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Résumé :

Licenciement (disciplinaire) - Abus de confiance - Relations inacceptables avec un détenu - le 24 juillet 2000, la fonctionnaire s'estimant lésée a été suspendue de ses fonctions à titre d'agent de programme auprès du Service correctionnel du Canada en attendant l'issue d'une enquête sur une allégation d'une relation inacceptable avec le détenu X - au terme de l'enquête, la fonctionnaire s'estimant lésée a été licenciée conformément à une lettre datée du 21 septembre 2000 de la sous-commissaire adjointe aux Opérations - l'arbitre a formulé les questions qui doivent être examinées pour déterminer si le licenciement était justifié : premièrement, l'employeur s'est-il acquitté du fardeau de la preuve en prouvant la connaissance du Code de discipline et des Règles de conduite professionnelle et leur rupture? Deuxièmement, la sanction de congédiement était-elle excessive? Troisièmement, des motifs justifient-ils le remplacement par une sanction moins lourde? - l'arbitre a conclu que la conduite de la fonctionnaire s'estimant lésée était suffisamment flagrante et qu'elle savait qu'elle était fautive, sans égard au fait ou non qu'elle savait que cela équivalait à des violations spécifiques du Code de discipline et des Règles de conduite professionnelle - l'arbitre a conclu également que les affirmations de la fonctionnaire s'estimant lésée à l'effet qu'elle ne savait pas quoi faire lorsqu'elle faisait face à certaines situations n'étaient pas crédibles, que la preuve appuie un état d'esprit plutôt contradictoire : que la fonctionnaire s'estimant lésée savait que ses interactions contestées avec le détenu étaient inappropriées et qu'elle a pris des mesures particulières pour empêcher qu'elles soient portées à l'attention d'autres employés en omettant de les signaler ou de les rapporter - l'arbitre a donc déterminé que le congédiement de la fonctionnaire s'estimant lésée n'était pas une sanction excessive - l'arbitre a déclaré que la conduite de la fonctionnaire s'estimant lésée était essentiellement et fondamentalement répréhensible compte tenu du mandat de l'employeur et de ses responsabilités à titre d'agent de programme, et que l'on n'avait pas à connaître le Code de discipline ni les Règles de conduite professionnelle pour comprendre que le comportement en question était incompatible avec les tâches et les responsabilités liées à son emploi - l'arbitre a conclu en outre qu'il ne convenait pas dans cette affaire de remplacer le congédiement par une sanction moins lourde, renvoyant au fait que l'employeur, le Service correctionnel du Canada, a des obligations très importantes à l'égard de la protection du public, du maintien de l'ordre dans ses établissements, et de la réhabilitation et de la réintégration des délinquants dans la société, et que son défi visant la surveillance des détenus est suffisamment important - l'arbitre a conclu en abordant le fait que la fonctionnaire s'estimant lésée s'était inscrite à certains cours avant sa suspension et son licenciement et en indiquant que, si l'employeur disposait d'une politique de remboursement des coûts, elle invitait les parties à vérifier si des paiements devraient être remboursés à la fonctionnaire s'estimant lésée.Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2002-12-11
  • Dossier:  166-02-31033
  • Référence:  2002 CRTFP 103

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

DEBBIE CÔTÉ

Fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Solliciteur général Canada - Service correctionnel)

Employeur

Devant :  Francine Chad Smith, c.r.

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée :  Gail Owen, agent aux griefs et à l'arbitrage, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur :  Richard Fader, avocat, et Beth Tyler, coordonnatrice régionale


Entendue à Chilliwack (Colombie–Britannique),
27 au 29 août 2002.

INTRODUCTION

[1]   La présente cause concerne le licenciement disciplinaire de la fonctionnaire s'estimant lésée, Mme Debbie Côté, en vertu de l'alinéa 11(2)(f) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

FAITS :

[2]   Le 24 juillet 2000, la fonctionnaire s'estimant lésée a été suspendue de ses fonctions à titre d'agent de programme auprès du Service correctionnel du Canada en attendant l'issue d'une enquête sur une allégation d'une relation inacceptable avec le détenu X. L'information à l'égard de la relation de la fonctionnaire s'estimant lésée avec le détenu X a d'abord été portée à l'attention de l'employeur par suite d'une déclaration faite par le détenu X. Ce dernier a fait cette déclaration à la suite de son transfert à l'établissement de Matsqui pour faciliter une enquête relative à une infraction reliée à l'héroïne à l'établissement Ferndale. Il a tenté d'utiliser cette information pour négocier son retour à l'établissement Ferndale, lequel est un établissement à sécurité minimale.

[3]   D'autres enquêtes ont été faites sur les allégations à l'égard du détenu X, lesquelles ont mené à une enquête officielle. À la suite de l'enquête, la fonctionnaire s'estimant lésée a été licenciée conformément à une lettre datée du 21 septembre 2000 de la sous–commissaire adjointe aux Opérations, Heather Bergen. Voici les parties prépondérantes de la lettre de licenciement (pièce E–23) :

[Traduction]

.Sur la foi des renseignements à ma disposition, j'en suis venue à la conclusion que vous avez enfreint le Code de discipline et les Règles de conduite professionnelle du Service correctionnel du Canada en ayant une relation inacceptable avec un détenu incarcéré dans la région du Pacifique.

.

Je suis convaincue que sur la prépondérance des probabilités, vous avez établi une relation non autorisée avec le détenu X. Une relation professionnelle doit être empreinte de loyauté à l'égard des valeurs, de l'éthique et des normes en usage au sein du Service correctionnel du Canada. Les employés doivent faire preuve de diligence quant à leur responsabilité à consigner et à rendre disponible à des fins d'examen toute information sur les détenus, ce qui pourrait contribuer à la prise de décisions judicieuses à l'égard du détenu ou de la sécurité publique. Vos gestes ont non seulement mis en péril la sécurité du délinquant, mais également la sécurité du public. Je suis convaincue qu'à la suite de votre comportement vous vous êtes rendue inapte à vous acquitter de vos fonctions auprès du Service correctionnel du Canada puisque vous avez violé la confiance que nous exigeons en ce qui a trait à la gestion des détenus de façon appropriée. Essentiellement, l'extrême importance de la confiance entre la direction et les agents de correction en milieu correctionnel a été violée au point où elle ne peut être rétablie.

Sur la foi de ce qui précède et en vertu de l'article II de la Loi sur la gestion des finances publiques je n'ai d'autre choix que de mettre fin à votre emploi au Service correctionnel du Canada à compter du 25 juillet 2000.

[4]   Un rapport d'enquête disciplinaire, daté du 11 août 2000, faisant référence à l'interaction entre la fonctionnaire s'estimant lésée et le détenu X a été rempli par M. John Eno et Mme Mary Danel. C'est ce rapport (pièce U–19) et la réponse écrite de la fonctionnaire s'estimant lésée à l'égard du rapport (pièce E–13) qui ont constitué le fondement de la décision de la sous–commissaire adjointe aux Opérations, Mme Bergen, de licencier la fonctionnaire s'estimant lésée. Voici la conclusion qui a été tirée à la suite de l'enquête et qui se trouve aux pages 61 à 63 du rapport :

[Traduction]

Mme Côté, par ses faits et gestes, ainsi que par sa propre admission verbale n'a pas su se comporter selon les normes visant la documentation et l'échange de l'information concernant les détenus afin de contribuer à la prise de décisions justes à l'égard des détenus ou de la sécurité publique. Bien qu'elle puisse avoir dit aux détenus de travailler avec leur équipe de gestion des affaires et avec d'autres employés, ses propres actions allaient à l'encontre de cette déclaration. Par conséquent, l'équipe de gestion des affaires ne disposait pas de tous les renseignements pertinents pour aider à prendre ou à recommander de saines décisions. La relation de Mme Côté n'a pas su maintenir l'équilibre fragile entre ses intérêts personnels et professionnels à l'égard du délinquant. La relation de Mme Côté est devenue inappropriée à partir du moment où elle n'a pas informé les autres employés lorsque le détenu X et elle n'ont pas respecté les laissez–passer, lorsqu'elle l'a rencontré à l'extérieur du secteur désigné en dehors de ses heures de travail, lorsqu'il s'est présenté à son hôtel. Elle a risqué à la fois son intégrité personnelle et sa conduite professionnelle ainsi que sa sécurité et celle du public.

CONCLUSION

D'après l'ensemble des renseignements recueillis au cours de l'enquête, l'équipe d'enquête en est venue à la conclusion que Debbie Côté a une relation inappropriée avec le détenu X. Cela se fonde sur les conclusions suivantes :

  1. Très vraisemblablement, le détenu X était dans la chambre d'hôtel de Mme Côté dans la nuit du 31 octobre 1999.

  2. La fréquence permanente des rencontres que Mme Côté a eues avec le détenu X, en personne et par l'entremise de son téléphone cellulaire du Service correctionnel du Canada, est jugée inappropriée.

  3. L'utilisation par Mme Côté de son téléphone cellulaire pour communiquer avec le détenu X est jugée inappropriée.

  4. L'omission par Mme Côté de divulguer l'information est jugée inappropriée.

Par conséquent, les Règles de conduite professionnelle suivantes ont été violées :

Règle un :   Responsabilité dans l'exécution des tâches

« Les employés doivent avoir une conduite qui rejaillit positivement sur la fonction publique du Canada, en travaillant ensemble pour atteindre les objectifs du Service correctionnel du Canada. Ils s'acquittent de leurs tâches avec diligence et compétence, et en ayant soin de respecter les valeurs et les principes décrits dans le document sur la Mission, ainsi que les politiques et les procédures établies dans les textes législatifs, les directives, les guides et autres documents officiels. Les employés sont obligés de suivre les instructions de leurs surveillants et de tout autre employé responsable sur le lieu de travail. Ils doivent également servir le public avec professionnalisme, courtoisie et promptitude. »

Le fait que Mme Côté a ignoré la politique à l'égard des permissions de sortir avec escorte, qu'elle a ignoré les ordres de ses superviseurs à l'égard desdites permissions, qu'elle a accordé une attention excessive à un délinquant pour aucune raison professionnelle apparente et qu'elle a omis de rapporter des renseignements importants constituent des exemples de la façon dont Mme Côté a violé la responsabilité dans l'exécution de ses tâches.

Règle deux :   Conduite et apparence

« Le comportement d'une personne, qu'elle soit de service ou non, doit faire honneur au Service correctionnel du Canada et à la fonction publique. Tous les employés doivent se comporter de façon à rehausser l'image de la profession, tant en paroles que par leurs actes. »

Une composante importante du poste d'agent de programme est de projeter une image de modèle qui soit positive et responsable. Le fait de recevoir un délinquant dans une chambre d'hôtel et de lui offrir de l'alcool est loin de projeter une image professionnelle.

Règle quatre :   Relations avec les délinquants

« Les employés aident et encouragent activement les délinquants à devenir des citoyens respectueux des lois en établissant avec eux des relations constructives en vue de faciliter leur réinsertion dans la collectivité. Les employés doivent faire preuve de diligence quant à leur responsabilité à consigner et à rendre disponible à des fins d'examen toute information sur les détenus, ce qui pourrait contribuer à la prise de décisions judicieuses à l'égard du détenu ou de la sécurité publique. »

Mme Côté, de par ses faits et gestes, n'a pas agi à titre de modèle pour le détenu X. Bien que Mme Côté déclare qu'elle a encouragé les délinquants à travailler de façon constructive avec les membres de leur équipe de gestion des affaires, elle n'a pas su montrer l'exemple. Elle n'a pas communiqué, soit verbalement soit par écrit, des renseignements pertinents qui auraient contribué à la prise de décisions judicieuses à l'égard du délinquant et de la sécurité publique. En ne divulguant pas l'information visant ses interactions avec le détenu X, de façon verbale ou écrite, en ne divulguant pas le fait qu'elle avait partagé des renseignements personnels avec lui, elle s'est placée et a placé le service dans une situation conflictuelle. Mme Côté n'a pas su maintenir l'équilibre fragile entre ses intérêts personnels et professionnels à l'égard du détenu X, violant ainsi la règle régissant les relations avec les délinquants.

[5]   L'employeur a exposé sa thèse par l'entremise de cinq témoins.

[6]   Le premier témoin était le détenu X, qui a rendu témoignage sur sa relation avec la fonctionnaire s'estimant lésée et, plus particulièrement, sur les trois occasions où il a rencontré cette dernière à l'extérieur de l'établissement Ferndale et sur le fait, selon lui, qu'il a eu des relations sexuelles avec elle à chacune de ces trois occasions.

[7]   Le deuxième témoin pour l'employeur était M. Mike Boileau, qui était chef de projet de la sécurité des administrations régionales à Abbotsford, en Colombie–Britannique, à ce moment. M. Boileau a témoigné sur ses enquêtes à l'égard des allégations visant la fonctionnaire s'estimant lésée, qui comprenaient un examen des relevés des déplacements et des relevés de téléphone cellulaire de la fonctionnaire s'estimant lésée au cours de la période en question, ainsi que ses observations spécifiques concernant l'un des trois endroits mentionnés par le détenu X.

[8]   M. John Eno, l'agent de programme responsable du programme de prévention de la toxicomanie de l'employeur et le supérieur immédiat de la fonctionnaire s'estimant lésée, a également témoigné. Sa preuve portait sur la formation suivie par la fonctionnaire s'estimant lésée touchant son emploi et le Code de discipline et les Règles de conduite professionnelle de l'employeur. Il a présenté des documents pertinents à la période en question et a témoigné à propos de ses entretiens avec la fonctionnaire s'estimant lésée à l'égard des allégations de conduite discutable dans le passé. Il a en outre rendu témoignage sur sa participation dans l'enquête sur les allégations spécifiques faites par le détenu X.

[9]   M. Mike Nicholson, un agent de programme basé à la maison de transition William Head à Victoria, en Colombie–Britannique, a rendu témoignage sur le fait d'avoir rendu visite à la fonctionnaire s'estimant lésée dans sa chambre d'hôtel dans la nuit du 31 octobre 1999, date à laquelle le détenu X témoigne avoir eu son dernier entretien avec la fonctionnaire s'estimant lésée.

[10]   Finalement, la sous–commissaire adjointe, Heather Bergen, a rendu témoignage sur sa participation dans l'affaire et plus précisément, sur les raisons qui ont motivé le licenciement de la fonctionnaire s'estimant lésée.

[11]   Trois témoins ont été appelés pour présenter la cause au nom de la fonctionnaire s'estimant lésée.

[12]   Le premier témoin, M. Steve Gill, un surveillant de liberté conditionnelle avec l'employeur, a travaillé avec la fonctionnaire s'estimant lésée pour une période de six à huit semaines en 1999, exécutant des programmes pour les délinquants. Il a rendu témoignage à l'égard de ses observations et de son interaction avec la fonctionnaire s'estimant lésée au cours de cette période et à l'égard de la direction et de la surveillance assurées par M. Eno à ce moment.

[13]   Le deuxième témoin était Mme Patsy Byers, un agent de service régional dans la région du Pacifique de l'employeur basé au Centre Sumas, à Abbotsford. Elle a témoigné à propos de la rencontre disciplinaire tenue dans les administrations régionales en août 2000 à laquelle la fonctionnaire s'estimant lésée lui a demandé d'assister.

[14]   Finalement, Mme Debbie Côté, la fonctionnaire s'estimant lésée, a témoigné en son nom sur son emploi dans la fonction publique fédérale, sur son emploi auprès du Service correctionnel du Canada, sur sa formation, sur ses tâches et responsabilités auprès de l'employeur et sur son implication avec le détenu X.

[15]   La question factuelle la plus importante dans la cause semblait être le fait ou non que la fonctionnaire s'estimant lésée avaient eu des relations sexuelles avec le détenu X. Il y avait d'autres incohérences dans la preuve qui étaient essentielles dans l'évaluation des enjeux en matière de crédibilité et de fiabilité. Cependant, puisque le cadre des faits pertinent à la question en litige n'est pas contesté, il devrait être présenté dans une forme narrative dans laquelle les questions relatives à l'importante controverse et autre preuve disparate abordées, tel que jugé approprié.

[16]   En juillet 2000, le détenu X a fait certaines déclarations à l'égard de l'agent de la sécurité préventive de l'établissement (ASPE) intérimaire alors en poste à l'établissement Ferndale concernant une relation qu'il a eue avec une employée. Par conséquent, l'ASPE intérimaire, M. Ralph Uhl et M. Mike Boileau ont interrogé le détenu X concernant l'affaire dont il est question. Ces deux employés ont eu plus d'un entretien avec le détenu X à propos de cette affaire et ont approfondi l'enquête, ce qui a éventuellement mené la sous–commissaire adjointe, Heather Bergen, à ordonner une enquête formelle sur les allégations voulant que la fonctionnaire s'estimant lésée se soit engagée dans une relation inappropriée avec le détenu X. C'est à la suite de l'enquête formelle sur les allégations, telle qu'ordonnée par la sous–commissaire adjointe, Mme Bergen, que la fonctionnaire s'estimant lésée a été licenciée.

La preuve du détenu X :

[17]   Le détenu X a témoigné à l'effet qu'il avait initialement rencontré la fonctionnaire s'estimant lésée par l'entremise d'un de ses amis, le détenu A. Ce dernier avait un problème de consommation de drogue et était inscrit à un programme intitulé « Choices » présenté par la fonctionnaire s'estimant lésée. À un certain moment, cette dernière était sur le point de débuter un nouveau programme « Choices » et voulait des détenus pour faciliter son obtention d'un rapport de passage en ce qui concerne la prestation du programme. Il témoigne que la fonctionnaire s'estimant lésée lui a suggéré de s'inscrire au programme même s'il n'avait aucun problème particulier de consommation de drogue ou d'alcool parce qu'il obtiendrait un rapport positif s'il agissait ainsi et, en conséquence, lui et cinq ou six autres détenus se sont inscrits au programme. Il dit que sa surveillante de liberté conditionnelle lui a donné son approbation pour s'inscrire au programme « Choices » puisque bon nombre de ses copains avaient des problèmes de consommation de drogue. Le programme a été donné au Centre Sumas et, en conséquence, lui et d'autres détenus de l'établissement Ferndale ont tous été transportés de Mission à Abbotsford pour suivre la formation.

[18]   Il témoigne à l'égard de cinq incidents notables. Le premier incident s'est passé à l'été de 1999 lorsqu'il a demandé à la fonctionnaire s'estimant lésée de lui accorder un laissez–passer sous escorte pour Vancouver pour qu'il puisse entreprendre quelques démarches à propos de sa liberté conditionnelle de jour. Il témoigne que pendant le trajet vers Vancouver, la fonctionnaire s'estimant lésée s'est étirée à partir du siège du conducteur et lui a frotté la poitrine, en faisant une déclaration à l'effet qu'« elle pourrait l'avoir quand elle veut ». Il lui a répondu en riant « Je ne crois pas ». Selon lui, le reste du voyage s'est déroulé sans incident. Le détenu X dit que la fonctionnaire s'estimant lésée s'est excusée peu de temps après l'incident. Il témoigne que l'incident ne l'avait vraiment pas importuné; le fait d'avoir été incarcéré pendant 14 années, il ne se rendait plus compte si on lui faisait des avances à moins qu'on lui saute dessus.

[19]   Le deuxième incident qu'il a relaté dans son témoignage s'est déroulé dans le bureau de la fonctionnaire s'estimant lésée au Centre Sumas, à Abbotsford, avant la prestation d'une conférence dans le cadre du programme « Choices ». La fonctionnaire s'estimant lésée lui a demandé de l'aider à apporter son matériel de son bureau. Il l'a accompagnée à son bureau. Une fois dans le bureau, elle a fermé la porte, éteint les lumières, s'est mise debout devant lui et l'a embrassé pendant un certain moment, puis ils ont quitté.

[20]   Le prochain incident impliquait un laissez–passer sous escorte qu'un gardien du nom de Mo Aly devait remettre au détenu X, puis l'accompagner. À la dernière minute, M. Aly n'était pas disponible. Le détenu X a alors demandé à la fonctionnaire s'estimant lésée de l'escorter et elle a accepté. La destination inscrite sur le laissez–passer était White Rock. Le détenu X et la fonctionnaire s'estimant lésée ont quitté le Centre Sumas vers environ 19 h 30 ou 20 h. Le laissez–passer se terminait à minuit. Le détenu X témoigne qu'ils se sont baladés sur la route et qu'ils se sont arrêtés dans une aire de stationnement en face d'un cours d'eau. Ils ont commencé à s'embrasser puis, après qu'il ait sorti le siège arrière de la fourgonnette, ils ont eu une relation sexuelle dans la fourgonnette. Cet incident s'est déroulé alors que le programme « Choices » était en cours.

[21]   Le prochain incident significatif s'est déroulé alors que le détenu X vivait à Vancouver, à la maison de transition Guy Richmond au cours d'un programme de mise en liberté d'une durée de 60 jours. Il a téléphoné à la fonctionnaire s'estimant lésée en utilisant un téléphone cellulaire pour fixer un rendez–vous. En raison des restreintes de ses heures de rentrée et de son temps de déplacement, il avait prévu terminer de travailler tôt et, selon lui, la fonctionnaire s'estimant lésée l'a rejoint au travail pour l'amener vers 15 h 30. Elle a fait quelques courses puis ils se sont rendus au parc Stanley. Il dit qu'elle avait un pique–nique à l'arrière de son véhicule; toutefois, en raison de sa restriction de temps, ils n'ont pas pris le repas du midi. Ils ont étendu une couverture dans le bois et ont eu une relation sexuelle.

[22]   Sa dernière rencontre avec la fonctionnaire s'estimant lésée à l'extérieur de l'établissement est survenue le 31 octobre 1999. Le détenu X avait quitté l'établissement avec un laissez–passer sans escorte. Il témoigne que bien que ce laissez–passer lui permettait seulement de rester à White Rock, il avait prévu se rendre à Vancouver pour rencontrer la fonctionnaire s'estimant lésée au Pan Pacific Hotel, où elle séjournait dans le cadre d'une conférence offerte par son employeur.

[23]   Le 31 octobre 1999, le détenu X était chez un ami à Vancouver. Il témoigne qu'il était inquiet parce qu'il était 19 h ou 20 h et qu'il devait retourner à l'établissement Ferndale à Mission pour minuit. Il a alors laissé des messages sur la boîte vocale de la fonctionnaire s'estimant lésée. Celle-ci lui a finalement téléphoné et il s'est organisé pour qu'un ami le dépose à l'hôtel. La fonctionnaire s'estimant lésée l'attendait devant sa porte de chambre vêtue d'une sortie–de–bain blanche. Elle a sorti une bouteille de sambuca et leur a versé chacun un verre. Il a consommé sa boisson; ils ont commencé à s'embrasser, puis ils ont eu une relation sexuelle. Le détenu X ne pouvait se souvenir du numéro de la chambre d'hôtel, mais il pense qu'elle était située au 14e ou au 22e étage. Il témoigne qu'il y avait une fenêtre panoramique dans la chambre et qu'elle se situait sur la façade de l'hôtel. De la chambre il pouvait voir l'entrée avant de l'hôtel, le solarium surélevé et la piscine de l'hôtel situé de l'autre côté de la rue, la vue de la ville et un gros « S » rouge ou orange qui lui faisait penser qu'il devait s'agir de l'édifice Scotia. Il a également décrit l'intérieur de la chambre d'hôtel, la salle de bain étant à la droite de la porte et les fenêtres droit devant. Il se souvient que les fenêtres étaient très grandes et qu'elles prenaient presque la totalité du mur. Il a dessiné un croquis de la chambre le 14 juillet 2000, lequel a été produit sous le numéro de pièce E–2. Il se souvient qu'il y avait beaucoup de boiseries en érable piqué dans l'ascenseur et sur les murs de l'hôtel. Finalement, il témoigne qu'il n'était jamais allé au Pan Pacific Hotel avant ou après le 31 octobre.

[24]   Il témoigne qu'il devait être de retour à l'établissement Ferndale pour minuit, qu'il estimait que le trajet prendrait environ une heure et demie et qu'il prévoyait prendre un taxi. La fonctionnaire s'estimant lésée ne voulait pas qu'il dépense tout son argent en prenant un taxi et lui a dit qu'elle irait le reconduire s'il pouvait trouver quelqu'un d'autre pour le déposer à l'établissement. Il a donc téléphoné à son ami, le détenu A, qui était maintenant libre et qui vivait à Maple Ridge. Le détenu A a accepté de le conduire de Maple Ridge jusqu'à l'établissement. La fonctionnaire s'estimant lésée l'a conduit dans un véhicule Jimmy de GMC et il est arrivé à l'établissement Ferndale avec 5 ou 10 minutes d'avance.

[25]   Le détenu X a également reçu une page d'agenda d'un livre qui lui appartenait daté du mardi 5 juin 2000 sur laquelle deux numéros de téléphone étaient inscrits. Il témoigne que le premier numéro était celui du téléphone cellulaire personnel de la fonctionnaire s'estimant lésée qu'elle partageait avec son mari; le deuxième numéro était celui du téléphone cellulaire utilisé par la fonctionnaire s'estimant lésée pour son travail.

La preuve de la fonctionnaire s'estimant lésée :

[26]   La fonctionnaire s'estimant lésée nie avoir eu des relations sexuelles avec le détenu X. Sa preuve concernant sa première rencontre avec le détenu X correspond à la preuve de ce dernier. En ce qui a trait au nouveau programme « Choices » de l'été de 1999, elle a confirmé qu'elle manquait de participants pour le programme et qu'elle a passé en revue le plan correctionnel du système de la gestion (SGD) du détenu X et qu'elle y avait remarqué certaines références à l'éducation. Elle a dit que son surveillant de liberté conditionnelle pensait qu'il serait bien pour lui de s'inscrire au programme.

[27]   Le programme « Choices » comprenait environ 10 groupes sur une période de deux semaines et était suivi d'un programme d'entretien qui comprenait une série de rencontres privées avec les participants pour une autre période de temps pouvant atteindre six semaines. Le programme en question auquel le détenu X a participé s'est déroulé au cours des mois de juillet et d'août 1999.

[28]   La fonctionnaire s'estimant lésée témoigne qu'elle a reconduit le détenu X et trois autres détenus de l'établissement Ferndale de Mission au Centre Sumas à Abbotsford pour les cours du programme « Choices ». Elle témoigne que l'un des agents de service lui a suggéré de demander aux détenus de l'aider à transporter son matériel de son bureau à la salle de cours et qu'elle reconnaît que le détenu X l'avait déjà aidé à récupérer le matériel à quelques reprises. Elle nie tout comportement inapproprié ou incident qui se serait produit dans son bureau, rien d'autre que de récupérer son matériel dans son bureau avec un détenu pour ensuite quitter et éteindre la lumière du bureau. Elle souligne qu'en aucun temps après le mois d'avril 1999, elle n'a rencontré un détenu dans son bureau avec la porte fermée. La date d'avril 1999 était importante puisqu'à ce moment son supérieur immédiat, M. John Eno, l'avait prévenue à l'effet qu'elle était trop amicale avec les détenus et qu'il lui avait donné des directives particulières concernant le fait de garder la porte et les stores de son bureau ouverts en tout temps lorsqu'elle rencontrait des détenus.

[29]   L'incident du laissez–passer sous escorte :   La fonctionnaire s'estimant lésée a reconnu avoir escorté le détenu X avec un laissez–passer sous escorte au mois d'août ou de septembre 1999. À la date en question, le cours du programme « Choices » s'est terminé à 18 h au lieu de 19 h comme c'est habituellement le cas. Après le cours, alors qu'elle faisait du travail de bureau, le détenu X lui a demandé si elle pouvait l'accompagner en utilisant son laissez–passer. Son témoignage était qu'elle avait refusé au début mais qu'il était revenu deux ou trois fois et que finalement elle lui a dit que si personne d'autre n'était disponible, elle irait avec lui. Selon la fonctionnaire s'estimant lésée, elle aurait vérifié deux fois auprès de l'agent de service pour s'assurer que personne d'autre n'était disponible pour l'accompagner, puis elle l'aurait accompagné. Elle témoigne qu'ils ont quitté Mission pour se diriger à White Rock vers 19 h 30, et qu'elle s'est alors dit qu'ils devraient être de retour à l'établissement pour minuit. Elle témoigne qu'elle aurait pu emprunter deux routes différentes pour se rendre de Mission à White Rock, l'autoroute Lougheed ou le chemin Dewdney Trunk. Elle a décidé d'emprunter la chemin Dewdney Trunk pour faire changement. Cependant, elle ne se reconnaissait pas et le chemin était parsemé de côtes et de virages. Elle a donc décidé d'essayer de retourner prendre l'autoroute Lougheed. Quoi qu'il en soit, il est devenu évident qu'ils étaient perdus et, tandis qu'ils tentaient de retrouver leur chemin pour se rendre à l'autoroute Lougheed, ils se sont arrêtés à quelques reprises pour fumer une cigarette étant donné qu'il était interdit de fumer dans la fourgonnette de l'établissement. Ils ont finalement retrouvé leur chemin pour prendre l'autoroute Lougheed vers 21 h ou 21 h 30. Elle savait qu'ils ne disposaient plus de suffisamment de temps pour se rendre à leur destination de White Rock et ensuite revenir en respectant l'heure de rentrée. Elle a donc décidé de revenir à l'établissement Ferndale, pour y arriver un peu avant 22 h. Elle se souvient qu'ils se sont arrêtés une troisième fois durant la promenade à une station–service parce que le détenu X devait aller à la salle de bain.

[30]   À leur retour à l'établissement, la fonctionnaire s'estimant lésée témoigne qu'elle a discuté environ une heure avec l'agent de service; toutefois, elle n'a rien dit sur le fait qu'elle s'était perdue parce que cela la gênait et que, de surcroît, rien de fâcheux ne s'était produit. Lorsqu'elle était perdue, elle n'a pas communiqué avec l'établissement puisqu'elle n'avait pas d'émetteur radio ou de téléphone cellulaire avec elle.

[31]   La rencontre à Vancouver :   Le détenu X participait à un programme de travail alors qu'il vivait dans une maison de transition à Vancouver et a téléphoné à la fonctionnaire s'estimant lésée à quelques reprises disant qu'il avait des problèmes et qu'il souhaitait retourner à l'établissement Ferndale. La fonctionnaire s'estimant lésée prévoyait se rendre à Vancouver pour acheter du matériel d'art plastique et a dit qu'elle le rencontrerait. Elle a travaillé pendant son heure du repas du midi et a quitté le travail tôt, vers 15 h 30. Elle a indiqué que d'après elle le détenu X cherchait à attirer l'attention. Il a mentionné quelque chose à propos d'une crise et qu'il pensait à se pendre, mais elle savait qu'il ne le pensait pas sérieusement. Elle l'a rencontré sur la terrasse extérieure d'un restaurant situé près de la boutique de matériel d'art plastique. Elle croit qu'elle y est arrivée vers 16 h 30, elle s'est assise avec le détenu X et ils ont discuté. Il mangeait un repas et elle n'avait rien à manger ou à boire. Son heure de rentrée était à 17 h et elle lui a offert de le reconduire chez lui étant donné qu'il serait en retard s'il prenait l'autobus. En route vers chez lui, ils se sont arrêtés à la boutique d'art plastique où elle a acheté quelques articles, puis elle l'a déposé à la maison de transition. Elle se souvient qu'ils avaient pu arriver quelques minutes en retard à la maison de transition. Elle n'a rapporté cet incident à personne et dit que quoi qu'il en soit, elle ne savait pas à qui elle aurait pu le signaler.

[32]   L'incident de l'hôtel :    Au mois d'octobre 1999, la fonctionnaire s'estimant lésée et son mari se sont rendus à Saskatoon pour assister à la fête organisée pour l'anniversaire de ses parents. Leur vol de retour pour l'aéroport d'Abbotsford était le 31 octobre, un dimanche soir. Étant donné qu'ils s'étaient rendus à l'aéroport dans des véhicules séparés, son mari est retourné à la maison alors que la fonctionnaire s'estimant lésée s'est dirigée au Centre Sumas pour récupérer ses dossiers. Elle est arrivée au Centre Sumas vers 18 h et se souvient s'être pris quelque chose à manger. Elle a ensuite conduit en direction de Vancouver, arrivant à l'hôtel vers 19 h 30. Elle y a garé son véhicule, est passée à la réception, et est montée à sa chambre. Elle avait reçu quelques messages qui disaient que le détenu X avait téléphoné et elle l'a rappelé. Après avoir pris connaissance d'un registre de ses appels téléphoniques, elle a convenu qu'elle lui avait téléphoné à 18 h 50 tel qu'indiqué et que, en conséquence, elle aurait été dans son véhicule à ce moment, en route vers Vancouver. Elle a dit que le détenu X lui avait dit qu'il était en visite chez sa sour à White Rock et qu'il viendrait lui rendre visite à Vancouver. Elle lui a répondu que ça ne valait pas la peine. Bien que le registre de ses appels téléphoniques, pièce E–5, montre qu'un deuxième appel a été dirigé au téléphone cellulaire du détenu X, elle ne se souvient pas l'avoir effectué.

[33]   Arrivée dans sa chambre d'hôtel, la fonctionnaire s'estimant lésée a signalé qu'elle avait deux messages : un de son mari et un d'un cousin de Vancouver. Elle a rappelé ces deux personnes et puisqu'elle avait encore faim, elle est sortie peu après 21 h pour aller se chercher quelque chose à manger. Elle a sorti son véhicule du garage et, puisqu'elle ne savait pas qu'il y avait un restaurant McDonald's directement à côté de l'hôtel, elle s'est rendue à un autre restaurant McDonald's. À son retour à l'hôtel, alors qu'elle se dirigeait du garage pour se rendre à l'ascenseur situé dans le hall de l'hôtel qui la mènerait à l'étage de sa chambre, elle a aperçu le détenu X qui se tenait debout près des escaliers mobiles. Elle témoigne qu'elle lui a dit « Tu ne devrais pas être ici. Tu devrais retourner à Ferndale ». Elle dit qu'elle n'a fait aucun rapport sur la rencontre; elle ne croyait pas que cela était nécessaire; et elle n'avait aucune idée de la sorte de laissez-passer qu'il avait obtenu ou même de la raison de sa présence.

[34]   La fonctionnaire s'estimant lésée a poursuivi en témoignant qu'à son retour du restaurant McDonald's, probablement entre 22 h et 22 h 30, elle a téléphoné à son ami, Mike Nicholson, et il est monté à sa chambre vers 22 h 30. Elle avait préalablement laissé des messages à M. Nicholson pour qu'il la rappelle à son retour. M. Nicholson et elle ont regardé des photos qu'elle avait prises à la fête familiale; elle lui a offert de la sambuca, ils ont regardé une émission spéciale diffusée sur la chaîne MTV, puis il a quitté vers 1 h ou 2 h.

Autre preuve pertinente :

[35]   Relevés téléphoniques :    Les relevés téléphoniques pour le téléphone cellulaire de la fonctionnaire s'estimant lésée, pièce E–5, démontrent que six appels ont été effectués à partir de son téléphone cellulaire au numéro de son bureau le 31 octobre 1999 entre 15 h 28 et 18 h 44. Ces appels ont été suivis de deux appels provenant du téléphone cellulaire de la fonctionnaire s'estimant lésée à un numéro de téléphone à Vancouver à 18 h 50 et à 20 h 04. Le détenu X témoigne que le numéro composé à Vancouver à 18 h 50 et à 20 h 04 était celui de son téléphone cellulaire.

[36]   Les relevés téléphoniques démontrent également que des appels réguliers à partir du téléphone cellulaire de la fonctionnaire s'estimant lésée au même numéro de Vancouver du détenu X ont été effectués entre le 21 septembre 1999 et le 15 octobre 1999, puis un nombre d'appels semblables entre le 5 novembre et le 13 décembre 1999.

[37]   Relevés du stationnement de l'hôtel :   La pièce E–4 renferme les relevés du stationnement pour la fonctionnaire s'estimant lésée à Canada Place à la suite de son séjour au Pan Pacific Hotel le 31 octobre et le 1er novembre 1999. Les relevés démontrent que l'heure d'arrivée est 19 h 35 et que l'heure de départ est 23 h 26 le 31 octobre, suivi d'une heure d'arrivée à 1 h 03 et d'un départ à 8 h 13 le 1er novembre. Le départ du garage d'une durée de une heure et demie entre 23 h 26 et 1 h 03 est compatible avec la preuve du détenu X voulant que la fonctionnaire s'estimant lésée l'ait conduit à Maple Ridge, et qu'après cela, elle soit retournée à l'hôtel. M. Boileau témoigne que pendant la période de temps en question, la durée du trajet entre le centre–ville de Vancouver et Maple Ridge prendrait au plus quarante–cinq minutes. Ces périodes de temps correspondent assez fidèlement à la preuve de M. Nicholson à l'égard de sa visite dans la chambre d'hôtel de la fonctionnaire s'estimant lésée. Il témoigne qu'à la suite de son retour au Pan Pacific Hotel après la réception suivant la conférence, il a téléphoné à la fonctionnaire s'estimant lésée qui soulignait qu'elle venait juste d'arriver et qu'elle l'invitait à lui rendre visite dans sa chambre.

[38]   Au début, M. Nicholson pensait qu'il était allé dans la chambre de la fonctionnaire s'estimant lésée peu après 21 h 30 ce soir-là. Toutefois, après avoir vu l'horaire de la conférence (pièce E–14), sur lequel il était inscrit que la réception se terminerait à 23 h, il a ensuite conclu qu'il était plus probable qu'il se soit rendu à la chambre de la fonctionnaire s'estimant lésée après 23 h 30. Il se souvient être resté dans la salle de réception pendant un moment après la fermeture du bar, et qu'il a ensuite marché pour retourner à l'hôtel Pan Pacific, ce qui pourrait avoir pris environ 20 minutes.

[39]   L'horaire de l'émission de télévision du canal Much Music du 31 octobre et du 1er novembre 1999, produit sous le numéro de pièce E–21, affichait l'émission MuchWest que M. Nicholson souhaitait visionner, laquelle il témoigne avoir visionné dans la chambre de la fonctionnaire s'estimant lésée; elle était diffusée soit à 21 h, soit à 1 h, heure du Pacifique. M. Nicholson était certain de ne pas avoir été dans la chambre d'hôtel de la fonctionnaire s'estimant lésée pour la diffusion de 21 h.

[40]   La fonctionnaire s'estimant lésée a elle-même rendu témoignage à l'égard des relevés de stationnement. Elle a dit qu'à la suite de sa suspension elle a discuté avec le responsable du garage, lequel a dit qu'il y avait un problème avec les heures inscrites sur les relevés en question en raison du changement à l'heure avancée. Cependant, elle n'a pas expliqué la nature exacte du problème. M. Eno témoigne que selon le responsable du garage, l'heure aurait dû être reculée à 2 h suivant le dernier samedi d'octobre, qui aurait alors dû afficher 2 h le 31 octobre. Toutefois, les horloges des compteurs de stationnement n'ont pas été ajustées avant le lundi matin, le 1er novembre. Cela voudrait donc dire que la fonctionnaire s'estimant lésée a quitté la garage à 22 h 26 et qu'elle y est revenue à 0 h 03. Si nous acceptons cette hypothèse, alors les heures inscrites sur les relevés continuent à démontrer un lien à la version du déroulement des événements du détenu X, et à démontrer un lien étroit à la mémoire rafraîchie de M. Nicholson de rester pour un certain temps après la fin de la réception, puis de prendre environ 20 minutes pour marcher en direction de l'hôtel; et ensuite de téléphoner à la fonctionnaire s'estimant lésée pour se faire dire qu'elle venait tout juste d'arriver.

[41]   Détails de la chambre d'hôtel :   M. Boileau témoigne que pendant l'enquête, M. Uhl et lui ont visité le Pan Pacific Hotel. Ils ont déterminé que la fonctionnaire s'estimant lésée avait séjourné dans la chambre 1907 de l'hôtel et que la disposition de cette chambre était conforme à la description fournie par le détenu X au cours de leurs entretiens avec lui. M. Boileau a fourni les détails qu'il a observés à l'audience et ils étaient conformes à la preuve rendue par le détenu X. Bien qu'il aurait pu être relativement facile pour le détenu X d'avoir reçu les détails d'une autre source, d'avoir eu certaines connaissances de l'hôtel lui-même, ou de formuler des hypothèses bien fondées, il a fourni trois détails particuliers qui étaient dignes d'attention. Premièrement, l'auvent de l'hôtel était visible de la chambre de la fonctionnaire s'estimant lésée. Deuxièmement, le solarium surélevé et la piscine de l'hôtel situé de l'autre côté de la rue étaient également visibles. Troisièmement, le « S » rouge de l'édifice Scotia était visible de la chambre de la fonctionnaire s'estimant lésée - alors qu'il n'était pas visible des chambres 1207 ou 1707.

[42]   Déclaration et échange de renseignements :   M. Eno, l'agent de projet pour les programmes de prévention de la toxicomanie et le supérieur immédiat de la fonctionnaire s'estimant lésée, témoigne à l'égard de la formation de cette dernière et de ses responsabilités à titre d'agent de programme. Il témoigne que c'est le surveillant de liberté conditionnelle qui gère le cas de chaque délinquant avec l'objectif de préparer le délinquant à sa libération. Le surveillant de liberté conditionnelle peut référer les délinquants à des spécialistes ou recommander au délinquant de s'inscrire à un programme comme celui offert par la fonctionnaire s'estimant lésée. En gérant le cas d'un délinquant, le surveillant de liberté conditionnelle se fie sur les renseignements obtenus des spécialistes et des agents de programme pour évaluer la situation du délinquant. Il peut ensuite faire des recommandations sur lesquelles s'appuie la Commission nationale des libérations conditionnelles en accordant la libération conditionnelle et des laissez–passer aux délinquants. Pour faciliter le débit de renseignements pertinents à l'égard des délinquants parmi les surveillants de liberté conditionnelle, les spécialistes, les agents de programme et autres intervenants, l'employeur compte sur des personnes–ressources, sur des courriels et sur le système de gestion (dont il est fait référence par SGD). Le SGD est un programme informatique qui permet de déposer des rapports et de passer en revue les dossiers de gestion des délinquants; il s'agit d'un outil essentiel sur lequel peuvent compter les surveillants de liberté conditionnelle et l'employeur.

[43]   Les dossiers de formation de la fonctionnaire s'estimant lésée indiquent qu'elle a suivi un cours intitulé « Operations Bypass » (contournement des opérations), lequel fait partie de la formation SGD et d'autres cours de formation notamment la gestion des cas.

[44]   L'exigence pour les agents de programme voulant que ces derniers de remplir le registre d'interventions et d'utiliser le SGD a été corroboré par la pièce E–12, qui est un courriel daté du 21 octobre 1999 de M. Eno adressé à un certain nombre d'agents de programme, notamment à la fonctionnaire s'estimant lésée, dont voici le contenu :

[Traduction]

La présente a pour but de rappeler aux agents de programme l'importance de compléter le registre d'interventions sur le SGD.

Il se peut que certains emplacements documentent encore les renseignements sur les délinquants par l'entremise des lecteurs communs et du courriel. Il est primordial que vous introduisiez toute information pertinente à l'égard des délinquants dans le SGD, dans le registre d'interventions.

Par exemple, si un délinquant dans votre groupe présente un comportement problématique, vous devriez non seulement communiquer avec le surveillant de libération conditionnelle, mais vous devriez l'inscrire dans un registre d'interventions.

Tout ce que vous jugez important pour les surveillants de libération conditionnelle ou les autres employés devrait être documenté dans un registre d'interventions.

De plus, assurez-vous de « verrouiller » le registre d'interventions en remplissant la zone intitulée Record Finalized (registre complété).

Si vous avez besoin d'aide pour remplir le registre d'interventions, communiquez avec le responsable du SGD de votre établissement.

Rapports :

[45]   Trois permis d'absence temporaire sous escorte/du travail ont été produits sous les numéros de pièce E–15 à E–17 concernant le détenu X. La pièce E–15 a été produite pour le laissez-passer sous escorte pour lequel M. Aly devait servir d'escorte le 10 août 1999, mais qui a servi à la fonctionnaire s'estimant lésée pour accompagner le détenu X. La pièce E–17 représente une série de visites le 24 septembre et a été signée par la fonctionnaire s'estimant lésée à titre d'escorte. La pièce E–18 était un rapport d'escorte relatif à la sortie du 24 septembre, sur lequel on retrouve bien la signature dans la partie supérieure de la fonctionnaire s'estimant lésée, mais sur lequel les détails spécifiques de la sortie ne sont pas inscrits. La non inscription des détails était à l'opposé de la pièce E–24, laquelle est un rapport d'escorte pour une sortie le 20 mars 1999 au cours de laquelle la fonctionnaire s'estimant lésée est sortie avec le détenu X, et sur lequel les détails de la sortie sont inscrits et a été signé dans la partie supérieure par la fonctionnaire s'estimant lésée reconnaissant ses responsabilités avant la sortie, puis encore une fois dans la partie inférieure après avoir inscrit les détails de la sortie.

[46]   Entretiens spécifiques entre la fonctionnaire s'estimant lésée et son supérieur :   M. Eno témoigne qu'à la suite de préoccupations portées à son attention concernant la fonctionnaire s'estimant lésée, il a rencontré cette dernière pendant une période de deux heures le 20 avril 1999 au Centre Sumas à propos de son interaction avec les délinquants. Il lui a dit qu'elle devait changer son style d'interaction auprès des délinquants. Elle ne devait pas être ni paraître trop amicale avec eux. Il lui a dit qu'elle pouvait obtenir de bons résultats dans son travail sans devoir être l'amie des délinquants et qu'elle devait se comporter de manière à éviter tout soupçon et ce, en tout temps. Elle devait toujours être visible lorsqu'elle rencontrait des délinquants - garder les stores et les portes ouverts, ne pas rencontrer les délinquants le soir, ne pas les toucher ou les laisser la toucher, et être professionnelle.

[47]   M. Eno témoigne également qu'il avait déjà fait des recommandations à la fonctionnaire s'estimant lésée à d'autres occasions. Le 13 avril 1999, la fonctionnaire s'estimant lésée lui a téléphoné pour lui demander si elle pouvait assister à une réunion de la Commission nationale des libérations conditionnelles pour le compte d'un délinquant. Il lui a répondu non et que tout ce qu'elle avait à dire devait déjà avoir été communiqué à l'agent de libération conditionnelle. Ensuite, le 16 avril, la fonctionnaire s'estimant lésée lui a téléphoné pour lui demander la permission de rencontrer la femme d'un délinquant, ce qui lui a été refusé. Au cours de cette même conversation, elle lui a demandé si elle pouvait emmener, avec un laissez–passer, un délinquant qui voulait voir une maison de transition située à Vancouver. Il lui a répondu non et que cela ne faisait pas partie de ses fonctions. Finalement, elle lui a à nouveau téléphoné le 30 avril pour lui demander si elle pouvait sortir un délinquant avec un laissez–passer, mais cela lui a été refusé. Il lui a dit qu'elle n'était pas autorisée à sortir un délinquant par l'entremise d'un laissez–passer qui ne fait pas partie du programme et qu'elle était limitée à conduire les délinquants d'un établissement à un autre pour la prestation de programmes.

[48]   La preuve de M. Eno à l'égard de l'interdiction visant l'accompagnement des délinquants par la fonctionnaire s'estimant lésée a été renforcée par une série de trois courriels en 1999 (un daté du 18 novembre, un du 19 novembre et un ne portant pas de date), produits sous le numéro de pièce E–27, entre M. Lamm de l'établissement Ferndale, la fonctionnaire s'estimant lésée et M. Eno, lesquels incluaient la demande suivante de Bob Lamm adressée à la fonctionnaire s'estimant lésée :

[Traduction]

Je ne veux pas faire chavirer le navire, cependant, Ferndale a appris il y a plusieurs mois de M. Eno que vous n'êtes pas autorisée à escorter les détenus. C'est pourquoi Ferndale paie des heures supplémentaires pour escorter les détenus à Sumas pour les programmes Choices. Cela a-t-il changé?

[49]   La réponse de M. Eno était la suivante, « Non, rien n'a changé. ».

[50]   M. Eno témoigne à l'effet que la dernière discussion importante s'est produite le 13 décembre 1999 lorsque son supérieur et lui ont rencontré la fonctionnaire s'estimant lésée pour discuter de son comportement à l'égard des délinquants. Cette rencontre survenait à la suite de rapports non favorables qu'il avait reçus, mais il était incapable d'en attester la vérité, à l'égard de la fonctionnaire s'estimant lésée. Il voulait que son supérieur soit présent pour mettre l'accent sur la gravité de ses préoccupations. À la suite de cette rencontre, il a discuté de cette affaire pendant une autre heure avec la fonctionnaire s'estimant lésée. À ce moment, M. Eno ne disposait d'aucun renseignement spécifique à l'égard de sa relation avec le détenu X et la fonctionnaire s'estimant lésée n'a fait aucune allusion à un comportement inapproprié.

Conclusions de fait :

[51]   Selon les faits témoignés à l'audience même, et selon les faits confirmés par les dossiers institutionnels de voyage de la fonctionnaire s'estimant lésée (pièce E–4), les dossiers institutionnels d'appels par téléphone cellulaire de la fonctionnaire s'estimant lésée (pièce E–5), les rapports institutionnels d'information du SGD et les rapports de sortie sous escorte concernant le détenu X (pièces E–14 à E–18 et pièce E–24), je tire les conclusions de fait suivantes :

a)   La fonctionnaire s'estimant lésée a omis de produire les rapports requis concernant ses rencontres liées au travail avec le détenu X;

b)   Les interactions de la fonctionnaire s'estimant lésée avec le détenu X, par téléphone ou en personne, étaient excessives et plus nombreuses que les exigences professionnelles, et elle a omis de produire des rapports concernant ces rencontres;

c)   Contrairement aux instructions expresses de son supérieur, la fonctionnaire s'estimant lésée a accompagné le détenu X au cours d'une sortie sous escorte et a rencontré ce dernier pour des raisons qui ne sont pas liées aux tâches et aux responsabilités exigées par son emploi;

d)   Le détenu X était dans la chambre d'hôtel de la fonctionnaire s'estimant lésée le 31 octobre 1999. Bien que je n'étais pas prête à accepter aisément le témoignage du détenu X plutôt que celui de la fonctionnaire s'estimant lésée, sa version des événements était conforme à la preuve matérielle appuyée par les relevés téléphoniques, les relevés du stationnement et les détails de la chambre où séjournait la fonctionnaire s'estimant lésée, y compris la vue de la chambre. Sa preuve était également conforme à celle de M. Nicholson. En outre, j'ai trouvé la preuve de la fonctionnaire s'estimant lésée non crédible à plusieurs occasions, particulièrement en ce qui a trait aux raisons pour lesquelles elle a passé du temps avec le détenu X à l'extérieur des tâches et des responsabilités liées à son emploi, et par rapport à ce qui s'est passé à ces occasions. Mes préoccupations à l'égard de la crédibilité de la fonctionnaire s'estimant lésée ont été renforcées par son omission à fournir des rapports écrits concernant ces activités et son omission à informer les autres employés, particulièrement le surveillant de libération conditionnelle du détenu X et son supérieur, M. Eno.

e)   La fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas su maintenir une relation professionnelle appropriée avec le détenu X;

f)   La fonctionnaire s'estimant lésée a comploté pour enfreindre les modalités et conditions de la libération du détenu X, ou a toléré que le détenu X enfreigne les modalités et conditions au moins à deux occasions, soit lorsqu'elle l'a rencontré à Vancouver alors qu'il souscrivait à un programme de mise en liberté et lorsque qu'elle l'a rencontré au Pan Pacific Hotel.

g)   La conduite de la fonctionnaire s'estimant lésée vis à vis du détenu X constituait un écart marqué des règles énoncées dans les Règles de conduite professionnelle et a démontré des manquements importants au Code de discipline; et

h)   La conduite de la fonctionnaire s'estimant lésée à l'égard du détenu X était très déplacée.

ARGUMENTATION :

[52]   L'avocat de l'employeur a fait remarquer que les motifs de congédiement avaient été prouvés; la sanction était raisonnable, il n'y avait aucun fondement pour substituer une sanction moins lourde.

[53]   Il se fonde sur les décisions suivantes :

Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. no 818 (no d'appel A-66-85); Faryna c. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 (C.A. C.-B.) 355; Matthews et Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et Accise) (1991),dossier de la Commission 166-2-20753, [1991] CRTFPC nº 4; Francis et Conseil du Trésor (Solliciteur général - Service correctionnel du Canada) (1993), dossier de la Commission 166-2-24111, [1993] CRTFPC nº 169; Cottenoir et Conseil du Trésor (Solliciteur général - Service correctionnel du Canada) (1997), dossier de la Commission 166-2-27324, [1997] CRTFPC nº 114; et Parsons et Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel) (1996), dossier de la Commission 166-2-27007, [1996] CRTFPC nº 49; et Gannon et Conseil du Trésor (Défense nationale) 2002 CRTFP 32 (166-02-30351 et 30352), [2002] CRTFPC nº 24.

[54]   La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a fait remarquer que la preuve du détenu X n'était absolument pas fiable. Elle soutient que le détenu X était un expert lorsqu'il s'agissait de manipuler le système et les individus pour arriver à ses fins. Le fait qu'il avait fait des allégations à l'effet de relations sexuelles avec la fonctionnaire s'estimant lésée afin de négocier avec les autorités pour qu'il puisse retourner à l'établissement Ferndale était un indicateur de son manque de fiabilité et de sa capacité de manipulation. En outre, le fait qu'il avait été incarcéré pour plusieurs années pour meurtre au deuxième degré constituait une autre raison pour ne pas l'accepter à titre de témoin fiable.

[55]   La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a fait remarquer que bien qu'il puisse y avoir certaines raisons d'imposer une mesure disciplinaire à la fonctionnaire s'estimant lésée, la sanction de congédiement était excessive. Subsidiairement, la représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a fait remarquer que même si le congédiement était raisonnable en vertu des circonstances, cette sanction devrait être remplacée par une sanction moins lourde vu les circonstances atténuantes.

[56]   Elle se fonde sur les décisions suivantes : Crack et Graveline et Conseil du Trésor (Solliciteur général) (1991), dossiers de la Commission 166-6-21017 et 21018; Desrocher et Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel) (1993),dossier de la Commission 166–2–22972; Thompson et Ramier et Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel) (1996),dossiers de la Commission 166-2-265560 à 26563; Cudmore et Conseil du Trésor (Solliciteur général - Service correctionnel du Canada) (1992),dossier de la Commission 166-2-22426; Amos et Conseil du Trésor (Solliciteur général - Service correctionnel du Canada) (1984),dossier de la Commission 166-2-14678; et Gannon et Conseil du Trésor (Défense nationale) 2002 CRTFP 32 (166-02-30351 et 30352), [2002] CRTFPC nº 24.

QUESTIONS :

1.   La fonctionnaire s'estimant lésée a-t-elle eu une relation sexuelle avec le détenu X?

2.   L'employeur s'est-il acquitté du fardeau de la preuve en prouvant la connaissance du Code de discipline et des Règles de conduite professionnelle et leur rupture?

3.   La sanction de congédiement était-elle excessive?

4.   Des motifs justifient-ils le remplacement par une sanction moins lourde?

RAISONS QUI APPUIENT LA DÉCISION :

1.   La fonctionnaire s'estimant lésée a-t-elle eu une relation sexuelle avec le détenu X?

[57]   Compte tenu des conclusions de fait susmentionnées, et à la lumière des discussions ci–après, je crois qu'il n'est pas nécessaire que je me prononce sur cette question.

2.   L'employeur s'est-il acquitté du fardeau de la preuve en prouvant la connaissance du Code de discipline et des Règles de conduite professionnelle et leur rupture?

[58]   La preuve n'a pas établi clairement que la fonctionnaire s'estimant lésée avait reçu le Code de discipline et les Règles de conduite professionnelle, ou qu'elle en avait pris connaissance. Toutefois, la preuve a clairement démontré que les rapports d'incident et le partage de l'information représentaient des tâches importantes pour tous les employés qui ont un contact direct avec les détenus. Compte tenu de la propre preuve de la fonctionnaire s'estimant lésée en ce qui concerne son niveau élevé d'initiative, et étant donné la formation générale qu'elle a suivie, le fait de lui avoir donné la responsabilité de former des volontaires pour sortir les détenus avec des laissez-passer, le fait qu'elle ait eu une interaction générale avec le personnel - y compris avec le surveillant de libération conditionnelle du détenu X, et le fait qu'elle ait terminé certains niveaux de formation du SGD et qu'elle ait utilisé le SGD pour obtenir des renseignements à propos du détenu X, je ne peux que conclure qu'elle avait une compréhension suffisante des exigences en matière de rapport et du partage de l'information et des motifs sous-jacents.

[59]   Sa conduite était suffisamment flagrante pour que je considère qu'elle savait qu'elle était fautive, sans égard au fait ou non qu'elle savait que cela équivalait à des violations spécifiques du Code de discipline et des Règles de conduite professionnelle. Je considère que ses affirmations à l'effet qu'elle ne savait pas quoi faire lorsqu'elle faisait face à certaines situations n'étaient pas crédibles. En fait, la preuve appuie un état d'esprit plutôt contradictoire : qu'elle savait que ses interactions contestées avec le détenu étaient inappropriées et qu'elle a pris une mesure particulière pour empêcher qu'elles soient portées à l'attention d'autres employés en omettant de les signaler ou de les rapporter.

3.   La sanction de congédiement était-elle excessive?

[60]   Compte tenu de la nature prolongée de ses rencontres inappropriées avec le détenu X, je ne crois pas que son congédiement était une sanction excessive. La conduite de la fonctionnaire s'estimant lésée était essentiellement et fondamentalement répréhensible compte tenu du mandat de l'employeur et de sa responsabilité à titre d'agent de programme de l'employeur. On n'a pas à connaître le Code de discipline ni les Règles de conduite professionnelle pour comprendre que le comportement en question était incompatible avec les tâches et les responsabilités liées à son emploi.

[61]   En outre, la conduite de la fonctionnaire s'estimant lésée était de nature répétitive et s'est déroulée au cours d'une période de quelque cinq mois, contrairement à un incident isolé qui aurait pu s'expliquer par une erreur de jugement. La fonctionnaire s'estimant lésée a entrepris et a poursuivi cette conduite inappropriée indépendamment des préoccupations exprimées par son supérieur à l'effet qu'elle maintienne une distance appropriée des détenus et ne pas devenir, ou être perçue comme étant, trop amicale avec ces derniers. Ses rencontres avec le détenu X à l'extérieur des établissements ne faisaient pas partie de ses fonctions et de ses responsabilités, et étaient contraires aux directives expresses de son supérieur.

[62]   Pourtant, la représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée m'a demandé de vérifier si suffisamment de facteurs atténuants étaient présents pour me persuader que les circonstances générales justifient le remplacement par une sanction moins lourde.

4.   Des motifs justifient-ils le remplacement par une sanction moins lourde?

[63]   Bien que l'objet des audiences de cette nature n'est pas d'examiner la conduite ou les opérations de l'employeur, un certain nombre de points soulevés m'amènent à me questionner. Premièrement, bien que j'apprécie l'efficacité des ententes de déplacement, je me questionne sur le fait que les agents de programme conduisent quatre ou cinq détenus, dans le même véhicule, d'un établissement à un autre. Deuxièmement, il semble qu'aucune règle particulière n'est établie pour les agents de programme. Par conséquent, il pourrait se révéler approprié de maintenir un protocole de supervision plus étroit pour certains de ces individus, selon leur compétence professionnelle, leur éducation, leur formation, leur expérience et (ou) leur habileté. Troisièmement, en raison de ce qui pourrait paraître comme une filière hiérarchique coexistante entre les gardiens et les supérieurs, il pourrait être utile de s'assurer que tous les employés comprennent de qui ils relèvent - particulièrement dans des instances comme celle qui nous intéresse où un individu fait la navette entre plusieurs établissements dans le cadre de ses fonctions.

[64]   Je fais ces observations parce que ce genre de circonstances peut être pertinent pour les circonstances atténuantes. Je remarque également que l'employeur a décidé de ne pas faire face à ces questions au cours de l'audience compte tenu des questions et de la portée de la preuve. Cela étant dit, mes préoccupations pourraient très bien ne pas être fondées.

[65]   Bien que les questions susmentionnées étaient connues au cours de l'audition, je n'ai pas accepté le fait qu'elles étaient des facteurs de causalités importants dans la présente cause. Il semble que la fonctionnaire s'estimant lésée, même si elle était naïve, pensait qu'elle en connaissait davantage sur les corrections et le comportement humain que ceux desquels elle relevait, ou qu'elle a décidé de ne pas tenir compte du protocole et des responsabilités clairement définies et les obligations liées à son emploi pour des motifs personnels et non professionnels. Malheureusement, j'ai tendance à préférer la dernière explication.

[66]   La fonctionnaire s'estimant lésée a été embauchée à titre d'agent de programme auprès de l'employeur à l'automne de 1997. Auparavant, elle travaillait pour l'employeur à titre de secrétaire au chef des Finances depuis 1996. Son premier poste d'une durée indéterminée auprès de la fonction publique fédérale a débuté en 1990. Mis à part la conduite en question dans le cadre de la présente audition, l'employeur décrivait la fonctionnaire comme étant une bonne employée. Au moment de l'audition, elle était mariée et avait un enfant âgé de 11 mois et exploitait un petit commerce.

[67]   La sous–commissaire adjointe, Mme Bergen, témoigne à l'effet qu'elle croit que le lien de confiance avec la fonctionnaire s'estimant lésée ne peut être réparé. Le supérieur de la fonctionnaire s'estimant lésée, M. Eno, est également d'avis que cette dernière ne peut reprendre son poste à titre d'agent de programme.

[68]   Les attentes fondées sur nos opérations correctionnelles nationales sont importantes. L'employeur, le Service correctionnel du Canada, a des obligations très importantes à l'égard de la protection du public, du maintien de l'ordre dans ses établissements, et de la réhabilitation et de la réintégration des délinquants dans la société. Lorsque le système échoue, l'employeur en est tenu responsable. Les tâches relatives à son mandat sont rigoureuses. Le défi de l'employeur visant la surveillance des détenus est suffisamment important, il ne devrait pas être appelé à devoir surveiller ses employés.

[69]   Je n'ai pas été convaincue que la cause en question justifie la substitution par une sanction moins lourde. Cependant, on a porté à mon attention au cours du témoignage que la fonctionnaire s'estimant lésée s'était inscrite à certains cours avant sa suspension et son licenciement. Si l'employeur dispose d'une politique de remboursement des coûts, j'invite les parties à vérifier si des paiements devraient être remboursés à la fonctionnaire s'estimant lésée. À cet égard, si les parties étaient incapables de résoudre cette question entre elles, je demeure saisie de l'affaire pourvu qu'un avis soit livré à la Commission à Ottawa dans les 70 jours, ou avant, suivant la communication de cette décision.

[70]   En raison des faits qui précèdent, le grief est rejeté.

Francine Chad Smith, c.r.
Commissaire

REGINA, le 11 décembre 2002.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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