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Informations sur la décision

Résumé :

Pratique déloyale de travail - Plainte fondée sur l'alinéa 23(1) a) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) alléguant une violation du paragraphe 10(2) de la LRTFP - Devoir de représentation juste - Défaut de présenter un grief au nom du plaignant - Mauvaise foi - le plaignant a demandé à son agent négociateur de présenter un grief en son nom en vue de contester la décision de l'employeur de ne pas déclarer son poste excédentaire aux termes de la Directive sur le réaménagement des effectifs - l'agent négociateur a d'abord informé le plaignant qu'il le représenterait aux premier et deuxième paliers de la procédure de règlement des griefs - l'agent négociateur a par la suite changé d'idée et a offert plutôt de représenter le plaignant selon le mode substitutif de règlement des conflits - le plaignant a rejeté cette offre - le plaignant a soutenu que l'agent négociateur avait agi de mauvaise foi - l'agent négociateur a répondu que le grief que voulait présenter le plaignant était contraire aux intérêts de l'ensemble des membres de l'unité de négociation - l'agent négociateur a rappelé à la Commission qu'il avait proposé au plaignant de se prévaloir du mode substitutif de règlement des conflits - la Commission a conclu que les fonctionnaires n'ont pas un droit absolu à la représentation par leur agent négociateur dans le cadre de la procédure de règlement des griefs - les agents négociateurs ont, toutefois, l'obligation de ne pas agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi - d'après la preuve présentée à la Commission, l'agent négociateur n'a pas agi de mauvaise foi - il n'y a pas eu d'allégation d'agissement arbitraire ou discriminatoire. Plainte rejetée. Décision citée : Jacques (161-2-731).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

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  • Date:  2000-06-27
  • Dossier:  161-2-1119
  • Référence:  2000 CRTFP 61

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

PETE RICHARD

plaignant

et

L'ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défenderesse

AFFAIRE : Plainte fondée sur l'article 23 de la
Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Devant :  Joseph W. Potter, président suppléant

Pour le plaignant :  Lui-même

Pour la défenderesse :  Edith Bramwell, Alliance de la Fonction publique du Canada


Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 25 mai 2000.

[1]   M. Pete Richard a déposé une plainte fondée sur l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.T.F.P.). Il allègue que son agent négociateur, l'Alliance de la Fonction publique du Canada (Alliance), a agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en refusant de le représenter dans le cadre de la procédure de règlement des griefs.

[2]   Le plaignant prétend que le refus de l'Alliance de le représenter enfreint l'article 10 de la L.R.T.F.P.. Il demande à la Commission d'ordonner à l'Alliance de le représenter dans le cadre de la procédure de règlement des griefs.

[3]   Mme Elaine Massie a témoigné au nom de l'Alliance; le plaignant a présenté des documents à l'appui de sa plainte (pièces C–1(A) à (N) et C–2).

Contexte

[4]   M. Richard a présenté son argumentation sous forme de preuve documentaire. Sa plainte est exposée dans une lettre (pièce C–1(A)) qu'il a adressée à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (Commission).

[5]   Le 9 novembre 1999, M. Richard a envoyé un courriel à Mme Massie, la représentante de l'Alliance, lui demandant de présenter un grief à son employeur avant le 20 novembre; il voulait que son poste soit déclaré excédentaire (pièce C–1(B)).

[6]   Mme Massie a suggéré d'opter pour le processus de règlement anticipé des conflits, mais le plaignant a rejeté cette suggestion (pièce C–1(F)). Ce dernier a de nouveau demandé à l'Alliance de présenter un grief en son nom (pièce C–1(A)). Mme Massie lui a dit que M. Dave Comba, vice–président régional de l'Élément de l'Environnement pour l'Alliance, dont faisait partie M. Richard, le représenterait aux premier et deuxième paliers de la procédure de règlement des griefs. Elle a précisé que, si le grief n'était pas réglé à l'un ou l'autre de ces paliers, le Bureau national déterminerait s'il y avait lieu ou non de le présenter au palier suivant.

[7]   Mme Massie a également affirmé qu'elle avait discuté avec le plaignant de plusieurs autres points que celui–ci voulait inclure dans son grief, mais dont aucun ne relevait de la convention collective.

[8]   M. Richard a déclaré à l'audience que sa plainte portait essentiellement sur le refus de l'Alliance de le représenter dans ses démarches pour que son poste soit déclaré excédentaire.

[9]   Le 12 novembre 1999, ou aux environs de cette date, Mme Massie ainsi que M. Bill Pynn, président national de l'Élément de l'Environnement pour l'Alliance, ont indiqué à M. Richard qu'il ne serait pas dans le meilleur intérêt de l'Alliance de le représenter relativement à son grief et que l'Alliance ne le représenterait pas au troisième palier de la procédure (pièce C–1(H)).

[10]   M. Richard a avisé l'Alliance qu'il déposerait une plainte si celle-ci refusait de le représenter.

[11]   Mme Massie a déclaré que c'était elle, à titre d'agente de l'Alliance, qui avait décidé que l'Alliance ne devait pas offrir au plaignant de le représenter au–delà du deuxième palier de la procédure.

[12]   M. Richard voulait que l'Alliance entreprenne des démarches pour faire déclarer son poste excédentaire. Mme Massie a affirmé avoir conclu, après avoir effectué des recherches, que la décision de déclarer un poste excédentaire relevait de l'administrateur général. Aucune disposition de la convention collective n'avait donc été enfreinte.

[13]   La décision de ne pas représenter M. Richard était en partie fondée sur la jurisprudence. Un seul cas semblable à celui du plaignant s'était rendu jusqu'au Conseil national mixte (Conseil), et le grief avait été rejeté. Le 12 novembre, Mme Massie a envoyé une copie de la décision du Conseil à M. Richard (pièce G–2).

[14]   Le 15 novembre, M. Richard a de nouveau demandé à Mme Massie de présenter un grief en son nom (pièce C–1(A)).

[15]   Étant donné que Mme Massie n'avait pu trouver de disposition de la convention collective qui aurait pu avoir été violée, elle a recommandé à l'Alliance de ne pas poursuivre le grief.

[16]   M. Comba s'est occupé du dossier du plaignant (pièce G–3) à partir de ce moment–là.

[17]   Le 15 novembre, le plaignant a envoyé un courriel à Mme Massie dans lequel il demandait encore une fois à l'Alliance de présenter un grief. Il a affirmé ce qui suit : [traduction] « […] même si ces questions ne relèvent pas de la convention collective, un fonctionnaire a droit à la représentation aux termes de la L.R.T.F.P. […] » (voir pièce G–4).

[18]   Le 19 novembre, M. Comba a avisé M. Richard qu'il serait préférable d'opter pour le mode substitutif de règlement des conflits, mais qu'il l'aiderait à rédiger son grief s'il voulait absolument en présenter un (pièce C–1(J)).

[19]   Le même jour, le plaignant a répondu qu'il voulait présenter un grief (pièce C–1(J)).

[20]   Le 14 décembre, après avoir rencontré l'employeur, M. Comba a avisé M. Richard que l'employeur refusait de déclarer son poste excédentaire. Le plaignant a de nouveau demandé qu'on présente un grief (pièce C–1(K)).

[21]   Le 16 décembre, M. Comba a expliqué au plaignant qu'il avait des doutes au sujet de la présentation du grief et qu'il n'était pas disposé à aller plus loin. Quant à lui, le dossier était clos (pièce C–1(L)).

[22]   Le plaignant estimait que la question de savoir si son grief allait être admis ou non à l'arbitrage n'était pas une raison valable pour refuser de le représenter, et il a donc déposé la présente plainte.

Plaidoiries

Pour le plaignant

[23]   L'Alliance a suggéré de recourir au mode substitutif de règlement et a refusé d'aider le plaignant à présenter un grief.

[24]   Initialement, l'Alliance a indiqué qu'elle aiderait M. Richard jusqu'au troisième palier de la procédure de règlement des griefs. Ensuite, elle a dit qu'elle l'aiderait jusqu'au premier palier seulement, puis qu'elle ne l'aiderait pas du tout.

[25]   Le plaignant voulait présenter un grief au sujet de la Directive sur le réaménagement des effectifs, laquelle fait partie de la convention collective.

[26]   L'agent négociateur doit appuyer un membre qui désire contester par voie de grief toute question liée à la convention collective.

[27]   Refuser d'aider un membre témoigne de la mauvaise foi du syndicat. Le refus ne doit pas être fondé sur la question de savoir si l'agent négociateur aura gain de cause ou non à l'arbitrage.

Pour la défenderesse

[28]   La preuve indique que le plaignant a demandé à plusieurs reprises qu'on le représente et que toutes ses demandes ont été rejetées.

[29]   Il n'y a aucune indication de mauvaise foi de la part de l'Alliance. Celle–ci a consacré beaucoup d'énergie et de ressources à tenter de trouver une solution. Il en va de l'intérêt légitime de l'agent négociateur de chercher à établir un équilibre entre les besoins des membres en général et ceux d'un membre en particulier.

[30]   Le fonctionnaire n'a pas un droit absolu à la représentation (voir, par exemple, l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans La Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon et autre, [1984] 1 R.C.S. 509).

[31]   Le plaignant voulait que son poste soit déclaré excédentaire. L'agent négociateur n'avait pas l'habitude de promouvoir l'abolition de postes. Il voulait en fait s'assurer de conserver le plus grand nombre possible de postes. Il avait des raisons légitimes pour ne pas appuyer le grief.

[32]   On a effectué des recherches au sujet de la question que le plaignant voulait contester par voie de grief et, de l'avis de l'agente syndicale, la convention collective n'avait pas été violée. Le plaignant semble être d'accord avec cette conclusion d'après la pièce G-4. Il estime malgré tout avoir droit à la représentation en tout temps.

[33]   Aucune preuve n'indique que l'agent négociateur a agi de mauvaise foi. Celui–ci a offert de régler le problème du plaignant par d'autres moyens, mais ce dernier les a tous rejetés.

[34]   Les affaires suivantes sont pertinentes : Feldsted et autres (dossiers de la Commission 148–2–252 et 253; 161–2–813 à 816; 161–2–819, 820, 822 à 824); Downer (dossiers de la Commission 161–2–846 à 848); et Tucci (dossier de la Commission 161–2–840).

Motifs de la décision

[35]   L'alinéa 23(1)a) et le paragraphe 10(2) de la L.R.T.F.P., reproduits ci–dessous, s'appliquent en l'espèce :

23.(1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle l'employeur ou une organisation syndicale ou une personne agissant pour le compte de celui-là ou de celle-ci n'a pas, selon le cas :

a) observé les interdictions énoncées aux articles 8, 9 ou 10;

[. . .]

10.(2) Il est interdit à l'organisation syndicale, ainsi qu'à ses représentants, d'agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation des fonctionnaires qui font partie de l'unité dont elle est l'agent négociateur.

[36]   Dans l'affaire Jacques (dossier de la Commission 161–2–731), à la page 20, la Commission déclare ce qui suit :

Dans la Guilde de la marine marchande du Canada c. Guy Gagnon et al. [1984] 1 R.C.S. 509, la Cour suprême du Canada discute de la responsabilité syndicale de représenter ses membres. Il en ressort que bien qu'il existe un devoir de représentation face à ses membres, le salarié n'a pas un droit absolu à l'arbitrage et le syndicat jouit d'une discrétion appréciable. La Cour suprême du Canada établit toutefois que la discrétion dont jouit le syndicat doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du dossier, tout en tenant compte de l'importance du grief et des conséquences pour le salarié et les intérêts légitimes du syndicat d'autre part. Dans toute circonstance la décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire ou abusive.

[37]   Comme on peut le lire ci–dessus, les fonctionnaires n'ont pas un droit absolu à la représentation par leur agent négociateur. Ce dernier a toutefois l'obligation de ne pas agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi lorsqu'il décide de les représenter ou non. Par conséquent, en l'absence de preuve indiquant qu'un de ces éléments existe, l'agent négociateur jouit d'une grande latitude pour déterminer la façon dont il peut le mieux représenter l'ensemble des membres.

[38]   En l'espèce, on ne m'a présenté absolument aucun élément de preuve démontrant la mauvaise foi. L'Alliance a examiné le bien–fondé de l'affaire et a déterminé que la convention collective n'avait pas été violée. En outre, elle ne pouvait appuyer une demande d'aide pour obtenir qu'un poste soit déclaré excédentaire puisqu'elle estimait que ce n'était pas dans l'intérêt des membres en général. Elle a proposé au plaignant de se prévaloir du mode substitutif de règlement des conflits, mais celui–ci a trouvé cette suggestion inacceptable. Le plaignant n'a pas allégué que l'Alliance avait agi de manière arbitraire ou discriminatoire.

[39]   Compte tenu de ce qui précède, la plainte de M. Richard doit être rejetée.

Joseph W. Potter,
président suppléant

OTTAWA, le 27 juin 2000

Traduction certifiée conforme
Maryse Bernier

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