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Résumé :

Compétence - Non-renouvellement du contrat d'une personne nommée pour une période déterminée - Article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (Loi) - le fonctionnaire s'estimant lésé a protesté contre la décision de son employeur de ne pas renouveler son contrat de travail - l'employeur a déclaré qu'un arbitre de grief nommé en vertu de la Loi n'avait pas compétence pour instruire ce grief du fait que le grief en question n'était pas visé par l'article 92 de la Loi - selon l'employeur, le non-renouvellement du contrat de travail d'une personne nommée pour une période déterminée ne constitue pas un licenciement au sens de la Loi - le fonctionnaire s'estimant lésé a allégué que l'employeur ne lui a pas offert de nouveau contrat pour des motifs disciplinaires et que cela constituait donc un licenciement disciplinaire au sens de l'article 92 de la Loi - l'arbitre a conclu que l'emploi du fonctionnaire s'estimant lésé avait pris fin conformément aux termes de son contrat et non par suite d'une décision de l'employeur prise indépendamment dudit contrat - on ne pouvait donc pas dire qu'il s'était produit un " licenciement " au sens de ce terme, à l'article 92 de la Loi - l'arbitre a également indiqué que, même s'il ne croyait pas que les raisons pour lesquelles l'employeur n'a pas renouvelé le contrat d'emploi du fonctionnaire s'estimant lésé pouvaient avoir une incidence sur la détermination de sa compétence en l'espèce, il était convaincu que les incidents invoqués par le fonctionnaire s'estimant lésé n'étaient pas de nature disciplinaire - pas de compétence. Grief rejeté. Décisions citées : Dansereau c. Office national du film, [1979]1 C.F. 100 (C.A.F.); Hanna (166-2-26983).

Contenu de la décision



Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2001-03-29
  • Dossier:  166-2-29643
  • Référence:  2001 CRTFP 31



ENTRE

JAMES MARTA

fonctionnaire s'estimant lésé

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Gendarmerie royale du Canada)

employeur

Devant :  Léo-Paul Guindon, commissaire

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé  Lui-même

Pour l'employeur  Asha Kurian, avocate


Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 6 décembre 2000.

[1]    Le 5 avril 2000, l'Alliance de la Fonction publique du Canada (Alliance) a renvoyé à l'arbitrage le grief que James Marta avait présenté à son employeur le 12 août 1999 :

[Traduction]

Je proteste contre le non–renouvellement de mon contrat.
Je suis convaincu que c'est une sanction disciplinaire déguisée.

[2]   M. Marta a réclamé les mesures correctives suivantes :

[Traduction]

Je veux que mon contrat soit renouvelé à partir de la date d'expiration de mon ancien contrat.
Je veux que toutes les mentions de ce grief soient retirées de mes dossiers.
Je veux que ce grief soit entendu au premier palier.

[3]   Le 15 novembre 2000, M. Marta a informé la Commission que l'Alliance ne le représentait plus et qu'il allait se représenter lui-même.

[4]   Dans une lettre datée du 20 novembre 2000, l'avocate de l'employeur a déclaré qu'un arbitre n'a pas compétence pour entendre cette affaire, conformément à l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (Loi) et que le non–renouvellement de la nomination d'une personne nommée pour une période déterminée ne constitue pas un licenciement au sens de la Loi. Un fonctionnaire nommé pour une période déterminée cesse d'être fonctionnaire à l'expiration de cette période, en application de l'article 25 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (L.E.F.P.).

[5]   Cet argument m'a été présenté comme objection dès le début de l'audience, ainsi que l'employeur l'avait annoncé dans sa lettre du 20 novembre 2000.

[6]   M. Marta ne savait pas que l'employeur avait demandé que l'audience soit limitée à trancher la question de compétence. Il en a été informé dans une lettre de la Commission datée du 21 novembre 2000, à laquelle était annexée une copie de la lettre de l'employeur, mais il a refusé de signer l'accusé de réception que le bureau de poste exigeait avant de la lui remettre. À l'audience, j'ai expliqué à M. Marta que la procédure se limiterait à trancher la question de compétence et qu'une autre audience serait fixée si je devais conclure qu'un arbitre nommé en vertu de la Loi a compétence pour entendre son grief.

[7]   L'offre d'emploi envoyée à M. Marta par l'employeur le 5 février 1999 (pièce E–1) se lit comme il suit :

[Traduction]

Au nom de la Gendarmerie royale du Canada, nous avons le plaisir de vous offrir une nomination pour une période déterminée au poste en rubrique. Si vous acceptez cette offre, votre emploi commencera à l'ouverture des bureaux le 8 février 1999 et se terminera le 6 août 1999 [...]

Rien dans cette lettre ne devrait être interprété comme une offre de nomination pour une période indéterminée, et vous ne devriez pas non plus compter sur un emploi pour une période indéterminée dans la fonction publique ou vous attendre à un tel emploi par suite de cette offre.

[. . .]

[8]   M. Marta a accepté l'offre d'emploi le 8 février 1999, comme en fait foi la pièce E–1.

[9]   Le 29 juillet 1999, l'employeur a informé M. Marta que sa nomination n'allait pas être renouvelée et que, par conséquent, sa nomination pour une période déterminée prendrait fin le 6 août 1999 (pièce E–2).

[10]   L'avocate de l'employeur soutient que le « renvoi » de M. Marta ne constitue pas un « licenciement » au sens de l'article 92 de la Loi. Son emploi a cessé conformément à ce qui était prévu dans son contrat de travail et non par suite d'une décision de l'employeur indépendamment de ce contrat. On ne peut donc pas dire qu'il s'agit en l'occurrence d'un « licenciement » au sens de l'article 92 de la Loi.

[11]   Cette interprétation a été confirmée dans Hanna (dossier de la Commission 166–2–26983) et maintenue dans Blackman (dossier de la Commission 166–2–27139), Beaulieu (dossier de la Commission 166–2–27313), Laird (dossier de la Commission 166–2–19981) et Lecompte (dossier de la Commission 166–2–28452).

[12]   La Cour d'appel fédérale a elle aussi maintenu cette interprétation dans James Francis Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109.

[13]   L'avocate plaide que M. Marta a cessé d'être employé en vertu de l'article 25 de la L.E.F.P., et qu'un arbitre n'a donc pas compétence pour lui accorder un nouveau contrat de travail.

[14]   M. Marta a déposé en preuve un courriel de son superviseur, Mike Shaver, daté du 13 juillet 1999 (pièce G–1); à son avis, c'est la promesse d'un nouveau contrat de travail. Ce courriel se lit comme il suit :

[Traduction]

Vous êtes censé recevoir une nouvelle lettre d'offre. Vous remarquerez que votre nouveau « contrat » sera de six mois, contrairement à la période plus longue pour certains de vos collègues. Cette différence s'explique pour ce dont vous et moi avons récemment parlé, quand je vous ai dit qu'il faut continuellement respecter les intérêts de l'employé ET de l'employeur; c'est ma responsabilité. Ce ne sera pas un problème majeur, si nous pouvons surmonter la difficulté à laquelle je viens de faire allusion. Si vous avez besoin d'éclaircissements, passez me voir, nous en parlerons.

[15]   M. Marta déclare n'avoir jamais reçu de lettre d'offre après ce courriel du 13 juillet 1999. Il est sûr que l'employeur ne lui a pas offert de nouveau contrat pour des motifs disciplinaires.

[16]   À l'appui de cette allégation, M. Marta mentionne plusieurs incidents. Le premier a trait au jour que l'employeur avait choisi comme jour férié désigné pour remplacer le congé de Pâques, car M. Marta s'était opposé à une proposition de changement d'un jour de repos. Par suite de son opposition, M. Shaver avait laissé entendre à M. Marta qu'il n'était pas un joueur d'équipe. Toutefois, il n'avait pas été question de mesures disciplinaires à ce moment–là.

[17]   Après avoir envoyé à M. Marta son courriel du 13 juillet 1999 (pièce G–1), M. Shaver l'a rencontré le 20 juillet. M. Marta explique qu'ils n'ont pas parlé de son évaluation à cette occasion.

[18]   M. Marta allègue qu'une erreur figurait dans un courriel daté du 14 juillet 1999 (pièce G–3) au sujet de l'abréviation usuelle du Manitoba, et que les Territoires ne figuraient pas dans la liste de cet envoi. Quand il l'a signalée à son superviseur, il s'est fait dire qu'un autre employé corrigerait l'erreur, mais qu'il devait appliquer la directive telle quelle d'ici là. L'erreur de la directive quant à l'abréviation du Manitoba a été corrigée dans un courriel daté du lendemain, le 15 juillet 1999 (pièce G–4), ce qui mettait fin à l'incident.

[19]   Le troisième incident portait sur la description d'une arme à feu. M. Marta voulait modifier la description d'une arme à feu, après avoir constaté qu'elle contenait une erreur, mais il s'est faire dire de ne pas le faire parce que ce n'était pas sa responsabilité. Son superviseur n'a pas parlé de mesures disciplinaires à ce moment–là.

[20]   Le 12 juillet 1999, M. Marta a constaté que le drapeau canadien qu'il avait mis devant son poste de travail pour fêter le Jour du Canada était disparu. À cette occasion, le fonctionnaire s'estimant lésé et son superviseur (ainsi que d'autres fonctionnaires) ont échangé des courriels (pièces G–5 à G–7). Son superviseur l'a informé que [traduction] « même s'il est inacceptable que quelqu'un s'empare de vos biens, votre réaction me semble un peu extrême » (pièce G–5). On n'a pas pris de mesures disciplinaires à l'endroit du fonctionnaire s'estimant lésé, et, cette fois–là aussi, on ne lui a pas parlé de telles sanctions.

[21]   Le 22 juillet 1999, M. Marta s'est présenté au travail, mais a dû rentrer chez lui parce qu'il se portait mal en raison d'un traitement médical à la jambe. Il n'est pas retourné au travail avant l'expiration de son contrat, le 6 août 1999.

[22]   Le fonctionnaire s'estimant lésé s'est prévalu de la possibilité que je lui ai offerte de prendre le temps de lire le recueil de jurisprudence présenté par l'employeur. À la reprise de l'audience, il n'a eu aucun commentaire à me faire à ce sujet.

[23]   M. Marta soutient que les réponses de l'employeur au premier et au deuxième paliers de la procédure de règlement des griefs (pièce G–8) ne sont pas franches. Il est convaincu d'avoir été renvoyé pour motif disciplinaire parce que le suivi de l'autoévaluation (pièce G–10) préparé par son superviseur le 17 juin 1999 était favorable. Ce suivi favorable était aussi incompatible avec la réponse négative qu'il a reçue le 14 juin 2000 après avoir postulé un poste semblable à celui qu'il occupait jusqu'au 6 août 1999 (pièce G–9).

[24]   M. Marta a demandé pourquoi les témoins qui avaient été cités à comparaître ne s'étaient pas présentés à l'audience. Je lui ai expliqué que cela ne serait nécessaire que si j'arrivais à la conclusion qu'un arbitre a compétence pour instruire le grief. Dans ce cas–là, les parties allaient être informées de la date de reprise de l'audience. Par contre, si je devais conclure qu'un arbitre n'a pas compétence, ma décision allait trancher la question sans qu'il faille entendre l'affaire au fond.

Motifs de la décision

[25]   J'ai étudié l'objection de l'employeur, qui conteste la compétence d'un arbitre pour instruire le grief de M. Marta, ainsi que la preuve présentée et les arguments des parties, pour arriver à la conclusion suivante.

[26]   La lettre d'offre (pièce E–1) de l'employeur précise que le poste offert à M. Marta correspondait à une nomination pour une période déterminée, du 8 février au 6 août 1999.

[27]   Comme dans Hanna, (supra), l'emploi de M. Marta a pris fin conformément aux termes de son contrat et non par suite d'une décision de l'employeur indépendamment dudit contrat. On ne peut donc pas dire que ce qui s'est produit était un « licenciement » au sens de ce terme à l'article 92 de la Loi.

[28]   La Cour d'appel fédérale est arrivée à la même conclusion dans Dansereau c. Office national du film, [1979] C.F. 100, qui portait sur la cessation d'emploi d'une personne nommée pour une période déterminée. La Cour a conclu alors que cette personne n'avait pas été mise à pied puisque la période pour laquelle elle était employée était arrivée à expiration et que son emploi avait cessé conformément aux termes de son contrat. En l'espèce, je conclus que l'emploi de M. Marta a cessé conformément à son contrat d'emploi et que les principes énoncés dans Dansereau s'appliquent dans ce cas–ci.

[29]   Même si je ne crois pas que les raisons pour lesquelles l'employeur n'a pas renouvelé le contrat d'emploi du fonctionnaire s'estimant lésé aient une incidence sur la détermination de ma compétence en l'espèce, je suis convaincu que les incidents invoqués par M. Marta n'étaient pas de nature disciplinaire. L'employeur ne l'a jamais pointé du doigt quand ces incidents se sont produits et ne lui a pas non plus imposé de mesures disciplinaires. L'employeur n'a pas averti M. Marta de changer de comportement, faute de quoi il serait puni; il ne lui a pas servi d'avertissement disciplinaire, que ce soit de vive voix ou par écrit, et ne lui a pas non plus imposé de sanction à l'égard de ces incidents.

[30]   Ce sont des incidents sans gravité, et M. Marta n'a pas prouvé qu'ils étaient liés au non–renouvellement de son contrat.

[31]   Je conclus donc qu'un arbitre nommé en vertu de la Loi n'a pas compétence pour instruire et trancher la présente affaire. Par conséquent, le grief de M. Marta est rejeté.

Léo-Paul Guindon,
commissaire

OTTAWA, le 29 mars 2001.

Traduction certifiée conforme
Maryse Bernier

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