Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Compétence - Santé et sécurité au travail - Refus de travailler - Renvoi de la décision de l'agente de sécurité en vertu du paragraphe 129(5) de la partie II du Code canadien du travail - Allégation de harcèlement par le superviseur - Témoignage - le 25 octobre 1993, le requérant a refusé de travailler alléguant que le harcèlement continuel dont il faisait l'objet de la part de son superviseur constituait un danger au sens prévu au paragraphe 122(1) de la partie II du Code canadien du travail - une agente de sécurité a enquêté sur l'affaire le 26 octobre 1993 et a établi qu'aucune condition présente sur le lieu de travail ne constituait un danger menaçant le requérant - à la demande du requérant, l'agente de sécurité a soumis sa décision à l'examen de la Commission - l'employeur a fait valoir que le harcèlement n'entrait pas dans la définition du mot « danger » au sens prévu dans la partie II du Code - l'employeur a également soulevé les retards injustifiés et le caractère théorique de l'affaire - la Commission a déclaré que sans le témoignage d'un médecin ou d'un autre expert concernant l'état de santé du requérant au moment où il a refusé de travailler et de l'enquête de l'agente de sécurité, il lui était impossible d'établir le niveau de stress subi par le requérant les 25 et 26 octobre 1993 et la cause de ce stress - aucun élément de preuve de cette sorte n'a été produit devant la Commission - la tâche de l'agente de sécurité consistait à établir si au moment de l'enquête, il existait une situation dangereuse pour le requérant - outre le témoignage du requérant, aucune preuve n'a été produite à l'appui des allégations de danger - le danger doit être réel et non pas être une simple perception ou prédiction que des gestes posés dans le passé seront posés de nouveau - la Commission en est venue à la conclusion que le requérant, qui assumait le fardeau de la preuve, ne s'était pas déchargé de ce fardeau et n'avait pas établi le bien-fondé de ses allégations - compte tenu de sa conclusion sur la preuve, la Commission a énoncé qu'il ne lui était pas nécessaire de trancher la question de savoir si la définition du mot « danger » au sens prévu dans le Code s'applique à une situation comme celle soulevée par la plaignante - de même, la Commission a jugé qu'il lui était inutile de se prononcer sur la question des délais injustifiés et celle du caractère théorique soulevées par l'employeur. Décision de l'agent de sécurité confirmée. Décisions citées: Bidulka et al. c. Canada (Conseil du Trésor) [1987] 3 C.F. 630 (C.A.F.); Boothman c. Canada (1993), 63 F.T.R. 48; Décision no 636/91 (1992), 21 W.C.A.T. Reporter 277; Bliss (165-2-18); Scott (165-2-71).

Contenu de la décision

Dossier: 165-2-94 Code canadien du travail, Devant la Commission des relations partie II de travail dans la fonction publique ENTRE ROBERT G. CREAMER requérant et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Santé Canada)

employeur AFFAIRE: Renvoi fondé sur le paragraphe 129(5) du Code canadien de travail Devant: Muriel Korngold Wexler, président suppléant Pour le requérant: Rick Taylor, Alliance de la Fonction publique du Canada Pour l’employeur: Roger Lafrenière, avocat Affaire entendue à Winnipeg (Manitoba) le 3 février 1994 et les 25 et 26 septembre 1996.

Decision Page 1 DÉCISION La présente décision a trait au renvoi de la décision d’une agente de sécurité de ne pas accepter un refus de travailler, qui est fondé sur le paragraphe 129(5) de la partie II du Code canadien du travail et que la Commission a reçu le 23 novembre 1993. Le 25 octobre 1993, M. Robert G. Creamer a invoqué son droit de refuser de travailler en vertu de l’alinéa 128(1)b) de la partie II du Code canadien du travail, au motif que le harcèlement dont il était victime aux mains de son superviseur immédiat constituait un «danger», tel que défini au paragraphe 122(1) de la partie II du Code canadien du travail.

Ce renvoi devait d’abord être entendu le 6 décembre 1993. Toutefois, l’audience a été reportée à la demande de M. Creamer pour des raisons médicales.

Le 3 décembre 1993, M e Roger Lafrenière, avocat de l’employeur, a soulevé une exception à la compétence qu’a la présente Commission d’être saisie de cette affaire, au motif que le «harcèlement» qui est le danger perçu par M. Creamer n’est pas visé par le Code canadien du travail. À son avis, le «danger» défini dans le Code canadien du travail n’inclut pas le stress ou un conflit découlant de relations entre personnes. Le 13 décembre 1993, M. Ernie Lawson, alors le représentant de M. Creamer, a allégué que le Code canadien du travail ne prescrit pas de limites à l’interprétation du mot «condition» figurant dans la définition de «danger» dans la version anglaise du code. L’audience a donc été reportée au 3 février 1994.

Le 3 février 1994, l’affaire a été entendue en partie. Le témoignage de M m e Ceayon Johnston, l’agente de sécurité qui avait fait enquête sur ce refus de travailler, ainsi que celui de M. Creamer m’ont été présentés. À la fin de la journée, les parties m’ont informée qu’elles négociaient une entente et, par conséquent, elles ont demandé un ajournement que j’ai accordé. Les parties n’ayant pu arriver à une entente, une nouvelle date d’audience a été fixée au 22 mars 1995. Elle a ensuite été reportée de nouveau jusqu’au 20 juin 1995. Le 13 juin 1995, l’Alliance de la Fonction publique du Canada a demandé, au nom de M. Creamer, une autre remise au motif que M. Ernie Lawson, qui avait représenté M. Creamer à l’audience du 3 février, était hospitalisé, et qu’un autre représentant n’aurait pas le temps de se familiariser avec l’affaire à temps pour la tenue de l’audience. Cette autre demande de remise a été

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Decision accordée. L’audition de l’affaire a été fixée au 1 demande de l’agente de sécurité qui n’était pas libre ce jour-là.

Le 27 février 1996, M. Rick Taylor de l’Alliance de la Fonction publique du Canada a, au nom de M. Creamer, écrit à la présente Commission pour demander que l’affaire soit reportée. Le 28 mars 1996, M e Lafrenière s’est opposé par écrit à cette demande, au motif que plus de quatre ans s’étaient écoulés depuis qu’avait surgi pour la première fois le conflit entre M. Creamer et son superviseur immédiat, et qu’il n’y avait aucune preuve qu’à cette étape une décision de la Commission servirait à quelque chose. M e Lafrenière a invoqué l’inaction entraînant péremption. Le 9 avril 1996, M. Taylor a répondu, insistant pour que l’affaire soit inscrite au rôle à des fins d’audience. L’audience a donc été fixée aux 25 et 26 juin 1996. Le 15 mai 1996, M. Taylor a écrit pour dire qu’il ne savait pas que l’affaire avait déjà été entendue en partie le 3 février 1994, et qu’il ne pouvait trouver aucune note à cet égard dans le dossier de M. Creamer à l’Alliance de la Fonction publique du Canada. Par conséquent, M. Taylor a demandé que l’affaire fasse l’objet d’une nouvelle audience. Le 31 mai 1996, M e Lafrenière a demandé une remise à la lumière de la demande de M. Taylor et parce que l’avocat n’était pas disponible. L’affaire a finalement fait l’objet d’une nouvelle audience les 25 et 26 septembre 1996.

À la nouvelle audience, M e Lafrenière m’a renvoyée à sa lettre à la Commission du 28 mars 1996 :

[Traduction] ... CONTEXTE Le plaignant a invoqué son droit de refuser de travailler le 25 octobre 1993. Il croyait que les agissements antérieurs de son superviseur immédiat constituaient du harcèlement. Il ressort d’un examen du dossier que l’histoire de conflit remonte à février 1992. Le plaignant a refusé de travailler, car il croyait que s’il continuait à relever de son superviseur immédiat d’alors, sa santé en souffrirait. Le 26 octobre 1993, le refus a fait l’objet d’une enquête par une agente de sécurité qui, par la suite, a rendu une décision elle concluait à l’absence de danger.

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Page 2 er décembre 1995, puis reportée à la

Decision Page 3 Le 27 octobre 1993, le plaignant a renvoyé la décision de l’agente de sécurité à la Commission. Le renvoi en vertu de la partie II devait être entendu à l’origine le 6 décembre 1993. L’audience a été ajournée au 3 février 1994 à la demande du plaignant.

Le 3 février 1994, l’audience a débuté devant le président suppléant, M. Korngold-Wexler. Le plaignant était représenté par Ernie Lawson, et je représentais l’employeur. Avant que toute la preuve ne soit présentée, la procédure a été ajournée à la demande des parties pour qu’elles puissent déterminer s’il y avait possibilité d’arriver à une entente.

ÉVÉNEMENTS DEPUIS LE DÉBUT DE L’AUDIENCE De février 1994 à mai 1995, je n’ai reçu aucune proposition de règlement que ce soit du plaignant ou de son représentant. Comme les parties n’avaient pas réussi à régler l’affaire, la Commission a de nouveau fixé l’audience au 20 juin 1995. Le 13 juin 1995, M. Michael McTaggart a demandé que l’audience soit reportée en raison de la maladie de M. Lawson. La Commission a fait droit à la demande, et elle a provisoirement fixé une autre date d’audience, soit le 7 septembre 1995.

Le 31 octobre 1995, la Commission a envoyé un avis fixant au 1 er décembre 1995 la nouvelle date de l’audience. Dans une lettre datée du 15 novembre 1995, la Commission a reporté la nouvelle date d’audience, cette fois-ci à la demande de l’agente de sécurité. Dans cette lettre que vous avez adressée à l’agente de sécurité, vous avez mentionné ce qui suit :

«M. Taylor a également informé la Commission que cette affaire ne devrait pas être inscrite au rôle tant que nous n’aurons pas reçu d’instructions à cet égard de la part de l’AFPC.»

Je crois comprendre que plus de trois mois plus tard, soit le 27 février 1996, vous avez reçu de M. Taylor une lettre il demandait que l’affaire soit de nouveau reportée.

POSITION DE L’EMPLOYEUR Le paragraphe 130(1) du Code canadien du travail dispose que la Commission doit procéder sans retard et de façon sommaire à l’examen des faits et des motifs de

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Decision Page 4 la décision dont elle a été saisie en vertu du paragraphe 129(5). Le Parlement a donc imposé l’obligation de trancher rapidement ces types de questions. L’objet des renvois à la Commission se passe de commentaire.

Nous arrivons maintenant à la fin de mars 1996, plus de quatre (4) ans après qu’a surgi pour la première fois le conflit entre le plaignant et son superviseur immédiat. Il n’y aucune preuve qu’une décision de la Commission à ce moment-ci servirait à quelque chose. L’employeur reconnaît que certains retards dans la nouvelle inscription au rôle de cette affaire ne peuvent être attribués au plaignant. Toutefois, il y a eu de longues périodes entre octobre 1993 et aujourd’hui le plaignant n’a pas fait preuve de diligence raisonnable pour amorcer la procédure. Compte tenu de ce défaut de sa part, et comme aucune explication valable n’a été fournie, nous invoquons l’inaction entraînant péremption.

L’employeur s’oppose à ce que cette affaire soit de nouveau reportée et, en toute déférence, il demande qu’elle soit rejetée sommairement, sans audience.

En outre, M e Lafrenière a cité la décision de la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO) dans Pauline Au v. Lyndhurst Hospital (affaire Au) (1996) CRTO n o 2120, n o de dossier 1517-94-OH, la CRTO, à la page 17, paragraphe 65, a conclu ce qui suit :

[Traduction] Même s’il existe une cause défendable comme il est mentionné ci-dessus, nous nous sommes sérieusement demandés si dans l’exercice de notre pouvoir discrétionnaire, nous ne devrions pas refuser d’entendre cette plainte, car le harcèlement sexuel relève bien davantage de la compétence de la Commission des droits de la personne que de la compétence limitée en matière de représailles de la Commission en vertu de la LOI SUR LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL.

La CRTO s’est appuyée sur la décision dans Power Workers’ Union - CUPE Local 1000 [1994] CRTO, Rep, juin 627 :

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Decision Page 5 [Traduction] ... lorsqu’une combinaison de circonstances, y compris des retards, des difficultés au niveau du redressement, des poursuites parallèles antérieures et une plainte concurrente en matière des droits de la personne, amène la Commission à refuser de faire enquête sur une plainte. Comme l’a affirmé la Commission, n’importe lequel de ces facteurs, ou une combinaison de ces facteurs, pourrait amener la Commission à exercer son pouvoir discrétionnaire de refuser d’entendre une demande.

Dans l’affaire Au, la CRTO était très préoccupée par le risque d’une répétition de la procédure.

M e Lafrenière allègue que je devrais rejeter le renvoi de M. Creamer sans audience, au motif qu’il est devenu théorique. M e Lafrenière souligne que M. Creamer a été affecté à un poste à Sudbury, et qu’il ne rend plus compte à M. Peter Rogers, son superviseur immédiat précédent. En outre, il existe deux griefs non réglés qui traitent de questions découlant du refus de la part de M. Creamer de travailler le 25 octobre 1993, c’est-à-dire les questions touchant des congés. Il y a également une plainte devant la Commission canadienne des droits de la personne, et une enquête par la Commission de la fonction publique. Par conséquent, la présente Commission a le droit et l’obligation de décider s’il serait dans l’intérêt public de poursuivre cette procédure. À cet égard, M e Lafrenière cite Borowski c. Canada [1989] 1 R.C.S. 342, concernant la doctrine relative au caractère théorique. Dans cette affaire, la Cour suprême du Canada a conclu ce qui suit à la page 353 :

La doctrine relative au caractère théorique est un des aspects du principe ou de la pratique générale voulant qu’un tribunal peut refuser de juger une affaire qui ne soulève qu’une question hypothétique ou abstraite. Le principe général s’applique quand la décision du tribunal n’aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l’affaire. Cet élément essentiel doit être présent non seulement quand l’action ou les procédures sont engagées, mais aussi au moment le tribunal doit rendre une décision. En conséquence, si, après l’introduction de l’action ou des procédures, surviennent

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Decision Page 6 des événements qui modifient les rapports des parties entre elles de sorte qu’il ne reste plus de litige actuel qui puisse modifier les droits des parties, la cause est considérée comme théorique. Le principe ou la pratique général s’applique aux litiges devenus théoriques à moins que le tribunal n’exerce son pouvoir discrétionnaire de ne pas l’appliquer. J’examinerai plus loin les facteurs dont le tribunal tient compte pour décider d’exercer ou non ce pouvoir discrétionnaire.

La démarche suivie dans des affaires récentes comporte une analyse en deux temps. En premier, il faut se demander si le différend concret et tangible a disparu et si la question est devenue purement théorique. En deuxième lieu, si la réponse à la première question est affirmative, le tribunal décide s’il doit exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l’affaire. La jurisprudence n’indique pas toujours très clairement si le mot «théorique» (moot) s’applique aux affaires qui ne comportent pas de litige concret ou s’il s’applique seulement à celles de ces affaires que le tribunal refuse d’entendre. Pour être précis, je considère qu’une affaire est «théorique» si elle ne répond pas au critère du «litige actuel». Un tribunal peut de toute façon choisir de juger une question théorique s’il estime que les circonstances le justifient.

M e Lafrenière se demande comment une audience à cette étape du renvoi de M. Creamer en vertu de la partie II du Code canadien du travail et un examen du rapport de l’agente de sécurité pourraient régler la question, étant donné qu’il n’y a plus rien à régler. En outre, il s’est écoulé quatre années depuis l’incident qui a donné lieu à l’allégation de harcèlement de M. Creamer. Par conséquent, il ne servirait à rien de rendre une décision au sujet de cette affaire à ce moment-ci.

M e Lafrenière ajoute qu’étant donné ses arguments concernant le caractère théorique de l’affaire et les délais, il ne va pas traiter de la compétence qu’a la Commission pour déterminer si le harcèlement est une situation envisagée par le Code canadien du travail. M e Lafrenière réitère sa position selon laquelle le harcèlement n’est pas visé par la définition de «danger», et que la Commission n’est pas la tribune à laquelle devrait être soumis un problème de harcèlement.

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Decision Page 7 M. Taylor répond que nous devrions examiner les circonstances qui ont donné lieu au refus de travailler le 25 octobre 1993. La mutation à Sudbury de M. Creamer n’a pas réglé le problème. Il y a encore la question du congé de 14 mois, qui est la période entre le 26 juin 1995 et le 6 août 1996. M e Lafrenière signale que la question du congé a fait l’objet d’un grief qui a été dûment renvoyé à l’arbitrage.

Après avoir entendu ces arguments sur la compétence, j’ai décidé de prendre l’affaire en délibéré et d’entendre les exposés sur son bien-fondé. J’étais d’avis que je ne pouvais pas trancher les questions des délais et du caractère théorique sans entendre la preuve et sans examiner les faits de l’espèce. Il me semblait qu’il serait plus rapide à ce moment-là d’entendre l’affaire et de statuer par la suite sur les objections soulevées par M e Lafrenière. LA PREUVE Quatre témoins ont déposé oralement : M me Ceayon Johnston, M. Creamer, M. Raymond Strike et le D r Vernon Glen Lappi. Les parties ont en outre produit 21 pièces.

M. Robert Creamer travaille comme agent d’hygiène du milieu, EG-06, Direction générale des services médicaux, Santé Canada, depuis mars 1985. En avril 1989, M. Peter Rogers, agent principal d’hygiène du milieu environnemental, est devenu son superviseur immédiat. MM. Rogers et Creamer travaillaient tous deux au bureau de Winnipeg, au Manitoba. Le 20 février 1992, M. Rogers a imposé à M. Creamer une suspension de trois jours qui a plus tard été réduite à une suspension d’une journée au cours de la procédure de règlement des griefs. La suspension avait été imposée à la suite d’un incident survenu le 17 février 1992. Cet incident du 17 février 1992 a donné lieu à une série d’autres incidents qui ont abouti au refus de travailler le 25 octobre 1993. Il ressort de la preuve qu’avant le 18 février 1992, MM. Creamer et Rogers n’avaient pas de désaccords sérieux. Le 17 février 1992, ils sont partis en voiture de Winnipeg pour aller assister à des réunions dans les réserves indiennes Peguis et Fisher River, qui sont situées à environ deux heures de route au nord de Winnipeg. Au retour, M. Creamer (qui conduisait à ce moment-là, M. Rogers étant le passager) est entré dans la réserve Peguis, roulant à 100 km/h dans une zone scolaire

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Decision Page 8 la vitesse était limitée à 50 km/h. M. Rogers lui a dit de ralentir, ce que M. Creamer a fait, à environ 70 km/h. Le lendemain, M. Rogers a signalé l’incident à la Gendarmerie royale du Canada (GRC), mais sans en parler au préalable avec M. Creamer. La GRC a notifié à ce dernier une sommation à comparaître pour excès de vitesse, mais lorsque l’affaire a été appelée, M. Rogers ne s’est pas présenté pour témoigner et la procédure a été suspendue. M. Creamer a déposé un grief contre la suspension, qu’il a renvoyé à l’arbitrage. L’affaire a été entendue par M. Barry Turner, arbitre, qui a rendu une décision le 14 mai 1993 (dossier de la Commission 166-2-23231). L’arbitre Turner a effectivement conclu que M. Creamer avait dépassé la limite de vitesse, comme l’alléguait l’employeur. Toutefois, il a réduit la peine à une lettre de réprimande, au motif qu’une «mesure disciplinaire corrective, dans ce cas, aurait été plus raisonnable qu’une mesure punitive». Par la suite, soit le 16 juin 1993, M. Rogers a écrit une lettre de réprimande. Le 25 juillet 1993, M. Creamer a répondu à cette lettre de réprimande.

M. Creamer a expliqué que la suspension de trois jours et le rapport à la GRC de M. Rogers l’avaient stupéfié. En mars 1992, il a pris de cinq à dix jours de congé, alléguant qu’il souffrait de stress. Par la suite, il a présenté trois griefs, un contre la suspension, un autre ayant trait au rapport de la GRC, et un troisième alléguant du harcèlement de la part de M. Rogers. L’arbitre Turner a ramené la suspension à une réprimande écrite. Les deux autres griefs ont été rejetés par l’employeur. En outre, M. Creamer a présenté à la Commission de la fonction publique une plainte alléguant du harcèlement, qui a aussi été rejetée au motif qu’il s’agissait d’une affaire disciplinaire. M. Creamer a également écrit une lettre à son député, il se plaignait de M. Rogers et du rejet de ses griefs par l’employeur.

M. Creamer a décrit la chronologie des événements. Le 14 avril 1993, il est retourné au travail après un congé de maladie et, le 27 avril 1993, il a reçu de M. Rogers une [traduction] «Lettre-conseil concernant le rendement». Le 3 mai 1993, M. Creamer a déposé un grief alléguant du harcèlement de la part de M. Rogers et, le 4 mai 1993, M. Rogers a déposé un avis d’intention de saisir le salaire de M. Creamer. Le 14 mai 1993, M. Rogers, à titre d’agent au premier palier, a entendu le grief contre lui-même. Le grief a été rejeté le 7 octobre 1993, au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs. Le 20 octobre 1993, le représentant syndical de M. Creamer a tenté de transmettre

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Decision Page 9 le grief au palier suivant de la procédure, par l’entremise de M. Rogers qui a refusé de signer la formule de transmission. Par conséquent, M. Creamer a demandé à rencontrer M me Susan Harley, l’agente d’hygiène du milieu pour la région, et une réunion a eu lieu le 25 octobre 1993 au cours de laquelle M. Creamer a invoqué son droit en vertu de la partie II du Code canadien du travail de refuser de travailler au motif que le harcèlement de M. Rogers constituait un danger pour sa santé.

M. Creamer a aussi expliqué qu’il était préoccupé par ce harcèlement qui nuisait à sa santé. M. Creamer avait déposé une demande en dommages- intérêts contre M. Rogers devant la Cour des petites créances, pour poursuite abusive, et la Cour lui avait octroyé une somme de 675 $. Toutefois, M. Rogers a interjeté appel de cette décision devant la Cour du Banc de la Reine, laquelle a jugé que la Cour inférieure avait commis une erreur car elle n’avait pas compétence pour entendre d’une affaire liée à une poursuite abusive, et la Cour a adjugé 50 $ à M. Rogers en dépens. L’avocat de M. Creamer a émis un chèque de 50 $ établi au nom du ministre des Finances et daté du 4 mai 1993. Toutefois, le même jour, M. Rogers a déposé un avis d’intention de saisir le salaire de M. Creamer. M. Rogers n’a jamais mentionné à M. Creamer qu’il y avait un problème avec les 50 $. Le salaire de M. Creamer n’a jamais été saisi, car il a établi un chèque au nom de M. Rogers pour les 50 $. M. Creamer a ajouté qu’il avait été bouleversé lorsqu’il avait vu l’avis d’intention de saisir son salaire, et que l’affaire l’avait beaucoup embarrassé et troublé.

M. Creamer a décrit d’autres incidents qui ont mené au refus de travailler le 25 octobre 1993. Le 18 mars 1993, M. Rogers a écrit deux notes de service à M. Creamer. Dans la première, il annonçait à M. Creamer qu’il faisait enlever la porte de son bureau, et dans la deuxième il traitait du suivi de son rendement au travail. En outre, le 27 avril 1993, M. Rogers a écrit une [traduction] «Lettre- conseil concernant le rendement». M. Creamer a présenté un grief contre ces trois notes de service, demandant le remboursement de ses crédits de congé de maladie, le retrait de son dossier des notes de M. Rogers, et la prise de mesures disciplinaires appropriées contre ce dernier. M. Rogers a entendu le grief contre lui-même au premier palier de la procédure de règlement des griefs, et il a répondu en le rejetant le 14 mai 1993. M. Creamer avait demandé que le grief

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Decision Page 10 soit transmis directement au deuxième palier de la procédure, étant donné qu’il y alléguait du harcèlement de la part de M. Rogers, mais celui-ci a refusé. Le grief est effectivement passé au deuxième palier, et un enquêteur a été chargé de faire enquête sur l’affaire. M me Sheila Carr-Stewart était l’enquêteur en question, et le 27 septembre 1993 elle a conclu que même si, individuellement, tous les incidents ci-dessus n’avaient peut-être pas beaucoup d’importance, collectivement ils constituaient du harcèlement (pièce 2). En dépit de ces conclusions, l’employeur a rejeté le grief de M. Creamer au deuxième palier le 7 octobre 1993. M. Creamer a alors décidé de transmettre le grief au palier suivant. Son représentant syndical était M. Raymond Strike. Au cours de sa demi-heure de déjeuner le 20 octobre 1993, M. Strike est allé voir M. Rogers avec la formule de transmission, mais ce dernier a refusé de la signer. M. Strike a expliqué qu’il était allé voir M. Rogers, car il était le gestionnaire qui devait intervenir selon la procédure, et il n’était pas occupé. M. Rogers a dit à M. Strike qu’il devait soumettre tout problème en matière de ressources humaines à M m e Susan Harley, agente d’hygiène du milieu pour la région. M. Strike a fait valoir que M. Rogers, qui était ancien président de la section locale 50012, Syndicat de la santé nationale et du bien-être social (SSNBES), connaissait la procédure de règlement des griefs, et qu’il lui appartenait de signer la formule de transmission; toutefois, M. Rogers a refusé. C’était la deuxième fois que M. Rogers refusait de transmettre au palier suivant l’un des griefs de M. Creamer.

M. Strike a quitté le bureau de M. Rogers, et en se rendant au bureau des Ressources humaines il a rencontré M. Creamer. Il lui a dit que M. Rogers avait refusé de signer la formule de transmission. Il lui a aussi mentionné à quel point il était frustré et contrarié par le refus de M. Rogers. M. Creamer a donc présenté un grief contre le refus de M. Rogers de signer la formule de transmission. En outre, M. Creamer a téléphoné à M me Harley pour lui demander une rencontre, étant donné que c’était la deuxième fois que M. Rogers refusait de transmettre l’un de ses griefs. M me Harley a rencontré MM. Creamer et Strike le 25 octobre 1993. M. Strike était présent en sa qualité de membre du «Comité de sécurité régional».

À cette réunion, M. Creamer a informé M préoccupait. Il avait pris un certain nombre de jours de congé de maladie en raison du stress causé par M. Rogers. À son avis, les incidents allaient se poursuivre, et il a

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me Harley et M. Strike que sa santé le

Decision Page 11 demandé à travailler sous un autre superviseur jusqu’à ce que les choses se règlent. M. Creamer avait pris les trois congés de maladie suivants : du 16 mars au 24 avril 1992; du 9 au 18 septembre 1992; et du 19 mars au 13 avril 1993.

Le congé de maladie du 19 mars au 13 avril 1993 faisait suite aux deux notes de service du 18 mars de M. Rogers, lorsque ce dernier avait fait enlever la porte du bureau de M. Creamer et qu’il avait placé celui-ci sous le régime du [traduction] «suivi du rendement au travail». Après avoir téléphoné au bureau d’Edmonton, M me Harley a dit qu’elle ne pouvait accéder à la demande de M. Creamer. À cette rencontre, M me Harley a remis à M. Creamer une lettre d’excuses (pièce 14); elle s’est aussi excusée verbalement du problème entourant l’envoi de la formule de transmission. En outre, le 27 septembre 1993, elle avait révoqué le suivi de son rendement au travail (pièce 13).

Lorsque M me Harley lui a dit, à la réunion du 25 octobre 1993, qu’elle ne pouvait pas accéder à sa demande et lui donner un autre superviseur que M. Rogers, M. Creamer lui a dit qu’il n’avait pas d’autre choix que de refuser de travailler, et il a communiqué avec Travail Canada pour l’informer de son refus.

M me Ceayon Johnston a témoigné que son bureau avait reçu un appel de M. Creamer. Elle a parlé à M. Creamer dans la matinée du 26 octobre 1993, et dans les dix minutes elle l’a rencontré, avec son représentant syndical, à son emplacement de travail. Ensemble, ils ont rédigé l’annexe A de son rapport, la pièce 1. L’annexe A est la formule «Enregistrement d’un refus de travailler» de Travail Canada. Ils ont passé en revue les événements qui avaient mené au refus (annexe B, pièce 1). M. Creamer a fourni des détails sur son refus. M me Johnston a aussi rencontré un représentant de l’employeur. En outre, M. Creamer a présenté trois certificats médicaux signés par le D r Carl Epp, Centre médical de Eaton Place, 105 - 234, rue Donald, Winnipeg (Manitoba). Dans le premier certificat, qui est daté du 8 septembre 1992, il est dit ce qui suit :

[Traduction] Le susnommé a été examiné à la clinique aujourd’hui en raison d’un stress excessif. Il serait préférable qu’il se

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Decision Page 12 repose chez lui jusqu’à ce que ses symptômes disparaissent.

Le deuxième certificat est daté du 14 septembre 1992, et il se lit comme il suit :

[Traduction] Le susnommé subit un stress excessif au travail, et il a été examiné à la clinique aujourd’hui. Il est préférable qu’il se repose chez lui cette semaine.

Le troisième est daté du 24 mars 1993, et il se lit comme il suit : [Traduction] Le susnommé a été examiné à la clinique le 17 mars, le 19 mars et aujourd’hui, en raison d’un stress à son lieu de travail. Il a plusieurs rendez-vous avec un conseiller. Il est donc préférable qu’il se repose chez lui entre les séances de counselling, jusqu’à ce qu’il soit prêt à retourner travailler.

Dans son rapport, M me Johnston a écrit ce qui suit : [Traduction] Le maintien du refus de travailler est fondé sur l’interaction et les comportements des deux parties, MM. Creamer et Rogers, et non une machine ou chose, ou une situation au lieu de travail. On a tenu compte des certificats médicaux que l’on a admis comme preuve que M. Creamer subissait un stress à son lieu de travail. On n’a pas demandé d’autre opinion médicale, ni l’autorisation de communiquer des renseignements médicaux, car le stress a été reconnu comme un fait à partir des certificats médicaux qui ont été produits.

La question n’est pas de savoir si M. Creamer souffre d’un stress relié ou non au travail, mais plutôt de savoir si un danger, tel que défini dans le Code, existait au moment de l’enquête effectuée par l’agente de sécurité.

(pièce 1, pages 5 et 6) La décision de M me Johnston a été la suivante : [Traduction] Le stress et les conflits découlant de relations entre personnes ne répondent pas, à mon avis, à la définition de danger au sens donné à ce terme dans le Code. Je ne mets pas en doute le fait que M. Creamer souffre de

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Decision Page 13 stress relié à son milieu de travail. Je suis d’avis que la situation qui existe est une question de relations de travail et non une question de santé et de sécurité au travail. Même si j’ai beaucoup d’empathie et de compassion pour M. Creamer, je crois qu’il est préférable de traiter ces questions dans le cadre de la procédure de règlement des griefs.

(pièce 1, page 6) M me Johnston a expliqué le raisonnement qui fonde sa décision (pièce 1, annexe P). Elle a indiqué que le rôle de l’agent de sécurité est de décider si au moment l’agent a mené son enquête, il existait dans le milieu de travail une situation qui constituait un danger pour l’employé; elle a également signalé que les obligations de l’employeur en vertu de l’article 125 de la partie II du Code canadien du travail ont trait aux conditions matérielles du travail. À son avis, le danger perçu par un employé doit avoir trait à une machine, une chose ou une condition matérielle dans le milieu de travail. Elle a ajouté que le stress et les conflits découlant de relations entre personnes ne sont pas visés par la définition de danger figurant dans le Code canadien du travail. M me Johnston est arrivée à ces conclusions en se fondant sur les Directives du Programme des opérations, le document intitulé Interprétations, politiques et guides, et la jurisprudence fournie par des agents de sécurité.

À la connaissance de M me Johnston le 26 octobre 1993, M. Creamer n’avait pas consulté un médecin, et le dernier certificat médical était daté six mois avant le refus. En outre, il n’y avait aucune indication de ce qui causait le stress. C’est M. Creamer qui a mentionné que le stress était causé par M. Rogers. Il a indiqué que l’incident du 20 octobre 1993 M. Rogers avait refusé de signer la formule de transmission avait été à l’origine du refus. M me Johnston n’a jamais vu le grief en question, et elle a supposé que M. Creamer l’avait présenté en personne à M. Rogers le 20 octobre 1993.

M me Johnston a témoigné qu’elle n’avait pas fait enquête sur l’allégation de harcèlement, car à son avis elle n’avait pas compétence pour le faire. En sa qualité d’agente de sécurité, elle ne voyait pas de danger pour M. Creamer au sens de la partie II du Code canadien du travail. Elle n’a pas tenté de déterminer si M. Creamer avait des symptômes physiques d’une maladie.

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Decision Page 14 Toutefois, elle a effectivement constaté qu’il était troublé le 27 octobre 1993. De plus, M. Creamer n’a pas fourni à M me Johnston le nom d’un médecin qu’elle aurait pu consulter au sujet du prétendu stress.

Le 27 octobre 1993, M me Johnston a donné sa décision oralement au cours d’une rencontre. À la fin de cette rencontre, elle a vu que M. Creamer pleurait. M. Creamer a témoigné qu’il faisait une «dépression» et il est allé voir son «médecin de famille». M. Creamer est parti en congé de maladie jusqu’au 1 er avril 1994, et il est retourné au travail lorsqu’il a été déclaré apte à travailler par le D r J. Kirkbride (pièce 3). Lorsqu’il est retourné travailler, il relevait directement de M me Harley, et il a continué à relever d’elle jusqu’au printemps ou jusqu’à l’été de 1995 lorsque, à la suite d’une restructuration de la Direction, lui et M. Rogers ont été affectés aux Services médicaux. M me Harley est demeurée aux Services d’hygiène du milieu.

Cette restructuration en 1995 inquiétait M. Creamer, et le 28 mars 1995 il a obtenu du D r Kirkbride un certificat indiquant qu’il était apte à retourner travailler, à la condition qu’il ne relève pas de M. Rogers (pièce 4). M. Willy Rutherford, directeur de zone, est devenu le superviseur immédiat de M. Creamer. En outre, le 5 juin 1995, M. Paul Cochrane, le sous-ministre adjoint, a écrit une lettre d’excuses après que la Commission de la fonction publique eut conclu au harcèlement (pièce 6). M. Cochrane a ensuite expliqué que [traduction] «le rapport hiérarchique direct entre (lui-même) et M. Rogers n’existe plus... Toute orientation fonctionnelle que M. Rogers fournirait normalement sera dorénavant fournie par le directeur de zone...» (pièce 5). Cette réponse a beaucoup inquiété M. Creamer, car à son avis le harcèlement de la part de M. Rogers avait eu son origine chez quelqu’un d’autre : la GRC, l’avis d’intention de saisir son salaire, et le suivi qui avait été approuvé par M me Harley. M. Creamer a déclaré qu’il avait fait part au directeur de zone et à la Commission de la fonction publique de son inquiétude au sujet de sa santé.

Le 14 juin 1995, M. Cochrane a écrit que M. Rogers avait vu un conseiller au sujet de son comportement (pièce 8). M. Creamer estimait qu’il était «très vulnérable» face à d’autres actes de harcèlement de la part de M. Rogers, et il

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Decision Page 15 est parti en congé de maladie de la fin de juin 1995 à août 1996, date il a accepté une mutation à Sudbury.

M. Creamer a témoigné qu’il [traduction] «n’avait aucun problème avec la décision de l’arbitre Turner», même s’il n’était pas d’accord avec l’arbitre. M. Creamer reprochait à M. Rogers d’avoir signalé à la GRC son excès de vitesse, et d’avoir procédé de la façon dont il l’avait fait. M. Creamer avait bel et bien pris en compte le fait qu’une poursuite contre M. Rogers devant la Cour des petites créances pourrait avoir un effet sur leur relation. De l’avis de M. Creamer, leur [traduction] «relation est demeurée la même». Ils n’avaient pas une relation chaleureuse; ils n’étaient pas des amis. Selon lui, si leur relation n’a pas changé, c’est parce que cette relation était à peu près inexistante même avant février 1992. M. Creamer a admis qu’il ne faisait pas d’effort particulier pour améliorer ses rapports avec M. Rogers. En outre, M. Creamer a reconnu que l’introduction d’une poursuite en dommages-intérêts contre M. Rogers devant la Cour des petites créances n’avait pas amélioré leur relation.

Lorsque le jugement a été infirmé en faveur de M. Rogers, M. Creamer n’a pas offert de payer les 50 $, car il croyait que son avocat allait s’en occuper. M. Creamer n’a pas dit à M. Rogers que son avocat lui verserait les 50 $. M. Creamer faisait confiance à son avocat à cet égard, et ce n’est qu’après le dépôt, le 4 mai 1993, de l’avis d’intention de saisir son salaire qu’il a appris que M. Rogers n’avait pas reçu les 50 $.

Pour ce qui est de l’incident du 20 octobre 1993 concernant la formule de transmission, M. Creamer a expliqué que selon les instructions de M. Rogers, les griefs devaient être transmis par l’entremise de ce dernier. À ce moment-là, M. Creamer avait deux griefs, soit celui du 3 mai 1993 il réclamait le rétablissement de ses crédits de congés de maladie (n o 24) (annexe K, pièce 1) et celui du 12 mai 1993 (n o 26) (pièce 9), tous deux engagés dans la procédure de règlement des griefs.

M. Creamer n’a pas discuté avec M. Strike de la possibilité de transmettre les griefs par l’entremise de quelqu’un d’autre. M. Creamer savait que les griefs étaient transmis au palier suivant de la procédure de règlement, et le problème

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Decision Page 16 a fini par être résolu. M. Creamer a ajouté qu’il n’avait pas pris de jours de congé de maladie entre les 20 et 25 octobre 1993, et qu’il n’y avait pas eu d’incidents de harcèlement de la part de M. Rogers au cours de ces cinq jours.

M. Creamer a témoigné que l’employeur l’avait payé pour les jours de vacances et de congé de maladie qu’il avait utilisés. En effet, tous les jours de vacances et de congé de maladie utilisés ont de nouveau été portés à son crédit, même ceux qu’il avait pris après le 25 octobre 1993 (pièce 11). C’est M. Creamer qui, le 10 septembre 1995, a expressément demandé à l’employeur de ne pas lui créditer les 277,5 heures de congé de maladie en raison des conséquences fiscales (pièce 12).

M. Creamer a déclaré qu’il croyait que son stress tenait à une seule source, soit M. Rogers. Toutefois, en juillet 1993, M. Creamer avait eu un accident de la route alors qu’il voyageait dans un autobus qui a été heurté par une voiture. Il a ajouté qu’il avait perdu son frère, mais il ne pouvait pas se rappeler la date. M. Creamer est également diabétique. Il a expliqué que le diabète a un effet sur le niveau de stress d’une personne.

M. Creamer a affirmé qu’il a commencé à voir le D r Epp au Centre médical de Eaton Place après février 1992. Ce Centre médical est une clinique de consultation sans rendez-vous. M. Creamer a mis le D r Epp au courant de ses problèmes avec M. Rogers et du harcèlement. M. Creamer lui a décrit des incidents précis, et il lui a remis une copie du rapport Carr-Stewart (pièce 2). M. Creamer a ajouté que ni le D r Epp ni personne d’autre ne lui avaient conseillé de ne pas être agressif, et il n’a pas réfléchi à l’effet de ses actes sur M. Rogers. Le D r Epp n’a pas été appelé à témoigner. Le D r Vernon Glen Lappi a été le seul médecin appelé à témoigner au sujet de l’état de santé de M. Creamer. Depuis juin 1993, le D r Lappi est un médecin fonctionnaire en santé au travail aux Services de santé au travail et d’hygiène du milieu, Santé Canada, à Winnipeg. Le 16 octobre 1995, M. W.D. Rutherford, directeur de zone par intérim, zone Sud, a demandé au D r Lappi d’examiner M. Creamer pour déterminer son aptitude au travail (pièce 16). Le D r Lappi a obtenu le consentement de M. Creamer (pièce 17) pour demander un rapport à son [traduction] «fournisseur de soins» (médecin ou

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Decision conseiller). Par conséquent, le 12 octobre 1995 le D Stambrook, lui demandant un rapport détaillé sur les antécédents médicaux, y compris son opinion (pièce 18). En outre, le D obtenir une fiche médicale du D r Kirkbride. Le D rapport à l’intention du D r Lappi, mais le rapport est arrivé bien après que celui-ci eut fait part de son opinion à M. Rutherford. Par conséquent, le D r Lappi n’avait pu tenir compte du rapport du D formulé son opinion.

Lorsque le D r Lappi a rencontré M. Creamer le 6 novembre 1995, il lui a d’abord dit qui il était et il lui a expliqué l’objet de l’examen. Il a ajouté que le Ministère voulait une décision administrative quant à savoir si M. Creamer était apte à travailler. Le D r Lappi a procédé à un interrogatoire sur ses antécédents médicaux. M. Creamer lui a raconté ce qui s’était passé, lui a dit comment il se sentait et quand les problèmes avaient commencé. Le D r Lappi a expliqué que le médecin ne sait pas si un patient dit la vérité. Toutefois, le médecin évalue constamment ce qu’on lui dit pour voir si ce que le patient décrit semble logique et compatible avec des événements extérieurs. Lors de l’examen du 6 novembre 1995, le D r Lappi a remarqué que M. Creamer n’était pas déprimé, mais il a dit qu’il se pouvait qu’il l’ait été antérieurement.

Le 10 novembre 1995, le D r Lappi a écrit à M. Rutherford que M. Creamer pouvait réintégrer toutes les fonctions de son poste, à la condition que son lieu de travail ne soit pas situé au Manitoba (pièce 7).

Le rapport du D r Stambrook (pièce 20) est arrivé après que le D r Lappi fut arrivé à ses conclusions, mais il a servi à étayer ses propres idées sur ce qu’il avait l’intention de suggérer. Lorsque le D r Lappi est arrivé à ses conclusions, il avait examiné le dossier du D r Kirkbride et il avait reçu le dossier original de santé au travail préparé par le D r Terence Jolly. Toutefois, le D r Lappi n’avait pas lu les notes du D r Jolly. Le D r Jolly avait constaté qu’il y avait du stress dans la vie de M. Creamer même en 1987. Le D r Lappi a reconnu que M. Creamer était prédisposé au stress.

Le D r Lappi n’a pas tenté d’obtenir la version de l’employeur concernant la description des événements fournie par M. Creamer. Le D r Lappi n’avait Commission des relations de travail dans la fonction publique

Page 17 r Lappi a écrit au D r Michael r Lappi a pris des mesures pour r Stambrook a rédigé un r Stambrook lorsqu’il a

Decision Page 18 jamais vu la lettre du 5 juin 1995 de M. Cochrane (pièce 5), ni celle de M. Rutherford du 31 mars 1995 (pièce 21) il est indiqué que M. Creamer relèverait directement du directeur de zone. Le D r Lappi n’avait jamais vu non plus la décision de l’arbitre Turner du 14 mai 1993 (supra). Le D r Lappi a déclaré que même si M. Creamer avait été informé qu’il devait rendre compte au directeur de zone, il croyait encore que M. Rogers pourrait exercer une influence sur les décisions. Le D r Lappi a reconnu qu’il n’avait eu qu’une consultation avec M. Creamer, et que cela n’était pas suffisant pour se faire une image exacte d’un employé. Toutefois, c’est la façon dont les choses se font dans la pratique.

M. Raymond Strike a témoigné que depuis août 1996, il est vice-président régional pour la région du Manitoba, Alliance de la Fonction publique du Canada. Auparavant, il avait été de novembre 1993 et pour une période de trois ans président de la section locale 50012, Syndicat de la santé nationale et du bien-être social (SSNBS). Il travaillait avec le Comité de la sécurité et de la santé au travail, et il s’occupait également des griefs. Avant 1993, M. Strike avait aussi été délégué syndical pendant deux ans. Il avait été le principal représentant syndical de M. Creamer pendant tous les événements dont il est question ici. M. Strike avait aidé M. Creamer à présenter ses griefs, en commençant par l’incident du 17 février 1992. M. Strike a témoigné qu’il avait suggéré diverses solutions à M. Creamer, mais qu’il ne lui avait jamais donné instruction de faire quelque chose, et qu’il ne lui avait jamais conseillé de ne rien faire. M. Strike avait également pris part à l’enquête de la Commission de la fonction publique (pièce 6) et dans l’établissement du rapport Carr-Stewart (pièce 2). M. Strike s’attendait que la plainte de M. Creamer soit accueillie. Toutefois, dans la réponse au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, les allégations ont été rejetées.

Selon M. Strike, c’est l’incident du 17 février 1992 qui a déclenché la série d’événements; cet incident a été le catalyseur. M. Creamer était la victime et non le catalyseur pour le problème avec M. Rogers. M. Strike avait bel et bien conseillé à M. Creamer d’essayer de s’entendre avec M. Rogers. M. Strike était bien conscient de l’animosité entre MM. Rogers et Creamer. À son avis, M. Rogers agissait de façon à mettre M. Creamer mal à l’aise. Le rôle de

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Decision Page 19 M. Strike était de tenter de résoudre la situation. Toutefois, la relation s’était détériorée au cours d’une certaine période et, en octobre 1993, elle s’était envenimée.

Le 20 octobre 1993, M. Strike avait en sa possession une formule de transmission signée par M. Creamer. M. Strike a décidé d’utiliser sa période de déjeuner d’une demi-heure pour présenter la formule à M. Rogers. Il a choisi M. Rogers parce qu’il savait qu’il serait libre et qu’il avait déjà participé au processus. Il savait aussi que l’un des griefs à transmettre au palier suivant de la procédure de règlement des griefs avait trait à l’allégation de harcèlement contre M. Rogers (pièce 9). C’est à ce grief que M. Rogers avait répondu en rejetant l’allégation de harcèlement. M. Rogers avait été le juge dans sa propre affaire. M. Strike a expliqué que normalement il n’allait pas aux Ressources humaines pour présenter des griefs et des formules de transmission. En outre, il voulait tenir M. Rogers au courant.

M. Strike a affirmé que lorsqu’il a présenté la formule de transmission à M. Rogers, ce dernier a dit qu’il devait soumettre [traduction] tout «problème en matière de ressources humaines» à M me Harley. M. Strike lui a dit qu’il (M. Rogers) était déjà passé par ce processus, et que c’était à lui qu’incombait la responsabilité de signer la formule. Il n’était pas nécessaire qu’il soit d’accord sur son contenu. Toutefois, M. Rogers a réitéré qu’il devait téléphoner à M me Harley. M. Strike a continué à insister, et M. Rogers a fini par téléphoner à M me Harley. M. Rogers n’a pas suggéré que quelqu’un d’autre signe la formule. Comme M. Rogers refusait de signer et d’accepter la formule de transmission, M. Strike a quitté le bureau de M. Rogers et s’est dirigé vers le bureau des Ressources humaines. C’est à ce moment-là qu’il a rencontré M. Creamer et qu’il lui a décrit comment M. Rogers avait refusé, pour la deuxième fois, de signer la formule. Il a fait part de sa frustration à M. Creamer, et il a utilisé un terme explicite pour décrire M. Rogers. M. Rogers avait été président de la section locale; par conséquent, M. Strike s’attendait qu’il connaisse bien la procédure de règlement des griefs. M. Strike se sentait frustré et contrarié par le refus de M. Rogers; à titre de gestionnaire, M. Rogers connaissait ses responsabilités mais il refusait de les assumer. M. Strike voulait

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Decision Page 20 faire signer la formule le plus rapidement possible et retourner au travail à temps. M. Creamer a dit qu’il ne pouvait pas croire que M. Rogers avait de nouveau refusé d’accepter la formule de transmission. Enfin, la situation a été promptement réglée lorsque les «Ressources humaines» ont traité la formule.

Argumentation M. Rick Taylor, représentant du requérant, allègue que l’agente de sécurité a pris une décision erronée. M me Johnston a mal interprété le Code canadien du travail, et elle a créé des limites artificielles à sa compétence qui l’ont amenée à des conclusions erronées.

M me Johnston a interprété le mot «condition» (dans la version anglaise) comme étant un état physique. M. Taylor me renvoie à l’alinéa 129(2)b) de la partie II du Code canadien du travail qui prévoit le pouvoir de l’agent de sécurité de mener une enquête. Il lit la définition de «danger», et il signale que le Code canadien du travail ne définit pas le mot «maladie». Par conséquent, M. Taylor me renvoie à la définition que l’on trouve dans le Black’s Law Dictionary, Fifth Edition (1979), maladie est définie comme il suit : [traduction] «affection ou troubles physiques ou psychiques». Il ajoute que le mot «physique» n’apparaît pas dans la définition de «danger» au paragraphe 122(1) ou à l’alinéa 129(2)b) du Code canadien du travail.

M. Taylor soutient que l’agente de sécurité a examiné et accepté les trois certificats médicaux signés par le D r Epp comme preuves que M. Creamer souffrait de stress au travail. M. Taylor me renvoie à l’article 122.1 qui dispose ce qui suit : «La présente partie [partie II du Code canadien du travail] a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi régi par ses dispositions.»

M. Taylor ajoute que le mot «santé» n’est pas défini dans le Code canadien du travail. Par conséquent, il me renvoie à l’article 12 de la Loi d’interprétation :

12. Tout texte est censé apporter une solution de droit et s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

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Decision Page 21 M. Taylor plaide qu’à la lumière de l’article 12 de la Loi d’interprétation, nous ne pouvons inclure implicitement les mots «état physique» étant donné que le Code canadien du travail ne prévoit pas une restriction de ce genre.

M. Taylor me renvoie également à l’article 15 de la Loi d’interprétation : 15(1) Les définitions ou les règles d’interprétation d’un texte s’appliquent tant aux dispositions elles figurent qu’au reste du texte.

(2) Les dispositions définitoires ou interprétatives d’un texte :

a) n’ont d’application qu’à défaut d’indication contraire;

b) s’appliquent, sauf indication contraire, aux autres textes portant sur un domaine identique.

À cet égard, M. Taylor cite l’article 3 de la Loi canadienne sur la santé : 3. La politique canadienne de la santé a pour premier objectif de protéger, de favoriser et d’améliorer le bien-être physique et mental des habitants du Canada et de faciliter un accès satisfaisant aux services de santé, sans obstacles d’ordre financier ou autre.

Ce raisonnement l’amène à la définition de «santé» («health») dans The Dictionary of Canadian Law, Second Edition :

[traduction] SANTÉ. n 1. «...non... l’absence de maladie ou d’infirmité, mais plutôt... un état physique, mental et social de bien-être.» R. c. Morgentaler (1988), 62 C.R. (3d) 1 aux pages 29-30, 82 N.R. 1, [1988] 1 R.C.S. 30, 63 O.R. (2d) 281 n, 26 O.A.C. 1. 44 D.L.R. (4th) 385, 31 C.R.R. 1. 37 C.C.C. (3d) 449, le juge en chef du Canada Dickson (le juge Lamer souscrivant au dispositif). 2. État d’une personne qui est saine de corps et d’esprit, compte tenu des objets de la présente loi. Loi sur la sécurité et l’hygiène du travail, LRM 1987, c. W210, art. 1.

À partir de ces arguments, M. Taylor conclut que la législation et la logique exigent que l’on interprète le mot «santé» comme incluant la santé mentale.

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Decision Page 22 M. Taylor signale que l’agente de sécurité a formulé une hypothèse erronée dans la pièce 1, page 6, elle a écrit :

[Traduction] 3) Il n’existe pas d’autre rapport hiérarchique qui permettrait d’éviter d’autres problèmes...

M. Taylor soutient que M. Creamer aurait relever directement de M me Harley. En ce qui concerne le raisonnement derrière la décision de l’agente de sécurité, pièce 1, annexe P, M. Taylor fait valoir que M me Johnston a défini le mot «stress» au paragraphe 4 de la façon dont il a été défini par les auteurs Barry S. Levy et David H. Wegman dans leur ouvrage intitulé «Occupational Health», Second Edition, à la page 298.

M. Taylor ajoute que le stress au travail est un phénomène qui existe. M. Taylor me renvoie également à l’ouvrage intitulé Occupational Stress : Issues and Developments in Research par les auteurs Joseph J. Hurrell Jr., Lawrence R. Murphy, Steven L. Sauter et Cary L. Cooper. Il cite les décisions suivantes : Decision No. 636/91, 21 W.C.A.T. Reporter, 277, datée du 28 janvier 1992 et rendue par le vice-président Newman et les membres du tribunal Jackson et Jago, le travailleur a été indemnisé en vertu de la Loi sur les accidents du travail au motif que les facteurs de stress au travail étaient graves et qu’une personne raisonnable et stable aurait été gravement affectée par ces facteurs; Pauline Au (supra); Bliss (dossier de la Commission 165-2-18); et Scott (dossier de la Commission 165-2-71).

M. Taylor conclut que dans le cas de M. Creamer, la preuve a démontré que M. Rogers l’a harcelé, ce qui a causé le stress au travail. Par conséquent, je devrais confirmer son refus de travailler, et ordonner le remboursement de tous les congés pris entre juin 1995 et août 1996.

M e Lafrenière affirme qu’il ne s’agit pas, en l’espèce, d’un grief ou d’une demande en vertu de la Loi sur les accidents du travail. Il s’agit d’un examen par la Commission de la décision de l’agente de sécurité. Je devrais rejeter le renvoi au motif

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Decision Page 23 qu’il est théorique et, en outre, je devrais tenir compte du retard apporté à faire entendre cette affaire. Selon M e Lafrenière, la question que je dois trancher est de savoir s’il existait un danger les 25 ou 26 octobre 1993.

M e Lafrenière plaide qu’on ne m’a présenté aucune preuve quant au type de danger qui existait ces deux jours-là. À cet égard, M e Lafrenière me renvoie à Bidulka et autres c. Canada (Conseil du Trésor) [1987] 3 C.F. 630 (Cour d’appel fédérale), et Antonio Almeida c. Via Rail Canada Inc. (1990) 82 di 10 (Conseil canadien des relations du travail).

M e Lafrenière soutient que pour déterminer le danger tel qu’envisagé par le Code canadien du travail, nous devons examiner la situation au moment l’employé a invoqué son droit de refuser de travailler. M e Lafrenière signale que le 27 octobre 1993, M. Creamer a pleuré après avoir entendu la décision de l’agente de sécurité. Cet effondrement résultait de la décision de l’agente de sécurité. Toutefois, vers le 25 octobre 1993, il n’y a aucune preuve de stress ou de danger qui aurait été attribuable à du harcèlement de la part de M. Rogers, contrairement à ce qu’allègue M. Creamer.

M e Lafrenière fait valoir que M. Creamer souffre de stress depuis 1987, comme en témoigne la déposition du D r Lappi. Cela ne signifie pas, toutefois, qu’il était en danger pendant toute la période. M. Creamer a mentionné que l’incident du 20 octobre 1993 avait été le déclencheur. Toutefois, ce n’est que le 25 octobre 1993 qu’il a invoqué son droit de refuser de travailler.

M e Lafrenière demande que je rejette le renvoi en me fondant sur les faits, comme l’a fait le Conseil canadien des relations du travail dans Almeida (supra). M. Creamer ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve.

En outre, M e Lafrenière soutient que le libellé du Code canadien du travail s’applique à de l’équipement, des machines ou un lieu. Le harcèlement n’est pas compris dans la législation. En outre, on ne peut traiter les situations de harcèlement d’une façon sommaire. Diverses possibilités s’offraient à M. Creamer, et il a choisi de présenter des griefs et des plaintes. De plus,

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Decision Page 24 M. Creamer n’a pas prouvé l’existence d’un lien entre le harcèlement et le stress, et il n’a pas prouvé que le harcèlement avait sur lui un effet tel qu’il aurait pu constituer un danger. M. Creamer aurait produire des preuves médicales. Le D r Epp n’a pas été appelé à témoigner, et le D r Lappi avait une version des événements partiale et très limitée. Il n’a pas vu M. Creamer vers le 25 octobre 1993.

En ce qui concerne les trois certificats médicaux signés par le D l’agente de sécurité les a acceptés tels quels, mais M effet probant. Il signale que dans Decision No. 636/91 (supra), des preuves d’une déficience psychiatrique ont été produites. Lorsque le D M. Creamer le 6 novembre 1995, il a constaté qu’il était en santé. En outre, des preuves de l’existence d’un danger le jour de l’enquête auraient être produites. L’affaire de M. Creamer n’a donc pas été présentée en bonne et due forme. De plus, M. Strike a joué un rôle dans l’incident du 20 octobre 1993. Il était au courant de l’animosité entre MM. Rogers et Creamer, et il l’a attisée en faisant à M. Creamer des remarques au sujet de M. Rogers.

M e Lafrenière signale que j’ai deux possibilités : confirmer le rapport de l’agente de sécurité ou donner des instructions, ce qui, dans les circonstances, n’a aucun intérêt pratique car le problème a été corrigé; M. Rogers ne supervise plus M. Creamer.

Motifs de la décision La question que je dois trancher est de savoir s’il existait dans le milieu de travail une situation qui constituait un danger pour M. Creamer lorsque, le 25 octobre 1993, il a refusé de travailler et que, le 26 octobre 1993, M me Ceayon Johnston a fait enquête sur le refus. Les dispositions pertinentes du Code canadien du travail sont les suivantes :

Paragraphe 122.(1) : 122.(1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

...

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r Epp, e Lafrenière conteste leur r Lappi a examiné

Decision Page 25 «danger» Risque ou situation susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade, avant qu’il ne puisse y être remédié.

Article 124 : 124. L’employeur veille à la protection de ses employés en matière de sécurité et de santé au travail.

Paragraphe 128(1) : 128.(1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l’employé au travail peut refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose ou de travailler dans un lieu s’il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

a) l’utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui-même ou un autre employé;

b) il y a danger pour lui de travailler dans le lieu.

Paragraphes 129(1), (2) et (5) : 129.(1) En cas de maintien du refus, l’employeur et l’employé notifient sans délai le refus à l’agent de sécurité lequel, dès la réception de l’un ou l’autre des avis, effectue une enquête sur la question en présence de l’employeur et de l’employé ou du représentant de celui-ci, ou fait effectuer cette enquête par un autre agent de sécurité.

(2) Au terme de l’enquête, l’agent de sécurité décide s’il y a danger ou non, selon le cas :

a) pour quelque employé d’utiliser ou de faire fonctionner la machine ou la chose en question;

b) pour l’employé visé au paragraphe (1) de travailler dans le lieu en cause.

Il informe sans délai l’employeur et l’employé de sa décision.

...

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Decision Page 26 (5) Si l’agent de sécurité conclut à l’absence de danger, un employé ne peut se prévaloir de l’article 128 ou du présent article pour maintenir son refus d’utiliser ou de faire fonctionner la machine ou la chose en question ou de travailler dans le lieu en cause; il peut toutefois, par écrit et dans un délai de sept jours à compter de la réception de la décision, exiger que l’agent renvoie celle-ci au Conseil, auquel cas l’agent de sécurité est tenu d’obtempérer.

L’obligation de la Commission est énoncée au paragraphe 130(1) : 130.(1) Le Conseil procède sans retard et de façon sommaire à l’examen des faits et des motifs de la décision dont il a été saisi en vertu du paragraphe 129(5) et peut :

a) soit confirmer celle-ci; b) soit donner, en ce qui concerne la machine, la chose ou le lieu, les instructions qu’il juge indiquées parmi celles que doit ou peut donner l’agent de sécurité aux termes du paragraphe 145(2).

M me Ceayon Johnston a conclu à l’absence de danger, et je confirme sa décision pour les raisons suivantes.

Il ressort d’un examen de la preuve que M. Creamer a allégué avoir refusé de travailler au motif qu’il existait dans le milieu de travail une situation qui constituait un danger pour lui, soit le fait d’avoir M. Peter Rogers comme superviseur immédiat. Il a allégué que M. Rogers constituait un danger pour lui, et pour le prouver il a mentionné les incidents suivants :

- l’excès de vitesse du 17 février 1992 qui a amené M. Rogers à déposer auprès de la GRC une plainte contre M. Creamer;

- la suspension imposée à M. Creamer par M. Rogers, qui fait l’objet de la décision de l’arbitre Turner (supra);

- les deux notes de service du 18 mars 1993 ([traduction] «Enlèvement de la porte du bureau» et «Suivi du rendement au travail») de M. Rogers à M. Creamer;

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Decision Page 27 - la [traduction] «Lettre-conseil concernant le rendement» du 27 avril 1993 de M. Rogers;

- l’avis d’intention de saisir son salaire daté du 4 mai 1993 et établi contre M. Creamer par M. Rogers;

- la réponse de M. Rogers au grief alléguant qu’il s’était rendu coupable de harcèlement;

- le refus, le 20 octobre 1993, de M. Rogers de signer la formule de transmission du grief.

M. Creamer a témoigné que les agissements de M. Rogers l’avaient obligé à prendre des congés de maladie, et il a mentionné trois périodes, la dernière se terminant le 13 avril 1993. M. Creamer attribuait son «stress» aux agissements de M. Rogers. Il ressort de la preuve que M. Creamer n’a pas pris de congé de maladie en raison de stress entre les 13 avril et 27 octobre 1993.

Aucune preuve médicale n’a été produite du prétendu stress les 25 et 26 octobre 1993. Trois brefs certificats médicaux ont été présentés à l’agente de sécurité, le dernier étant daté du 24 mars 1993, soit sept mois environ avant le refus de travailler. En outre, le D r Epp n’a pas été appelé à témoigner. Par conséquent, je juge que les trois certificats sont déficients et qu’ils n’ont aucun effet probant. En outre, il n’y a aucune preuve médicale que M. Creamer souffrait d’un stress causé par une situation dans le milieu de travail, soit la présence de M. Rogers, les 25 et 26 octobre 1993. La preuve produite par M. Creamer n’a pas établi qu’il souffrait de stress ce jour-là.

Le D r Lappi n’a examiné M. Creamer qu’une seule fois, et ce le 6 novembre 1995, deux ans après le refus. Il a jugé que M. Creamer était en bonne santé, et il a présumé qu’il était possible que M. Creamer ait souffert de stress antérieurement, en 1987. La cause de ce stress n’a pas été révélée, et il n’y aucune preuve que c’était le lieu de travail. En outre, ce n’est qu’en 1989 que M. Rogers est devenu le superviseur de M. Creamer.

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Decision Page 28 De plus, M. Creamer, qui est diabétique, a reconnu qu’il avait eu un accident de la route en juillet 1993 et qu’il avait perdu son frère. Ces graves événements auraient sûrement pu lui causer du stress.

La relation entre MM. Rogers et Creamer était hostile et marquée par des conflits. L’un réagissait aux agissements de l’autre. Chaque fois que l’un prenait une mesure quelconque, l’autre réagissait en prenant une autre mesure. En outre, M. Creamer n’a pas prouvé que les agissements de M. Rogers et les incidents du 18 février 1992 (le rapport à la GRC sur l’excès de vitesse), du 18 mars 1993 (les deux notes de service), du 27 avril 1993 (note de service) et du 20 octobre 1993 (refus de transmettre le grief) étaient tellement graves qu’ils constituaient un danger tel que défini dans le Code canadien du travail. On n’a produit aucune preuve médicale ou autre preuve d’expert quant aux symptômes et à la façon dont un expert médical établirait que le stress était causé en grande partie par M. Rogers. En particulier, on n’a appelé aucun médecin ou autre expert pour décrire le prétendu stress et le relier à M. Rogers et au milieu de travail.

À cet égard, je cite la décision de la Cour fédérale, Section de première instance, dans Boothman c. Canada (1993), 63. F.T.R. 48, dans une poursuite en dommages-intérêts contre la Couronne pour voies de fait, intimidation et infliction délibérée de chocs nerveux au cours de l’emploi de la plaignante auprès de l’Administration du pétrole et du gaz des terres du Canada (APGTC), le juge Noël de la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada devait examiner la preuve suivante aux pages 63 à 66 :

[Traduction] [81] Pendant le procès, la demanderesse a appelé des experts et leurs rapports ont été déposés tels quels. Ces rapports ont trait à l’incidence qu’ont eue les événements à l’APGTC sur la santé mentale de la demanderesse. Le D r Frank Schnell, qui est son médecin de famille, a déclaré que la demanderesse avait été sous ses soins de mai 1986 à septembre 1989, et qu’au cours de cette période elle l’avait consulté à dix-sept reprises. En ce qui concerne son état de santé, il affirme ce qui suit :

«La liste qui suit résume les symptômes de M me Boothman, que j’ai extraits directement Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 29 de divers documents qu’elle m’a remis au cours de nos rendez-vous et rencontres :

a) Symptômes et états qui sont le résultat d’une «torture» au moyen de méthodes et de comportements appliqués pour fragmenter ou détruire délibérément sa personnalité ou structure d’identité, ainsi que son estime de soi, ce qui a entraîné son congédiement.

b) Douleur émotive intense, fréquents épisodes de larmes dus à sa compréhension qu’elle a fait fonction de bouc émissaire, qu’on lui a menti, qu’on a dit du mal d’elle, qu’elle n'a pu s’adresser à d’autres pour obtenir de l’aide, qu’elle est sous-estimée et qu’on ne veut pas la croire. Elle croit que ces sentiments se sont intensifiés en raison de son incapacité de trouver un autre emploi.

c) La patiente éprouve une inquiétude intense, a périodiquement des attaques d’angoisse, se sent parfois désespérée, souffre d’une grave dépression réactionnelle, est parfois suicidaire, se sent persécutée, des phénomènes physiques généraux qu’elle décrit comme étant accompagnés de douleurs intenses à la poitrine, de la difficulté à respirer, de pleurs et d’une sensation de deuil.

d) Mme Boothman croit que ses symptômes sont exacerbés par son isolement social dans les moments de crise, par l’impression qu’elle est seule avec les problèmes, et par les affirmations de son conseiller selon lesquelles personne ne se soucie d’elle.

e) Mme Boothman symptômes réapparaissent reproduisent avec une très grande intensité au cours d’événements ou d’expériences semblables aux traumatismes originaux, lorsque la patiente estime qu’on ne la croit pas, ou qu’on ne l’écoute pas lorsqu’elle communique des pertinents, en particulier à des personnes

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me dit que les ou se renseignements

Decision Page 30 qui assument des rôles d’investigation ou de soutien.»

[82] Au paragraphe 5, il mentionne ce qui suit : «... que les principaux symptômes de M suivants :

a) Elle est préoccupée et obsédée par des idées concernant des événements qui se sont produits au lieu de travail et qui ont abouti à son congédiement du ministère de l’Énergie, des Mines et des Ressources. Il est certain qu’elle aimerait beaucoup poursuivre l’affaire, prouver qu’elle a été victime d’un «préjudice», et tenter d’être indemnisée d’une façon quelconque de manière à pouvoir aller de l’avant dans la vie.

b) Instabilité émotive qui comprend souvent des crises de larmes, de désespoir et de colère face à ce qu’elle perçoit comme une situation injuste.

c) Symptomatologie de la dépression, y compris des éléments de désespoir.»

[83] Au paragraphe 7, il affirme ce qui suit : «J’avais l’impression pendant la période elle était sous mes soins que M m e Boothman souffrait d’une dépression marquée par des éléments d’obsession. Naturellement, je ne peux dire si ce diagnostic a changé au cours des trois dernières années, depuis septembre 1989. En septembre 1989, j’étais aussi d’avis que ces symptômes auraient pu avoir été causés par des événements traumatisants qui, apparemment, se seraient produits au cours de l’emploi de M m e Boothman auprès d’Énergie, Mines et Ressources Canada.»

[84] Enfin, au paragraphe 9, le D ce qui suit :

«Lors de ma dernière rencontre avec M m e Boothman, je n’ai pu fournir de pronostic définitif quant à savoir si oui ou non les symptômes s’amélioreraient ou disparaîtraient avec le temps. À cette époque, j’étais sûrement convaincu que M m e Boothman avait été profondément affectée et blessée par les événements qu’elle m’a décrits et qui, selon elle, se sont produits à son lieu de son travail au ministère fédéral de l’Énergie, des Mines et des Ressources. Toutefois, à ce

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m e Boothman sont les

r Schnell termine en disant

Decision Page 31 moment-là je n’étais pas certain s’il existait une forme de traitement qui aurait pu l’aider, à part le temps.»

[85] Le D r Schnell n’est pas psychiatre, bien qu’il ait suivi des cours généraux en psychiatrie. Il a affirmé avoir suggéré à la demanderesse de consulter un psychiatre, mais elle a refusé.

[86] Le deuxième expert était Hilde Houlding, une travailleuse sociale et conseillère professionnelle qui est actuellement directrice des Services de counselling au Bureau des services à la famille de Calgary. M m e Houlding a un baccalauréat et une maîtrise en travail social, et elle travaille au Bureau depuis 1962. Elle conseille surtout des couples et des personnes adultes, et elle s’intéresse tout particulièrement au traitement de traumatismes causés par une longue exposition à des épisodes répétés de violence physique, verbale ou sexuelle dans le contexte de la famille.

[87] Du mois de juillet 1986 au 21 mars 1989, la demanderesse a participé à cinquante-deux séances de counselling. Au paragraphe 10 de son rapport, M affirme ce qui suit :

«La crainte phobique du harcèlement qu’éprouve M me Boothman, et la perte de contrôle de ses émotions au lieu de travail ont été provoquées par les événements traumatisants qui se sont produits pendant son emploi au ministère de l’Énergie, des Mines et des Ressources du Canada.»

[88] Dans les paragraphes suivants, M m e Houlding donne un compte rendu détaillé des événements qui se sont produits à l’APGTC, tels qu’ils lui ont été relatés par la demanderesse, et elle fournit une opinion sur l’impact psychologique qu’ils ont eu sur M m e Boothman. Elle termine son compte rendu de la façon suivante :

«En raison des événements qui se sont produits au ministère de l’Énergie, des Mines et des Ressources du Canada, Mme Boothman éprouve depuis longtemps de l’angoisse, et elle a par la suite souffert de troubles émotifs et psychologiques marqués d’isolement social, de stigma- tisation, d’humiliation et de désespoir avec tendance au suicide.»

[89] Au sujet de ses chances de guérison, M affirme ce qui suit :

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m e Houlding

m e Houlding

Decision Page 32 «Les chances de guérison sont douteuses. Les symptômes marqués de stress post- traumatique ont persisté, sans beaucoup de changement, pendant plus de cinq ans. La fréquence et l’intensité de crises récurrentes laissent peu d’espoir quant à sa capacité de retourner au travail. En outre, le temps que nécessitent les démarches qu’elle doit faire pour saisir un tribunal de sa cause exige de la victime qu’elle fasse toujours preuve de vigilance, et qu’elle repasse les événements constamment dans son esprit pour renforcer sa capacité de rappel, plutôt que de faciliter le processus de guérison qui suit naturellement un traumatisme et la suppression graduelle de souvenirs douloureux.»

À la page 65, le juge Noël conclut ce qui suit : [94] Il ne fait aucun doute que la demanderesse a souffert de problèmes psychologiques et émotifs avant son expérience à l’APGTC, et pendant son emploi elle a manifesté un comportement compatible avec cet état d’esprit.

Il a toutefois rejeté l’argument portant qu’il n’y avait aucune responsabilité parce que M me Boothman était déjà vulnérable du fait que le superviseur exploitait cette vulnérabilité, ce qui avait sensiblement aggravé son état.

Je tiens à souligner que M. Creamer n’a pas décrit le prétendu stress, et qu’on n’a produit aucune preuve quant à ses symptômes les 25 et 26 octobre 1993. En outre, et plus particulièrement, il ne s’est produit aucun incident impliquant M. Rogers les 21 et 25 octobre 1993. M. Creamer a invoqué son refus de travailler à la fin d’une réunion avec M me Harley à laquelle M. Rogers n’était pas présent. Il convient également de mentionner que M. Creamer a éclaté en sanglots le 27 octobre 1993, après que l’agente de sécurité l’eut informé de sa décision et, ici encore, M. Rogers n’était pas présent et il n’y avait pas eu d’autres incidents entre MM. Rogers et Creamer depuis le refus de M. Rogers de signer la formule de transmission.

Il m’est tout simplement impossible de rendre une décision concernant le stress de M. Creamer et sa cause les 25 et 26 octobre 1993 sans des preuves

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Decision Page 33 médicales ou autres preuves d’expert au sujet de sa santé au moment de son refus et de l’enquête de l’agente de sécurité.

La tâche de l’agente de sécurité était de déterminer si au moment de l’enquête, il existait une situation qui constituait un danger pour M. Creamer (Bidulka et autres (supra)), et il n’y a tout simplement aucune preuve, outre son témoignage, pour appuyer l’allégation de M. Creamer selon laquelle il existait un tel danger. Le danger doit être réel, et non une simple perception ou l’idée que l‘avenir sera tout simplement une répétition du passé.

La preuve montre également que M me Harley s’est excusée verbalement et par écrit auprès de M. Creamer à la réunion du 25 octobre 1993 (pièce 14). En outre, le 27 septembre 1993, M me Harley a annulé la lettre [traduction] «Suivi du rendement au travail» (pièce 13). Dans cette lettre, M me Harley écrivait ce qui suit : [Traduction] ...

Je crois comprendre d’après les entretiens que j’ai eus avec M. Peter Rogers, AHMP, que la relation de travail entre vous est cordiale et productive. Je vous encourage à miser sur votre succès au cours de la récente période de rendement au travail. J’aimerais vous rencontrer bientôt à Winnipeg, vous et M. Rogers, pour établir des objectifs et attentes pour l’avenir dans le cadre du processus habituel d’examen du rendement.

À l’instar de Bliss (supra) et Scott (supra), M. Creamer n’a pas prouvé sa prétention selon laquelle il souffrait de stress (blessure ou maladie) et que M. Rogers en était la cause . On n’a produit aucune preuve pour décrire la blessure ou la maladie, les symptômes et les conséquences qui pourraient constituer un danger pour lui. Dans Decision No. 636/91 (supra), la Commission des accidents du travail avait des preuves de troubles affectifs psychiatriques pour conclure à une déficience découlant de l’emploi du plaignant. Ce n’est pas le cas ici.

Compte tenu de ma décision selon laquelle M. Creamer, à qui incombait le fardeau de la preuve, n’a pas produit la preuve requise pour prouver son allégation, je n’ai pas à déterminer si la définition de «danger» s’applique à une situation comme celle qui a été décrite dans la présente affaire. Pour la même

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Decision Page 34 raison, je n’ai pas à traiter des questions de caractère théorique et d’inaction soulevées par l’avocat de l’employeur.

Pour tous les motifs qui précèdent, le renvoi est par les présentes rejeté, et je confirme la décision de M me Ceayon Johnston qu’il n’existait aucun danger pour M. Creamer le 26 octobre 1993, nécessairement aux motifs de cette décision.

Muriel Kornolf Wexker, président suppléant

OTTAWA, le 7 novembre 1996. Traduction certifiée conforme Serge Lareau

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même si je ne souscris pas

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