Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Demande de prolongation du délai prévu pour présenter un grief fondé sur l'article 63 des Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P. (1993) - Procédure de règlement des griefs (délai) - Heures supplémentaires - le fonctionnaire, un architecte à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), a présenté une demande de prolongation du délai prévu pour le dépôt d'un grief - dans son grief, le fonctionnaire demandait qu'on lui paie la différence entre le total des heures supplémentaires qu'il avait effectuées entre avril 1991 et octobre 1995, pendant qu'il était en affectation à Santé Canada, et la partie de ces heures supplémentaires que l'employeur avait accepté de lui rémunérer à la fin de chacune de ces années - le fonctionnaire a soutenu que, pendant qu'il était en affectation, il se trouvait dans une situation très vulnérable et que ce n'est que lors de son retour à TPSGC qu'il a pu réclamer la rémunération des heures supplémentaires pour lesquelles il n'avait pas été payé - le fonctionnaire a soutenu que le retard à produire son grief ne portait pas préjudice à l'employeur - l'employeur a répondu que, en ne contestant pas, durant son affectation, le montant que l'employeur avait déterminé comme lui étant dû au titre des heures supplémentaires, le fonctionnaire avait accepté la position de l'employeur à ce sujet - l'employeur a affirmé que cela lui causerait un préjudice s'il devait maintenant payer des heures supplémentaires, puisque les budgets concernant les années en question ont été finalisés et que les fonds ne sont plus disponibles - la Commission a conclu que le grief n'avait pas été présenté dans les 25 jours suivant le dernier refus de rémunérer le fonctionnaire pour le reste de ses heures supplémentaires - la Commission a en outre conclu que, par sa conduite à l'époque, le fonctionnaire avait accepté le montant des heures supplémentaires que l'employeur avait établi comme lui étant dû pour les exercices 1991-1992 et 1994-1995 - la Commission a conclu que le fonctionnaire, pendant qu'il était en affectation, ainsi qu'après son retour à TPSGC, avait eu de nombreuses occasions de présenter un grief concernant le calcul des heures supplémentaires qui pouvaient lui être rémunérées, et qu'il ne s'était pas prévalu de ces possibilités - la Commission a refusé de prolonger le délai. Demande rejetée.

Contenu de la décision

Dossier : 149-2-168 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE THOMAS G. BENTLEY requérant et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada)

employeur AFFAIRE : Demande de prolongation du délai de présentation d'un grief Devant : Joseph W. Potter, commissaire Pour le requérant : Dan Rafferty, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l’employeur : Robert H. Jaworski, avocat

Affaire entendue à Toronto (Ontario), le 8 mai 1998.

DÉCISION La présente décision a trait à une demande de prolongation du délai prévu pour le dépôt d’un grief qu’a présenté M. Thomas Bentley, qui était architecte (niveau 5) à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), à Toronto. M. Bentley a déposé son grief le 22 mai 1996; il y demande à être rémunéré pour les heures supplémentaires qu’il dit avoir effectuées entre avril 1991 et octobre 1995.

M. Bentley a été informé, dans les réponses à son grief, que son grief était irrecevable parce que présenté en dehors des délais prescrits (pièces E-5 et E-6). Le 11 avril 1997, M. Rafferty a écrit à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) pour demander la prolongation du délai prévu pour la présentation d’un grief. Au début de l’audience, M e Jaworski et M. Rafferty ont tous les deux demandé que je rende une décision sur la demande de prolongation du délai avant d’entendre le fond du grief. J’ai acquiescé à leur demande.

M. Rafferty me demande d’exercer le pouvoir discrétionnaire que me confère l’article 63 des Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P. afin de prolonger le délai accordé à M. Bentley pour présenter son grief.

L’article 63 des Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P. est ainsi libellé : 63. Par dérogation à toute autre disposition de la présente partie, les délais prévus aux termes de la présente partie, d’une procédure applicable aux griefs énoncée dans une convention collective ou d’une décision arbitrale, pour l’accomplissement d’un acte, la présentation d’un grief à un palier ou la remise ou le dépôt d’un avis, d’une réponse ou d’un document peuvent être prorogés avant ou après leur expiration :

a) soit par une entente entre les parties; b) soit par la Commission, à la demande de l’employeur, du fonctionnaire ou de l’agent négociateur, selon les modalités que la Commission juge indiquées.

J’ai entendu deux témoins et admis en preuve 26 pièces. Les faits essentiels de l’affaire se résument comme suit. Bien que M. Bentley ait pris sa retraite en septembre 1996, à l’époque visée par son grief il était membre du groupe Architecture et urbanisme et était assujetti à la

Public Service Staff Relations Board

Décision Page 2 convention collective de ce groupe. La clause 35.09 de cette convention, produite en preuve par le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, est formulée comme suit (pièce G-1) : 35.09 Un employé peut présenter un grief au premier palier de la procédure de la manière prescrite par la clause 35.03 au plus tard le vingt-cinquième (25 e ) jour qui suit la date à laquelle il est informé de vive voix ou par écrit de l’action ou des circonstances donnant lieu au grief.

M. Bentley a témoigné que, en 1989-1990, il était gestionnaire de projet à TPSGC et accomplissait du travail de design et construction pour la Direction de la protection de la santé (DPS) de Santé Canada. À ce titre, il a élaboré un modèle prévisionnel informatisé pour le projet de la DPS et Santé Canada estimait que ce modèle pouvait être appliqué à d’autres projets courants. Par conséquent, Santé Canada a demandé à TPSGC si M. Bentley pouvait être affecté à Santé Canada afin de continuer son travail de gestion de projet, demande qui a été accordée en avril 1991. La pièce G-2 est une « Convention particulière de services » conclue entre TPSGC et la DPS indiquant que M. Bentley était affecté à la DPS du 1 er avril 1991 au 31 mars 1995, et qu’il avait pour fonction de fournir du soutien de programme. La convention était signée par M. M. McElrone, directeur des Services centraux à la DPS. M. Bentley relevait de M. McElrone, bien que le bureau de ce dernier fût à Ottawa et que M. Bentley travaillât depuis l’agglomération de Toronto.

La première question à régler était d’établir un emplacement pour le bureau et, à cause des nombreux déplacements prévus dans la nouvelle affectation, M. Bentley s’est fait dire par Santé Canada que le meilleur endroit pour un bureau serait son propre domicile. Par conséquent, M. Bentley a aménagé un petit bureau dans son sous-sol.

Afin de consigner de façon précise les heures qu’il effectuait, M. Bentley a conçu, avec un tableur, une feuille de calcul pour chaque année financière de son affectation (pièces G-3, G-4, G-8 et G-9 respectivement). Sur les feuilles de calcul chaque jour est inscrit séparément : on y trouve l’heure à laquelle il a commencé et fini de travailler le jour en question, le nombre réel d’heures effectuées, le total cumulé d’heures travaillées et le total cumulé des heures normales de travail par

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Décision Page 3 semaine, suivant ce qui est prévu par la convention collective (7,5 heures par jour, 37,5 heures par semaine).

La pièce G-3 est la feuille de calcul visant l’exercice 1991-1992; le témoin a déclaré avoir envoyé cette feuille à M. McElrone en avril 1992. M. Bentley lui a envoyé cette feuille, a-t-il dit, pour montrer à M. McElrone le nombre d’heures qu’il travaillait. La pièce indique que M. Bentley a travaillé au total 2 582 heures durant l’exercice en question, et que ses heures de travail normales (basées sur 37,5 heures par semaine), totalisaient 1 890 (pièce G-3, dernière page). Cela signifie qu’il a effectué environ 692 heures supplémentaires au cours de la première année financière de son affectation.

M. Bentley a témoigné qu’il n’avait pas présenté de demande de rémunération d’heures supplémentaires à ce moment-là parce qu’il estimait qu’il aurait l’occasion de prendre congé à une date ultérieure. De plus, il croyait que le nombre excessif d’heures était davantage attribuable aux exigences typiques associées à un nouvel emploi et que celles-ci allaient diminuer avec le temps. Ce n’est toutefois pas ce qui s’est produit.

En contre-interrogatoire, M. Bentley a reconnu la pièce E-2 comme étant une note de service qu’il avait écrite à M. McElrone le 2 juillet 1991, quelque trois mois après le début de son affectation. Dans cette note, il écrit ce qui suit à propos des heures supplémentaires à l’article 11.0 : [Traduction] 11.0) Heures supplémentaires 11.1) Il me faudra vraisemblablement faire beaucoup d’heures supplémentaires en raison de deux clients divergents et du fait que les consultants sont éparpillés un peu partout à travers le pays, alors je vous aviserai verbalement si le nombre d’heures devient déraisonnable et afin de faire approuver le nombre normal d’heures supplémentaires. Quel que soit le nombre d’heures rémunérées, il est évident que je ne peux arrêter le flot important de communications qui me parviennent par courrier électronique, par messager et par télécopieur, lesquelles m’obligent à prendre des décisions et à répondre en temps utile, de sorte que je m’attends à souffrir courageusement si Santé Canada décide de ne pas rémunérer certaines des heures supplémentaires.

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Décision Page 4 M. Bentley a témoigné qu’il s’attendait à effectuer un nombre minimal d’heures supplémentaires sans être remboursé et qu’il prévoyait prendre des congés pour compenser. M e Jaworski a signalé que, même au départ, le nombre d’heures supplémentaires était important, et pourtant M. Bentley a choisi de ne pas en demander le paiement. M. Bentley estimait que l’employeur aurait pu réduire les heures supplémentaires sans nécessairement les rémunérer.

La pièce G-4 présente le total des heures de travail effectuées pour l’exercice 1992-1993. M. Bentley soutient que, durant cet exercice, il a effectué 3 044,5 heures, par comparaison au nombre d’heures qu’il aurait normalement effectuées, soit 1 882,5 heures. Cela signifie qu’il a effectué environ 1 162 heures supplémentaires au cours de cet exercice. Le témoin a déclaré qu’il avait à maintes reprises discuté avec M. McElrone des heures excessives qu’il travaillait. Selon M. Bentley, M. McElrone a accepté de lui rémunérer 380 heures supplémentaires pour 1992-1993 et que, par conséquent, M. Bentley a présenté une demande de rémunération en ce sens le 15 février 1993 (pièce G-5). En contre-interrogatoire, M. Bentley a reconnu avoir signé et soumis la demande du 15 février pour 380 heures supplémentaires. Selon M e Jaworski, M. Bentley a consciemment décidé de réduire le nombre d’heures supplémentaires réclamées, mais M. Bentley n’était pas d’accord, affirmant qu’il avait soumis les chiffres en question afin qu’ils coïncident avec le montant d’heures que M. McElrone était prêt à payer.

Selon les heures de travail déclarées pour l’exercice 1993-1994 (pièce G-8), M. Bentley a effectué 2 673,5 heures, correspondant aux heures normales. Autrement dit, le témoin a effectué 828,5 heures supplémentaires. M. Bentley a déclaré que M. McElrone avait accepté de lui rémunérer 307 heures supplémentaires, alors il a soumis une demande pour 307 heures supplémentaires le 4 mars 1994 (pièce G-6). contre-interrogatoire, qu’il avait signé et soumis cette demande.

Selon les totaux des heures supplémentaires inscrits pour l’exercice 1994-1995 (pièce G-9), M. Bentley a effectué 2 857 heures, par comparaison aux 1 860 heures représentant les heures de travail normales. Cela signifie que le témoin a travaillé 997 heures en temps supplémentaire. M. Bentley a témoigné que, puisque M. McElrone avait autorisé le paiement de 310 heures supplémentaires, il avait soumis

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par comparaison aux 1 845 heures M. Bentley a reconnu, en

Décision Page 5 une demande correspondant à ce montant en janvier 1995 (pièce G-7). Le témoin a reconnu, en contre-interrogatoire, qu’il avait signé et soumis cette demande. On a montré au témoin la pièce E-4, une note de service que M. Bentley a écrite à M. McElrone le 6 janvier 1995 pour lui demander le paiement des 310 heures supplémentaires susmentionnées. Dans la lettre, on peut notamment lire ce qui suit : [traduction] « Il n’y aura pas d’autres demandes de rémunération durant le présent exercice. » M. Bentley a affirmé que cela correspondait simplement au nombre maximal d’heures supplémentaires que M. McElrone était disposé à approuver.

M. Bentley a témoigné qu’il était au courant de la disposition sur les heures supplémentaires qui figurait dans la convention collective et que, en fait, à un moment donné au cours de l’affectation il a parlé à M. Randy Dhar, un représentant syndical, à propos de l’excédent d’heures travaillées durant l’affectation et de la possibilité de présenter un grief. M. Dhar lui a répondu, a-t-il dit, que s’il présentait un grief on allait vraisemblablement le retourner à TPSGC et qu’il n’y avait pas de travail pour lui là; alors il serait vraisemblablement licencié. Par conséquent, M. Bentley a déclaré n’avoir rien fait d’autres que soumettre des demandes de rémunération susmentionnée. En contre-interrogatoire, le témoin a déclaré que s’il n’avait pas présenté de grief, c’était parce qu’il voulait conserver son emploi.

Au début de 1995, M. Bentley a fait l’objet d’une vérification de ses frais de déplacement; le vérificateur lui a alors dit qu’il devrait présenter une demande de rémunération des heures supplémentaires qui ne lui avaient pas été payées.

Ainsi, le 27 mai 1995, M. Bentley a présenté une demande de rémunération des heures supplémentaires non payées pour chacun des exercices de son affectation (pièces G-20, G-10, G-11 et G-12). M. Bentley a témoigné que M. McElrone lui a dit, en juin 1995, qu’il ne pourrait se faire rémunérer ses heures supplémentaires et M. Bentley n’a pris aucune autre mesure à ce moment-là. S’il n’a rien fait, c’est parce qu’il avait entendu dire que M. McElrone était sur le point de prendre sa retraite, ce qu’il a effectivement fait en juillet 1995. M. McElrone a été remplacé par M m e Marie Williams; M. Bentley n’a toutefois pris aucune mesure officielle en vue de se faire rémunérer ses heures supplémentaires à ce moment-là. Il a témoigné qu’il croyait toujours que toute mesure en ce sens de sa part allait entraîner la fin de son affectation à Santé Canada.

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Décision En septembre 1995, M. Bentley a reçu de M disant que Santé Canada lui cherchait un remplaçant, et il a accepté de poursuivre l’affectation jusqu’à ce qu’on en ait trouvé un. En novembre 1995, il a retourné à son bureau à TPSGC, et on l’a alors informé qu’il n’y avait pas de travail pour lui et qu’il devrait se chercher un emploi ailleurs.

Le 20 novembre 1995, M. Bentley a écrit à M me Susanne Borup, directrice générale de la région de l’Ontario, TPSGC, et a dressé une liste détaillée des points qui, à son avis, n’avaient pas été réglés. Au point 3.7 de sa lettre, il fait état des heures supplémentaires requises qui ne lui ont pas été payées pendant les années 1991 à 1995 (pièce G-13), il précise qu’on lui doit 79 962 $, soit la différence entre la rémunération qu’on lui a versée et le montant qu’il prétend lui être pour ses heures effectuées. En contre-interrogatoire, M. Bentley a convenu que c’était la première fois qu’il donnait suite par écrit au refus de lui rémunérer ses heures supplémentaires.

M me Borup lui a répondu le 8 février 1996, rejetant cette demande de rémunération d’heures supplémentaires (pièce G-14). M. Bentley a récrit à M 4 mars 1996 (pièce G-15); il a expliqué davantage sa demande de rémunération des heures supplémentaires non payées et il a demandé à M décision. Il n’y a aucune preuve devant moi comme quoi M demande. Entre le 12 avril et le 3 mai 1996, il y a eu un autre échange de correspondance entre M. Bentley et M m remboursement de 6 000 $, soit les frais engagés par le fonctionnaire pour réaménager son sous-sol en bureau (pièces G-16, G-17, G-18 et G-19). M. Rafferty m’a informé que cette réclamation n’était plus en litige. Enfin, le 22 mai 1996, M. Bentley a présenté son grief demandant la rémunération de ses heures supplémentaires.

M me Borup a témoigné que l’employeur subirait un préjudice si la prolongation de délai était autorisée, car TPSGC n’aurait plus accès aux fonds dont il disposait pendant les exercices de 1991 à 1995 s’il était tenu de payer les heures en question. Cependant, elle a reconnu en contre-interrogatoire que si on ordonnait au Ministère de rembourser à un employé des sommes imputables à un exercice antérieur, le Ministère serait obligé de payer.

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Page 6 m e Williams un appel téléphonique lui

m e Borup le me Borup de reconsidérer sa me Borup a répondu à cette e Borup à propos d’une demande de

Décision Page 7 Argumentation du requérant M. Rafferty reconnaît que M. Bentley, à première vue, aurait présenter un grief plus tôt, à savoir en 1992, 1993, 1994 et 1995, au lieu d’attendre en mai 1996 pour le faire. Cependant, l’alinéa 63 b) des Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P. autorise la prorogation d’un délai « selon les modalités que la Commission juge indiquées ».

Après avoir examiné l’affaire Stubbe (dossier de la Commission 149-2-114), M. Rafferty soutient que quatre principes, pouvant s’appliquer en l’espèce, découlent de cette décision, à savoir :

1. Dans les circonstances, le retard qu’a mis M. Bentley a présenté son grief n’était pas déraisonnable.

2. Il y avait des raisons valables et légitimes pour le retard. 3. L’employeur ne subirait pas un préjudice important si la prolongation était accordée.

4. M. Bentley a fait preuve d’une diligence raisonnable dans les circonstances. En ce qui concerne les premier et deuxième points, l’importance et les raisons du retard, M. Rafferty fait valoir que M. Bentley se trouvait dans une situation très vulnérable pendant son affectation à Santé Canada. Il devait s’en tenir au budget qui lui était alloué, mais il devait tout de même accomplir toutes les tâches nécessaires. En dépit des discussions qu’il a eues avec M. McElrone en vue de trouver un moyen de contenir les longues heures supplémentaires, rien n’a été fait pour réduire ces heures ni pour les rémunérer. M. Bentley savait que s’il faisait valoir ses droits on allait presque certainement mettre fin à son affectation et le retourner à TPSGC, alors il a essayé de trouver un équilibre entre l’affirmation de ses droits et la préservation de son emploi. Ce n’est que lorsque son affectation à Santé Canada a pris fin qu’il a jugé pouvoir réclamer le remboursement des sommes qui lui étaient dues. Même alors, cela n’a pas donné lieu au dépôt d’un grief.

Le fonctionnaire a choisi d’écrire à M m e Susanne Borup, et, de soutenir M. Rafferty, ce n’est que lorsque M m e Borup a refusé définitivement de rembourser à Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 8 M. Bentley une partie quelconque des sommes qui lui étaient dues que ce dernier a choisi de déposer un grief. En fait, c’est la lettre datée du 3 mai 1996 (pièce G-19) de M me Borup qui devrait être considérée comme l’élément déclencheur pour le grief du 22 mai 1996.

M. Rafferty fait en outre valoir que la vérification des frais de déplacement dont M. Bentley a fait l’objet a incité ce dernier à aller de l’avant et à réclamer le paiement de ces heures supplémentaires. Le vérificateur, souligne-t-il, a recommandé à M. Bentley de demander le paiement de ses heures supplémentaires, et M. Bentley s’est servi de cette recommandation, pour ainsi dire, comme « tremplin » pour soulever de nouveau la question.

Selon M. Rafferty, ces faits indiquent que l’importance du retard n’est pas, dans les circonstances, déraisonnable. En outre, il y avait des raisons valables et légitimes pour le retard.

Le troisième point que soulève M. Rafferty concerne le préjudice qui serait fait à l’employeur si la prolongation était accordée. Comme il existe des documents écrits confirmant les heures que M. Bentley a travaillées, M. Rafferty soutient que tout préjudice que subirait l’employeur serait minime. De plus, bien que la somme en cause soit importante pour M. Bentley, il s’agit d’un montant qui incommoderait relativement peu l’employeur.

Enfin, M. Rafferty soulève la question de la diligence raisonnable. Le représentant fait remarquer que M. Bentley ne s’est pas simplement « assis sur ses droits ». Le fonctionnaire a soulevé la question de ces longues heures de travail à maintes occasions avec M. McElrone. De plus, M. Bentley a produit des états étayant les longues heures qu’il avait travaillées, tout en cherchant, en même temps, à éviter de « faire des vagues », pour ainsi dire. M. Rafferty soutient que c’est immédiatement à son retour à TPSGC que M. Bentley a fait valoir sa demande de rémunération.

Pour ces motifs, M. Rafferty me demande d’exercer le pouvoir discrétionnaire qui m’est conféré et d’accorder la prolongation de délai.

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Décision Page 9 Subsidiairement, M. Rafferty affirme que le grief a été présenté dans les délais prescrits puisque à la date de son dépôt, le 22 mai 1996, il ne s’était pas écoulé encore 25 jours depuis le refus définitif de remboursement de la part de M me Borup. Argumentation de l’employeur M e Jaworski commence en examinant la clause 35.09 de la convention collective et affirme que, dans la mesure du possible, la convention collective devrait être respectée. Le délai prévu à la clause 35.09 a été négocié et on ne devrait pas y passer outre à la légère. Comme M. Bentley savait très tôt dans son affectation qu’il effectuait un nombre excessif d’heures de travail, c’est à ce moment-là qu’il aurait en réclamer le paiement. Il ne l’a pas fait, et il a plutôt accepté le nombre d’heures offert par M. McElrone comme étant acceptable.

À cet égard, l’avocat me renvoie à une décision rendue dans Wilson (dossiers de la Commission 166-2-27330 et 149-2-165) par le président suppléant (tel était alors son titre) P. Chodos. À la page 7, il a écrit : [...] il incombe au demandeur de fournir des raisons convaincantes pour justifier le retard et d’expliquer pourquoi il ne devrait pas assumer les conséquences de son défaut de respecter les délais prévus dans la convention collective pertinente. Il faut bien comprendre que la Commission ne décidera pas à la légère d’annuler des délais dûment négociés et qu’elle ne le fera en fait uniquement si l’application des délais « entraîne une injustice » [...]

Selon M e Jaworski, les circonstances entourant la demande qu’a présentée M. Bentley pour faire prolonger le délai ne satisfont pas aux critères ci-dessus, et la demande devrait donc être rejetée.

M. Bentley a choisi de « s’asseoir sur ses droits » et, compte tenu de la somme d’argent importante demandée, M e Jaworski soutient qu’il était dans l’intérêt de M. Bentley d’agir sans tarder. Il ne l’a pas fait, choisissant plutôt d’accepter le règlement offert par M. McElrone. Il ne s’agit pas d’une preuve de diligence : le fonctionnaire a consciemment décidé d’accepter la rémunération offerte par M. McElrone. Il a même soulevé la question des heures excessives avec un dirigeant syndical tôt dans son affectation et, malgré cela, il a choisi de ne pas présenter de grief. Il était purement hypothétique de sa part de supposer qu’il allait perdre son

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Décision Page 10 emploi s’il faisait valoir sa demande, et les faits montrent qu’il a choisi de ne pas déposer de grief à l’époque pertinente.

En ce qui concerne le préjudice, M e Jaworski maintient qu’il incombait au requérant de montrer qu’une prolongation du délai ne pouvait être préjudiciable à l’employeur, ce qu’il n’a pas fait. En fait, il y aurait effectivement préjudice en l’occurrence, puisque les budgets des années en question ont tous été finalisés et qu’il est impossible d’avoir accès aux fonds.

M e Jaworski me renvoie en outre à la décision rendue dans Coallier (dossier de la Commission 166-8-13465; et dossier de la Cour fédérale A-405-83).

Décision J’examinerai d’abord l’argument subsidiaire avancé par M. Rafferty, à savoir que la lettre signée par M me Borup le 3 mai 1996 (pièce G-19) soit considérée comme le fait déclencheur pour le dépôt du grief du 22 mai, ce qui ferait que ce dernier aurait été déposé dans les délais prescrits. Selon la preuve, je ne puis accepter cet argument.

La lettre du 3 mai 1996 porte exclusivement sur la demande que M. Bentley a présentée en vue de se faire rembourser les quelques 6 000 $ qu’il avait dépensés afin d’aménager un bureau dans son sous-sol. Je ne puis souscrire au point de vue selon lequel le grief du 22 mai 1996 aurait été déposé dans les délais prescrits compte tenu de la lettre de M me Borup, puisque cette lettre ne portait aucunement sur la question des heures supplémentaires. Il s’agit de deux questions tout à fait distinctes.

En me basant sur les faits présentés par les deux parties, je dois également rejeter la demande de prolongation du délai en vertu de l’article 63 des Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P..

Dans Wilson (supra), à la page 7, le président suppléant Chodos a fait les observations suivantes, que j’estime applicables en l’espèce : [...] Un facteur important dont elle tient compte [afin de déterminer si elle accordera ou non une prolongation de délai] est l’importance du retard; elle détermine aussi si le fonctionnaire s’estimant lésé a en tout temps fait preuve de diligence.

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Décision Page 11 Je suis d’accord avec M e Jaworski que, en l’occurrence, M. Bentley n’a pas fait preuve de diligence raisonnable. Les faits montrent clairement que, tôt dans son affectation, M. Bentley était conscient qu’il travaillait de longues journées (voir la pièce G-3). Le 2 juillet 1991, M. Bentley a écrit à M. McElrone pour lui dire qu’il allait de toute évidence effectuer un nombre important d’heures supplémentaires (pièce E-2, page 3). Plus loin il a déclaré : [traduction] « Quel que soit le nombre d’heures rémunérées, il est évident que je ne peux arrêter le flot important de communications qui me parviennent par courrier électronique, par messager et par télécopieur, lesquelles m’obligent à prendre des décisions et à répondre en temps utile, de sorte que je m’attends à souffrir courageusement si Santé Canada décide de ne pas rémunérer certaines des heures supplémentaires. ». À la fin du premier exercice, les dossiers de M. Bentley indiquaient qu’il avait travaillé près de 700 heures supplémentaires (voir la dernière page de la pièce G-3).

Pour au moins le premier exercice, la preuve montre que M. Bentley a choisi de ne pas réclamer la rémunération du nombre réel d’heures supplémentaires qu’il avaient effectuées. Il ne pouvait « s’asseoir sur ses droits », pour ainsi dire, et déposer un grief concernant le non-paiement d’heures supplémentaires quelque cinq années plus tard.

Bien que la preuve indique que M. Bentley était prêt à renoncer à la rémunération de certaines des heures supplémentaires qu’il avait effectuées durant la première année, cela ne signifiait pas qu’il n’allait pas demander le paiement de temps supplémentaire dans les années subséquentes, ni qu’il n’avait pas droit à une telle rémunération. Le fait que M. Bentley a choisi de ne pas réclamer de temps supplémentaire au départ ne signifie pas, à mon avis, qu’il était prêt à renoncer au paiement de toutes ses heures supplémentaires à l’avenir. J’estime qu’il est nécessaire d’examiner les circonstances de chaque exercice afin de répondre à la demande de prolongation des délais. Ma conclusion selon laquelle M. Bentley a renoncé à la rémunération de ses heures supplémentaires seulement pour le premier exercice est renforcé par le fait qu’il a effectivement demandé qu’on lui paie ses heures supplémentaires les années subséquentes.

Au cours du deuxième exercice de son affectation, M. Bentley a demandé la rémunération de 380 heures supplémentaires (pièce G-5). Si la preuve confirme qu’il a

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Décision Page 12 effectivement demandé la rémunération de 380 heures supplémentaires, M. Bentley affirme qu’il a effectué beaucoup plus d’heures supplémentaires que cela (voir la pièce G-4). Il n’y a tout simplement aucune preuve confirmant qu’il n’aurait pas accepté ce montant à ce moment-là. On peut en dire autant pour l’exercice 1993-1994, lorsqu’il a réclamé le paiement de quelque 307 heures supplémentaires (voir la pièce G-6). Le 28 janvier 1995, M. Bentley a demandé qu’on lui paie 310 heures supplémentaires pour l’exercice 1994-1995 (pièce G-7).

Ainsi, jusqu’au 28 janvier 1995, toutes les demandes écrites de rémunération d’heures supplémentaires soumises par M. Bentley ont été traitées telles quelles. Bien qu’il eût parlé à un dirigeant syndical, M. Randy Dhar, ainsi qu’à son superviseur, M. McElrone, à propos de ses longues heures, toutes ces demandes écrites de paiement ont été traitées telles qu’il les avait soumises. En fait, dans une note de service datée du 6 janvier 1995 qu’il a adressée à M. McElrone, M. Bentley fait remarquer, à propos des 310 heures supplémentaires dont il réclamait le paiement, qu’il n’y aurait plus de réclamation durant l’exercice en question (voir la pièce E-4). La preuve montre que M. Bentley savait qu’il effectuait plus d’heures supplémentaires que le nombre qu’il demandait qu’on lui paie.

À mon avis, la preuve indique que, jusqu’au mois de janvier 1995 à tout le moins, M. Bentley a accepté la rémunération qu’on lui avait accordée pour ses heures supplémentaires. Cependant, à une date ultérieure, il a changé d’idée et a demandé qu’on le rémunère pour les heures impayées. Selon la preuve, il aurait pris cette décision le 27 mai 1995 (voir les pièces G-10, G-11, G-12 et G-20). M. Bentley a témoigné avoir envoyé ces demandes directement à M. McElrone. À ce moment-là, M. Bentley était toujours détaché auprès de Santé Canada; par conséquent, il est donc raisonnable de supposer, à mon avis, qu’après le 27 mai 1995 Santé Canada a été mis au courant du fait que M. Bentley demandait la rémunération des heures supplémentaires qu’il avait effectuées.

M. McElrone a informé M. Bentley que l’employeur n’allait pas lui payer les heures en question. M. Bentley était donc certainement au courant, selon son témoignage, que M. McElrone n’allait pas payer les heures supplémentaires; il a témoigné que cette conversation avait eu lieu vers le mois de juin 1995.

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Décision Page 13 Je remarque que les dossiers de M. Bentley indiquent que le dernier jour il a effectué des heures supplémentaires était le 31 mars 1995 (pièce G-9), bien que M. Bentley ait témoigné être demeuré en poste à Santé Canada jusqu’à son retour à TPSGC, en novembre 1995. Par conséquent, lorsqu’il a demandé la rémunération de ses heures supplémentaires impayées le 27 mai 1995, et qu’en juin 1995 M. McElrone lui a répondu qu’on n'allait pas lui payer ces heures, il aurait pu déposer un grief à ce moment-là concernant une partie tout au moins des heures supplémentaires, s’il avait voulu le faire. Il a témoigné n’avoir rien fait avant son retour à TPSGC, en novembre 1995. Le 20 novembre 1995, il a demandé à M me Borup la rémunération des heures supplémentaires en question. En février 1996, il a reçu de M m e Borup une réponse écrite lui confirmant que l’employeur n’allait pas lui payer les heures supplémentaires (voir la page 2 de la pièce G-14). Ici encore, il a choisi de ne pas présenter de grief à ce moment-là, et il a plutôt attendu jusqu’en mai 1996 pour le faire.

Au bout du compte, je conclus qu’il n’y a aucune raison convaincante qui m’inciterait à invoquer les dispositions de l’article 63 des Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P. Les délais prescrits à la clause 35.09 de la convention collective ont été négociés par les parties elles-mêmes et ne devraient pas être annulés à la légère.

La demande de prolongation de délai est donc rejetée.

Joseph W. Potter, commissaire

OTTAWA, le 9 juin 1998. Traduction certifiée conforme

Serge Lareau Commission des relations de travail dans la fonction publique

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