Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement (disciplinaire) - Suspension sans traitement pour durée d'une enquête - Lien de confiance rompu - la fonctionnaire s'estimant lésée était à l'emploi du Service correctionnel depuis 1983 et, au moment des événements relatés elle occupait la fonction d'agent correctionnel - la fonctionnaire s'estimant lésée s'était absentée du travail pour cause de maladie du 23 février au 3 juillet 1998 - le 17 mars 2000, la fonctionnaire s'estimant lésée a été avisée qu'elle était suspendue sans traitement pour la durée d'une enquête relativement à ses absences au cours des dernières années - l'employeur soutient que celle-ci a utilisé des congés pour maladie et obligations familiales alors qu'en fait, elle travaillait à un deuxième emploi à ces occasions - suite aux résultats de l'enquête le 21 août 2000, l'employeur a avisé la fonctionnaire s'estimant lésée qu'elle était licenciée pour motif d'avoir frauduleusement utilisé ses congés de maladie - l'employeur avait ajouté aussi que celle-ci ne l'avait pas informé qu'elle occupait un poste ailleurs, contrevenant ainsi au Code de discipline et aux Règles de conduite professionnelle, ainsi qu'au Code régissant les conflits d'intérêt et l'après-mandat s'appliquant à la fonction publique - pour tous ces motifs, l'employeur avait conclu que le lien de confiance était rompu - l'arbitre de grief considérait essentiel d'examiner l'importance pour un fonctionnaire d'aviser son employeur du fait qu'il occupe un autre emploi; si l'utilisation des congés de maladie et des congés pour obligations familiales par la fonctionnaire s'estimant lésée depuis 1995 constituait un motif de sanction disciplinaire; si l'employeur avait tardé à agir et si cela constituait un facteur permettant d'atténuer la sanction disciplinaire - l'arbitre de grief a fait référence à l'article 26 du Code régissant les conflits d'intérêts et l'après-mandat s'appliquant à la fonction publique ainsi qu'à la règle 5 des Règles de conduite professionnelle au Service correctionnel et a conclu qu'ils étaient suffisamment explicites pour mettre en garde un fonctionnaire contre le fait de s'engager dans des activités extérieures à son travail qui risquent de compromettre son intégrité ou son rendement comme fonctionnaire - l'arbitre de grief a conclu que compte tenu de la complexité du dossier et de la nécessité d'analyser de façon détaillée la relation entre les absences de la fonctionnaire s'estimant lésée et ses périodes de travail au Centre Jeunesse Laval, la suspension de la fonctionnaire s'estimant lésée pour la durée de l'enquête était justifiée - de plus, selon l'arbitre de grief, compte tenu que la preuve révélait que pendant cinq ans, la fonctionnaire s'estimant lésée a utilisé des congés de maladie dans des moments coïncidant avec son travail extérieur, compte tenu qu'elle n'avait jamais informé son employeur qu'elle avait un emploi extérieur, compte tenu qu'elle n'a pas informé les médecins de l'employeur ni son propre spécialiste de l'existence d'un deuxième emploi lors de son absence en 1998, compte tenu du fait qu'elle avait menti à propos des motifs de son absence les mercredis matins et compte tenu qu'elle a admis avoir utilisé les congés pour de faux motifs, il considéra que l'employeur pouvait invoquer à juste titre que le lien de confiance était rompu. Griefs rejetés. Décisions citées :Goyette (166-2-31116).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2002-12-20
  • Dossiers:  166-2-31112, 166-2-31113
  • Référence:  2002 CRTFP 107

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

SYLVIE GOYETTE

fonctionnaire s'estimant lésée

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Solliciteur général Canada - Service correctionnel)

employeur

Devant :  Jean-Pierre Tessier, commissaire

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée :  Céline Lalande - UNION OF CANADIAN CORRECTIONAL OFFICERS - SYNDICAT DES AGENTS CORRECTIONNELS DU CANADA - CSN

Pour l'employeur :  Jennifer Champagne, avocate


Affaire entendue à Montréal (Québec),
du 7 au 11 octobre 2002.

[1]   Mme Sylvie Goyette est à l'emploi de Service correctionnel Canada depuis 1983. Au moment des évènements relatés dans la présente décision, elle occupe la fonction d'agent correctionnel au Centre correctionnel communautaire (CCC) Martineau. Ce poste est classifié aux groupes et niveaux CX-II.

[2]   Le 17 mars 2000, Mme Goyette est avisée qu'elle est suspendue sans traitement pour la durée d'une enquête relativement à ses absences au cours des dernières années. L'employeur soutient que Mme Goyette a utilisé des congés pour maladie et obligations familiales alors qu'en fait, elle travaillait à un deuxième emploi à ces occasions (pièce E-I).

[3]   Suite aux résultats de l'enquête le 21 août 2000, l'employeur avise Mme Goyette qu'elle est licenciée pour motif d'avoir frauduleusement utilisé ses congés de maladie. L'employeur ajoute aussi que la fonctionnaire s'estimant lésée ne l'a pas informé qu'elle occupait un poste ailleurs, contrevenant ainsi au Code de discipline et aux Règles de conduite professionnelle, ainsi qu'au Code régissant les conflits d'intérêt et l'après-mandat s'appliquant à la fonction publique. Pour tous ces motifs, l'employeur conclue que le lien de confiance est rompu.

[4]   Mme Goyette conteste ces deux décisions de l'employeur. Les griefs (dossiers de la Commission 166-2-31112 et 31113) font l'objet d'une preuve commune.

[5]   Les griefs furent référés à l'arbitrage en février 2002 et l'audition a lieu dans la semaine du 7 au 11 octobre 2002. Le renvoi tardif de ce dossier à l'arbitrage s'explique du fait que plusieurs évènements se sont succédés entre 1997 et 2000.

[6]   De fait, dix griefs sont renvoyés à l'arbitrage; par accord des parties, quatre griefs sont plaidés lors des audiences du 6 au 10 mai 2002 et quatre autres lors des audiences du 7 au 11 octobre 2002 et les deux derniers sont reportés à une date ultérieure.

[7]   Bien que chacun des griefs fasse l'objet d'une preuve distincte, les parties conviennent que la preuve déposée dans un dossier (notamment, description de fonctions, lieu de travail, clientèle, etc.) puisse être considérée dans un autre.

La preuve

[8]   Mme Sylvie Goyette travaille au CCC Martineau depuis 1989. Il s'agit d'un petit établissement carcéral accueillant environ 50 détenus en 1989. Cependant, depuis 1990, on y loge en moyenne de 30 à 35 détenus bénéficiant de libération conditionnelle de jour ou de fin de semaine. À la fin de décembre 1999, d'autres clientèles sont aussi desservies par le CCC Martineau.

[9]   Au printemps 1998, Mme Goyette s'absente pour cause de maladie du 23 février au 3 juillet 1998. Mme Goyette se dit stressée par la sévérité de son superviseur, M. René Pellerin; de plus, à la mi-février, des collègues de travail ont déposé une plainte reprochant à Mme Goyette son manque de professionnalisme et le fait de perturber le climat de travail.

[10]   À l'été 1998, Mme Goyette est réaffectée au CCC Sherbrooke pendant la durée d'une enquête sur les questions de harcèlement de la part de son supérieur et de la plainte de collègues à l'égard d'elle-même.

[11]   À la fin de l'année 1998, suite à l'enquête, Mme Goyette revient au CCC Martineau. En 1999, elle s'absente du travail du 27 août au 12 septembre 1999 suite à des menaces qui ont été proférées à son égard de la part d'un détenu dans un pénitencier. Une demande d'absence pour accident de travail est déposée le 1er octobre 1999 à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) du Québec (pièce F-IV).

[12]   M. Gilles Thibault, directeur de district métropolitain, témoigne qu'il fut informé du fait que Mme Goyette, occupait, en plus de son travail au CCC Martineau, un autre emploi au Centre Jeunesse Laval.

[13]   M. Thibault ne se souvient pas exactement de la date à laquelle il a pris connaissance du fait que Mme Goyette travaillait ailleurs. Il croit que c'est à la fin de 1999, au début de l'année 2000. Par la suite, il s'est occupé d'obtenir de l'information formelle auprès du Centre Jeunesse Laval. L'information recueillie lui permettait de constater que Mme Goyette travaillait depuis plusieurs années ailleurs et qu'au cours de ce temps, Mme Goyette s'était absentée plus de 50 journées du CCC Martineau.

[14]   C'est à partir de cette information qu'il a décidé d'imposer une suspension sans traitement à Mme Goyette et a mandaté deux personnes pour enquêter sur ces absences. Par la suite, compte tenu des résultats de l'enquête, il conclue que Mme Goyette doit être congédiée.

[15]   M. Thibault considère que le fait de travailler ailleurs ne constitue pas en soi une faute grave, cependant, il est du devoir du fonctionnaire d'informer son supérieur de tout autre emploi. Dans le cas de Mme Goyette, il constate que ce deuxième emploi influençait son travail au CCC Martineau et occasionnait une prise de congé pour des motifs autres que ceux qu'elle avait officiellement donnés. Relativement aux absences de Mme Goyette un mercredi matin sur deux, il dit avoir toujours été informé qu'il en était ainsi parce que Mme Goyette disait siéger sur un conseil d'administration.

[16]   Mme Annie Bertrand travaille au service financier du Centre Jeunesse Laval. Elle dit que Mme Goyette assiste aux réunions d'équipe du mercredi matin. Elle confirme, tel qu'il appert à l'attestation d'emploi (pièce E-XI), que Mme Goyette a travaillé 6,487 heures au Centre Jeunesse Laval depuis 1995, soit une moyenne de 1, 100 heures par année.

[17]   Mme Joyce Malone a participé à l'enquête sur le double emploi de Mme Goyette. Elle atteste que Mme Goyette lui a indiqué qu'elle n'avait pas informé ses superviseurs de son emploi au Centre Jeunesse Laval. De plus, lors de l'enquête, Mme Goyette admet qu'elle avait pour pratique d'utiliser (d'écouler) ses banques de congés de maladie ou pour obligations familiales au cours des années. Mme Goyette admet qu'elle a effectivement utilisé des jours de congé de maladie parce qu'elle avait eu une période de travail difficile au Centre Jeunesse Laval et qu'elle préférait par la suite ne pas entrer travailler au CCC Martineau.

[18]   Commentant le tableau comparatif des absences au CCC Martineau et des périodes de travail au Centre Jeunesse Laval (pages 5 à 7 du rapport d'enquête) (pièce E-XVI), Mme Malone déclare que le travail au Centre Jeunesse Laval ne constitue pas en soi un problème mais c'est la fréquence et le conflit d'horaire qui fait que, dans le cas de Mme Goyette, cela constitue un conflit d'intérêt.

[19]   De son côté, Mme Goyette explique qu'en 1993, elle avait pris un congé et qu'elle s'était endettée. Depuis, elle se sépare de son conjoint et augmente ses obligations relativement au loyer, etc. Elle a donc décidé de prendre un autre emploi en 1995 pour payer ses dettes. Elle admet avoir utilisé les congés de maladie et pour obligations familiales de façon frauduleuse parce qu'elle devait travailler le soir au Centre Jeunesse Laval ou parce qu'elle venait d'y travailler.

[20]   Bien que son horaire de nuit au Centre Jeunesse Laval se terminait plus tard que l'heure où elle devait se présenter au CCC Martineau, Mme Goyette dit s'être arrangé la majorité du temps pour quitter plus tôt à Laval. Cependant, il lui est arrivé de ne pas pouvoir quitter et elle devait prendre un congé de maladie pour justifier son absence au CCC Martineau.

[21]   Mme Goyette convient ne pas avoir aviser son supérieur immédiat de son autre emploi du Centre Jeunesse Laval; elle allègue cependant qu'à l'été 1998, elle en a parlé aux enquêteurs (Rapport d'enquête harcèlement) (pièce F-I, page 17). De plus, elle a indiqué occuper un autre emploi sur un formulaire de la CSST en 1998 (pièce F-III) et en 1999 (pièce F-IV).

[22]   En terminant, Mme Goyette déclare qu'elle n'a jamais pensé que le fait de prendre des congés de maladie ou pour obligations familiales de cette façon lui occasionnerait des problèmes disciplinaires.

Plaidoiries

[23]   L'employeur insiste sur le fait que selon les politiques, il appartient au fonctionnaire d'aviser l'employeur du fait qu'il occupe un autre emploi. Il soutient que la conduite de Mme Goyette face à l'utilisation de ses congés de maladie ou pour obligations familiales constitue une fraude.

[24]   L'employeur insiste sur le fait que Mme Goyette a menti à ses supérieurs sur les motifs de ses absences les mercredi matins en faisant croire qu'elle siégeait à un conseil d'administration d'organisme. Même si Mme Goyette a indiqué sur les documents de la CSST ou lors d'enquête qu'elle travaillait ailleurs, elle n'a jamais informé directement l'employeur de ce deuxième emploi.

[25]   Pour sa part, la représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée soutient que s'il s'agit d'un problème d'absentéisme, l'employeur aurait dû agir avant. Elle convient que Mme Goyette a mal agit en utilisant ses congés de maladie mais qu'elle était loin de comprendre la gravité de ses actes. Mme Goyette, lorsque interrogée, a avoué qu'elle occupait un deuxième emploi.

[26]   Dès 1998, les enquêteurs savaient que Mme Goyette occupait un deuxième emploi et les documents transmis à la CSST en 1998 et 1999 font aussi état de l'occupation d'un deuxième emploi par Mme Goyette. L'employeur a tardé à agir. Mme Goyette mérite sans doute une mesure disciplinaire mais pas la peine capitale que constitue un licenciement.

Décision

[27]   Compte tenu de la preuve soumise, je considère important d'examiner les trois éléments suivants :

  • l'importance pour un fonctionnaire d'aviser son employeur du fait qu'il occupe un autre emploi;

  • l'utilisation des congés de maladie et des congés pour obligations familiales par Mme Goyette depuis 1995 constitue t-il un motif de sanction disciplinaire?;

  • l'employeur a-t-il tardé à agir et cela constitue t-il un facteur permettant d'atténuer la sanction disciplinaire?;

[28]   L'employeur a déposé lors de l'audience, le Code de discipline au Service correctionnel du Canada (pièce E-III), les Règles de conduite professionnelle (pièce E-IV) et le Code régissant les conflits d'intérêt et l'après-mandat (pièce E-V).

[29]   L'article 26 du Code régissant les conflits d'intérêts et l'après-mandat s'appliquant à la fonction publique prévoit que :

Activités

  1. *Les employés peuvent occuper un emploi extérieur ou participer à d'autres activités à moins que cet emploi ou ces activités risquent d'entraîner un conflit d'intérêts. Ils doivent présenter à l'administrateur désigné un rapport confidentiel des activités extérieures qui pourraient les soumettre à des exigences incompatibles avec leurs fonctions officielles ou remettre en question leur capacité d'accomplir les devoirs de leur charge en toute objectivité. L'administrateur désigné peut exiger que ces activités soient réduites, modifiées ou abandonnées s'il a été déterminé qu'il existe un risque réel ou potentiel de conflit d'intérêts.

[30]   De plus, les Règles de conduite professionnelle au Service correctionnel prévoient notamment, selon la règle cinq, que les fonctionnaires « .ne doivent pas s'engager dans des entreprises commerciales ou privées qui pourraient ou sembleraient les mettre en conflit avec leur fonction d'employé. »

[31]   Les dispositions énoncées précédemment sont suffisamment explicites pour mettre en garde un fonctionnaire contre le fait de s'engager dans des activités extérieures à son travail qui risquent de compromettre son intégrité ou son rendement comme fonctionnaire.

[32]   Tel qu'énoncé par l'enquêteur Mme Malone, l'activité exercée par Mme Goyette au Centre Jeunesse Laval ne constitue pas en soi un conflit d'intérêt, cependant après examen, il appert que la densité du travail et le conflit d'horaire de travail ont amené Mme Goyette à négliger ses responsabilités comme fonctionnaire au CCC Martineau.

[33]   Le fait que Mme Goyette n'ait pas informé ses supérieurs de son travail extérieur a eu pour effet de rendre ce dernier méfiant face aux absences de Mme Goyette. Le présent dossier fait mieux comprendre la tension qui s'est installée entre M. Pellerin et Mme Goyette lorsque cette dernière s'est mise en colère parce que son directeur lui refusait de prendre un congé en août 1997 (dossier de la Commission 166-2-31116). Mme Goyette a effectivement pris cette journée de congé et l'employeur, à juste titre, a refusé de payer l'après-midi d'absence tel qu'il appert de la décision (dossier de la Commission 166-2-31116) que j'ai rendu à l'été 2002.

[34]   Mme Goyette a aussi menti sur la raison de ses absences du mercredi. Le témoignage de tous les témoins de l'employeur révèle que la raison donnée par Mme Goyette pour s'absenter (déplacer son horaire du mercredi matin) était qu'elle devait siéger sur le conseil d'administration d'organisme.

[35]   Compte tenu des circonstances et de la durée pendant laquelle Mme Goyette a caché à son employeur son deuxième emploi, je considère qu'il s'agit là d'un manquement de sa part.

[36]   Sur le deuxième élément qu'est l'utilisation des congés de maladie, la preuve présentée démontre hors de tout doute que Mme Goyette a abusé et a failli à ses obligations d'honnêteté et d'intégrité.

[37]   Prise isolément, l'absence d'un employé pour une ou deux journées par année alors qu'il n'est peut-être pas véritablement malade constitue un manquement sans toutefois constituer en soi un motif de congédiement compte tenu des circonstances. Cependant, dans le cas de Mme Goyette, les manquements se répètent de façon constante sur une période de cinq ans.

[38]   L'examen du tableau statistique comparant la prise de congé de maladie en fonction des périodes de travail au Centre Jeunesse Laval ne laisse aucun doute sur l'usage frauduleux quant à la prise de congé pour un motif autre que celui prévu à la convention collective. Ajoutons à cela que Mme Goyette avoue elle-même, lors des enquêtes et lors de son témoignage dans le présent dossier, qu'elle a pris les congés sous de faux prétextes.

[39]   Compte tenu que les gestes de Mme Goyette se répète sur une longue période, je ne peux voir de circonstances atténuantes expliquant ses actions. Mme Goyette évoque qu'entre 1995 et 1998, elle devait rembourser des dettes mais qu'en est-il pour la période de 1999 et 2000?

[40]   Je note de plus que l'attitude de Mme Goyette relativement à l'information où la communication avec son employeur est très agressive. Tel que souligné par M. Pellerin lorsqu'il avait questionné Mme Goyette sur une absence pour raisons familiales, la réponse de cette dernière fut qu'il n'avait rien à faire dans sa vie personnelle. Ajoutons à cela qu'en 2000, tel que mentionné au Rapport d'enquête disciplinaire (pièce E-XVI), Mme Goyette affirme que son emploi au Centre Jeunesse Laval relève de sa vie personnelle.

[41]   Enfin, sur le dernier point, je ne peux retenir l'argument invoqué par la représentante de Mme Goyette relativement au fait que l'employeur ait tardé à agir.  Il est vrai qu'en 1998, Mme Goyette avait indiqué aux enquêteurs qu'elle occupait un autre emploi, cependant, il faut se référer au contexte pour évaluer la portée d'une telle déclaration.

[42]   Dans le domaine des relations de travail, il est d'usage que l'employeur puisse conduire une enquête administrative relativement à certains évènements. Dans le cas de 1998 auquel on fait référence, il s'agissait d'une enquête sur le harcèlement. Dans le contexte d'une enquête administrative, l'enquêteur a un mandat précis. Les employés questionnés se soumettent de bon gré à comparaître devant les enquêteurs et répondent de bonne foi aux questions qu'on leur pose. Si les enquêteurs découvrent des informations extérieures au cadre de leur enquête, elles peuvent à mon sens être notées et faire l'objet de recommandations. Cependant, pour qu'il y ait une enquête plus poussée sur les faits nouveaux, on doit officiellement élargir le mandat des enquêteurs ou leur confier un nouveau mandat spécifique sinon la règle du jeu n'est plus la même.

[43]   La règle voulant que les personnes qui témoignent lors d'une enquête administrative soient conscientes du cadre de l'enquête, assurent l'intégrité du processus d'enquête dans le contexte des relations de travail. Dans le présent cas, il y eut, en 2000, une enquête spécifique relativement aux absences de Mme Goyette.

[44]   Compte tenu de ce qui précède, on ne peut reprocher aux enquêteurs, en 1998, de ne pas avoir poussé plus à fond leur enquête sur la nature du travail qu'effectuait Mme Goyette dans son deuxième emploi (Centre Jeunesse Laval). Il en va de même des mentions de l'existence d'un deuxième emploi faites par Mme Goyette à la CSST en 1998 et en 1999. Ces mentions sont faites dans un contexte bien précis.

[45]   Il faut retenir que ce n'est pas le fait d'occuper un autre emploi qui constitue une faute en soi mais plutôt la densité du travail ailleurs. Le conflit d'horaire et l'empiètement sur les responsabilités de fonctionnaire ont incité Mme Goyette à tromper l'employeur sur les motifs justifiant les congés qu'elle réclamait.

[46]   Que ce soit le fait de circonstances ou de dénonciation qui ait poussé l'employeur a entreprendre une enquête sur les activités de Mme Goyette, il ne s'agit pas dans l'espèce, d'une action isolée mais de gestes répétitifs au cours d'une période de plus de cinq ans. Seule une enquête approfondie permettait à l'employeur de déterminer les gestes posés par Mme Goyette, constituant une faute grave.

[47]   Compte tenu de la complexité du dossier et de la nécessité d'analyser de façon détaillée la relation entre les absences de Mme Goyette et ses périodes de travail au Centre Jeunesse Laval, la suspension de Mme Goyette pour la durée de l'enquête m'apparaît justifiée.

[48]   Compte tenu que la preuve révèle que pendant cinq ans, Mme Goyette a utilisé des congés de maladie dans des moments coïncidant avec son travail extérieur, compte tenu qu'elle n'a jamais informé son employeur sur son travail extérieur, compte tenu qu'elle n'a pas informé les médecins de l'employeur ni son propre spécialiste sur l'existence d'un deuxième emploi lors de son absence en 1998, compte tenu du fait qu'elle ait menti sur les motifs de son absence le mercredi matin et compte tenu qu'elle ait admis avoir utilisé les congés pour faux motifs, je considère que l'employeur peut invoquer à juste titre que le lien de confiance est rompu.

[49]   Compte tenu de ce qui précède, je rejette le grief logé par Mme Goyette relativement à la période où elle fut suspendue de ses fonctions et le grief relatif au licenciement.

Jean-Pierre Tessier,
commissaire

OTTAWA, le 20 décembre 2002

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