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Résumé :

Licenciement (non disciplinaire) - Omission d'obtenir le certificat de compétences requis - le fonctionnaire s'estimant lésé a débuté comme plombier certifié en 1978 et, en juin 1981, il s'est joint au ministère de la Défense nationale (MDN) à titre de plombier à la BFC Kingston - à l'époque, le MDN embauchait des plombiers et des tuyauteurs qui travaillaient dans des ateliers distincts - en 1995, pour réduire leurs coûts, les autorités de la BFC Kingston ont décidé de regrouper les ateliers de plomberie et de tuyautage, et les employés qui voulaient continuer à travailler dans l'atelier regroupé se sont fait imposer l'obligation d'obtenir des certificats de compétence dans le second métier qu'ils allaient devoir maîtriser - le fonctionnaire s'estimant lésé, qui voulait continuer à travailler à la base, n'a pas réussi à se qualifier comme tuyauteur, et il a été licencié pour motif non disciplinaire à compter du 23 juin 2000 - l'arbitre a conclu que l'affaire ne donnait pas lieu à une situation où il y a réaménagement des effectifs puisqu'il ne s'agissait pas de supprimer une fonction, mais plutôt d'ajouter des fonctions à un poste - cela est expressément permis par l'article 7 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, qui dispose que seul l'employeur a l'autorité quant à « l'attribution des fonctions aux postes » de la fonction publique fédérale « et à la classification de ces derniers » - l'arbitre a conclu que l'employeur avait déployé des efforts plus que raisonnables pour aider le fonctionnaire s'estimant lésé à obtenir le certificat requis pour garder son emploi, et ce n'est que lorsqu'il est devenu évident qu'il n'allait même pas essayer de s'améliorer pour se présenter une seconde fois à l'examen que l'employeur lui a offert une rétrogradation, que le fonctionnaire s'estimant lésé a refusée - selon l'arbitre, la décision de l'employeur de licencier le fonctionnaire s'estimant lésé était justifiée dans les circonstances. Grief rejeté. _________________

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2002-12-10
  • Dossier:  166-2-31074
  • Référence:  2002 CRTFP 102

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

MICHAEL JAMIESON

fonctionnaire s'estimant lésé

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Défense nationale)

employeur

Devant :  Yvon Tarte, président

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :  Barry Done, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur :  Jennifer Champagne, avocate


Affaire entendue à Kingston (Ontario),
le 30 septembre et les 1er et 2 octobre 2002.

Contexte

[1]   Le fonctionnaire s'estimant lésé, Michael Jamieson, a débuté comme plombier certifié en 1978. En juin 1981, il s'est joint au ministère de la Défense nationale (MDN) à titre de plombier GL–PIP–9. À l'époque, le MDN embauchait des plombiers et des tuyauteurs qui travaillaient dans des ateliers distincts.

[2]   En 1995, le MDN a dû repenser et rationaliser les opérations de ses bases dans le cadre du programme de réduction des dépenses du gouvernement. Pour réduire leurs coûts, les autorités de la BFC Kingston ont décidé de regrouper les ateliers de plomberie et de tuyautage de façon à passer d'un effectif total de 20 ouvriers dans les deux ateliers à 12 plombiers-tuyauteurs dans un seul atelier combiné. Par suite de cette décision, les employés qui voulaient continuer à travailler dans l'atelier regroupé se sont fait imposer l'obligation d'obtenir des certificats de compétence dans le second métier qu'ils allaient devoir maîtriser.

[3]   Le fonctionnaire s'estimant lésé, qui voulait continuer à travailler à la base, n'a pas réussi à se qualifier comme tuyauteur. Il a été licencié pour motif non disciplinaire à compter du 23 juin 2000 (pièce E–1).

La preuve

Pour l'employeur

[4]   L'employeur a fait comparaître quatre témoins et déposé 25 pièces.

[5]   Le colonel M. Skidmore était commandant de la BFC Kingston de juillet 1998 à juin 2000. Il a expliqué les circonstances qui ont mené l'employeur à rationaliser ses opérations et à regrouper les ateliers de plomberie et de tuyautage.

[6]   La décision d'exiger deux certificats de compétence des ouvriers affectés à l'atelier combiné a été prise en 1995. Afin de s'assurer que le syndicat appuierait son plan de regroupement, le colonel Skidmore a tenu des consultations avec des représentants de l'Union des employés de la Défense nationale, qui fait partie de l'Alliance de la Fonction publique du Canada, l'agent négociateur du fonctionnaire s'estimant lésé.

[7]   Les plombiers qui voulaient continuer de travailler à la base se sont fait offrir la possibilité de devenir tuyauteurs certifiés, en suivant aux frais de l'employeur un cours donné par la section locale 221 de l'United Association of Journeymen and Apprentices of the Plumbing and Pipe Fitting Industry of the United States and Canada (la section locale 221).

[8]   Tous les plombiers de la BFC Kingston qui sont restés au service du MDN à l'atelier regroupé se sont présentés à l'examen provincial de tuyauteur. Le fonctionnaire s'estimant lésé s'y est présenté à l'été 1999; il était un des derniers plombiers de la base à le faire. Il a été le seul plombier de la BFC Kingston à s'être présenté à l'examen et à échouer (par un seul point).

[9]   Quand l'employeur a su que le fonctionnaire s'estimant lésé avait raté l'examen, il est resté convaincu qu'il pourrait facilement le réussir à sa deuxième tentative avec un peu plus de formation et d'expérience pratique.

[10]   Le deuxième témoin de l'employeur, John Telford, était directeur des affaires de la section locale 221 de 1998 à 2000. M. Telford a des certificats de compétence en plomberie (1976–1976) et en tuyautage (1979–1980). En 1997, la BFC Kingston a demandé à la section locale 221 de donner à ses plombiers la formation nécessaire pour les préparer à l'examen provincial de tuyauteur. Le cours offert était conçu à l'intention de tuyauteurs ou de plombiers comptant cinq ans d'apprentissage désireux d'obtenir un certificat de compétence dans les deux métiers.

[11]   D'après M. Telford, une grande partie des fonctions des plombiers et des tuyauteurs sont génériques (pièce E–11). Par conséquent, une grande partie des tâches normales d'un plombier seraient considérées comme des tâches attribuées à un tuyauteur (en vertu du Règlement 1079 de l'Ontario sur les tuyauteurs (pièce E–9)), de sorte qu'un plombier expérimenté peut être autorisé à se présenter à l'examen de tuyauteur pour obtenir un second certificat de compétence.

[12]   Le pourcentage de réussite à l'examen de tuyauteur des plombiers qui ont suivi le programme de formation de la section locale 221 est de près de 100 p. 100. Sur environ 250 plombiers ayant bénéficié de cette formation qui se sont présentés à l'examen au fil des années, tous sauf trois - dont le fonctionnaire s'estimant lésé - l'ont réussi.

[13]   D'après M. Telford, en sa qualité de plombier et de tuyauteur certifié, M. Jamieson avait la compétence nécessaire pour se présenter à l'examen provincial de tuyauteur et pour le réussir.

[14]   Le troisième témoin de l'employeur, le major Brian McGee, est arrivé à la BFC Kingston à l'été 1996. À l'automne 1998, il a été nommé officier des services de génie, un poste qu'il a occupé jusqu'en décembre 1999, quand il a été nommé commandant adjoint de la base. Il a occupé ce poste–là jusqu'à la fin de juin 2001.

[15]   Vers la fin de 1998, le major McGee a été informé que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas encore obtenu son certificat de compétence comme tuyauteur. Puisque les ouvriers de l'atelier devaient avoir les deux certificats, il a écrit à M. Jamieson en décembre 1998 pour lui déclarer qu'il devait avoir obtenu son certificat de tuyauteur au plus tard le 28 février 1999 (pièce E–14).

[16]   Après avoir eu avec M. Jamieson des discussions au cours desquelles celui–ci avait déclaré ne pas avoir reçu une formation suffisante pour se présenter à l'examen de tuyauteur, en soutenant que la nécessité d'une double qualification était contestable de toute façon, le major McGee lui a fait savoir, au début d'avril 1999 (pièce E–16) qu'il aurait jusqu'au 28 juin 1999 ou, à défaut, jusqu'au 5 juillet 1999 pour passer l'examen de tuyauteur. Comme je l'ai déjà précisé, le fonctionnaire s'estimant lésé s'est présenté à l'examen et l'a raté d'un point.

[17]   Entre-temps, le major McGee avait parlé avec Peter Bacon et Laurie-Lee Round, deux fonctionnaires de l'Apprentissage et services aux clients du ministère de la Formation et des Collèges et Universités de l'Ontario (le Ministère) qui s'étaient occupés du dossier de M. Jamieson. Il a obtenu d'eux l'assurance que, dans cette affaire, l'employeur s'était conformé à la réglementation provinciale.

[18]   Au début de septembre 1999, le major McGee a de nouveau écrit au fonctionnaire s'estimant lésé pour l'informer que le Ministère et la section locale 221 souscrivaient sans réserve à l'approche que l'employeur avait adoptée pour faire certifier les plombiers de la BFC Kingston comme tuyauteurs (pièce E–15). Par la même occasion, il informait l'intéressé que celui–ci aurait jusqu'au 5 novembre 1999 pour se présenter une seconde fois à l'examen de tuyauteur. À la fin de sa lettre, le major McGee précisait clairement 1) que le fonctionnaire s'estimant lésé ne pourrait pas continuer à occuper son poste s'il n'obtenait pas son certificat de compétence comme tuyauteur; 2) que des mesures disciplinaires seraient prises contre lui s'il ne se présentait pas à l'examen et enfin 3) que s'il échouait à l'examen, il pourrait être rétrogradé pour motif valable.

[19]   Le fonctionnaire s'estimant lésé ne s'est pas présenté à l'examen de tuyauteur comme il était tenu de le faire en novembre 1999. Le 9 de ce mois, le major McGee l'a informé que son refus de se présenter à l'examen équivalait à de l'inconduite et que l'employeur allait enquêter sur la question.

[20]   Le major McGee a rencontré le fonctionnaire s'estimant lésé et son père le 12 novembre 1999. À cette occasion–là, les parties n'ont toujours pas réussi à s'entendre sur la nécessité d'une double certification ni sur la question de savoir si le fonctionnaire s'estimant lésé avait suffisamment d'expérience comme tuyauteur pour réussir l'examen. M. Jamieson a continué à maintenir qu'il n'était pas tenu de se conformer à l'ordre qui lui avait été donné de se présenter à l'examen.

[21]   Le 8 décembre 1999, M. Jamieson a envoyé au Ministère un affidavit dans lequel il déclarait que, tout le temps qu'il avait été au service du MDN, il n'avait « jamais fait de tuyautage » [traduction]. Cet acte du fonctionnaire s'estimant lésé a incité l'employeur à enquêter sur ce qu'il considérait comme de la fausse représentation de sa part. Le 16 décembre 1999, l'intéressé s'est vu remettre une lettre de réprimande pour fausse représentation et pour ne s'être pas présenté à l'examen de tuyauteur quand on le lui avait ordonné (pièce E–19).

[22]   La lettre de réprimande était signée par le major McGee en sa qualité de commandant adjoint de la base, poste qu'il avait commencé à occuper au début de décembre. Le capitaine Chris Hann, qui a été le quatrième témoin de l'employeur, a succédé au major McGee comme officier des Services de génie.

[23]   Dans l'intervalle, l'employeur a analysé les feuilles de travail du fonctionnaire s'estimant lésé pour déterminer la véritable nature de son exposition à des tâches de tuyauteur.

[24]   Le 11 janvier 2000, le capitaine Hann a écrit au Ministère (pièce E–20) pour préciser la position de l'employeur quant à l'admissibilité de M. Jamieson à l'examen provincial de tuyauteur. (Il vaut la peine de souligner que, après avoir reçu l'affidavit du 8 décembre, le Ministère avait décidé que M. Jamieson n'était plus admissible à l'examen.)

[25]   Le Ministère a répondu au capitaine Hann à la fin janvier en déclarant que seul M. Jamieson pouvait présenter une demande pour faire réactiver sa demande de candidature à l'examen.

[26]   Le capitaine Hann a écrit au fonctionnaire s'estimant lésé le 11 février 2000 pour lui recommander de se présenter à l'examen au plus tard le 29 février 2000 (pièce E–22). M. Jamieson n'a pas accepté cette recommandation.

[27]   L'employeur a alors pris des dispositions pour que le fonctionnaire s'estimant lésé se présente à l'examen de tuyauteur le 27 avril 2000 (pièce E–23). M. Jamieson a été informé par écrit qu'il devait communiquer avec le Ministère afin de confirmer son intention de se présenter à l'examen. On lui disait aussi clairement dans cette lettre que, s'il ne se présentait pas à l'examen, il pourrait en résulter d'autres mesures allant jusqu'à la rétrogradation ou au licenciement.

[28]   M. Jamieson ne s'est pas présenté à l'examen le 27 avril 2000. Le capitaine Hann lui a alors écrit pour l'informer de ce qui suit (pièce E–24) :

[Traduction]

Comme vous ne vous êtes pas présenté à cet examen, la direction a cherché les postes à votre groupe et niveau pour lesquels vous êtes qualifié, mais n'en a malheureusement trouvé aucun. Toutefois, elle est en mesure de vous offrir d'être déployé à un poste de niveau inférieur. Je vous envoie, ci–joint, une offre de déploiement dans un poste d'aide-ouvrier qualifié (GL ELE 03).

Veuillez prendre note que, si vous décidez de ne pas accepter ce déploiement, la direction sera contrainte à envisager votre licenciement. J'espère sincèrement que ce ne sera pas nécessaire.

[29]   Le 18 mai 2000, le colonel Skidmore a informé le fonctionnaire s'estimant lésé que l'employeur allait le licencier pour motifs non disciplinaires s'il ne réussissait pas à obtenir une licence de tuyauteur au plus tard le 16 juin 2000.

[30]   Le 12 juin 2000, le brigadier-général J.C.M. Gauthier, commandant du Quartier général du Secteur du Centre de la Force terrestre, a écrit au fonctionnaire s'estimant lésé que la recommandation du colonel Skidmore de le licencier pour motifs non disciplinaires avait été acceptée. Dans cette lettre, M. Jamieson s'est fait dire que son emploi allait officiellement cesser le 23 juin 2000 à moins qu'il ait obtenu une licence provinciale de tuyauteur avant cette date.

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé

[31]   Joe McAuliffe a travaillé comme aide-ouvrier qualifié avec le fonctionnaire s'estimant lésé de 1992 à 1998; il a dû cesser de travailler alors en raison d'une blessure professionnelle. Il venait tout juste de reprendre le travail au moment de l'audience.

[32]   Le témoin a déclaré que, tout le temps qu'il a travaillé avec M. Jamieson de 1992 à 1998, ils n'ont jamais fait que des travaux de plomberie.

[33]   M. McAuliffe a toutefois reconnu qu'une grande partie des tâches génériques décrites à la pièce E–11, préparée par John Telford, étaient exécutées par le fonctionnaire s'estimant lésé en sa qualité de plombier.

[34]   Brian Carter est le frère du fonctionnaire s'estimant lésé. Il se sont rencontrés pour la première fois en mai 2000, peu de temps avant le licenciement de M. Jamieson. M. Carter, qui a été donné en adoption tout jeune, n'a jamais travaillé comme plombier ni comme tuyauteur.

[35]   M. Carter a fait enquête pour son frère; il est venu à la conclusion, après avoir parlé à des représentants du Ministère, que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas l'expérience professionnelle nécessaire pour se présenter à l'examen provincial de tuyauteur.

[36]   M. Jamieson a témoigné ensuite; il a déclaré avoir commencé à travailler comme plombier certifié au MDN en 1981. C'est le 1er avril 1996, dans une réunion qui n'a pas duré plus d'une demi–heure, qu'il a entendu parler pour la première fois de la fusion des ateliers de plomberie et de tuyautage de la BFC Kingston. Il est sorti de cette réunion convaincu que l'obtention d'un deuxième certificat de compétence était facultative. Selon lui, c'est en décembre 1998 (pièce E–14) qu'il a été informé officiellement pour la première fois que l'obtention de ce deuxième certificat de compétence était obligatoire.

[37]   Le fonctionnaire s'estimant lésé ne s'est jamais senti qualifié pour se présenter à l'examen de tuyauteur. À son avis, avant de pouvoir le faire, il aurait dû avoir accumulé de 4 000 à 5 000 heures de travail en tuyautage.

[38]   M. Jamieson dit avoir reçu environ 100 heures de formation et avoir accumulé quelque 550 heures d'expérience professionnelle, ce qui est bien en–deçà des 4 000 à 5 000 heures qu'il lui aurait fallu.

[39]   Ces raisons ont amené M. Jamieson a soumettre au Ministère un affidavit (pièce E–5), en décembre 1999, pour déclarer qu'il n'avait jamais fait de tuyautage.

[40]   Le fonctionnaire s'estimant lésé reconnaît toutefois s'être présenté à l'examen provincial à l'été de 1999 même s'il ne se sentait pas qualifié pour le faire. Après avoir reçu son affidavit (pièce E–5), le Ministère lui a retiré son admissibilité à l'examen de tuyauteur.

[41]   En mars 2001, le Ministère a écrit au fonctionnaire s'estimant lésé (pièce E–6) en réponse à sa demande d'une description écrite succincte de l'historique de sa demande de certification et de l'état de cette demande. Voici l'essentiel de la réponse du Ministère :

[Traduction]

En vertu de la Loi sur la qualification professionnelle et l'apprentissage des gens de métier, une personne certifiée comme plombier 306A peut présenter une demande d'admissibilité à l'examen de certification de tuyauteur 307A à condition de prouver qu'elle a accumulé plus de 4 000 heures d'expérience en tuyautage.

En juin 1997, une demande d'autorisation à subir l'examen de certification a été reçue à notre bureau. Il s'agissait d'une demande signée par vous, accompagnée d'une lettre signée par la section locale 221 de l'United Association of Journeymen and Apprentices of the Plumbing and Pipe Fitting Industry of the United States and Canada. Les renseignements figurant dans ces deux documents se corroboraient; vous avez par conséquent été considéré comme admissible à l'examen de certification.

En décembre 1999, vous nous avez fait parvenir un affidavit dans lequel vous déclariez sous serment n'avoir « jamais fait de tuyautage ». Nous n'avions donc plus de corroboration, et c'est pourquoi nous vous avons retiré votre admissibilité à l'examen de certification. Votre demande d'admissibilité ne sera pas réactivée avant que nous ayons reçu d'autres renseignements confirmant vos qualifications.

[42]   Avant son licenciement, M. Jamieson s'est fait offrir une rétrogradation sans protection salariale dans un poste d'aide-ouvrier qualifié. Cette offre l'a insulté puisqu'il est un plombier certifié et qu'il aurait subi une baisse de traitement de l'ordre de 13 000 $. Il ne s'est pas fait offrir d'autres postes de plombier ailleurs au Canada.

[43]   La plupart des collègues plombiers du fonctionnaire s'estimant lésé, dont certains avaient moins d'expérience en plomberie que lui, se sont présentés à l'examen de tuyauteur en juillet 1996; ils l'ont tous réussi.

[44]   Même si M. Jamieson a présenté un grief de classification en février 1997 pour contester l'ajout de tâches de tuyauteur à sa description de poste et qu'il a reçu la formation en tuyautage offerte par son employeur en avril 1997, il maintient que cette formation supplémentaire et la double certification ne sont devenues obligatoires qu'en décembre 1998 (pièce E–14).

[45]   Le fonctionnaire s'estimant lésé souscrit globalement à l'évaluation de M. Telford, à la pièce E–11, sur les éléments génériques entre les métiers de plombier et de tuyauteur.

[46]   Enfin, deux lettres ultérieures au licenciement de M. Jamieson ont été déposées avec le consentement des parties. La première de ces lettres, datée du 29 mars 2001 (pièce E–7), a été écrite par le Ministère à l'employeur et se lit en partie comme il suit :

[Traduction]

En vertu de la Loi sur la qualification professionnelle et l'apprentissage des gens de métier, une personne certifiée comme plombier 306A peut présenter une demande d'admissibilité à l'examen de certification de tuyauteur 307A à condition de prouver qu'elle a accumulé plus de 4 000 heures d'expérience en tuyautage. Les renseignements fournis sont évalués, et l'un des facteurs clés de l'évaluation est l'existence de renseignements vérifiables venant de sources différentes qui se corroborent. Normalement, la corroboration nécessaire est assurée quand le candidat présente des renseignements distincts émanant d'une partie indépendante compétente et confirmant que les renseignements qu'il a lui-même donnés sont véridiques. Cette évaluation a pour seul objet de déterminer l'admissibilité du candidat à l'examen. L'examen de certification est le déterminant final de la compétence.

[47]   La seconde lettre, datée celle–là du 30 octobre 2001, a elle aussi été adressée par le Ministère à l'employeur et se lit en partie comme il suit (pièce E–8) :

[Traduction]

Je réponds ici à la demande que vous m'avez adressée le 24 octobre 2001 afin que je prenne connaissance d'un résumé du contenu de la formation pour déterminer si une personne ayant des connaissances comparables serait considérée comme admissible à l'examen d'obtention du certificat de compétence comme tuyauteur.

Comme vous le savez, une personne certifiée comme plombier 306A peut présenter une demande d'admissibilité à l'examen de certification de tuyauteur 307A à condition de prouver qu'elle a accumulé plus de 4 000 heures d'expérience en tuyautage. Les renseignements fournis sont évalués, et l'un des facteurs clés de l'évaluation est l'existence de renseignements vérifiables venant de sources différentes qui se corroborent. Normalement, la corroboration nécessaire est assurée quand le candidat présente des renseignements distincts émanant d'une partie indépendante compétente et confirmant que les renseignements qu'il a lui-même donnés sont véridiques.

Les documents que vous nous avez présentés montrent clairement que la personne intéressée a 828 heures de formation et d'expérience professionnelle en tuyautage. En outre, l'intéressé a travaillé comme plombier pendant 19 ans, et les documents renferment une analyse de sa formation et de son expérience professionnelle commune aux deux métiers. On peut en déduire qu'il aurait vraisemblablement acquis les 3 172 heures d'expérience en tuyautage de plus qu'il lui aurait fallu, mais ce n'est pas explicite.

Dans une situation comme celle–là, nous tiendrions à nous assurer que l'intéressé a effectivement été appelé à exécuter des tâches communes à la plomberie et au tuyautage au cours de ces 19 années. Il serait rare, mais néanmoins possible, qu'un plombier licencié ait travaillé exclusivement à des tâches administratives de plomberie pendant toutes ces 19 années et n'ait pas acquis les compétences qu'une telle expérience implique.

Arguments

Pour l'employeur

[48]   On constate dans cette affaire étayée d'une abondante documentation les très grands efforts que l'employeur a déployés pour aider le fonctionnaire s'estimant lésé à obtenir un certificat de compétence de tuyauteur à partir de 1996 et jusqu'à la date de son licenciement.

[49]   La preuve a révélé que le fonctionnaire s'estimant lésé s'est fait demander de se présenter à l'examen provincial au moins six fois. Il a été aussi averti à de nombreuses occasions que refuser de le faire pourrait mener à son licenciement.

[50]   La position de M. Jamieson, à savoir que l'obtention d'une double certification était facultative jusqu'en décembre 1998, n'est pas compatible avec la preuve présentée, y compris son propre témoignage.

[51]   Dans cette affaire, l'employeur s'est conformé aux Lignes directrices du Conseil du Trésor concernant la rétrogradation et le licenciement pour un motif valable (pièce E–3). Il n'a jamais agi de façon arbitraire ni discriminatoire.

[52]   Le fonctionnaire s'estimant lésé n'a que lui-même à blâmer pour la situation dans laquelle il se retrouve. On l'a licencié parce qu'il a refusé de faire ce qu'il fallait pour obtenir un certificat de compétence de tuyauteur, alors que c'était une exigence fondamentale de son poste.

[53]   L'affidavit (pièce E–5) que le fonctionnaire s'estimant lésé a envoyé au Ministère était une fausse représentation éhontée. C'est seulement après s'être présenté à l'examen en 1999 et l'avoir raté qu'il a décidé sur l'inspiration du moment qu'il n'avait vraiment pas l'expérience nécessaire pour le faire, après tout.

[54]   M. Jamieson a constamment refusé de faire du tuyautage. Il voulait simplement continuer à travailler comme plombier. Il est le seul des neuf ou dix plombiers qui sont restés à la BFC Kingston après la fusion des deux ateliers à n'avoir pas réussi à obtenir un deuxième certificat de compétence.

[55]   Il ne s'agit pas en l'occurrence d'une situation de réaménagement des effectifs dans le contexte de la Politique sur le réaménagement des effectifs (PRE), puisque le poste du fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas été aboli, mais simplement modifié par l'ajout de tâches de tuyautage. Le grief de classification que M. Jamieson a présenté en 1997 corrobore d'ailleurs cette position.

[56]   Le témoignage de M. Telford est d'importance critique : il révèle de nombreuses ressemblances entre les métiers de plombier et de tuyauteur. M. Telford était d'avis que quelqu'un qui a travaillé comme plombier pendant 20 ans doit nécessairement avoir accumulé l'expérience nécessaire pour se présenter à l'examen de tuyauteur.

[57]   M. Jamieson s'est créé des obstacles et a refusé de coopérer avec l'employeur. Pourtant, la légitimité du processus de fusion des deux ateliers n'a jamais été contestée. Bien au contraire, les représentants syndicaux, dont M. Telford, ont appuyé la démarche de l'employeur.

[58]   À l'appui de sa position, l'employeur me renvoie à Hogan et le Conseil du Trésor (dossier de la Commission 166–2–26360), Pachowski et le Conseil du Trésor (2000, 195 F.T.R. 176) et Stitt et le Conseil du Trésor (dossier de la Commission 166–2–25981).

[59]   L'employeur a agi de bonne foi dans cette affaire en déployant tous les efforts raisonnables pour aider le fonctionnaire s'estimant lésé, mais, à cause de son manque de coopération, il n'a eu d'autre choix que de le licencier.

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé

[60]   Avant de licencier M. Jamieson, l'employeur aurait dû lui donner la formation nécessaire afin de lui permettre d'acquérir l'expérience voulue pour réussir l'examen provincial de tuyauteur. Ce que l'employeur a fait pour l'aider est bien loin de satisfaire à cette exigence. La réglementation provinciale exige 4 000 heures d'expérience valable comme tuyauteur, alors que l'employeur n'a pas donné au fonctionnaire s'estimant lésé une telle formation.

[61]   L'offre de rétrogradation de l'employeur était insultante et injustifiée. Les faits révèlent qu'il s'agit d'un réaménagement des effectifs et que, par conséquent, le fonctionnaire s'estimant lésé avait au moins droit à des mesures de protection salariale (pièce G–4).

[62]   L'employeur a aussi enfreint les articles 22 (Santé et sécurité), 23 (Sécurité d'emploi) et 24 (Changements technologiques) de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l'Alliance de la Fonction publique du Canada (code 300/99, date d'expiration : 4 août 1999, pièce G–4).

[63]   En dernière analyse, le licenciement de M. Jamieson équivaut à un congédiement pour motif disciplinaire déguisé, sans la moindre justification.

[64]   La jurisprudence invoquée par l'employeur a trait à des situations fondamentalement différentes de celle de M. Jamieson.

[65]   Le fonctionnaire s'estimant lésé devrait par conséquent être réintégré dans ses fonctions rétroactivement au mois de juin 2000. Si l'employeur tient encore à ce que M. Jamieson apprenne un nouveau métier, il devra lui offrir la formation nécessaire. Subsidiairement, si le fonctionnaire s'estimant lésé ne peut pas être réintégré dans son ancien poste, il devrait être nommé à un poste de niveau inférieur, avec les mesures de protection salariale requises par la convention collective.

Analyse et motifs de la décision

[66]   Je vais commencer par rejeter sommairement l'argument du fonctionnaire s'estimant lésé qu'il s'agit en l'espèce d'un congédiement pour motif disciplinaire déguisé. La preuve ne me permet pas de conclure objectivement qu'un motif disciplinaire ait joué dans le licenciement de M. Jamieson. Il a été licencié faute de satisfaire aux exigences fondamentales de son poste.

[67]   Je ne souscris pas non plus à l'argument du fonctionnaire s'estimant lésé que les faits en l'espèce font intervenir la PRE, soulèvent une question de santé et de sécurité ou entraînent l'application de la clause de changements technologiques de la convention collective.

[68]   Aux termes de la convention collective, un réaménagement des effectifs se produit quand l'administrateur général décide que les services d'un fonctionnaire nommé pour une période indéterminée ne seront plus requis au–delà d'une date donnée en raison d'un manque de travail, de la suppression d'une fonction, d'une réinstallation involontaire ou d'une initiative de diversification des modes de prestation du service. Il ne s'agit d'aucune de ces situations dans le cas de M. Jamieson. Nous ne parlons pas ici de la suppression d'une fonction, mais plutôt de l'ajout de fonctions à un poste, chose que permet expressément l'article 7 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, qui dispose clairement que seul l'employeur a l'autorité quant à « l'attribution des fonctions aux postes » de la fonction publique fédérale « et à la classification de ces derniers ».

[69]   La clause sur la santé et la sécurité de la convention collective (article 22) exige que l'employeur prenne des dispositions raisonnables pour assurer la santé et la sécurité au travail de ses employés. Il l'oblige aussi à tenir des consultations avec l'agent négociateur sur les questions de santé et de sécurité. Bien que M. Jamieson maintienne qu'il serait dangereux pour lui de travailler comme tuyauteur, il n'a présenté aucune preuve objective de ce qu'il affirme. La preuve m'amène à conclure le contraire puisque tous ses collègues ont réussi à s'acquitter de leurs fonctions de tuyauteur après avoir obtenu la double certification.

[70]   La clause sur les changements technologiques (article 24) de la convention collective précise qu'on entend par là « a) la mise en place par l'Employeur d'équipement ou de matériel d'une nature différente de ceux utilisés précédemment; et b) un changement dans les activités de l'Employeur directement reliées à la mise en place de cet équipement ou de ce matériel ».

[71]   En outre, la clause 24.07 de la convention collective se lit comme il suit :

Lorsque, à la suite de changements technologiques, l'Employeur décide qu'un employé–e doit acquérir de nouvelles compétences ou connaissances pour exécuter les fonctions de son poste d'attache, l'Employeur fera tout ce qui est raisonnablement possible pour fournir à l'employé–e, sans frais et sans perte de rémunération, la formation nécessaire pendant ses heures de travail.

[72]   En supposant pour discuter qu'il y a effectivement eu un changement technologique dans cette affaire (même si je ne le crois pas), force m'est de conclure que l'employeur a fait tout ce qui était raisonnablement possible pour donner la formation nécessaire à M. Jamieson.

[73]   Comme le dit le vieil adage, on peut mener le cheval à l'eau, mais pas le forcer à boire. L'employeur a fait tous les efforts raisonnables pour aider M. Jamieson à obtenir le certificat de compétence nécessaire afin de pouvoir continuer à travailler à la BFC Kingston. Pour une raison ou pour une autre, le fonctionnaire s'estimant lésé n'était pas disposé à accepter les offres d'aide et de formation de l'employeur. Il aurait facilement pu demander et obtenir une exposition supplémentaire au tuyautage. Plutôt que de coopérer avec l'employeur, il a résisté à toutes ses tentatives de le faire progresser, en créant des obstacles chaque fois qu'il en a eu l'occasion.

[74]   Je ne suis pas d'accord avec le fonctionnaire s'estimant lésé lorsqu'il prétend que les fonctions plus génériques des plombiers et des tuyauteurs ne peuvent pas compter dans l'exposition aux tâches professionnelles requise pour qu'une personne puisse se présenter à l'examen de certification dans l'autre métier. Il suffit pour arriver à cette conclusion de se reporter à la dernière lettre du Ministère (pièce E–8) :

[Traduction]

Les documents que vous nous avez présentés montrent clairement que la personne intéressée a 828 heures de formation et d'expérience professionnelle en tuyautage. En outre, l'intéressé a travaillé comme plombier pendant 19 ans, et les documents renferment une analyse de la formation et de l'expérience professionnelle commune aux deux métiers. On peut en déduire qu'il aurait vraisemblablement acquis les 3 172 heures d'expérience en tuyautage de plus qu'il lui aurait fallu, mais ce n'est pas explicite.

Dans une situation comme celle–là, nous tiendrions à nous assurer que l'intéressé a effectivement été appelé à exécuter des tâches communes à la plomberie et au tuyautage au cours de ces 19 années. Il serait rare, mais néanmoins possible, qu'un plombier licencié ait travaillé exclusivement à des tâches administratives de plomberie pendant toutes ces 19 années et n'ait pas acquis les compétences qu'une telle expérience implique.

(C'est moi qui souligne.)

[75]   Dans toute cette regrettable situation, l'employeur a agi de bonne foi en déployant des efforts plus que raisonnables pour aider M. Jamieson à faire ce qu'il fallait pour garder son emploi. Les raisons du licenciement du fonctionnaire s'estimant lésé retombent largement sur ses propres épaules. On lui a donné amplement l'occasion d'obtenir son certificat de tuyauteur. Quand il est devenu évident qu'il n'allait même pas essayer de s'améliorer pour se présenter une seconde fois à l'examen, l'employeur lui a offert une rétrogradation.

[76]   M. Jamieson a refusé l'offre de l'employeur, en disant qu'elle était insultante, alors qu'en fait, au moins d'après son représentant, une rétrogradation assortie de mesures de protection salariale aurait été acceptable. Or, les Lignes directrices de l'employeur concernant la rétrogradation et le licenciement pour un motif valable (pièce E–3) n'exigent pas qu'il fasse bénéficier un fonctionnaire de mesures de protection salariale dans les cas où il le nomme à un poste dont le taux de rémunération maximal est inférieur.

[77]   Ni la convention collective, ni les Lignes directrices en question n'exigent une protection salariale dans des cas de rétrogradation pour un motif valable comme celui–ci.

[78]   Compte tenu de tout ce qui précède, je dois donc conclure que la décision de l'employeur de licencier M. Jamieson était justifiée.

[79]   Par conséquent, pour tous ces motifs, le grief est rejeté.

Yvon Tarte,
président

Ottawa, le 10 décembre 2002.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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