 123 (Sask. L.R.B.).

Contenu de la décision

Dossiers: 161-2-791 169-2-584

Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE L’ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA plaignante/agent négociateur et LE CONSEIL DU TRÉSOR, PETER V. HARDER ET LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE, RUTH HUBBARD

défendeurs/employeur AFFAIRE: Plainte fondée sur l'article 23 et renvoi fondé sur l’article 99 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Devant: I. Deans, président, M. Korngold Wexler et Y. Tarte, présidents suppléants Pour la plaignante/l’agent négociateur : Pour les défendeurs/l’employeur : Harvey Newman et Jock Climie, avocats

Andrew Raven, avocat Affaire entendue à Ottawa (Ontario), les 1 e r et 2 avril 1996.

Decision Page 1 DÉCISION Le 26 janvier 1996, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) a déposé une plainte conformément à l’article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) (dossier de la Commission : 161-2-791) nommant le Conseil du Trésor, à l’attention de Peter V. Harder, et la Commission de la fonction publique, à l’attention de Ruth Hubbard, à titre de défendeurs; de plus, l’AFPC a déposé un renvoi conformément à l’article 99 de la LRTFP nommant le Conseil du Trésor à titre d’employeur (dossier de la Commission : 169-2-584).

L’AFPC allègue que les défendeurs ont enfreint les paragraphes 8(1) et (2) de la LRTFP ainsi que les dispositions de la directive du CNM sur le réaménagement des effectifs, qui constitue une partie intégrante de la Convention cadre conclue entre le Conseil du Trésor et l’AFPC. Cette dernière invoque également l’Accord de principe concernant l’adaptation des effectifs dans la fonction publique fédérale conclu le 30 mai 1995 entre tous les agents négociateurs, y compris l’AFPC et le gouvernement fédéral, ce dernier étant représenté par le Conseil du Trésor (pièce 1, onglet 1).

L’AFPC demande la même chose dans les deux cas, soit la production des noms et des adresses des toutes les personnes touchées aux termes de l’Accord de principe. La preuve et les arguments présentés par les parties n’ont porté que sur le Conseil du Trésor à titre d’employeur. On n’a présenté aucun élément de preuve démontrant que la Commission de la fonction publique et M me Hubbard seraient assujettis à la compétence de la Commission aux termes de l’article 23 de la LRTFP. La plainte est donc rejetée en ce qui les concerne. La présente décision ne porte que sur le bien-fondé de la plainte aux termes de l’article 23 de la LRTFP, et seulement dans la mesure elle concerne M. Harder et le Conseil du Trésor.

La plainte, déposée en vertu de l’article 23 de la Loi, nommait comme défendeurs le secrétaire du Conseil du Trésor, M. Peter V. Harder, et la présidente de la Commission de la fonction publique, M plainte que [traduction] « les défendeurs ont agi contrairement aux dispositions des paragraphes 8(1) et (2) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ».

La plaignante a demandé à la Commission : Commission des relations de travail dans la fonction publique

m e Ruth Hubbard. L’AFPC allègue dans la

Decision Page 2 [traduction] a) de réduire les délais accordés aux défendeurs en vertu de la Loi pour répondre à la présente plainte conformément à l’article 6 des Règlement et règles de procédure de la CRTFP, 1993;

b) d’ordonner la tenue à Ottawa, dans les plus bref délais, d’une audience pour l’arbitrage de la présente plainte et que cette audience se tienne concurremment à l’audience relative au renvoi présenté par l’Alliance conformément à l’article 99 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique;

c) de déclarer que les défendeurs et les personnes qui ont agi en leur nom ont violé l’article 8 de la Loi;

d) d’ordonner aux défendeurs de mettre un terme à toutes les activités qui vont à l’encontre de l’article 8 de la Loi;

e) d’ordonner aux défendeurs de fournir à l’Alliance les renseignements qu’elle demande par les présentes;

f) d’ordonner aux défendeurs d’afficher l’ordonnance de la Commission, y compris les motifs, dans un endroit bien en vue sur les lieux de travail; et

g) d’accorder à la plaignante tout autre redressement qu’elle pourrait demander.

Le 9 février 1996, M e Harvey Newman, avocat des défendeurs, a répondu que ces derniers n’avaient pas agi contrairement aux articles 6, 8 et 10 de la LRTFP. Il a aussi fait valoir qu’aucun des défendeurs n’occupe un poste de direction ou de confiance de telle sorte qu’ils ne sont pas visés par le paragraphe 8(1) de la LRTFP. La Commission prend note du fait que la plainte a été envoyée à l’attention de M. Peter V. Harder et M me Ruth Hubbard. Compte tenu de la définition du terme « poste de direction ou de confiance » que l’on retrouve à l’article 2 de la LRTFP, la Commission est convaincue que M. Harder, à titre de secrétaire du Conseil du Trésor, et M me Hubbard, à titre de présidente de la Commission de la fonction publique, occupent effectivement des postes de direction ou de confiance. Ce sont des personnes préposées à la gestion ou à des fonctions confidentielles. La Commission conclut, en outre, qu’ils sont les défendeurs dans la présente plainte. De plus, dans son exposé introductif, M e Newman a indiqué qu’il retirait son objection selon laquelle les défendeurs n’étaient pas visés par le paragraphe 8(1) de la LRTFP. Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 3 La Commission doit trancher la question de savoir si l’employeur et M. Harder sont obligés de fournir à l’agent négociateur les nom et adresse des fonctionnaires touchés et susceptibles d’être licenciés dans le cadre du programme de réduction des effectifs du gouvernement fédéral.

Les faits principaux ne sont pas contestés. L’employeur a conclu un Accord de principe (pièce 1, onglet 1) qui établit ce que l’on pourrait décrire comme un régime de cogestion du processus de réduction en ce qui touche les fonctionnaires.

L’accord stipule notamment ce qui suit : INTRODUCTION Il est proposé que soit mis en œuvre un processus national de collaboration patronale-syndicale afin de faciliter la transition professionnelle que devra vivre la fonction publique au cours des trois prochaines années et par la suite.

Le présent accord de principe établit le mandat et la composition d’un comité directeur national conjoint et le mandat des comités d’adaptation régionaux/locaux.

[...] PRINCIPES A) Processus conjoint syndical-patronal Un processus conjoint patronal-syndical qui assure un engagement et des efforts conjoints de tous les ministères et de tous les syndicats participants afin de dégager un consensus et de gérer les services de soutien offerts aux employés touchés.

B) Coordination des efforts Une coordination des efforts dans l’ensemble du gouvernement fédéral, entre les ministères et aux échelons national, régional et local. Comme ce sont les gens concernés qui sont le mieux en mesure de gérer le changement, les initiatives seront mises en œuvre à l’échelon local avec la participation des employés touchés et coordonnée par des représentants syndicaux et patronaux locaux et régionaux.

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Decision Page 4 C) Processus transparent Le processus est transparent, global et équitable. Toutes les personnes touchées auront accès aux services offerts, y compris à la diffusion de renseignements pertinents en temps opportun.

[...] Les Comités conjoints (régionaux et locaux) d’aide à l’adaptation devront :

- faciliter et coordonner la réalisation des activités locales d’adaptation de la main-d’oeuvre

- contribuer à la détermination des possibilités de placement à l’interne comme à l’externe

- aider les employés à faire, en toute connaissance de cause, la transition à l’intérieur de la fonction publique ou vers d’autres secteurs

- mener leurs activités en respectant les principes établis dans le présent accord.

La plaignante, par l’intermédiaire de ses témoins, M m e Susan Giampietri, M. Mike Wing et M. John Gordon, lesquels participent tous directement au processus de réduction des effectifs au nom de la plaignante, a affirmé que les comités mis sur pied aux termes de l’accord ne pouvaient s’acquitter de leur mandat sans connaître les nom et adresse des fonctionnaires touchés. Sans ces renseignements, il n’y a pas grand-chose que les agents négociateurs puissent faire pour aider les fonctionnaires. Cette question revêt une importance particulière puisque l’Accord de principe stipule que l’employeur et les agents négociateurs doivent coordonner leurs efforts au sein de ces comités. Ces renseignements sont donc cruciaux et essentiels au bon fonctionnement des comités en question.

Le témoin de l’employeur, M. Raymond Springer, a déclaré qu’il convenait avec l’AFPC de l’importance de ces renseignements. Il a ajouté que leur communication à la plaignante ne posait pas de problème d’ordre administratif; la difficulté provient plutôt de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Une fois cette question réglée, a-t-il indiqué, la plaignante pourra recevoir les renseignements. M. Springer a affirmé que l’employeur estime que la divulgation des noms et des adresses

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Decision Page 5 constituait une violation de la Loi sur la protection des renseignements personnels. L’avocat a précisé que l’employeur était disposé à collaborer et à divulguer les renseignements demandés moyennant le consentement écrit de tous les fonctionnaires intéressés.

L’avocat de la plaignante a fait valoir que l’employeur était tenu de fournir ces renseignements et que son refus de le faire causait un préjudice aux fonctionnaires touchés. Il a cité de nombreux précédents à l’appui de sa thèse, en particulier le fait que l’agent négociateur est dans son droit d’exiger ces renseignements pour pouvoir s’acquitter de ses obligations aux termes de la LRTFP. De plus, la Loi sur la protection des renseignements personnels ne peut être invoquée comme moyen de défense par les défendeurs parce que la loi est claire à ce sujet. Il ne s’agit pas de renseignements dont la divulgation est interdite en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels. M e Raven a cité les décisions suivantes : Société canadienne des postes et Syndicat des postiers du Canada, (arbitre Picher), 7 octobre 1993

Société canadienne des postes et Syndicat des postiers du Canada, (arbitre Bergeron) 31 janvier 1995

Forintek Canada Corp., and Jacques Carette and Public Service Alliance of Canadaj (1986), 14 CLRBR (NS) 1 (OLRB)

Plaza Fiberglas Manufacturing Ltd. and U.S.W.A. (1990), 6 CLRBR (2d) (OLRB)

OPSEU (Cheong) and The Crown in Right of Ontario (Ministry of Government Services), Ontario Crown Employees Grievance Settlement Board File no. 1895/90, rendue le 30 mai 1991

CUPE and The Crown in Right of Ontario (Worker’s Compensation Board, Ontario Crown Employees Grievance Settlement Board File no. 2111/91, rendue le 20 avril 1993

Alliance de la fonction publique du Canada et Société canadienne des postes, Ottawa (Ontario), 30 décembre 1985, CCRT, décision n o 544 F.W. Woolworth Co. and U.F.C.W., Local 1400 (1994), 22 CLRBR (2d) 123 (Sask. L.R.B.)

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Decision Page 6 Labourers’ International Union of North America, Local 1059 v. Co-Fo Concrete Forming Construction Limited, [1987] OLRB Rep., octobre 1213

McLeod et al. v. Egan et al. (1974), 46 D.L.R. (3d) 150 (C.S.C.) Dagg c. Canada [1995] 3 C.F. 199

Linetsky (dossier de la Commission : 161-2-316 et l’arrêt A-1482-84 de la Cour d’appel fédérale (non publiée))

Les avocats des défendeurs ont soutenu qu’aucune disposition de l’article 8 ou d’un autre article de la LRTFP n’oblige les défendeurs à divulguer les nom et adresse des fonctionnaires touchés. Ils ont concédé qu’il n’est pas nécessaire que la plaignante fasse la preuve de l’existence d’un sentiment antisyndical dans une affaire il est question d’intervention patronale dans les relations employés-syndicat. Ils ont toutefois fait valoir que cette disposition exige qu’il soit prouvé qu’il y a eu une forme d’intervention volontaire. Les avocats ont ajouté qu’aucun des témoins n’a seulement laissé entendre que les défendeurs intervenaient de façon quelconque dans la capacité de l’AFPC de représenter ses membres. En outre, les actes des défendeurs n’ont nullement empêché un ou une fonctionnaire d’exercer ses droits conformément à la LRTFP. Leur position concernant la divulgation des renseignements personnels n’empêche d’aucune façon les fonctionnaires de participer aux activités légitimes de l’AFPC.

Les avocats ont ajouté que les défendeurs n’agissaient pas de façon malveillante ou arbitraire. Au contraire, leur position est fondée sur une politique raisonnée et des principes juridiques solides. Elle découle essentiellement du rôle que joue la Loi sur la protection des renseignements personnels dans ce genre de question. Les défendeurs désirent véritablement protéger les intérêts personnels des fonctionnaires. Laquelle des interprétations, soit celle de la plaignante soit celle des défendeurs, est la bonne importe peu. La question est débattable tout au plus, et le fait que les défendeurs estiment qu’ils doivent obtenir le consentement des fonctionnaires avant de divulguer quelque renseignement que ce soit démontre indubitablement qu’ils ne s’adonnent pas à des pratiques de travail déloyales. Les avocats ont fait valoir que l’offre des défendeurs de régler ce différend démontre la véracité de cette affirmation.

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Decision Page 7 En ce qui concerne la Loi sur la protection des renseignements personnels, les avocats des défendeurs ont soutenu que ces derniers contreviendraient à la Loi s’ils divulguaient les nom et adresse des fonctionnaires touchés sans leur consentement à cause de l’alinéa 3 j) et des articles 7 et 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. À cet égard, ils ont cité la décision Sutherland c. Canada (T-2573-93) (non publiée) de la Section de première instance de la Cour fédérale. Ils ont de plus cherché à établir une distinction par rapport à la jurisprudence citée par la plaignante.

M e Raven, au nom de la plaignante, a répliqué que « l’acte » qui fait l’objet de la plainte est le refus des défendeurs de fournir les renseignements dont la plaignante a absolument besoin pour s’acquitter de ses obligations tant du point de vue juridique qu’aux termes de la Directive sur le réaménagement des effectifs (pièce 1, onglet 3) et de l’Accord de principe du 30 mai 1995. Que ce refus soit perçu comme une intervention active ou passive, il n’en s’agit pas moins d’une intervention. À cet égard, M e Raven a cité la décision Linetsky (précitée). La thèse des défendeurs au sujet de l’applicabilité de la Loi sur la protection des renseignements personnels n’est pas défendable. Si la plaignante a droit, comme elle le maintient, aux renseignements qu’elle demande aux défendeurs de lui remettre, soit les nom et adresse des fonctionnaires touchés et déclarés excédentaires, alors la Commission doit examiner les motifs du refus des défendeurs de les lui communiquer. La plaignante n’invoque pas la Loi sur la protection des renseignements personnels à l’appui de sa plainte ou du renvoi aux termes de l’article 99. Ce sont plutôt les défendeurs qui s’en servent pour justifier leur refus de fournir à l’agent négociateur accrédité les renseignements cruciaux concernant les fonctionnaires à qui la réduction des effectifs cause un préjudice.

L’avocat a ajouté qu’il était donc significatif que, dans les deux pages des arguments des défendeurs consacrés à la Loi sur la protection des renseignements personnels, ces derniers ne citent aucune jurisprudence à l’appui de la thèse, aussi défendable ou indéfendable qu’elle puisse être, selon laquelle la Commission ne peut l’examiner et déterminer s’il s’agit d’un moyen de défense convenable pour un renvoi aux termes de l’article 99 de la LRTFP ou une plainte aux termes de l’article 23 de la même loi dans laquelle on allègue qu’il y a eu violation de l’article 8. De plus, la

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Decision Page 8 décision Sutherland (précitée) ne s’applique pas aux circonstances de la présente affaire.

Décision La Commission conclut qu’en refusant de fournir les renseignements demandés à la plaignante, M. Harder intervient dans la représentation des fonctionnaires par la plaignante contrairement au paragraphe 8 (1) de la LRTFP. Il reste à trancher la question de savoir si M. Harder et l’employeur ont raison de refuser de remettre les renseignements aux termes des dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Nous croyons que divers autres tribunaux du travail ont déjà répondu à cette question. La jurisprudence est bien établie et englobe presque tous les éléments de l’affaire en l’occurrence.

Les dispositions pertinentes de la Loi sur la protection des renseignements personnels sont pratiquement identiques à celles de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée adoptée par la province d’Ontario en 1987. Lorsque cette question a été posée à la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO) dans Labourers’ International Union of North America, Local 1059 v. Co-Fo Concrete Forming Construction Limited (précitée), cette commission l’a tranchée en ces termes à la page 1212 :

[traduction] 28. Le droit d’un syndicat d’obtenir les noms et les taux horaires des membres de l’unité de négociation pour lesquels il négocie est bien établi : DeVilbiss (Canada) Limited, [1976] OLRB Rep. mars 49; Radio Shack, [1979] OLRB Rep. Dec. 1220 (rév. jud. rejetée, Re Tandy Electronics Ltd. and United Steelworkers of America et al. (1980), 30 O.R. (2d) 29, 80 CLLC 14,017 (Cour div. de l’Ont.), demande d’interjeter appel devant la Cour d’appel de l’Ontario refusée le 10 mars 1980); Globe Spring & Cushion Co. Ltd., [1982] OLRB Rep. sept. 1303; Northwest Merchants Ltd., [1983] OLRB Rep. juillet 1138, 83 CLLC 16,055; Consolidated Bathurst Packaging Ltd., [1983] OLRB Rep. sept. 1411; The Windsor Star, [1983] OLRB Rep. déc. 2147; The Ontario Cancer Treatment and Research Foundation (Thunder Bay Clinic); [1985] OLRB Rep. mai 705; Forintek Canada Corp., [1986] OLRB Rep. avril 453. Lorsqu’un syndicat est accrédité à l’égard d’une unité de

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Decision Page 9 négociation, il devient l’agent négociateur exclusif de tous les employés qui en sont membres de temps à autre et non pas seulement de ceux qui désirent être représentés. Ce droit est accompagné de l’obligation de représenter équitablement tous les employés qui font partie de l’unité de négociation, en ce qui a trait tant à la négociation collective qu’à l’administration d’une convention collective. Il s’ensuit nécessairement que le syndicat a à la fois le droit et le besoin de connaître le nom et les conditions d’emploi de chacun de ces employés.

Puis, plus loin, page 1223 : 29. [...]les renseignements que lui fournissent les employés qu’il représente peuvent être aussi importants pour le syndicat pour prendre des décisions éclairées et s’acquitter efficacement des responsabilités qui lui incombent en vertu de la loi que les renseignements émanant de l’employeur. Un syndicat peut devoir communiquer avec certains ou la totalité des employés qui font partie de l’unité de négociation, y compris les non-syndiqués, pour, par exemple, défendre leur intérêts, obtenir leur opinion, confirmer des renseignements fournis par l’employeur, diffuser un avis de grève ou tenir un scrutin de ratification (voir les paragraphes 72(4), (5) et (6) de la Loi). Les renseignements indiquant au syndicat comment rejoindre les membres de l’unité de négociation sont, par conséquent, des renseignements auxquels le syndicat a droit prima facie.

De façon analogue, dans Forintek Canada Corp. and Jacques Carette and Public Service Alliance of Canada (précitée), la CRTO a déclaré ce qui suit à la page 26 :

[traduction] 33. La conviction que certains membres de l’unité de négociation ne veulent pas que les renseignements demandés soient divulgués au syndicat n’est pas une réponse à une plainte alléguant que le refus de les divulguer constitue une violation de l’article 15 de la Loi, pas plus que la conviction que certains employés ne veulent pas être représentés par le syndicat ne justifierait le refus de négocier avec un syndicat qui est autorisé en vertu de la loi à agir en qualité d’agent négociateur exclusif d’une unité de négociation dont font partie lesdits employés. Le droit du syndicat aux renseignements demandés dont il a besoin rejoint les droits et obligations découlant de son privilège d’agent négociateur exclusif, un privilège qui se poursuit jusqu’à ce qu’il renonce à ses droits de négocier ou jusqu’à ce qu’il y soit mis fin par

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Decision Page 10 un vote majoritaire des membres de l’unité de négociation. Même si le syndicat n’a pas déposé de plainte au sujet du sondage effectué antérieurement auquel l’employeur s’est fié durant les négociations pour refuser de fournir les renseignements demandés, nous sommes obligés de conclure qu’il est plutôt inconséquent avec la reconnaissance d’un syndicat en qualité d’agent négociateur exclusif de tous les employés qui font partie d’une unité de négociation que l’employeur ait demandé à ces employés, individuellement ou collectivement, s’ils acceptaient qu’il divulgue à leur agent négociateur des renseignements au sujet de leur salaire. Le fait que la partie défenderesse exige les autorisations individuelles par écrit était également inconséquent avec son obligation de reconnaître le syndicat comme agent négociateur exclusif, et ni le retard accusé par le syndicat pour fournir lesdites autorisations ni les tentatives déployées pour les obtenir ne peuvent excuser le comportement de la partie défenderesse. Le fait que Forintek a refusé de fournir les renseignements concernant les conditions d’emploi en vigueur lors des négociations qui ont mené à la conclusion des conventions collectives antérieures sans que ce refus ne fasse alors l’objet d’une plainte de pratique de travail déloyale ne règle pas la présente plainte voulant que son refus de le faire durant ces négociations ait constitué une violation de l’article 15 de la Loi.

Dans Société canadienne des postes et Syndicat canadien des postiers, (précitée), l’employeur a tenté d’utiliser les dispositions législatives sur la protection des renseignements personnels pour empêcher la divulgation des renseignements personnels concernant les membres de l’unité de négociation. L’arbitre a carrément rejeté cet argument. Dans la présente plainte aux termes de l’article 23 de la LRTFP, la jurisprudence à l’appui de la thèse de la plaignante est accablante.

On a conclu dans les décisions précitées que l’agent négociateur avait le droit d’obtenir les noms, le salaire et d’autres renseignements sur lesquels l’employeur exerçait un contrôle et qui concernaient les employés faisant partie de l’unité de négociation. Les tribunaux ont aussi conclu que ce n’était pas contraire à la Loi sur la protection des renseignements personnels que de divulguer ces renseignements au syndicat étant donné qu’il s’agissait d’un usage conforme aux fins pour lesquelles les renseignements avaient été obtenus.

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Decision Page 11 La Directive sur le réaménagement des effectifs et l’Accord de principe du 30 mai 1995 confirment le rôle de partenaire que joue l’AFPC auprès de l’employeur en vue de les appliquer. La Commission estime que la divulgation des renseignements en question ici servira les personnes sur qui portent ces renseignements. À cet égard, la Commission fait sien le raisonnement de l’arbitre Bergeron dans Société canadienne des postes et Syndicat canadien des postiers (précitée). Ce dernier a conclu que la divulgation des adresses et des numéros d’assurance sociale des employés à l’agent négociateur ne constituait pas une violation de la Loi sur la protection des renseignements personnels aux motifs qu’une telle divulgation était compatible avec les fins pour lesquelles ces renseignements avaient été obtenus. Lesdits renseignements avaient été réunis par l’employeur à des fins d’emploi. Étant donné que l’agent négociateur est juridiquement obligé de protéger les droits des employés qui font partie de l’unité de négociation qu’il représente, il doit avoir en sa possession tous les renseignements pertinents concernant l’identité de ces employés. L’arbitre Bergeron a donc conclu que non seulement de tels renseignements sont autorisés en vertu de l’alinéa 8(2)a) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, mais qu’ils le sont aussi en vertu du sous-alinéa 8(2)m)(ii) de la même loi. De plus, la jurisprudence a reconnu que, dans un cas comme celui qui nous occupe, ce genre d’action constitue une intervention dans la représentation des employés par l’agent négociateur. À cet égard, la Commission se réfère aux décisions F.W. Woolworth & Co. and U.F.C.W., Local 1400 (précitée), Forintek Canada Corp. and Jacques Carette and Public Service Alliance of Canada (précitée) et Plaza Fiberglass Manufacturing Ltd. and U.S.W.A. (précitée).

L’argument de l’employeur selon lequel la divulgation en temps opportun des renseignements demandés par la plaignante constituerait sans doute une violation des dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels ne peut être défendu. À titre d'agent négociateur unique, la plaignante a déjà accès aux renseignements personnels concernant tous les fonctionnaires qui sont membres de l’unité de négociation. Cela cadre avec le régime des relations du travail établi en vertu de la LRTFP, soit que les agents négociateurs ont le droit exclusif de représenter les fonctionnaires qui font partie des unités qu’ils représentent et sont tenus de représenter équitablement tous les membres des unités de négociation pour lesquelles ils ont été accrédités.

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Decision Page 12 En dernière analyse, la plaignante doit recevoir les renseignements dont elle a besoin pour bien représenter les fonctionnaires qui font partie de l’unité de négociation. Le refus de les lui fournir constitue une violation de l’interdiction contenue au paragraphe 8(1) de la LRTFP. En arrivant à cette conclusion, la Commission ne dit pas que les actions de l’employeur et de M. Harder étaient motivées de quelque façon que ce soit par des « sentiments anti-syndicaux ». Nous affirmons simplement que, vu les circonstances de cette affaire, les préoccupations de l’employeur et de M. Harder au sujet des questions de protection des renseignements personnels ne peuvent empêcher la communication des renseignements requis par la plaignante pour s’acquitter convenablement de ses responsabilités aux termes de la LRTFP, particulièrement lorsque le paragraphe 8(2) de la Loi sur la protection des renseignements personnels prévoit spécifiquement la divulgation des renseignements personnels sur lesquels une institution gouvernementale exerce un contrôle pour les fins pour lesquelles les renseignements ont été compilés ou pour un usage conforme à ces fins.

Vu ce qui précède, la Commission conclut qu’il n’y a pas lieu de trancher les questions soulevées par l’agent négociateur dans son renvoi aux termes de l’article 99 de la LRTFP. En particulier, nous ne nous prononçons pas sur la question de savoir si l’Accord de principe susmentionné est une convention collective aux fins de la LRTFP.

Pour ces motifs, la Commission fait droit à la plainte déposée contre M. Harder et lui ordonne de fournir les renseignements demandés par la plaignante, tels qu’ils sont indiqués au début de la décision.

Ian Deans, pour la Commission

OTTAWA, le 26 avril 1996. Traduction certifiée conforme Serge Lareau

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