Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Suspension (5 jours) - Agression - Remords - Obligation de l'employeur de mener une enquête - la fonctionnaire s'estimant lésée a demandé une prolongation du délai pour déposer le grief - à l'audience, l'employeur a informé l'arbitre que cette question n'était plus en litige - l'employeur avait imposé une suspension de cinq jours à la fonctionnaire s'estimant lésée, une inspectrice des douanes, pour avoir agressé un préposé au stationnement où elle stationnait son véhicule pendant qu'elle était en uniforme - la fonctionnaire s'était présentée au travail et avait stationné son véhicule - le préposé au stationnement avait noté le numéro de sa plaque d'immatriculation parce qu'elle n'avait pas affiché le permis de stationnement obligatoire - la fonctionnaire l'avait traité de crétin - la fonctionnaire avait ensuite relaté l'incident à son superviseur et avait demandé la permission de se rendre au bureau du préposé au stationnement pour régler la question - la fonctionnaire avait réglé la question avec le surveillant du préposé en présence de ce dernier - elle a prétendu que le préposé avait tenu des propos grossiers lors de cette rencontre - à la fin de la rencontre, le préposé avait demandé à la fonctionnaire d'apporter un document à son superviseur - le préposé tenait le document à quelque 20 ou 30 centimètres du visage de la fonctionnaire - la fonctionnaire avait repoussé le préposé qui était tombé dans un fauteuil et une brève altercation avait suivi au point où le préposé s'était mis à saigner dans le cou - la fonctionnaire avait raconté cet autre incident à son superviseur, l'avait informé qu'elle avait frappé le préposé et s'en était excusé - le préposé a porté des accusations au criminel contre la fonctionnaire - l'employeur a soutenu que la fonctionnaire s'était tout simplement emportée et avait spontanément attaqué le préposé sans qu'il y ait eu provocation - l'employeur considérait qu'elle avait déshonoré son uniforme et son insigne - l'employeur craignait qu'elle agisse de la même façon avec les voyageurs - la fonctionnaire a mis en doute la crédibilité des témoignages - elle a fait valoir qu'elle avait été provoquée par le préposé et qu'elle avait réagi raisonnablement dans les circonstances. L'arbitre a conclu que la mauvaise conduite de la fonctionnaire avait été prouvée - l'arbitre a conclu que l'employeur n'avait pas tenu compte du fait que la fonctionnaire avait admis avoir frappé le préposé - l'arbitre a conclu que, dans les circonstances, une suspension de trois jours était plus appropriée. Grief admis en partie.

Contenu de la décision

Dossiers : 149-2-199 166-2-28758

Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE CORINNE A. GRAVES requérante/fonctionnaire s'estimant lésée et LE CONSEIL DU TRÉSOR (Revenu Canada - Douanes, Accise et Impôt)

employeur Devant : Joseph W. Potter, président suppléant Pour la requérante/fonctionnaire s'estimant lésée : Barry Done, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur : Harvey A. Newman, avocat

Affaire entendue à Hamilton (Ontario), les 20 et 21 mai 1999.

Décision DÉCISION Page 1 DÉCISION Le 16 juillet 1997, M m e Corinne Graves, inspectrice des douanes à Queenston Bridge, Niagara Falls, aurait agressé un dénommé Ian Speck, étudiant occupant un emploi d'été à la Commission du pont de Niagara Falls (CPNF). Suite à cet incident, M m e Graves a reçu une suspension de cinq jours, laquelle fait l'objet du présent renvoi à l'arbitrage.

L'employeur a présenté sept pièces; l'agent négociateur, une. J'ai accédé à une requête d'exclure les témoins et j'ai entendu sept témoignages.

Outre le grief concernant la suspension de cinq jours, la Commission a reçu une demande de prolongation de délai aux termes de l'article 63 des Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P. (1993) (dossier de la Commission n o 149-2-199). L'avocat de l'employeur m'ayant informé que cette question n'était plus en litige, le dossier de la Commission relatif à cette demande est donc fermé.

Contexte La fonctionnaire s'estimant lésée, M Accise depuis 1987. Au moment de l'incident, elle était classifiée PM-02, inspectrice des douanes, et travaillait à l'entrepôt Queenston/Lewiston, Opérations commerciales, Pont de Queenston, Niagara Falls. Personne n'a nié que, avant de recevoir l'avis de suspension de cinq jours dont il est question en l'espèce, M d'emploi sans reproche et un bon rendement au travail.

L'incident à l'origine du grief a débuté lorsque M me Graves est arrivée dans le stationnement des inspecteurs des douanes vers 7 h 40 le 16 juillet 1997 en vue d'effectuer son quart de travail de 8 heures à 20 heures. Elle a stationné dans un emplacement voisin de celui occupé par le véhicule d'un autre inspecteur des douanes, M. Sean Scott. Ce dernier avait terminé son quart, car son remplaçant était arrivé. Il allait prendre place dans son véhicule quand M m e Graves est sortie du sien. Lui et M me Graves étaient en train d'échanger les civilités du matin lorsque M. Ian Speck s'est approché d'eux.

M. Speck, étudiant d'université, travaillait pour la CPNF durant l'été. En fait, la Commission était propriétaire du stationnement utilisé par M Commission des relations de travail dans la fonction publique

m e Corinne Graves, travaille à Douanes et me Graves avait un dossier

m e Graves. La tâche de

Décision Page 2 M. Speck, ce matin-là, consistait à noter les numéros des plaques d'immatriculation des véhicules qui n'arboraient pas le permis de stationnement obligatoire.

Même si M. Speck ne connaissait ni M me Graves ni M. Scott, il a indiqué que les deux employés portaient leur uniforme d'inspecteur des douanes, et qu'il savait qu'ils étaient des inspecteurs des douanes. Son veston de la CPNF, un insigne nominatif, une planchette à pince et une radio l'identifiaient à titre d'employé de la CPNF.

M. Speck est allé au devant des deux employés et a dit : « J'espère que vous avez votre permis », ou un commentaire du genre. M. Scott a répondu que le sien n'était pas visible, mais qu'il était sur le point de partir de toute façon. M me Graves, quant à elle, a affirmé qu'elle en avait un, mais qu'elle l'avait laissé dans son autre véhicule. M. Speck lui a dit qu'il allait être obligé de noter le numéro de plaque de son véhicule, et c'est ce qu'il a fait. Il n'a pas noté celui du véhicule de M. Scott vu que ce dernier s'en allait.

M m e Graves a traité M. Speck de « crétin » et M. Speck a rétorqué qu'il ne faisait que faire son travail. Elle aurait ensuite injurié M. Speck de propos grossiers. M m e Graves a nié avoir dit une grossièreté, et M. Scott a déclaré ne pas en avoir entendu; toutefois, il n'a pas entendu toute la conversation entre M. Speck et M me Graves. Quoi qu'il en soit, M m e Graves est ensuite rentrée au travail et a expliqué à son superviseur, M. Neil Mooney, qu'elle venait d'avoir une prise de bec avec un employé de la CPNF. Elle craignait que sa voiture se fasse remorquer parce qu'elle n'avait pas son permis de stationnement. Elle a donc demandé la permission d'aller voir le capitaine du péage pour lui en demander un autre. Le capitaine du péage aurait été le patron de M. Speck.

Pendant que M m e Graves expliquait à M. Mooney ce qui s'était passé, une autre employée, M m e Linda Yurcich, est entrée dans le bureau en disant qu'elle aussi avait oublié son permis de stationnement et qu'il lui en fallait un autre. Les deux femmes ont eu la permission d'aller en chercher un autre au bureau du capitaine du péage.

Entre-temps, M. Speck s'entretenait avec son superviseur, M. Craig Young, le capitaine du péage. Il avait terminé ses tâches et il faisait rapport de l'incident du stationnement à M. Young en lui expliquant qu'une inspectrice des douanes l'avait injurié pendant qu'il notait le numéro de la plaque d'immatriculation de sa voiture

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Décision Page 3 parce que le permis de stationnement n'était pas affiché. M. Young a dit que M. Speck était perturbé d'avoir causé un incident alors qu'il n'avait fait que son travail.

Pendant qu'il racontait l'incident, M. Speck a jeté un coup d'œil par la fenêtre et il a aperçu, se dirigeant vers le bureau, la femme avec qui il venait d'avoir la prise de bec. Il a dit : « Elle s'en vient justement. » Les deux femmes approchaient du bâtiment travaillaient MM. Young et Speck, et ce dernier leur a ouvert la porte.

La fonctionnaire s'estimant lésée et M me Yurcich se sont présentées au comptoir, suivies de M. Speck. M me Graves a passé le commentaire que M. Speck était pratiquement sur son dos et a demandé pourquoi il la talonnait. Le capitaine du péage était assis derrière le comptoir. M. Speck est allé le rejoindre, s'est placé à sa droite, derrière lui, face aux deux femmes.

M m es Yurcich et Graves ont expliqué à M. Young qu'elles avaient oublié leur permis de stationnement ce jour-là et qu'elles en avaient besoin d'un autre. Pendant qu'elles parlaient, elles ont remarqué que M. Speck leur faisait des grimaces et gesticulait. La fonctionnaire a déclaré lui avoir dit que c'était impoli, mais M. Young a affirmé s'être retourné et n'avoir rien remarqué sauf l'air étonné de M. Speck. M. Young a toutefois convenu, pendant le contre-interrogatoire, que M. Speck ne se trouvait pas directement dans son champ de vision et qu'il ne pouvait pas confirmer si ce dernier avait effectivement fait les gestes qu’on lui reprochait.

Quoi qu'il en soit, la discussion s'est poursuivie, pour porter ensuite sur l'allégation selon laquelle la fonctionnaire aurait eu des propos grossiers dans le stationnement. M m e Graves l'a nié. M m es Yurcich et Graves s'apprêtaient à repartir après que M. Young leur eut dit qu'il s'occuperait du permis de stationnement, quand elles se sont faites interpeller par M. Speck, qui a dit : « Attendez, j'ai quelque chose pour vous. » Il tenait dans sa main deux ou trois pages d'imprimés d'ordinateur sur les statistiques de la circulation. Il s'agit d'un rapport quotidien extrait de l'ordinateur par le capitaine du péage et que l'employé affecté à la circulation doit remettre à M. Mooney au cours de l'avant-midi. M. Speck a affirmé avoir voulu le remettre à M me Yurcich pour qu'elle le livre, ce qui lui aurait évité un déplacement et une confrontation éventuelle dans le bureau de M m e Graves. Personne n'a contesté la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 4 déclaration que ni M me Yurcich ni M me Graves ne savaient ce que M. Speck tenait dans les mains, sinon qu'il s'agissait de feuilles de papier.

M. Young, M m e Graves et M me Yurcich ont déclaré que M. Speck s'est approché de la fonctionnaire s'estimant lésée et lui a braqué l'imprimé d'ordinateur en plein visage. Le document s'est déroulé. Les trois témoins ont dit qu'il se trouvait à une distance de neuf à douze pouces du visage de M m e Graves. M. Speck a dit qu'il l'a donné à M m e Yurcich de façon normale, c'est-à-dire le bras tendu et un peu au dessus de la taille de cette dernière. Il a aussi affirmé que ce n'avait pas été une bonne idée, en rétrospective, d'avoir voulu le remettre à l'une ou l'autre des deux femmes dans les circonstances.

M. Speck a déclaré qu'il a donné le document à M s'en est saisi et l'a chiffonné. Cette dernière a ensuite frappé M. Speck une fois au visage et deux fois dans le cou au point de le faire tomber en arrière dans un fauteuil. M. Young est alors intervenu pour les séparer.

M mes Graves et Yurcich ont affirmé que le document avait été lancé au visage de M me Graves et que celle-ci avait d'abord faire un mouvement en arrière, puis qu'elle avait levé les bras pour repousser M. Speck, le faisant trébucher et tomber dans un fauteuil. Ces deux témoins ont déclaré que M. Speck s'était relevé rapidement et qu'il avait essayé de frapper M m e Graves. Selon la fonctionnaire s'estimant lésée, M. Speck, les dents serrés, avait l'air en colère. Les deux témoins ont dit que M me Graves avait bloqué le bras droit de M. Speck, puis avait levé le bras droit en direction de M. Speck. Ni l'une ni l'autre n'ont pu dire s'il y avait eu contact. M me Yurcich a déclaré qu'elle avait crié que M m e Graves était enceinte pour que M. Speck arrête. C'est à ce moment-là que M. Young est intervenu pour les séparer.

M. Young a déclaré que M. Speck a braqué l'imprimé d'ordinateur sur le visage de M m e Graves. Celle-ci s'est avancée et a essayé de frapper M. Speck, le faisant reculer d'un pas. Ce dernier lui a saisi les poignets. C'est à ce moment-là que M. Young est intervenu pour les séparer. Il a remarqué que M. Speck avait été égratigné dans le cou et qu'il saignait.

Les deux femmes sont sorties du bureau, et M. Speck est allé aux toilettes pour soigner sa blessure au cou. M. Young a affirmé que M. Speck lui a dit qu'il voulait

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m e Yurcich, mais que M m e Graves

Décision Page 5 porter des accusations. Il a donc pris des photos du cou de M. Speck, et a fait venir la police. M. Speck a rempli un rapport d'incident (pièce G-1). La police a eu une conversation avec MM. Young et Speck, puis ce dernier s'est rendu à l'hôpital pour se faire soigner. Il n'a pas été nécessaire de lui faire des points de suture.

M me Graves a déclaré qu'elle est retournée au bureau elle est immédiatement allée voir son superviseur, M. Mooney, pour lui raconter l'incident tel qu'il a été décrit ci-dessus. Selon le témoignage de M. Mooney, la fonctionnaire lui a dit qu'elle avait frappé M. Speck, soit « Je l'ai frappé, je n'aurais pas et je m'en excuse. »

M. Mooney s'est enquis de l'état de M prendre congé; elle s'est étendue pendant quelques minutes pour se ressaisir, puis est allée travailler. M. Mooney a demandé à M rapport d'incident, ce qu'elles ont fait (pièces E-5 et E-3). Ni l'une ni l'autre n'ont été interrogées par la suite au sujet de l'incident.

M. Mooney a déclaré que, plus tard au cours de la journée, il a appris que la police avait été avisée, et il a accompagné la fonctionnaire au bureau de M me Trudy Kraker, chef, Opérations douanières. La police a remis une citation de comparution générale à M m e Graves et l'a libérée. Cette dernière est ensuite rentrée chez elle.

M. John Johnston était le directeur de la région du sud de l'Ontario et, à ce titre, il était responsable de la région de Niagara Falls. Il a été mis au courant de l'incident et il a demandé à M me Kraker de faire enquête. Il a déclaré qu'il a été tenu au courant de l'enquête et qu'il a été informé des déclarations de divers employés. La décision d'imposer une mesure disciplinaire à M me Graves lui incombait en bout de ligne. La recommandation d'imposer une suspension de cinq jours est venue de M me Kraker, et M. Johnston y a souscrit. Ce dernier a examiné les déclarations écrites de M. Young (pièce G-1), de M me Graves (pièce E-3) et de M me Yurcich (pièce E-5). Il a affirmé qu'il a tenu compte des états de service de la fonctionnaire et de son dossier sans tache. Il a également pris en considération le fait qu'il faut entretenir des rapports mutuellement acceptables avec les employés de l'administration des ponts, et que les inspecteurs des douanes reçoivent une formation en vue d'apprendre à réagir convenablement dans des situations stressantes, ce que M me Graves n'a pas fait à son Commission des relations de travail dans la fonction publique

me Graves et lui a demandé si elle voulait m e Yurcich et à M me Graves de préparer un

Décision Page 6 avis. Il s'agissait, selon lui, d'une infraction grave, et la fonctionnaire était un agent de la paix, en uniforme, quand l'incident s'est produit. Il craignait également que la fonctionnaire réagisse de la même façon en cas de problème avec les voyageurs. Le dernier élément dont il a tenu compte a été le fait qu'il n'a décelé aucun indice de reconnaissance d'un tort ou de remords dans la déclaration de M me Graves (pièce E-3) et que celle-ci ne s'est pas excusée. Il a précisé, toutefois, pendant le contre-interrogatoire, qu'il n'avait pas personnellement interrogé les protagonistes, mais qu'il croyait que ce que M me Graves avait écrit dans son rapport n'était pas ce qu'elle avait dit initialement à M. Mooney. Il était d’avis qu’une suspension de cinq jours était justifiée.

Plaidoirie de l'employeur M e Newman débute en disant que la présente affaire est inhabituelle du fait qu'il est rarement sinon jamais arrivé à un agent de la paix, en uniforme, de se laisser aller à un tel comportement. La situation s'est envenimée à partir d'une insignifiance, somme toute, et les actions de la fonctionnaire s'estimant lésée y ont contribué.

Tout en convenant que l'employeur avait le fardeau de la preuve, M affirme que ce dernier n'était pas obligé de prouver qu'il y avait eu voies de fait au sens du Code criminel.

Les événements du 16 juillet 1997 ont comme origine l'affectation de M. Speck à la tâche de noter les numéros des plaques d'immatriculation des véhicules garés dans le stationnement sans le permis obligatoire. Il ne faisait qu'accomplir son travail quand il est allé au-devant de M. Scott et de M me Graves. Il leur a demandé s'ils avaient le permis obligatoire, et ils lui ont répondu qu’il n’était pas visible. Il n'a pas noté le numéro de la plaque du véhicule de M. Scott parce que ce dernier lui a dit qu'il était sur le point de partir. Il a toutefois noté celui de la voiture de M me Graves. Les deux ont échangé quelques mots, et M e Newman présume que M m e Graves était fâchée parce que le fait de ne pas avoir de permis allait lui causer un inconvénient; elle serait dénoncée et elle allait devoir prendre le temps d'aller voir le capitaine du péage pour s'assurer que l'on ne remorque pas sa voiture. Elle s'est défoulée sur M. Speck.

M me Graves a réprimandé M. Speck en public et l'aurait fait en termes grossiers. Elle l'a nié et M. Scott a affirmé qu'il ne l'avait pas entendue, mais M e Newman présume Commission des relations de travail dans la fonction publique

e Newman

Décision Page 7 qu'elle a effectivement employé des termes grossiers et que M. Scott l'a entendue, mais qu'il protège sa collègue. Selon M e Newman, entre les deux témoignages, celui de M. Speck est plus crédible.

Les protagonistes se sont affrontés la fois suivante dans le bureau du capitaine du péage, M. Young. M. Speck a ouvert la porte aux deux femmes et est resté dans le bureau parce qu'il était préoccupé au sujet de l'incident survenu dans le terrain de stationnement, croyant que l'on allait peut-être porter plainte contre lui; il voulait pouvoir se défendre contre une accusation verbale.

Malgré la divergence entre les récits, M e Newman me suggère de retenir la version de M. Speck vu que ce dernier n'avait rien contre la fonctionnaire. M. Speck a peut-être été étonné d'entendre ce qu'on disait à son sujet, et son visage traduisait son étonnement, mais le fait demeure qu'il est celui qui a été agressé.

M. Speck a peut-être manqué de jugement en remettant le rapport statistique aux deux femmes pour qu'elles le livrent à sa place, mais le fait de remettre le document ne peut pas être qualifié d'acte menaçant. Il tenait le document pendant qu'il leur parlait et il se trouvait à une certaine distance d'elles avant de s'approcher. Ces dernières savaient qu'il voulait leur remettre un document et, quand il s'est rapproché, M m e Graves le lui a arraché des mains. La fonctionnaire s'estimant lésée s'est mise en colère et a tout simplement perdu son sang froid, puis elle a agressé M. Speck, l'égratignant fort probablement et le faisant saigner.

M. Speck a voulu appeler la police, et M. Young était d'accord. Selon M e Newman, si M. Speck avait réellement été l'agresseur, M. Young n'aurait probablement pas accepté qu'on appelle la police. M. Young n'a pas vu M. Speck donner de coup de poing à la fonctionnaire s'estimant lésée, contrairement à ce que cette dernière voudrait nous faire croire.

Il est irréfutable que M. Speck a été frappé. En outre, rien n'indique qu'il s’agissait d'un acte de légitime défense. La fonctionnaire s'est tout simplement laissée emporter et a spontanément attaqué M. Speck sans qu'il y ait eu provocation. En agissant de la sorte, elle a déshonoré son uniforme et son insigne. M. Johnston en a

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Décision Page 8 conclu qu'elle pourrait agir de la même façon avec les voyageurs. En outre, c'est l'insouciance de la fonctionnaire quant à la gravité de l'infraction qui a amené M. Johnston à lui imposer une suspension de cinq jours. La sanction se veut corrective, et elle illustre le fait que la fonctionnaire n'est pas sans reproches.

L'avocat de l'employeur invoque l'affaire Kirkwood (dossier de la Commission n o 166-2-22226).

Plaidoirie de la fonctionnaire s'estimant lésée M. Done me demande de conclure que le témoignage de M. Speck n'est pas crédible il y a contradiction entre son témoignage et celui des autres témoins.

M. Done fait remarquer que, bien que l'employeur veuille nous faire croire que la mesure disciplinaire était de nature corrective, le dossier ne contient aucun élément de mesure disciplinaire progressive. M. Johnston n'a pas mené d'enquête et personne n'a, en fait, réellement interrogé M me Graves. L'employeur s'est contenté d'étudier les déclarations écrites et a préféré celle de M. Speck à celle de M me Graves, puis a imposé une suspension de cinq jours. M. Johnston a affirmé qu'il craignait que M m e Graves se laisse aller à un tel comportement avec les voyageurs, pourtant le dossier indique dix ans d'états de service sans reproche. Absolument aucun élément de preuve ne permet de croire que M me Graves ait jamais eu un problème avec les voyageurs. L'employeur a le fardeau de la preuve et, en présence d'un élément de criminalité, comme en l'espèce, ce fardeau est plus lourd. L’employeur ne s'est pas déchargé de ce fardeau en l'espèce.

M. Speck n'a pas dit la vérité quand il a parlé de sa déclaration (pièce G-1). Il a cherché à ajouter des éléments, et il a indiqué avoir voulu remettre l'imprimé d'ordinateur à M m e Yurcich. Sa déclaration écrite précise, en fait, qu'il a voulu le donner à M me Graves, fait qui est étayé par les témoignages de M outre, la preuve indique que le document a été braqué sur le visage de M Pourtant, M. Speck a affirmé, dans son témoignage, l'avoir donné à M façon normale, à hauteur de taille. Il ne faut pas le croire.

Quant à ce qui s'est passé dans le bureau du capitaine du péage, M Graves ont déclaré que M. Speck gesticulait et faisait des grimaces dans le dos de son Commission des relations de travail dans la fonction publique

me Yurcich et de M. Young. En me Graves. m e Yurcich de

mes Yurcich et

Décision Page 9 patron, M. Young. M m e Graves a affirmé qu'elle avait passé un commentaire à ce moment-là. M. Speck nie avoir été en train de faire quoi que ce soit. Il faut croire la version de la fonctionnaire vu qu'il est extrêmement improbable qu'elle ait inventé une telle histoire sur-le-champ. Elle n'avait aucune raison de le faire, et M. Speck cherchait simplement à la provoquer.

Maintenant, pourquoi M. Speck a-t-il remis l'imprimé d'ordinateur à M me Graves si, comme il l'a dit, il cherchait à l'éviter? M. Done me demande de nouveau de conclure que M. Speck avait voulu la provoquer. S'il n'avait pas commis cette erreur, l'affaire se serait terminée vu que les deux femmes étaient sur le point de sortir du bureau. Au lieu de tout simplement les laisser partir, M. Speck est intervenu et a braqué l'imprimé d'ordinateur sur le visage de M me Graves. Il l'a fait pour exacerber l'antagonisme de la fonctionnaire.

M m e Graves a eu un réflexe normal quand le document lui a été braqué sur le visage. Elle a levé les bras et a repoussé M. Speck. Ce dernier est tombé dans un fauteuil et s'est relevé en gesticulant de façon menaçante. Cela a pu être un réflexe de sa part également, mais la fonctionnaire a été menacée. Cette dernière a esquivé l'agression en se défendant avec les bras. Elle a réagi! C'était raisonnable vu les circonstances.

L'employeur dit avoir effectué son enquête une fois les esprits calmés. Était-ce une véritable enquête? La réponse est non. Personne n'a été interrogé. C'est une indication que la préoccupation réelle de l'employeur était ses rapports avec la CPNF. Si M. Johnston avait posé des questions, il aurait appris que M me Graves s'était effectivement excusée quand elle est retournée dans le bureau de M. Mooney.

M. Speck est le genre de personne à faire une montagne d'un rien. Il a réagi de façon excessive à une situation qu'il a lui-même provoquée.

Réfutation Certes, l'enquête aurait pu être menée différemment, mais l'élément critique est la preuve qui a été produite au cours de l'audience. Cette preuve démontre que M m e Graves a attaqué M. Speck. M. Young, qui n'a aucune raison de mentir au sujet de ce qui s'est passé, souscrit à cette version.

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Décision Page 10 Alors que la réaction de M m e Graves peut avoir été spontanée, elle a également été téméraire. Cette réaction a été sans commune mesure avec les incidents. Personne n'a contesté que M. Speck est celui qui a été blessé, et la suspension imposée était justifiée.

Motifs de la décision Une suspension de cinq jours a été imposée parce que la fonctionnaire s'estimant lésée [traduction] « […] a agressé un employé de la Commission du pont de Niagara Falls, M. Ian Speck, pendant qu'il était en service. » (pièce E-1). M. Done a affirmé qu'aucune mesure disciplinaire n'a été imposée à la suite de ce qui s'est passé dans le stationnement et que, par conséquent, il ne faut pas tenir compte de cet incident pour déterminer la mesure disciplinaire. Je suis d'accord parce que je trouve que cet incident n'a presque rien à voir avec les événements survenus par la suite dans le bureau de M. Young. Ce premier incident n'a fait que préparer le terrain pour ce qui s'est produit par la suite. La décision sur le caractère approprié de la mesure imposée par l'employeur ne sera donc pas fondée sur l'incident du stationnement.

M m e Graves avait besoin d'un permis de stationnement, sinon son véhicule risquait d'être remorqué. Elle n'avait pas le permis en question dans son véhicule le 16 juillet 1997. Elle devait donc se rendre au bureau du capitaine du péage, M. Young, pour lui expliquer son dilemme et pour lui en demander un autre. Elle y est allée accompagnée de M me Yurcich et elle y a rencontré la même personne qu'au début de la journée, M. Ian Speck. Il y avait donc quatre personnes dans le bureau du capitaine du péage, M. Young.

À l'audience, les quatre témoins ont décrit ce qui s'est passé, mais leurs souvenirs divergent.

Ces personnes ont toutes convenu, cependant, que M étaient allées voir M. Young pour lui expliquer qu'elles avaient oublié leur permis de stationnement et qu'elles en avaient besoin d'un autre. Elles ont toutes convenu également que M. Young a dit aux deux femmes de ne pas s'en faire, qu'il allait s'en occuper.

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m e Graves et M m e Yurcich

Décision Page 11 M m es Yurcich et Graves ont déclaré que M. Speck gesticulait et leur faisait des grimaces pendant qu'elles parlaient. Elles ont affirmé qu'elles avaient trouvé cela enfantin, et M me Graves l'a dit à ce moment-là. M. Young ne voyait pas ce qui se passait vu que M. Speck se tenait derrière lui, et M. Speck a nié avoir été en train de gesticuler et de faire des grimaces.

Je conclus, dans ce cas-ci également, que cela n'a pas grand-chose à voir avec la mesure disciplinaire qui a été imposée. S'il y a eu des grimaces et des gestes, ceux-ci ne sont pas à l'origine de l'agression. En effet, après le commentaire de M m e Graves à leur sujet, cette dernière et M me Yurcich ont fait volte-face en vue de sortir du bureau. Par conséquent, qu'il y ait eu ou non des grimaces et des gestes n'est pas important pour déterminer si la suspension de cinq jours est appropriée.

La situation tourne autour de la remise de l'imprimé d'ordinateur par M. Speck à M me Graves. Selon son témoignage, M. Speck a voulu remettre le document à M me Yurcich, et il a déclaré avoir présenté le document à hauteur de taille. M. Young, M me Yurcich et M m e Graves ont tous déclaré que le document, qui comptait trois pages, a été braqué sur le visage de M me Graves, à une distance de neuf à douze pouces, et qu’il s'est déroulé.

Je conclus que cette dernière version est le scénario probable. M. Young était une partie désintéressée. Son témoignage à ce sujet, correspond à la description de l'incident faite par la fonctionnaire s'estimant lésée. Le scénario du document braqué sur le visage de la fonctionnaire est le plus sensé à mon avis.

Par conséquent, ayant conclu que l'imprimé d'ordinateur a été braqué sur le visage de M m e Graves, que dois-je conclure ensuite? La fonctionnaire a déclaré qu'elle avait levé les deux bras pour repousser M. Speck. Elle ne sait pas si elle l'a touché. La preuve a démontré que M. Speck s'est mis à saigner dans le cou, probablement parce que M m e Graves l'a égratigné. À ce sujet également, je conclus que c'est probablement ce qui est arrivé. Je conclus aussi que M m e Graves sait probablement qu'il y a eu un contact vu que M. Mooney a déclaré qu'elle est allée le voir immédiatement après l'incident. Ce dernier a déclaré qu'elle lui a dit ce qui suit : « Je l'ai frappé, je n'aurais pas et je m'en excuse. »

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Décision Page 12 M. Done a indiqué que la preuve avait démontré que la fonctionnaire s'estimant lésée avait exprimé ses regrets au cours de sa conversation avec M. Mooney, et il m'a demandé de conclure que c'était effectivement le cas. J'en conviens. Toutefois, je conclus également que la fonctionnaire a admis avoir frappé M. Speck et a reconnu avoir eu tort de le faire.

Vu cette conclusion, je dois maintenant me pencher sur l'importance de la mesure disciplinaire.

M. Johnston a affirmé qu'il a fondé sa décision sur les déclarations des employés. Personne n'a interrogé la fonctionnaire. On lui a demandé une déclaration écrite et elle en a remis une. Sur la foi de cette déclaration ainsi que d'autres déclarations écrites et en tenant compte de la gravité du geste commis, M. Johnston a décidé d'imposer une suspension de cinq jours.

Quand une mesure disciplinaire est envisagée, il est normal, en vue de maintenir de bonnes relations de travail, d'au moins essayer de rencontrer l'employé en personne dans le cadre d'une enquête en bonne et due forme. Il s'agit d'une étape normale du processus disciplinaire. Si cela avait été fait en l'espèce, l'employeur aurait sans doute appris que la fonctionnaire avait, premièrement, avoué à son superviseur qu'elle avait frappé M. Speck, deuxièmement, qu'elle avait affirmé qu'elle n'aurait pas agir de la sorte et, troisièmement, qu'elle s'était excusée.

M. Johnston a affirmé précisément que la mesure disciplinaire était en partie fondée sur le fait que la fonctionnaire n'avait pas reconnu ses torts et qu'elle ne s'était pas excusée. Il ne savait tout simplement pas qu'elle avait fait les deux, dès le départ. Malgré l'absence d'excuses dans la déclaration écrite (pièce E-3), cela ne signifie pas que la fonctionnaire n'en a pas faites. M. Mooney a déclaré qu'il y en a eues, ce qui n'a pas été réfuté. Assurément, il aurait été préférable pour la fonctionnaire de s'excuser auprès de M. Speck. Quoi qu'il en soit, elle s'est excusée, contrairement à ce que croit M. Johnston.

Cela étant dit, je crois qu'une suspension de trois jours serait une mesure plus appropriée en l'espèce. Certes, je considère qu'il s'agit d'incidents graves. Une inspectrice des douanes, en uniforme, a frappé quelqu'un. Une sanction valable serait, d'après moi, une suspension qui entraînerait la perte de 30 p. 100 du chèque de paye

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 13 que reçoit la fonctionnaire toutes les deux semaines. C'est ce à quoi correspond une suspension de trois jours et, vu les circonstances de la présente affaire, je trouve qu'il s'agit d'une mesure disciplinaire plus convenable.

Dans cette mesure, il est fait droit au grief.

Joseph W. Potter, président suppléant

OTTAWA, le 11 juin 1999. Traduction certifiée conforme

Serge Lareau

Commission des relations de travail dans la fonction publique

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