Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Demande de prolongation du délai prévu pour présenter un grief à l'employeur - Article 63 des Règlement et règles de procédure de la CRTFP, 1993 - Préclusion promissoire - le requérant s'est classé premier à un concours d'agent des pêches, mais il n'a pas été nommé à un poste d'une durée indéterminée à cause d'un gel du recrutement - toutefois, l'employeur lui a offert plusieurs postes d'une durée déterminée à divers endroits, qu'il a acceptés parce que l'employeur lui a garanti qu'il recevrait la formation d'agent des pêches - l'employeur ne lui a jamais dit qu'il serait nommé pour une durée indéterminée - en bout de ligne, il n'a pas reçu la formation d'agent des pêches parce que l'employeur avait comme politique de ne pas donner cette formation aux employés embauchés pour une durée déterminée - quand le requérant s'en est rendu compte, il a démissionné et a demandé le remboursement des diverses dépenses qu'il avait engagées relativement aux postes d'une durée déterminée qu'il avait occupés - l'employeur a fini par lui rembourser ces dépenses - plus d'un an plus tard, le requérant a été informé de ses droits à titre de fonctionnaire aux termes de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et il a demandé une prolongation du délai pour présenter un grief à l'employeur - la Commission a indiqué que le délai en question contribue à la stabilité des relations du travail - la Commission est investie du pouvoir discrétionnaire d'accorder des prolongations quand elle juge nécessaire de le faire dans l'intérêt de la justice - sur la foi de la preuve, la Commission a conclu que le requérant n'avait pas agi avec diligence pour exercer ses droits, plus particulièrement à la lumière du fait qu'il avait laissé s'écouler plus d'un an avant de demander la prolongation du délai - l'employeur ne peut être empêché par préclusion d'invoquer le délai du fait de déclarations faites lors de la négociation ayant donné lieu au remboursement des dépenses du requérant puisque ce dernier n'a subi aucun préjudice. Demande rejetée. Décision citée : Rattew (149-2-107).

Contenu de la décision

Dossier : 149-2-167 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE JOSEPH ANTHONY fonctionnaire s'estimant lésé et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Pêches et Océans Canada)

employeur

Devant : Donald MacLean, arbitre et commissaire Pour le fonctionnaire s'estimant lésé : William Churchill, avocat Pour l'employeur : Jock Climie, avocat Affaire entendue à Sydney (Nouvelle-Écosse), le 9 mai 1998.

DÉCISION La saga de M. Joseph Anthony a commencé à l'automne de 1992 quand il a posé sa candidature à un poste vacant d'agent des pêches au ministère des Pêches et Océans (le Ministère), à Glace Bay (Nouvelle-Écosse). La Commission de la fonction publique s'est occupée du concours pour le Ministère.

La CFP a reconnu les qualités et compétences de M. Anthony pour occuper le poste quand elle l'a classé en tête de liste des candidats. M. Anthony a également réussi les tests d'aptitudes physiques et médicales pour travailler en qualité d'agent des pêches. Le 22 juillet 1993, il a obtenu la meilleure cote, soit « classe A, apte au travail » et s’est retrouvé premier sur la liste d'admissibilité qui devait demeurer en vigueur pendant deux ans.

Après lui avoir communiqué les résultats du concours, le Ministère a confirmé à M. Anthony qu'il commencerait à travailler à temps plein le 1 er octobre 1993. Toutefois, le gouvernement fédéral a imposé un « gel » du recrutement, et le Ministère a révoquer son offre d'emploi un mois avant la date prévue d'entrée en fonction de M. Anthony.

M. Anthony a communiqué avec M. Neil Bellefontaine, directeur général du Ministère dans la région de Scotia-Fundy. Lors d'une rencontre qui a eu lieu à Sydney en mars 1994, M. Bellefontaine a garanti à M. Anthony qu'il serait embauché en juin 1994. En mai, M. Anthony s'est rendu au bureau régional de Halifax M. Bellefontaine lui a confirmé qu'il commencerait à travailler deux semaines plus tard. En août, à la suite d'un autre délai, M. Bellefontaine a reconfirmé à M. Anthony qu'il serait effectivement embauché après l'« examen des bureaux régionaux », qu'il devait être « patient » et téléphoner « tous les mois pour avoir des nouvelles ».

M. Anthony a effectivement téléphoné au bureau de M. Bellefontaine tous les mois au cours de l'hiver et du printemps de 1995. Après avoir vainement tenté de le joindre à quelques reprises, il a téléphoné au cabinet du ministre des Pêches pour savoir si l'on pouvait faire quelque chose pour lui.

À la suite à cet appel, le cabinet du ministre l'a avisé que M. Bellefontaine le rencontrerait le 11 juillet 1995. Lors de cette rencontre, M. Bellefontaine lui a dit qu'il essayerait de lui trouver un « emploi pour une durée déterminée ». Il a aussi précisé que M. Anthony recevrait toute la formation nécessaire et qu'il aurait les mêmes

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Décision Page 2 pouvoirs que n'importe quel autre agent des pêches. Il ne lui a toutefois pas promis de l'embaucher pour une période indéterminée. En fait, M. Bellefontaine lui a dit qu'il ne pouvait pas lui garantir plus de six mois de travail.

La veille de l'expiration de la liste d'admissibilité, M. Anthony a reçu un coup de fil de M. Bellefontaine. Ce dernier lui a dit qu'un poste temporaire d'agent des pêches était disponible à Sydney. Quelque temps plus tard, M. Anthony a reçu une offre d'emploi pour un poste temporaire (jusqu'au 30 janvier 1996) d'agent des pêches à Yarmouth; il n'aurait pas droit au remboursement de ses frais de réinstallation à Yarmouth.

Quand M. Anthony s'est présenté au travail à Yarmouth le 14 août 1995, son superviseur lui a dit qu'il devait être formé à Regina avant de pouvoir assumer ses fonctions d'agent des pêches. Toutefois, il n'avait pas droit à cette formation vu qu'il occupait son poste pour une période déterminée seulement. En attendant de savoir s’il recevrait la formation, M. Anthony s’est occupé des « sanctions et permis » au bureau du Ministère à Yarmouth. Il faisait du travail de bureau, recevait les demandes et les paiements des droits et des contraventions, répondait au téléphone, et ainsi de suite.

En septembre 1995, M. Anthony a appris que le Ministère l'envoyait à Regina un centre de formation de la GRC) pour recevoir sa « formation nationale ». Cette formation devait débuter le 16 octobre 1995 et durer six semaines. Le Ministère lui a remis les vêtements réglementaires et un revolver.

Le 6 octobre 1995, le Ministère l'a renvoyé à Sydney pour qu'il puisse se préparer pour son voyage à Regina. Le 10 octobre 1995, M. Greg Blanchard du bureau des ressources humaines du Ministère à Halifax lui a donné l’assurance que tous ses documents étaient en règle et lui a remis l'itinéraire du voyage.

Deux jours plus tard, M. Blanchard a de nouveau téléphoné à M. Anthony. Cette fois-là, c'était pour lui dire que « tout Regina) avait été annulé L'Administration centrale à Ottawa venait de se rendre compte qu'il avait été embauché pour une période déterminée seulement. Par la suite, on lui a dit de continuer de travailler à Cap-Breton jusqu'à l'expiration de son contrat. Le 18 octobre, deux jours après avoir été informé qu'il devait travailler à Cap-Breton, on lui a dit qu'il allait travailler à

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Décision Page 3 Yarmouth. Puis, deux jours plus tard, il a été informé de rester à Sydney jusqu'à nouvel ordre.

Finalement, le 23 octobre 1995, on a demandé à M. Anthony de se présenter à Yarmouth on l'assermenterait en qualité d'agent des pêches; on a toutefois précisé qu'il n'aurait pas de revolver pour exécuter ses tâches. Heureux de devenir agent des pêches, M. Anthony a accepté cette proposition. Cependant, sa joie fut de courte durée puisque, dès le lendemain, il a appris qu'il y avait des problèmes et qu'il devait attendre des instructions qui lui seraient communiquées le surlendemain.

Le 27 octobre 1995, le Ministère a dit à M. Anthony qu'il ne travaillerait pas comme agent des pêches parce qu'il n'avait pas reçu la formation nécessaire, mais qu'il pourrait quand même travailler dans le bureau des permis ou comme matelot de pont sur un bateau patrouilleur jusqu'à l'expiration de son contrat. M. Anthony a refusé cette proposition; il trouvait humiliant d’effectuer du travail de bureau ou de devenir matelot de pont. Il a affirmé qu'il n'accepterait rien de moins qu'un poste d'agent des pêches. Il en avait assez d'être bafoué. Le Ministère lui a répondu qu'il ne serait pas assermenté comme agent des pêches. M. Anthony, frustré, a déclaré qu'il ne démissionnerait pas de son poste d'agent des pêches puisqu'il n'avait jamais obtenu le poste de toute façon. En outre, il a indiqué qu'il exigerait le remboursement des dépenses qu'il avait engagées pour satisfaire aux exigences du Ministère.

Le 4 novembre 1995, M. Anthony a signé une lettre confirmant qu'il ne se présenterait pas au travail à Yarmouth. En conséquence, il a été licencié le 7 novembre 1995. Durant les 12 mois qui ont suivi, M. Anthony a fait des démarches en vue d'obtenir le remboursement de ses frais de réinstallation à Yarmouth. Il s'est aussi renseigné sur la possibilité d’être rembauché comme agent des pêches. Il demandait s'il y avait des emplois disponibles, mais il s’est toujours fait répondre qu'il n'y en avait pas.

Il ne s'est rien produit jusqu'en novembre 1996 quand le ministère a décidé de rembourser les frais de M. Anthony.

En échange de la signature d'un document dégageant « le ministère des Pêches et Océans de toute autre prétendue responsabilité relativement à votre période d'emploi » (pièce 6), M. Anthony a obtenu le remboursement demandé (4 640 $). Il a

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Décision Page 4 reçu le chèque en décembre 1996. Le montant représentait les frais personnels qu'il avait engagés après avoir accepté le poste, notamment les frais de repas et les faux frais pendant 60 jours, son loyer et ses frais de kilométrage pour deux voyages aller-retour entre Sydney et Yarmouth. La lettre accompagnant le chèque est reproduite ci-dessous : [Traduction] La présente fait suite aux diverses conversations que nous avons eues au sujet du montant que vous réclamez relativement à votre emploi temporaire au ministère des Pêches et Océans du 14 août au 7 novembre 1995.

Comme nous sommes convenus, le Ministère a accepté de rembourser les dépenses personnelles que vous avez engagées après avoir accepté le poste à Yarmouth (Nouvelle-Écosse). Les dépenses, qui totalisent 4 640 $, comprennent les frais de repas et les faux frais pendant 60 jours, les frais de location d'un appartement du mois d'août au mois d’octobre inclusivement et les frais de kilométrage pour deux voyages aller-retour entre Sydney et Yarmouth.

Votre acceptation de ce montant dégage le ministère des Pêches et Océans de toute autre prétendue responsabilité relativement à votre période d'emploi. Le chèque pour le remboursement des frais de déplacement ne sera émis qu’après que nous aurons reçu une copie signée de la présente lettre.

(signature : P. Partington, au nom du Ministère) Je conviens qu'en acceptant le montant ci-dessus je dégage le ministère des Pêches et Océans de toute responsabilité perçue relativement à mon emploi temporaire au Ministère.

(signature : Joseph Anthony).

Bien que M. Anthony ait finalement obtenu le remboursement de ses dépenses, personne au Ministère ne lui a laissé entrevoir la possibilité qu’il obtiendrait un jour un poste d’agent des pêches.

À la suite de son licenciement, M. Anthony s’est adressé à diverses personnes concernant son rêve de devenir agent des pêches qui a viré au cauchemar. Il a parlé au personnel du cabinet de l'ombudsman de la Nouvelle-Écosse, à celui du cabinet de M. Russell MacLellan (son député), et aux représentants du ministère du Développement des ressources humaines du Canada (le bureau d’emploi). Toutes ses démarches sont demeurées vaines. Personne n'a pu l'aider. C'est le personnel du bureau d’emploi de DRHC qui l'a aiguillé vers la Commission des relations de travail dans la fonction publique.

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Décision Page 5 Bien que l'AFPC lui eût fait parvenir de la documentation au moment il a été embauché pour une durée déterminée, il n'a pas cherché à communiquer avec le secrétariat syndical de l'AFPC. Il n'a pas non plus rencontré d'avocat pour discuter de ses difficultés parce qu’il n'avait pas d'argent.

C'est en février 1997 seulement que M. Anthony a été informé de l'existence de la Commission. Il a immédiatement envoyé un avis de grief aux bureaux de la Commission à Ottawa.

M. Anthony désire maintenant déposer un grief contre le Ministère en vue d'obtenir une indemnisation, de la formation ou un emploi.

La question dont la Commission est saisie en l'espèce ne concerne pas le fond du grief. Il s’agit plutôt de déterminer s’il y a lieu d'accorder à M. Anthony une prolongation du délai de 25 jours prévu dans le Règlement d’application de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Je tiens à faire remarquer que, dans sa demande de prolongation du délai, M. Anthony n'a pas invoqué la convention cadre en vigueur entre l'Alliance de la Fonction publique du Canada et le Conseil du Trésor, laquelle prévoit le même délai de 25 jours pour présenter un grief.

M. Anthony a cessé de travailler pour le Ministère en novembre 1995. Il a déposé son grief et sa demande de prolongation du délai à la Commission en février 1997.

Résumé des observations faites au nom des parties Argumentation du requérant M. Anthony voulait devenir agent des pêches. Bien qu'on ne lui ait jamais promis d'emploi à temps plein en qualité d'agent des pêches, on lui a offert un emploi pour une durée déterminée ainsi que de la formation pour devenir agent des pêches. Il prétend qu'il n'a jamais reçu de formation, ni travaillé comme agent des pêches.

M. Anthony demande à la Commission de lui accorder plus de temps pour déposer un grief contre le Ministère. Il veut obtenir du Ministère une indemnisation, de la formation pour devenir agent des pêches ou un poste d'agent des pêches.

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Décision Page 6 M. Anthony admet avoir tardé à déposer son grief à la Commission. Toutefois, il n’a été informé de l'existence de cette dernière que deux mois et demi environ après que le Ministère lui eut remboursé ses dépenses en décembre 1996. Il a aussitôt déposé son grief.

Par ailleurs, M. Anthony prétend que les multiples discussions qu'il a eues avec le ministère entre novembre 1995 et novembre 1996 pour obtenir le remboursement de ses dépenses témoignent des efforts qu'il a déployés pour se trouver du travail ou obtenir des dommages-intérêts. Ces discussions ont valeur de préclusion promissoire de la part du Ministère puisqu'elles ont amené M. Anthony à retarder la présentation de sa demande jusqu'au mois de novembre, voire au mois de décembre 1996, quand il a accepté le remboursement offert. De plus, à la suite de sa mise en disponibilité, M. Anthony a demandé sans succès l'aide de l'ombudsman de la Nouvelle-Écosse. Ces efforts, de l'avis de M. Anthony, prouvent également qu'il continuait de revendiquer son ancien emploi.

M. Anthony estime que le rejet, par la Commission, de sa demande de prolongation de délai lui causera un grave préjudice. Il perdra la possibilité d’obtenir un emploi d'agent des pêches, de recevoir la formation pertinente ou, à tout le moins, d'être indemnisé pour les occasions perdues. S'il avait reçu la formation que le Ministère lui a offerte, il aurait été très bien placé pour se trouver un autre emploi, sinon comme agent des pêches, du moins dans un autre secteur de l’application de la loi.

À l'appui de sa thèse, l'avocat de M. Anthony a renvoyé à l'affaire Brooke Siver, dossier de la Commission 149-2-121, 30 octobre 1992 (Lowden).

Argumentation de l'employeur L'employeur me demande de rejeter la demande de prolongation de délai. Bien que de nombreux facteurs puissent avoir retardé le dépôt du grief, il n'en demeure pas moins que le requérant n'a pas fait preuve de diligence en vue d'obtenir réparation.

Vu qu’il s’estimait autant lésé par le Ministère, M. Anthony aurait chercher à se renseigner de façon beaucoup plus active. Il aurait pu consulter un avocat ou à tout le moins son agent négociateur, l'Alliance de la Fonction publique du Canada. S'il avait

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Décision Page 7 consulté un avocat ou l'AFPC, il aurait, à tout le moins, été informé de la marche à suivre. Les choses étant ce qu'elles sont, le délai de 25 jours n’a pas été respecté à cause de sa propre négligence.

En outre, l'employeur rejette l'argumentation du requérant selon laquelle il a eu des discussions avec le ministère entre novembre 1995 et novembre 1996. Est-ce la preuve qu'il a activement cherché à être rembauché comme agent des pêches? La réponse est non. Au contraire, ces discussions n'ont porté que sur le remboursement de ses dépenses, il n’a pas été question de sa rembauche. Le fonctionnaire s’estimant lésé n'a présenté aucun élément de preuve indiquant que le Ministère lui a fait des promesses ou pris des engagements à son égard.

L'argumentation du requérant et viciée. En fait, les conversations ont abouti au versement d'un certain montant et à l'entente selon laquelle M. Anthony dégageait le Ministère de toute responsabilité envers lui. Le requérant prétend maintenant que le règlement ne s'applique pas à sa rembauche parce que l'entente, la pièce 6, ne porte que sur le remboursement de ses dépenses. Ses demandes en l’espèce correspondent justement à ce qu'il avait promis de ne pas faire.

Au sujet de la question de la prépondérance des préjudices, l'avocat fait remarquer que, parce que le requérant a attendu quinze mois avant de déposer sa demande, l'employeur n’est plus en mesure de présenter une défense complète. En outre, la signature de l'entente, puis le dépôt du grief, causent aussi un préjudice à l'employeur puisqu'il n'était pas légalement obligé de rembourser les dépenses de M. Anthony (4 640 $).

Bien que la Commission n’ait pas, à ce stade-ci, à se prononcer sur le fond du grief, elle devrait examiner les possibilités du requérant d'obtenir gain de cause avant de lui accorder une prolongation. Les chances de réussite sont nulles étant donné que la Commission n'a pas compétence pour lui accorder de la formation, des dommages-intérêts ou un emploi.

Quant à l'argumentation du requérant voulant que l'employeur se devait de l'aviser de ses recours lorsqu'il l'a congédié, l'employeur rétorque que le requérant n'a jamais été congédié; il a démissionné de son propre gré. L'employeur n'est pas obligé d'aviser un employé qui démissionne de ses possibilités de recours.

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Décision Page 8 À l'appui de sa thèse, l'employeur a mentionné les affaires suivantes : (1) Walter Stubbe et le Conseil du Trésor (Transports Canada - Garde côtière canadienne), dossier de la Commission 149-2-114, 10 juillet 1992 (vice-président Tenace).

(2) Keith Rattew et le Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la Commission 149-2-107, 24 juin 1992 (président suppléant Chodos).

(3) Wayne Miller et le Conseil du Trésor (Affaires indiennes et du Nord Canada), dossier de la Commission 149-2-149, 4 avril 1995 (vice-président Tenace).

Conclusion et motifs de décision Le délai de 25 jours pour déposer des griefs est prévu dans le Règlement et à l'article M-38 de la convention cadre conclue entre l'AFPC et le Conseil du Trésor. Ce délai n’existe pas parce qu'il est déraisonnable. Il contribue à la stabilité des relations de travail car, sans cela, l'employeur courrait continuellement le risque d’avoir à se défendre contre des griefs se rapportant à des incidents oubliés depuis longtemps. On a fixé un délai de 25 jours parce que c’était jugé une période suffisante pour obtenir des conseils, envisager les diverses possibilités et décider de déposer ou non un grief.

Il n'en demeure pas moins que la Commission est investie du pouvoir discrétionnaire d'accorder des prolongations quand elle le juge nécessaire dans l'intérêt de la justice. L'article 63 des Règlement et règles de procédures de la C.R.T.F.P. prévoit ce qui suit : 63. Par dérogation à toute autre disposition de la présente partie, les délais prévus aux termes de la présente partie, d'une procédure applicable aux griefs énoncée dans une convention collective ou d'une décision arbitrale, pour l'accomplissement d'un acte, la présentation d'un grief à un palier ou la remise ou le dépôt d'un avis, d'une réponse ou d'un document peuvent être prorogés avant ou après leur expiration :

a) soit par une entente entre les parties; b) soit par la Commission, à la demande de l'employeur, du fonctionnaire ou de l'agent négociateur, selon les modalités que la Commission juge indiquées.

M. Chodos, président suppléant, a déclaré dans l'affaire Rattew (supra), (page 15) que le but de cette disposition :

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Décision Page 9 [Traduction] n'est pas de rendre inopérants les délais sur lesquels les parties se sont mises d'accord dans une convention collective, ou qui figurent dans le Règlement. Ces dispositions visent plutôt à permettre le recours à un redressement prévu par la loi ou une convention collective, nonobstant l'expiration de délais, lorsque l'action contraire entraînerait une injustice.

Pour décider s'il y a lieu ou non d'accorder une prolongation du délai, la Commission doit examiner toutes les raisons du retard. De même, je dois tenir compte des préjudices qui résulteraient de la décision d'accorder ou non une prolongation du délai. Il n'existe pas de règle définitive pour trancher une demande particulière. Néanmoins, un principe ressort des décisions citées par les deux parties en l'espèce : nous devons obtenir une preuve que la partie qui demande la prolongation a agi avec diligence pour faire valoir ses droits.

En l'espèce, M. Anthony estime qu'il a été induit en erreur et traité injustement par le Ministère. Pourtant, ses démarches pour obtenir réparation se sont limitées à communiquer avec l'ombudsman de la Nouvelle-Écosse, son député et DRHC. À mon avis, ce n'était pas une façon très diligente d’obtenir quelque réparation que ce soit.

M. Anthony prétend que, s’il a tant tardé à déposer un grief, c’est qu’il n’était pas au courant des recours qui s’offraient à lui. Il est concevable qu'un employé embauché pour une période déterminée ne connaisse pas tous ses droits. Il est par contre incompréhensible qu'un employé qui s'estime lésé par son employeur ne fasse à toutes fins utiles aucune démarche pendant un an en vue de corriger la situation.

M. Anthony avait en mains un livret de l'AFPC; pourtant, il n'a même pas pris la peine de communiquer avec son agent négociateur. Un simple coup de fil à l'AFPC l'aurait sans doute renseigné sur ce qu'il devait faire. Aucun élément de preuve n'a été présenté indiquant qu'il a même communiqué avec le ministère des Pêches et Océans pour se plaindre. De nouveau, s'il s'était donné la peine de le faire, on lui aurait sans doute dit de s'adresser à la présente Commission.

Le requérant affirme que les multiples discussions qu'il a eues concernant le remboursement de ses dépenses ont créé une préclusion promissoire qui l'a amené à attendre jusqu'au mois de novembre ou de décembre pour entreprendre ses démarches. Je puis songer à certaines circonstances la doctrine de la préclusion Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 10 promissoire peut être invoquée à l'appui d'un argument visant à obtenir une prolongation du délai prévu pour présenter un grief.

Toutefois, aucun élément de preuve en l'espèce m’indique que les conversations entre M. Anthony et des fonctionnaires du Ministère constituaient des demandes de formation, de rembauche ou de dommages-intérêts. M. Anthony n'a rien exigé d’autre que le remboursement de ses dépenses. Il ne dit pas qu'il a été induit en erreur par le Ministère. Il ne dit pas que le Ministère essayait de lui trouver un autre emploi. Quelque réponse que lui a faite le Ministère concernant un emploi ne suffit pas pour créer une préclusion promissoire. Il n’a pas subi de préjudice.

M. Anthony affirme que le paiement qu'il a reçu ne représentait rien de plus que le remboursement de ses dépenses. Je ne peux donc que conclure que M. Anthony a attendu 15 mois avant de décider de déposer son grief. Dans les circonstances, en accordant une prolongation du délai et en permettant à M. Anthony de déposer son grief devant la présente Commission, je l’autoriserais à causer un préjudice possible à l'employeur à cause de ses tergiversations et de l'absence de démarches en vue d'obtenir réparation.

Je conclus que M. Anthony n'a pas fait preuve de diligence relativement à la poursuite de son grief. La demande de prolongation du délai est donc rejetée.

Je n'ai accordé qu'une importance secondaire à la lettre (pièce 6) dans laquelle M. Anthony « dégage le ministère des Pêches et Océans de toute responsabilité perçue relativement à mon emploi temporaire au Ministère. » Cette entente et son incidence sur la présente demande confirment ma décision de rejeter la demande. La déclaration signée par M. Anthony ne limite par les paramètres du règlement de l'affaire. Elle dégage le Ministère de toute responsabilité concernant son embauche. C'est une déclaration assurément assez générale pour englober toute question découlant de son embauche par le Ministère.

En terminant, personne ne conteste le fait que M. Anthony a vécu une expérience très désagréable au Ministère. Toutefois, il aurait chercher à obtenir réparation dès qu'il s'est senti lésé. Il aurait pu se renseigner sur ses droits s’il ne les connaissait pas. À tout le moins, peu après son départ du Ministère, il aurait pu communiquer avec l'agent négociateur ou un avocat. En négligeant de le faire,

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Décision Page 11 M. Anthony a manqué de diligence. Par conséquent, il est responsable de tout préjudice subi du fait du rejet de sa demande.

Par conséquent, je rejette par les présentes la demande de prolongation du délai déposée par le requérant pour présenter son grief.

Donald MacLean, arbitre et commissaire

MONCTON, le 14 décembre 1998. Traduction certifiée conforme

Serge Lareau

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