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Informations sur la décision

Résumé :

Pratique déloyale de travail - Plainte fondée sur l'alinéa 23(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (Loi) alléguant une violation du sous-alinéa 8(2)c)(i) de la Loi - Intimidation contre des membres du syndicat - Compétence - Article 8 des Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P. (1993) (Règlement) - le plaignant a déposé une plainte contre l'Alliance de la Fonction publique du Canada (Alliance) - il alléguait que son agent négociateur n'avait pas respecté les interdictions prévues au sous-alinéa 8(2)c)(i) de la Loi - le plaignant était un agent de correction qui était inclus dans l'unité de négociation du groupe Services correctionnels (CX), représentée par l'Alliance - des dirigeants de l'Alliance considéraient que le plaignant avait appuyé une organisation syndicale rivale, le Syndicat des agents correctionnels du Canada, dans sa campagne pour devenir l'agent négociateur de son unité de négociation - les dirigeants de l'Alliance ont recommandé une sanction disciplinaire (exclusion de l'Alliance) - cette décision a été mise en suspens jusqu'à ce que la plainte soit réglée - l'Alliance a contesté la compétence de la Commission pour entendre la plainte - elle a allégué que l'objet de la plainte se rapportait à l'enquête qu'elle menait sur la conduite du plaignant - elle a ajouté que les interdictions stipulées au sous-alinéa 8(2)c)(i) de la Loi ne s'appliquent pas à une organisation syndicale - la Commission a estimé que, au vu du dossier, elle n'avait pas compétence pour instruire la plainte - la Commission a jugé approprié d'exercer les pouvoirs que lui confère l'article 8 du Règlement pour rejeter la plainte. Demande accueillie. Plainte rejetée. Décisions citées : Gascon, 2000 CRTFP 68 (166-2-28934); Kehoe, 2001 CRTFP 9 (166-2-29657); Forsen c. Bean (148-2-209); Lai c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2000 CRTFP 79 (161-34-1128); Tucci c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2000 CRTFP 80 (161-34-1129); Martel c. Veley, 2000 CRTFP 89 (161-2-1126); Forsen c. Bean (148-2-209).

Contenu de la décision



Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2001-02-22
  • Dossier:  161-2-1121
  • Référence:  2001 CRTFP 16



ENTRE

JASON T. GODIN

plaignant

et

L'ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA
(Syndicat des employé-e-s du Solliciteur général)

défenderesse

AFFAIRE :Plainte fondée sur l'article 23 de la
Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Devant : Yvon Tarte, président

Pour le plaignant : Jason T. Godin

Pour la défenderesse : Philippe Trottier et David M. Landry, Alliance de la Fonction publique du Canada


(Décision rendue sans audience)

[1]   La présente décision consiste à déterminer si la Commission devrait se prévaloir du pouvoir dont elle est investie par l'article 8 du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P. (1993) (le Règlement) pour rejeter, faute de compétence, la plainte déposée par M. Jason T. Godin en vertu de l'alinéa 23(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la Loi), alléguant que l'Alliance de la Fonction publique du Canada (l'Alliance) n'a pas respecté les interdictions du sous-alinéa 8(2)c)(i) de la Loi.

[2]   L'article 8 du Règlement se lit comme il suit :

8.(1) Sous réserve du paragraphe (2) et malgré toute autre disposition du présent règlement, la Commission peut rejeter une demande pour le motif qu'elle ne relève pas de sa compétence.

(2) En déterminant s'il y a lieu de rejeter une demande pour le motif visé au paragraphe (1), la Commission :

a) soit demande aux parties de présenter un exposé écrit de leur arguments, dans le délai et de la manière qu'elle précise;

b) soit tient une audience préliminaire.

[. . .]

[3]   Les interdictions prévues au sous-alinéa 8(2)c)(i) de la Loi se lisent comme il suit :

8.(2) Sous réserve du paragraphe (3), il est interdit :

[...]

c) de chercher, notamment par intimidation, par menace de destitution ou par imposition de sanctions pécuniaires ou autres, à obliger un fonctionnaire :

(i) à adhérer - ou s'abstenir ou cesser d'adhérer -, ou encore, sauf disposition contraire dans une convention collective, à continuer d'adhérer à une organisation syndicale[...]

[…]

[…]

Les faits

[4]   Les faits suivants ne sont pas contestés.

[5]   M. Godin travaille comme agent de correction pour Service correctionnel Canada à l'établissement Millhaven, à Bath, en Ontario. Il est membre de l'unité de négociation du groupe Services correctionnels (CX), dont l'Alliance est l'agent négociateur. Le Syndicat des employé-e-s du Solliciteur général (le Syndicat) est l'élément de l'Alliance chargé des agents de correction.

[6]   Entre le 7 et le 17 janvier 2000, le Syndicat a informé M. Godin qu'il enquêtait sur sa conduite dans le contexte de [traduction] « [...] sa participation avec la CSN à des activités de maraudage auprès des membres du groupe CX [...] », pour déterminer s'il avait enfreint la Constitution de l'Alliance et le règlement du Syndicat.

[7]   Le 7 février 2000, M. Godin a porté plainte en alléguant que l'Alliance n'avait pas respecté les interdictions du sous-alinéa 8(2)c)(i) de la Loi. Sa plainte se lit comme suit :

[Traduction]

[. . .]

J'ai été informé par l'Alliance de la fonction publique du Canada que j'allais subir une sanction disciplinaire pour de prétendues activités avec un syndicat rival. Tenter de m'imposer une telle « sanction » est contraire aux dispositions de l'article 8 de la Loi.

[. . .]

M. Godin réclame [traduction] « une ordonnance enjoignant à l'AFPC de cesser ses actions contraires à l'article 8 de la Loi ».

[8]   À l'issue de l'enquête que le Syndicat a menée sur la conduite de M. Godin, l'on a recommandé de l'exclure temporairement de l'Alliance. Toutefois, la décision d'accepter ou pas cette recommandation ne sera pas prise tant que la plainte dont je suis saisi ne sera pas réglée. M. Godin reconnaît qu'il n'a pas subi de mesures disciplinaires.

[9]   Une date d'audience a été fixée, mais reportée à la demande des parties.

[10]   Le 31 octobre 2000, avant la date de reprise de l'audience, l'Alliance a soulevé une exception contestant la compétence de la Commission pour entendre la plainte de M. Godin et demandé que cette plainte soit par conséquent rejetée.

[11]   Conformément à l'alinéa 8(2)a) du Règlement, la Commission a informé les parties que sa décision concernant la demande de l'Alliance serait fondée sur des plaidoiries écrites. Cette procédure a pris fin le 4 janvier 2001.

Plaidoiries des parties

[12]   L'Alliance allègue que, comme M. Godin n'a pas subi de mesures disciplinaires, le fond de sa plainte se limite à l'enquête du Syndicat sur sa conduite. Elle ajoute que cette enquête ne contrevenait pas aux interdictions du sous-alinéa 8(2)c)(i) de la Loi, qui ne s'appliquent pas à une organisation syndicale. Elle a souligné que la plainte de M. Godin est identique à celle que la Commission a rejetée dans l'affaire Martel c. Veley, 2000 CRTFP 89 (161–2–1126).

[13]   L'Alliance invoque aussi les décisions suivantes à l'appui de sa position :

Lai c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2000 CRTFP 79 (161–34–1128) et

Tucci c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2000 CRTFP 80 (161–34–1129).

[14]   M. Godin répond de la façon suivante :

[Traduction]

[…]

M. Landry a raison lorsqu'il déclare que je n'ai « pas subi de sanction officielle du syndicat ». C'est précisément l'objet de ma plainte. Il s'est écoulé plusieurs mois depuis que l'AFPC a menacé de m'imposer une sanction disciplinaire pour mes activités avec une autre organisation. J'ai demandé dans ma plainte que l'AFPC me fournisse les renseignements pertinents sur mon exclusion temporaire, avec les noms des intéressés, les dates, les heures et les noms des témoins à charge liés à mon éventuelle exclusion temporaire. Jusqu'à présent, elle ne m'a pas fourni ces renseignements essentiels. Le fond de ma plainte, c'est que je veux voir l'AFPC cesser ses mesures de harcèlement. En d'autres termes, elle va m'exclure temporairement ou pas, et je prendrai alors les mesures nécessaires pour me défendre [...] Je demande à la Commission d'intervenir et de prendre les mesures nécessaires en mettant fin à la menace d'exclusion temporaire de l'AFPC.

[…]

Motifs de la décision

[15]   En l'espèce, la question que la Commission doit trancher consiste à savoir si elle devrait se prévaloir du pouvoir dont elle est investie par l'article 8 du Règlement pour rejeter la plainte de M. Godin, parce qu'elle ne relève pas de sa compétence.

[16]   Je vais d'abord examiner s'il est justifié, dans cette affaire, d'invoquer la procédure prévue à l'article 8 du Règlement.

[17]   Dans l'affaire Gascon, 2000 CRTFP 68 (166–2–28934), la Commission a été saisie d'une demande de rejet d'un grief pour le motif qu'il ne relevait pas de sa compétence. Cette demande avait été présentée en vertu de l'article 84 du Règlement, qui prévoit pour les griefs une procédure identique à celle que pose l'article 8. Dans sa décision, la Commission avait conclu au paragraphe 14 qu'invoquer la procédure prévue à l'article 84 du Règlement se justifie quand on craint sérieusement que le grief ne puisse pas être renvoyé à l'arbitrage. Elle avait conclu aussi, au paragraphe 15, que, compte tenu de l'information dont elle disposait, il aurait été possible de soutenir que le grief constituait un grief pouvant être renvoyé à l'arbitrage, et elle a donc rejeté la demande.

[18]   L'approche adoptée dans Gascon (supra), a aussi été suivie par la Commission dans l'affaire Kehoe, 2001 CRTFP 9 (166–2–29657), dans laquelle la Commission a conclu, avec l'information dont elle disposait, que le grief ne constituait pas un grief pouvant être présenté en vertu du paragraphe 91(1) de la Loi et que, par conséquent, il n'aurait pas pu être renvoyé à l'arbitrage aux termes du paragraphe 92(1). Elle a conclu en outre qu'il était justifié de se prévaloir du processus prévu à l'article 84 du Règlement et a donc rejeté le grief puisqu'il ne relevait pas de sa compétence.

[19]   En l'espèce, la plainte de M. Godin soulève de sérieuses questions quant à la compétence de la Commission de l'entendre. Le libellé même de sa plainte (supra), semble en effet viser une sanction disciplinaire de l'Alliance, ou au moins une tentative de celle–ci de lui imposer une telle mesure. Dans Lai, Tucci et Martel (supra), la Commission a jugé, en se fondant sur Forsen c. Bean (148–2–209), que la décision d'un agent négociateur d'exclure temporairement un de ses membres est une question de régie interne qui ne relève pas de la compétence de la Commission, conformément au sous-alinéa 8(2)c)(i) de la Loi. En outre, au paragraphe 18 de sa décision dans Martel (supra), la Commission a conclu comme suit :

La formulation d'une plainte n'est pas le moyen approprié pour contester une recommandation d'exclure temporairement le plaignant du Syndicat. Il s'agit d'une question de régie interne que la Commission n'est pas habilitée à trancher.

[20]   M. Godin a reçu copie des décisions Lai, Tucci et Martel (supra), et on lui a donné l'occasion de présenter les raisons pour lesquelles il ne faudrait pas s'y conformer en l'espèce. Il n'a présenté aucun argument en ce sens, et je ne vois aucune raison de m'écarter du raisonnement de la Commission dans ces affaires.

[21]   Dans les circonstances, comme M. Godin allègue que son agent négociateur n'a pas respecté les interdictions du sous-alinéa 8(2)c)(i) de la Loi, compte tenu des affaires Forsen, Lai, Tucci et Martel (supra), je conclus que, sur la foi de l'information dont elle dispose, la Commission n'est pas habilitée à instruire la plainte de M. Godin. Je conclus en outre qu'il est opportun, en l'espèce, d'invoquer le processus prévu à l'article 8 du Règlement.

[22]   Pour ces motifs, la demande de l'Alliance est accueillie. La plainte de M. Godin est rejetée parce qu'elle ne relève pas de la compétence de la Commission.

Yvon Tarte,
président

Ottawa, le 22 février 2001.

Traduction certifiée conforme
Maryse Bernier

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