Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Grief de principe - Conventions collectives - Rémunération - Équité salariale - Rajustement rétroactif des avantages sociaux, avantages indirects et indemnités - Groupe Commis aux écritures et aux règlements (CR) - Groupe bibliothéconomie (LS) - Groupe Secrétariat, sténographie et dactylographie (ST) - Groupe Services hospitaliers (HS) - Groupe Soutien de l'enseignement (EU) - Groupe Traitement mécanique des données (DA) - Ordonnance sur consentement du Tribunal canadien des droits de la personne (Tribunal) - Compétence - Article 99 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (Loi) - les parties avaient conclu une entente en guise de règlement final de toutes les questions en litige restant à trancher au sujet des plaintes d'équité salariale déposées en 1984 et en 1990 devant la Commission canadienne des droits de la personne à l'égard des fonctionnaires faisant à l'époque partie des groupes CR, LS, ST, HS, EU et DA - cette entente avait été incorporée dans une ordonnance sur consentement rendue par le Tribunal qui avait été déposée au greffe de la Cour fédérale du Canada en vertu de l'article 57 de la Loi canadienne sur les droits de la personne - l'Alliance de la Fonction publique du Canada (Alliance) a demandé à la Commission d'ordonner à l'employeur de rajuster, conformément aux nouvelles échelles de rémunération résultant du règlement des plaintes d'équité salariale, tous les avantages sociaux, avantages indirects et indemnités payés depuis le 8 mars 1985 (la période de rétroactivité fixée par le Tribunal pour les nouvelles échelles de rémunération) aux fonctionnaires qui faisaient alors partie des groupes CR, LS, ST, HS, EU et DA - l'employeur a déclaré que l'ordonnance sur consentement rendue par le Tribunal était complète et finale et qu'elle ne pouvait pas être modifiée par la Commission - il a ajouté que l'exécution de l'ordonnance sur consentement était du ressort de la Cour fédérale du Canada - l'Alliance a répliqué que la Commission avait compétence pour tenir compte des nouvelles échelles de rémunération résultant du règlement des plaintes d'équité salariale aux fins de l'application des dispositions des conventions collectives - la Commission a jugé qu'elle n'avait pas compétence pour corriger l'ambiguïté contenue dans l'ordonnance sur consentement du Tribunal sur la question du calcul rétroactif des avantages sociaux, avantages indirects et indemnités - elle a invité les parties à renvoyer leur différend à la Cour fédérale du Canada - la Commission n'était pas convaincue que l'Alliance avait établi l'existence d'une obligations aux fins de l'article 99 de la Loi. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2001-07-30
  • Dossier:  169-2-638
  • Référence:  2001 CRTFP 81

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

L'ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

agent négociateur

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR

employeur

OBJET : Renvoi fondé sur l'article 99 de la
Loi sur les relations du travail dans la fonction publique

Devant :  Yvon Tarte, président

Pour l'agent négociateur :  Andrew Raven

Pour l'employeur :  Richard Fader


Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 26 et 27 juin 2001.

[1]   L'Alliance de la Fonction publique du Canada (Alliance) a déposé ce renvoi fondé sur l'article 99 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (Loi) le 1er mars 2001.

[2]   En 1984 et en 1990, l'Alliance a déféré des plaintes en matière d'équité salariale à la Commission canadienne des droits de la personne (C.C.D.P.) au nom de ses membres faisant partie des groupes Commis aux écritures et aux règlements (CR), Bibliothéconomie (LS), Secrétariat, sténographie et dactylographie (ST), Services hospitaliers (HS), Soutien de l'enseignement (EU) et Traitement mécanique des données (DA) (pièce A–1, onglets 1 et 2).

[3]   La C.C.D.P. a fait enquête sur les plaintes, qui ont fini par être renvoyées au Tribunal canadien des droits de la personne (Tribunal). Le Tribunal a rendu des décisions à l'égard des plaintes en 1996 et en 1998 (pièce A–1, onglets 3 et 4). La décision de 1998 ordonnait entre autres que les rajustements salariaux des fonctionnaires faisant partie des groupes plaignants soient faits rétroactivement au 8 mars 1985.

[4]   Le 16 novembre 1999, le Tribunal a rendu une ordonnance sur consentement qui incorporait une entente conclue entre les parties le 29 octobre 1999, en guise de règlement final de toutes les autres questions en litige se rapportant aux plaintes de 1984 et de 1990.

[5]   Le 13 décembre 1999, l'ordonnance sur consentement a été déposée au greffe de la Cour fédérale en vertu de l'article 57 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.C.D.P.).

[6]   L'Alliance soutient maintenant que tous les avantages sociaux, avantages indirects et indemnités prévus dans les diverses conventions collectives pertinentes pour les groupes plaignants et qui étaient liés aux taux de rémunération jugés discriminatoires par le Tribunal doivent maintenant être rajustés au cas par cas pour toute la période rétroactive, à moins d'entente contraire par les parties. Cela exigerait de l'employeur qu'il ressorte ses registres et dossiers de paye pour recalculer tous les versements d'avantages effectués antérieurement en fonction des taux de rémunération aujourd'hui considérés comme discriminatoires.

[7]   Mme Margaret Jaekl, agente à la classification et au salaire égal, a été la seule personne à témoigner. Elle a fourni des renseignements généraux sur les plaintes de l'Alliance touchant l'équité salariale, précisant notamment le sens de certaines expressions telles que « rémunération à toutes fins » et « intégration des rajustements aux taux de rémunération » (pièce A–3, onglet 4). Mme Jaekl a déclaré que l'Alliance et l'employeur avaient discuté d'équité salariale avant 1984. L'employeur était donc au courant, avant 1984, de l'existence de problèmes d'équité salariale chez certains membres de l'Alliance.

Argumentations

Pour l'Alliance

[8]   Les diverses décisions rendues par le Tribunal et la Cour fédérale ont manifestement dégagé l'existence de problèmes systémiques concernant les taux de rémunération discriminatoires. L'employeur était conscient de ces problèmes avant la plainte déposée en 1984.

[9]   L'Alliance a toujours défendu la thèse selon laquelle le Tribunal devait d'abord évaluer l'écart salarial engendré par les problèmes systémiques, puis se prononcer, en application du paragraphe 11(7) de la L.C.D.P., sur la question de la rémunération à toutes fins.

[10]   L'Alliance estime que, compte tenu du libellé du paragraphe 11(7) de la L.C.D.P., dès lors que les taux salariaux de base sont jugés illégaux, les rajustements nécessaires pour tous les avantages liés à la rémunération doivent être faits. Le fait que ces rajustements puissent nécessiter un travail considérable n'est pas pertinent. Les fonctionnaires touchés par les pratiques discriminatoires de l'employeur doivent obtenir pleine réparation et recevoir les avantages qu'ils auraient reçus s'ils avaient été rémunérés adéquatement dès le départ.

[11]   La phase III de la procédure du Tribunal prévoyait qu'on débattrait des difficultés administratives que l'employeur aurait pu éprouver en appliquant le principe de la rémunération à toutes fins.

[12]   Compte tenu de la position de l'employeur quant à l'application de l'ordonnance sur consentement, les questions en litige soulevées par le présent renvoi ne sont pas des affaires qui devraient donner lieu à des griefs individuels. On ne demande pas à la Commission de modifier des conventions collectives ni d'interpréter explicitement ou implicitement certaines dispositions, mais simplement de les appliquer conformément aux dispositions très limpides de la L.C.D.P.

[13]   La Commission est plus qu'habilitée à conclure et à déclarer que la rémunération à toutes fins découle du paragraphe 11(7) de la L.C.D.P. et que, en conséquence, l'employeur doit procéder aux rajustements nécessaires. Si elles avaient voulu donner une portée générale à l'ordonnance sur consentement, les parties l'auraient clairement dit.

Pour l'employeur

[14]   La Commission n'est nullement habilitée à refaire la phase III de la procédure du Tribunal, à revoir l'ordonnance sur consentement, à faire exécuter l'ordonnance sur consentement comme un jugement de la Cour fédérale ou à rouvrir l'ordonnance du Tribunal de quelque façon que ce soit.

[15]   L'ordonnance sur consentement rendue par le Tribunal est complète et finale et ne peut être modifiée par la Commission. Par la demande qu'elle a présentée en l'espèce, l'Alliance ne cherche que cela.

[16]   Dans sa décision de juillet 1998 (pièce A–1, onglet 4, paragraphe 436), le Tribunal reconnaît clairement « qu'aux fins de l'établissement d'une période d'indemnisation, il faut faire preuve de bon sens et qu'il faut imposer des limites à la responsabilité résultant des conséquences d'un acte discriminatoire, pourvu qu'il n'y ait pas eu mauvaise foi. »

[17]   L'employeur croit que l'ordonnance sur consentement contient toutes les conditions de règlement et que, sauf indication contraire, elle ne commande pas le rajustement des avantages indirects avant la date d'intégration aux taux de rémunération de juillet 1998.

[18]   Seul le Tribunal peut modifier son ordonnance sur consentement. De toute façon, l'exécution de l'ordonnance sur consentement est du ressort de la Cour fédérale, puisque cette ordonnance a été déposée comme un jugement de la Cour.

[19]   Que les parties soient restées muettes - dans leur entente de règlement - sur la question du rajustement rétroactif de tous les avantages indirects indique bien qu'elles n'avaient pas cette intention.

Réplique de l'Alliance

[20]   Ce dont est saisie la Commission est l'exécution de diverses conventions collectives et non de l'ordonnance sur consentement rendue par le Tribunal. Seule la Commission peut instruire les litiges portant sur des conventions collectives.

[21]   En tant qu'instance chargée de faire respecter les conventions collectives, la Commission doit d'abord déterminer quels sont les taux de rémunération légaux auxquels les fonctionnaires avaient droit pour la période prévue par l'ordonnance sur consentement et ensuite faire appliquer les conventions collectives antérieures pertinentes pour tenir compte de ces taux rajustés.

Analyse et motifs de la décision

[22]   L'Alliance considère que, à moins que les parties ne se soient entendues autrement, le paragraphe 11(7) de la L.C.D.P. exige que tous les avantages directement liés au taux de rémunération d'un fonctionnaire doivent être rajustés rétroactivement, conformément aux dispositions des conventions collectives pertinentes, lorsque les taux de rémunération eux–mêmes ont été rajustés rétroactivement pour compenser les effets de pratiques discriminatoires antérieures.

[23]   L'employeur soutient que le rajustement de ces avantages prend effet à la date d'intégration aux salaires et que tout rajustement rétroactif de ces avantages doit être spécifiquement prévu par l'ordonnance sur consentement, qui représente l'entente complète et finale des parties sur la question.

[24]   Je trouve malheureux que les parties n'aient pas formulé plus clairement leurs intentions lorsqu'elles ont rédigé leur entente de règlement en 1999. Il est regrettable que leur manque de clarté et de précision dans l'entente de règlement ait été incorporé à l'ordonnance sur consentement rendue par le Tribunal. S'il est facile, a posteriori, de dire que les parties auraient facilement pu exprimer plus clairement et plus précisément leurs opinions respectives quant à leur entente de règlement, il ne sert à rien de s'attarder sur ce fait en l'espèce, si ce n'est pour expliquer pourquoi cette affaire n'est toujours pas réglée et pour inciter les parties à s'assurer, à l'avenir, que de semblables documents soient, dans la mesure du possible, rédigés sans ambiguïté, de manière à communiquer le sens véritable de leur entente.

[25]   À en juger par la formulation employée par le Tribunal dans sa décision de 1998 (pièce A–1, onglet 4, paragraphe 436), il n'est certainement pas clair que le Tribunal convenait que la loi lui prescrivait d'ordonner le rajustement de tous les avantages indirects, au cas par cas, pour toute la période rétroactive, ou qu'il l'aurait nécessairement fait si la phase III de la procédure avait eu lieu. En fait, le paragraphe 53(2) de la L.C.D.P. porte qu'un tribunal peut - et non doit - assortir une ordonnance, rendue à l'endroit d'une personne trouvée coupable d'avoir enfreint la L.C.D.P., d'une ou plusieurs des conditions énumérées qu'il juge appropriées. La capacité du Tribunal de façonner un redressement approprié eu égard aux avantages indirects est également exposée à l'article 13 de l'ordonnance de la décision du Tribunal de juillet 1998 (pièce A–1, onglet 4, page 131).

[26]   L'imprécision de la formulation utilisée dans l'ordonnance sur consentement peut donner lieu à des vues et interprétations différentes. Je ne crois pas que la Commission devrait tenter de corriger l'ambiguïté contenue dans l'ordonnance du Tribunal. À moins que les parties ne s'entendent sur cette question, l'affaire doit être renvoyée à la Cour fédérale et, à terme, au Tribunal.

[27]   Étant donné les délais qu'impliquerait nécessairement une telle procédure, la Commission souhaite offrir officiellement ses services de règlement des conflits pour permettre aux parties d'essayer de résoudre le plus rapidement possible leurs divergences de vues.

[28]   Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincu que l'Alliance a établi l'existence d'une obligation aux fins de l'article 99 de la Loi. Par conséquent, la Commission conclut qu'elle ne peut faire droit au renvoi fondé sur l'article 99 présenté par l'Alliance.

Yvon Tarte,
président

Ottawa, le 30 juillet 2001.

Traduction certifiée conforme
Maryse Bernier

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.