Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Pratique déloyale de travail - Négociation de mauvaise foi - Demande fondée sur l'article 21 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) alléguant la violation de l'article 51 de la LRTFP - Interprétation - Signification du mot « mandants » - les représentants de l'employeur et de l'agent négociateur ont conclu une entente prévoyant de recommander l'approbation d'une convention collective provisoire à leurs « mandants » - le négociateur en chef de l'agent négociateur a indiqué à ce moment-là qu'il allait devoir présenter la convention collective provisoire à la direction de son syndicat - selon l'interprétation du négociateur en chef de l'employeur, l'entente provisoire prévoyait que l'équipe de négociation de l'agent négociateur s'engageait à recommander la ratification de la convention collective provisoire par l'ensemble des membres du syndicat - l'équipe de négociation de l'agent négociateur a recommandé la ratification de la convention collective provisoire à la direction du syndicat, laquelle a décidé de ne pas recommander à ses membres de la ratifier - l'employeur a allégué que l'agent négociateur n'avait pas négocié de bonne foi - la Commission a conclu que l'employeur n'avait pas prouvé que l'agent négociateur avait contrevenu aux dispositions de la LRTFP concernant l'obligation de négocier de bonne foi - la preuve a démontré qu'il y avait clairement eu malentendu au sujet du mot « mandants », qui n'avait pas été défini - compte tenu de sa thèse, l'employeur aurait dû préciser que la convention collective provisoire comportait l'obligation d'en recommander la ratification par les membres du syndicat - de même, l'agent négociateur aurait dû exiger de son côté que le mot « mandants » soit remplacé par l'expression « comité de direction ». Demande rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2000-04-20
  • Dossier:  148-2-369
  • Référence:  2000 CRTFP 38

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

LE CONSEIL DU TRÉSOR DU CANADA

requérant

et

L'ASSOCIATION PROFESSIONNELLE DES AGENTS DU SERVICE EXTÉRIEUR

défendeur

AFFAIRE : Demande fondée sur l'article 21 - Allégation de contravention de l'article 51 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Devant :  Yvon Tarte, président

Pour le requérant :  Harvey Newman, avocat

Pour le défendeur :  James L. Shields, avocat


Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 24 mars 2000.

[1]   Le 25 février 2000, le Conseil du Trésor (CT) a déposé une demande fondée sur l'article 21 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) dans laquelle il allègue que l'Association professionnelle des agents du service extérieur (APASE) n'a pas entamé de bonne foi des négociations collectives et n'a pas fait tout effort raisonnable pour conclure une convention collective comme l'exige l'article 51 de la LRTFP.

[2]   La présente demande porte sur les modalités du protocole d'entente signé par les parties le 11 février 2000 à la suite de négociations amorcées le 18 août 1999 dans le but de renouveler la convention collective du groupe Service extérieur.

LA PREUVE

Pour le requérant

[3]   M. Dennis Duggan, conseiller en relations du travail au CT, était le négociateur en chef du CT, et M. Ian MacKenzie, le négociateur en chef de l'APASE.

[4]   Les parties se sont rencontrées pour négocier collectivement en août, novembre et décembre 1999, puis les négociations ont été rompues. L'APASE a demandé à la CRTFP de nommer un conciliateur afin d'aider les parties à poursuivre leurs négociations.

[5]   À la demande des deux parties, M. Norm Bernstein a été nommé à titre de médiateur entre le CT et l'APASE. Il a rencontré les parties les 10 et 11 février 2000, rencontres qui ont débouché sur la signature d'une entente provisoire.

[6]   M. Bernstein a d'abord rencontré les deux parties ensemble brièvement le 10 février. Chaque partie s'est ensuite réunie dans une salle distincte. Après une journée et demie de médiation en passant d'une salle à l'autre, M. Bernstein a annoncé aux représentants de l'employeur qu'il y avait entente.

[7]   M. Duggan s'est alors mis à rédiger l'entente provisoire en s'inspirant d'une formule type. Ce travail a été exécuté dans la salle de réunion principale sans le concours de l'équipe de négociation de l'APASE.

[8]   M. MacKenzie est entré dans la salle où M. Duggan était en train de rédiger l'entente provisoire. Il lui a dit, ainsi qu'à M. Bernstein, que l'entente provisoire allait devoir être « présentée » à la direction du syndicat étant donné qu'elle ne reflétait pas le mandat que l'équipe de négociation avait reçu.

[9]   M. Duggan ne s'est pas souvenu d'avoir discuté avec M. Bernstein ou avec quie que ce soit au sein de l'équipe de négociation de l'APASE de la signification du mot « mandants » dans l'entente provisoire. Selon son interprétation, celle–ci prévoyait que l'équipe de négociation de l'APASE s'engageait à en recommander la ratification par l'ensemble des membres du syndicat.

[10]   Une cérémonie de signature a eu lieu en présence des deux équipes de négociateurs sans autre discussion. Quelques jours plus tard, la direction de l'APASE a envoyé une lettre aux membres du syndicat leur indiquant qu'elle ne pouvait pas leur recommander de ratifier l'entente provisoire (voir l'Appendice B de la demande du CT).

Pour l'agent négociateur

[11]   M. Dan George est président de l'APASE depuis le 21 octobre 1999. Il a témoigné au nom de l'agent négociateur.

[12]   Les faits qui ont mené aux événements du 11 février ne sont pas contestés. Selon M. George, M. Bernstein a annoncé à l'équipe de négociation de l'APASE, l'après–midi du 11 février, qu'il avait une « offre » et que c'était le mieux que pouvait faire l'employeur.

[13]   Après avoir discuté de l'offre en l'absence du conciliateur, les représentants de l'APASE ont rappelé M. Bernstein. La proposition de l'employeur étant loin de refléter le mandat qui leur avait été confié, ils lui ont demandé de prolonger la médiation d'une journée afin de leur permettre de consulter leur direction.

[14]   M. Bernstein a répondu que c'était impossible et que l'employeur retirerait son offre si elle n'était pas acceptée alors. L'équipe de l'APASE a donc décidé d'accepter l'entente provisoire [traduction] « afin de la garder sur la table et de la recommander à sa direction ».

[15]   Les parties se sont ensuite réunies en présence de M. Bernstein pour signer l'entente provisoire. M. George a déclaré avoir tenu pour acquis, lecture faite de l'entente, que l'équipe était d'accord pour recommander à la direction du syndicat de l'approuver, et il l'a dit à ce moment–là sans toutefois adresser sa remarque à qui que ce soit en particulier. Le lundi 14 février 2000, l'équipe de négociation de l'APASE a recommandé à la direction d'approuver l'entente provisoire.

[16]   La direction de l'APASE a rejeté cette recommandation et a décidé de ne pas recommander aux membres de ratifier l'entente provisoire.

ARGUMENTATION

Pour le requérant

[17]   L'obligation de négocier de bonne foi est au cour même de la négociation collective. Les allégations de mauvaise foi ne sont jamais faites à la légère. Malheureusement, en l'espèce, le CT n'a pas eu le choix.

[18]   La situation ressemble à l'affaire opposant l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) et le CT (dossier de la Commission 148–2–143) où le mot « mandants » a été interprété comme signifiant les membres.

[19]   S'il y avait malentendu ou doute de la part de l'équipe de l'APASE quant à la signification du mot « mandants », M. George aurait dû le mentionner lors des discussions.

[20]   L'équipe de l'APASE savait qu'elle avait convenu de recommander la ratification de l'entente aux membres, mais elle n'a jamais eu le courage de le faire. En fait, elle a fait le contraire et leur a recommandé de ne pas la ratifier.

[21]   Négocier de bonne foi comporte l'obligation de soumettre une entente provisoire à un vote de ratification par les membres, que ce soit précisé ou non dans le document.

[22]   Par conséquent, le requérant demande à la Commission de déclarer que l'APASE n'a pas négocié de bonne foi et d'ordonner la tenue d'un deuxième scrutin de ratification assorti de la recommandation par l'équipe de négociation de l'APASE que l'entente provisoire soit ratifiée par les membres.

Pour l'agent négociateur

[23]   L'APASE voit la situation sous un angle très différent. Dès le début, M. MacKenzie a indiqué à M. Duggan que l'entente devait être présentée à la direction du syndicat étant donné qu'elle était loin de refléter le mandat que l'équipe avait reçu.

[24]   La situation à laquelle nous sommes confrontés en l'espèce diffère nettement de l'affaire de l'AFPC, où le mot « ratification » a été employé dans le protocole d'entente et où les parties s'étaient entendues sur la signification du mot « mandants ».

[25]   Tout démontre l'existence d'un malentendu entre les parties en l'espèce. L'équipe de l'APASE croyait honnêtement que l'entente provisoire qu'elle venait de signer l'obligeait uniquement à en recommander l'approbation par son comité de direction.

[26]   L'équipe de l'APASE n'ayant pas rédigé l'entente provisoire, tout malentendu devrait, par conséquent, être interprété en sa faveur. M. George a fait de son mieux pour attirer l'attention sur cette question. Il n'a peut–être pas très bien réussi, mais cela ne constitue pas une contravention de l'article 50 de la LRTFP. Pour qu'il y ait négociation de mauvaise foi, il faut qu'il existe une intention ou une tromperie, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

MOTIFS DE DÉCISION

[27]   La négociation de bonne foi est au cour du processus de négociation collective enchâssé dans la LRTFP. Des allégations de manquement à cette obligation très importante sont très graves et ne peuvent être prises à la légère.

[28]   Le fardeau en l'espèce incombait au requérant, et force m'est de conclure, vu les éléments de preuve, que l'allégation selon laquelle l'APASE avait négocié de mauvaise foi n'a pas été prouvée.

[29]   La preuve indique qu'il y a clairement eu malentendu au sujet de ce qui avait été convenu. Les représentants du requérant et de l'agent négociateur se sont mal compris, semble–t–il, quand ils ont conclu leur entente provisoire le 11 février 2000.

[30]   Cette situation malheureuse, qui ne favorise assurément pas l'instauration d'un climat de confiance et de respect entre les parties, aurait facilement pu être évitée par l'emploi de termes clairs et simples. Les parties à une entente doivent faire tout leur possible pour que le libellé employé dans l'accord contractuel n'entraîne pas de malentendu.

[31]   Le mot « mandants » dans le contexte de la négociation collective à la fonction publique fédérale ne veut pas dire grand–chose s'il n'est pas défini. En l'espèce, le requérant, compte tenu de sa thèse, aurait dû préciser que l'entente comportait l'obligation d'en recommander la ratification par les membres du syndicat, tandis que l'APASE aurait dû exiger que le mot « mandants » soit remplacé par l'expression « comité de direction »

[32]   Vu ce qui précède, la demande est rejetée.

Yvon Tarte
président

OTTAWA, le 20 avril 2000.

Traduction certifiée conforme
Serge Lareau

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