Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Congé de maladie - Une partie du congé n'est pas autorisée par l'employeur qui réclame un remboursement du salaire pour ce temps - la fonctionnaire s'estimant lésée était à l'emploi du Service correctionnel depuis 1983 et, au moment des événements relatés elle occupait la fonction d'agent correctionnel - la fonctionnaire s'estimant lésée s'était absentée du travail pour cause de maladie du 23 février au 3 juillet 1998 - suite à des rapports médicaux, l'employeur avait décidé le 12 juin 1998 de ne pas autoriser l'absence à compter du 14 avril 1998 et, en conséquence, il réclamait le remboursement des congés de maladie accordés entre les 14 et 29 avril 1998 - l'arbitre de grief a déterminé que même si selon les rapports médicaux des 14 et 25 avril la fonctionnaire s'estimant lésée semblait physiquement capable de travailler, il restait néanmoins qu'elle manifestait beaucoup d'émotions et d'anxiété face à un retour au travail - selon l'arbitre de grief, si l'employeur avait suivi la recommandation des médecins et demandé à la fonctionnaire s'estimant lésée de se présenter à la direction des ressources humaines pour discuter de la situation il y aurait peut-être pu y avoir entente pour une médiation ou une réaffectation et ce, avant le 3 juillet - l'arbitre de grief jugea qu'il ne voyait rien dans le rapport du médecin qui pouvait justifier une convalescence de trois mois après le 25 avril 1998, mais qu'il était d'accord avec ce dernier cependant que l'anxiété de la fonctionnaire s'estimant lésée pouvait susciter une crainte de retourner au travail - l'arbitre de grief a conclu que dans les semaines suivantes, une rencontre de discussion de cas entre l'employeur et la fonctionnaire s'estimant lésée aurait pu dissiper l'anxiété de cette dernière et permettre un retour au travail en mai ou juin - compte tenu de ceci, l'arbitre de grief a considéré que la fonctionnaire s'estimant lésée avait satisfait à ses obligations et que la preuve présentée n'a pu le convaincre que l'employeur était justifié de ne pas autoriser l'absence de la fonctionnaire s'estimant lésée pour la période du 14 mars au 29 avril, et qu'il ne pouvait en conséquence exiger le remboursement des congés de maladie versés à la fonctionnaire s'estimant lésée pour cette même période - l'arbitre a fait droit au grief et a ordonné à l'employeur d'accorder à la fonctionnaire s'estimant lésée le bénéfice des congés de maladie pour la période du 14 mars au 19 avril 1998. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2002-12-20
  • Dossier:  166-2-31108
  • Référence:  2002 CRTFP 105

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

SYLVIE GOYETTE

fonctionnaire s'estimant lésée

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Solliciteur général du Canada - Service correctionnel)

employeur

Devant :  Jean-Pierre Tessier, commissaire

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée :  Céline Lalande, UNION OF CANADIAN CORRECTIONAL OFFICERS - SYNDICAT DES AGENTS CORRECTIONNELS DU CANADA - CSN

Pour l'employeur :  Jennifer Champagne, avocate


Affaire entendue à Montréal (Québec),
du 7 au 11 octobre 2002.

[1]   Mme Sylvie Goyette est à l'emploi du Service correctionnel du Canada depuis 1983. Au moment des évènements relatés dans la présente décision, elle occupe la fonction d'agent correctionnel au Centre correctionnel communautaire (CCC) Martineau. Ce poste est classifié aux groupes et niveaux CX-II.

[2]   Mme Goyette s'est absentée du travail pour cause de maladie du 23 février au 3 juillet1998.

[3]   Suite à des rapports médicaux, l'employeur décide le 12 juin 1998 ne pas autoriser l'absence à compter du 14 avril 1998 et, en conséquence, il réclame le remboursement des congés de maladie accordés entre les 14 et 29 avril 1998.

[4]   Le 23 juillet 1998, la fonctionnaire s'estimant lésée conteste la décision de l'employeur, ce qui fut référé à l'arbitrage le 15 décembre 2001. L'audition a lieu dans la semaine du 7 au 11 octobre 2002. Le renvoi tardif de ce dossier à l'arbitrage s'explique du fait que plusieurs évènements se sont succédés entre 1997 et 2000.

[5]   De fait, dix griefs sont renvoyés à l'arbitrage. Par accord des parties, quatre griefs sont plaidés lors des audiences du 6 au 10 mai 2002, et quatre autres lors des audiences du 7 au 11 octobre 2002. Les deux derniers sont reportés ultérieurement.

[6]   Bien que chacun des griefs fasse l'objet d'une preuve distincte, les parties conviennent la preuve déposée dans un dossier (notamment description de fonctions, lieu de travail, clientèle, etc.) puisse être considérée dans un autre.

La preuve

[7]   Mme Sylvie Goyette travaille au CCC Martineau depuis 1989. Il s'agit d'un petit établissement carcéral accueillant environ 50 détenus en 1989. Cependant, depuis 1990, on y loge en moyenne de 30 à 35 détenus bénéficiant de libération conditionnelle de jour ou de fin de semaine.

[8]   Mme Goyette est responsable de l'animation communautaire auprès des résidents (détenus) et effectue des tâches techniques liées au fonctionnement opérationnel du CCC Martineau de même qu'au programme.

[9]   Lors de son témoignage, Mme Goyette explique que suite à l'arrivée de M. René Pellerin comme Directeur du CCC Martineau en mars 1997, le climat de travail se détériore. Selon elle, M. Pellerin manifeste une certaine sévérité, pour ne pas dire une certaine agressivité à son égard.

[10]   Lors des réunions d'équipe, elle se sent moins impliquée. Le directeur ne tient pas compte de ses remarques. En août 1997, le directeur lui refuse un congé de vacances. (Cet incident a fait l'objet d'un grief et j'ai rendu une décision à ce sujet dans le dossier de la Commission 166-2-31116.) À l'automne, il lui remet une évaluation négative. Par la suite, Mme Goyette dit se sentir tendue et éprouve des maux de tête et souffre parfois d'insomnie.

[11]   En décembre 1997, lors d'une réunion de discussion sur un grief, Mme Goyette expose au directeur régional, M. Gilles Thibault, qu'elle vit une situation difficile avec M. Pellerin.

[12]   Mme Goyette raconte aussi qu'en 1998, alors qu'elle quitte le CCC Martineau sur l'heure du midi, M. Pellerin, qui est près de la sortie, lui demande où elle allait. Mme Goyette continue son chemin sans répondre. Il aurait alors tenté de lui bloquer la route et lui aurait demandé de lui indiquer où elle allait.

[13]   Le 19 février 1998, lors d'une audition de grief au troisième pallier, Mme Goyette discute avec Mme Lachapelle (responsable régionale) du problème avec M. Pellerin. Mme Lachapelle lui parle alors de médiation possible, mais il n'y a pas eu de suite.

[14]   Lors de cette même journée, Mme Goyette reçoit une lettre l'informant que deux employés ont logé une plainte contre elle (pièce F-6). Mme Goyette est perturbée et lorsque, par hasard, elle rencontre M. Corbeil, son ancien directeur, qui est de passage au CCC Martineau, elle lui parle et pleure.

[15]   Pendant le congé de fin de semaine, elle a des points au thorax et souffre de maux de tête. Dès le lundi 23 février 1998, elle consulte son médecin de famille, qui lui conseille du repos. Son médecin lui remet un certificat médical recommandant un arrêt de travail du 23 février au 4 mars 1998. D'autres certificats sont remis aux deux semaines jusqu'au 22 juillet 1998 (pièce F-7 en liasse).

[16]   Pendant sa convalescence, Mme Goyette se rend en Floride quelques semaines, soit du 18 mars au 7 avril, au condominium de sa mère. Pendant son absence, l'employeur avait tenté de la rejoindre à quelques reprises pour lui demander une contre-expertise médicale. À son retour, Mme Goyette communique avec l'employeur et un rendez-vous avec le docteur Giasson est fixé pour le 14 avril 1998. Le docteur Giasson remet un rapport médical (pièce F-8) dont nous reparlerons ultérieurement.

[17]   Suite à cette rencontre avec le docteur Giasson, Mme Goyette rencontre un psychiatre, le docteur Nowakowski, le 16 avril 1998 (pièce F-10). Par la suite, l'employeur demande à Mme Goyette de rencontrer son médecin psychiatre, référé par Santé Canada, soit le docteur Guérin, le 11 juin 1998.

[18]   En avril et mai, Mme Goyette voit un psychologue une fois par semaine. Elle discutait de son travail. Comme le docteur Nowakowski prévoyait son retour au travail pour la mi-juillet, Mme Goyette communique en juin avec M. Lussier, le nouveau directeur du CCC Martineau, pour discuter de son retour au travail.

[19]   Le 12 juin, Mme Goyette reçoit une lettre de l'employeur lui demandant de se présenter au travail le 22 juin. Mme Goyette ne sait plus quoi faire; son médecin de famille, le docteur Fleury, lui dit d'attendre; elle décide de ne pas se présenter au travail le 22 juin.

[20]   Le 18 juin, Mme Goyette dépose une plainte à la Commission de la santé et de la sécurité au travail (CSST) du Québec dans laquelle elle disait avoir des problèmes de santé à cause de harcèlement et d'abus de pouvoir de la part de son supérieur immédiat.

[21]   Compte tenu que Mme Goyette ne s'est pas présentée au travail le 22 juin, l'employeur décide de lui imposer une sanction pécuniaire (pièce F-15). Devant tous ces faits, Mme Goyette tente à la fin juin de rencontrer le Sous-commissaire des services carcéraux. Ce dernier étant absent, elle rencontre M. Vinis qui lui confirme qu'elle se devait de retourner au travail. Devant cette impasse, Mme Goyette dit n'avoir d'autres choix que de retourner au travail.

[22]   Il est à noter que par la suite, l'employeur a découvert que Mme Goyette occupait à cette époque un deuxième emploi, soit au Centre Jeunesse Laval. À ce sujet, Mme Goyette admet occuper un autre emploi depuis 1995; elle confirme lors de son témoignage qu'avant et pendant son absence du CCC Martineau, du 22 février au 3 juillet 1998, elle a travaillé à ce deuxième emploi. Cependant, elle dit y avoir travaillé à la même fréquence qu'à l'habitude, soit deux jours semaine, de soir ou de nuit ou de fin de semaine.

[23]   Au sujet de son deuxième travail au Centre Jeunesse Laval, Mme Goyette déclare en avoir parlé avec son médecin de famille, le docteur Fleury. Elle soutient que cela lui faisait du bien psychologiquement. Elle trouvait important de travailler ailleurs même si physiquement elle éprouvait certains malaises. De fait, selon elle, c'est le milieu de travail du CCC Martineau qui la stressait à cette époque. Mme Goyette admet ne pas avoir parlé de ce deuxième emploi aux médecins référés par l'employeur, les docteurs Giasson et Guérin, ainsi qu'au psychiatre qu'elle a consulté en avril 1998.

[24]   En contre interrogatoire, Mme Goyette admet avoir déjà utilisé des congés de vacances ou des congés pour obligations familiales pour travailler ailleurs ou encore la veille ou le lendemain d'un travail effectué au Centre Jeunesse Laval.

[25]   Pour sa part, le docteur Nowakowski, lors de son témoignage, réitère les conclusions qu'il avait formulées dans son rapport médical suite à l'évaluation du 16 avril 1998 (pièce F-10), soit :

Madame Goyette a été soumise à un certain nombre de facteurs stresseurs au travail, à partir du début de 1997, le tout ayant entraîné un trouble d'adaptation avec affect anxieux et dépressif, ainsi qu'une incapacité totale temporaire, à partir du 18 février 1998.

Au moment où j'ai examiné madame Goyette, on pouvait prévoir que l'incapacité totale temporaire durerait environ trois mois, et que par la suite, madame Goyette serait apte à retourner dans un autre milieu de travail.

Pour que madame Goyette puisse retourner dans le même milieu de travail, il serait primordial dans un premier temps qu'un processus de médiation et de résolution de conflits puisse être complété avec succès entre madame Goyette et son employeur.

[26]   Le docteur Nowakowski confirme le fait que lors de l'examen du 16 avril 1998, Mme Goyette ne présente aucun déficit apparent au niveau de la concentration, de la mémoire ou de la compréhension. Toutefois, dès qu'il aborde le sujet des difficultés que Mme Goyette a vécues dans son milieu de travail, il constate une grande émotivité caractérisée par de l'anxiété et du découragement.

[27]   En contre-interrogatoire, lorsqu'il est informé du fait que Mme Goyette travaillait ailleurs pendant son congé de maladie, le docteur Nowakowski soutient qu'il est possible que Mme Goyette puisse effectuer du travail extérieur, car l'élément stresseur est différent de ce qui semble exister relativement à son travail au CCC Martineau. Il convient que s'il avait su cela, il aurait recommandé à Mme Goyette de cesser l'autre travail (au Centre Jeunesse Laval).

[28]   Les témoins Nathalie Sauriol et Carole Rinfret, collègues de travail de Mme Goyette, apportent peu d'éléments nouveaux au témoignage de Mme Goyette. Il est vrai que parfois le climat était tendu au CCC Martineau. Les secrétaires reprochaient aux agents de libération de s'absenter et de remettre des rapports contenant des fautes de français.

[29]   Mme Goyette reprochait à M. Mastoras d'être absent lors des gardes et, de son côté, ce dernier déplorait le fait d'être obligé de faire faire des tâches aux résidents lorsque Mme Goyette était absente.

[30]   Pour sa part, l'employeur assigne comme témoin M. René Pellerin. M. Pellerin assume depuis plusieurs années la fonction de directeur du Centre; en 1995, il a eu l'occasion de superviser Mme Goyette alors qu'il avait assumé la direction du CCC Martineau. En 1996, il y a des modifications et des travaux de construction au CCC Martineau. En 1997, M. Pellerin revient au CCC Martineau jusqu'à l'été 1998. Il fait remarquer qu'à son retour au CCC Martineau en 1997, le climat de travail est tendu entre certains employés.

[31]   C'est dans ce contexte qu'il a notamment tenu à mettre au point certaines choses avec Mme Goyette. Il considère que Mme Goyette jouissait d'une grande liberté d'action dans son travail et qu'elle avait une certaine réticence à être contrôlée ou encadrée. M. Pellerin réfère notamment à un incident survenu antérieurement où il avait questionné Mme Goyette sur une demande d'absence pour des motifs d'obligations familiales en lui faisant remarquer qu'elle était célibataire. M. Pellerin dit s'être fait répondre : « Tu n'as pas d'affaire dans ma chambre à coucher. »

[32]   M. Pellerin voulait encadrer d'avantage les allées et venues de Mme Goyette. Selon lui, il serait arrivé qu'elle s'absente pendant deux heures pour aller faire faire une clé par exemple.

[33]   À l'été 1997, il y eu une altercation avec Mme Goyette au sujet d'une demande de congé pour le 29 août. Devant le refus du directeur, Mme Goyette aurait répliqué qu'elle allait prendre congé quand même.

[34]   Afin de situer les choses, M. Pellerin remet une pré-évaluation à Mme Goyette en novembre 1997. M. Pellerin trouve que Mme Goyette est sévère avec les résidents et il constate aussi que certains employés font des remarques sur les retards ou absences de Mme Goyette. Il fait une compilation des absences et congés pris par Mme Goyette et constate qu'à chaque année elle épuisait toutes ses banques de congé. Selon lui, Mme Goyette demandait à déplacer son horaire de travail du mercredi matin une semaine sur deux, parce qu'elle disait participer à un conseil d'administration d'organisme de bénévolat.

[35]   Plus spécifiquement, sur l'absence pour maladie du printemps 1998, M. Pellerin note que suite à une plainte déposée par des collègues de travail à l'encontre de Mme Goyette, il constate son absence à partir du 23 février. Il tente alors de la rejoindre au téléphone mais sans succès. Mme Goyette n'a jamais donné de nouvelles sauf les certificats médicaux qui étaient remis au gardien du CCC Martineau le soir ou la fin de semaine. Pour tenter de contacter Mme Goyette, il a remis une note au gardien à l'intention de cette dernière le 6 avril 1998 (pièce E-6).

[36]   Antérieurement, soit le 20 mars, M. Pellerin avait fait parvenir une lettre à Mme Goyette pour qu'elle rencontre le docteur Carl Giasson, le 26 mars. Devant les difficultés de communiquer avec Mme Goyette, cette rencontre n'eut lieu que le 14 avril 1998. Par la suite, il y a eu divers échanges de correspondance (pièces E-7 à E–10) pour demander à Mme Goyette d'être au travail ou pour lui demander de rencontrer le docteur Guérin le 11 juin, suite au fait que Mme Goyette avait fait parvenir un rapport du psychiatre qu'elle avait rencontré le 16 avril.

[37]   Sur le plan médical, le docteur Giasson commente l'évaluation médicale qu'il a transmis suite à l'examen du 14 avril 1998 (pièce F-9). Le docteur Giasson dit avoir expliqué à Mme Goyette qu'il faisait cet examen suite à la demande de l'employeur. Il prend note des remarques que lui fait Mme Goyette concernant le climat de travail difficile et le harcèlement qu'elle ressent de la part de son employeur.

[38]   Selon le docteur Giasson, en date du 14 avril Mme Goyette lui apparaît dans un état physique normal; il n'y a aucune évidence clinique d'une pathologie invalidante. Le docteur Giasson dit avoir expliqué à Mme Goyette que la mise au repos ne modifiera en rien la situation problématique qu'elle vit au travail. Selon lui, il ne sert à rien de médicaliser un problème de relation interpersonnelle qui doit être solutionné par des discussions entre les parties.

[39]   En conclusion, le docteur Giasson admet que son examen se limite à la condition physique de la personne, bien que son expérience lui permette de découvrir des éléments psychiques ou d'ordre psychiatrique. En plus de son rapport, il dit avoir recommandé verbalement à l'employeur de s'assurer d'une contre-expertise psychiatrique pour corroborer ses conclusions.

[40]   Le docteur Guérin n'a pas témoigné et les parties ont convenu de se référer au rapport qu'il a transmis (pièce F-12). Le docteur Guérin conclu le 11 juin que le trouble d'adaptation au travail « est toutefois résorbé et aujourd'hui je ne note aucun signe de pathologie psychiatrique active, pas plus que n'en notait le docteur Giasson en date du 14 avril 1998. ». Le docteur Guérin ajoute qu'il « suggère qu'on organise une rencontre pour lui (Mme Goyette) permettre de s'expliquer avec ses collègues de travail et que, par la suite, elle reprenne ses fonctions sans restrictions. »

[41]   Par la suite, M. Raymond Lussier, nouveau directeur du CCC Martineau depuis le 1er juin 1998, explique que peu après être entré en fonction il téléphone à Mme Goyette. Il rencontre effectivement Mme Goyette le 5 juin pour la sensibiliser sur sa situation. À ce moment, Mme Goyette lui remis les conclusions de l'expertise médicale du docteur Nowakowski. M. Lussier remis à Mme Goyette une lettre demandant qu'elle rencontre le docteur Guérin. Il y a discussion sur le besoin de rétablir le climat de travail; Mme Goyette parle de médiation avec les employés.

[42]   Relativement à la médiation, M. Lussier confirme en avoir parlé avec les deux autres employés principalement concernés mais que ces derniers ne voulaient pas entreprendre ce processus. La médiation ne pouvait pas avoir lieu selon lui.

[43]   Le 12 juin, lorsqu'informé des résultats de l'expertise du docteur Guérin, M. Lussier expédie un avis à Mme Goyette (pièce F-13) lui signifiant qu'il ne pouvait autoriser son absence pour cause de maladie et ce depuis le 14 avril 1998, et lui demande de se présenter au travail dans les plus brefs délais et au plus tard le 22 juin 1998.

[44]   M. Lussier souligne aussi que dans la même période (mi-juin) il a contacté M. Gilles Thibault (Directeur régional) pour discuter du cas de Mme Goyette. Lorsqu'il constate que le 22 juin Mme Goyette n'est pas en poste et qu'elle n'est pas entrée en contact avec lui, il dit considérer qu'il s'agit d'un abandon de poste; il en discute avec le directeur de la région métropolitaine (M. Thibault) qui est du même avis.

[45]   M. Thibault, directeur du district métropolitain, indique avoir pris en compte les difficultés que l'employeur éprouvait pour rejoindre Mme Goyette pendant son absence, de février à juin 1998. En contre-interrogatoire, M. Thibault convient que Mme Goyette avait transmis des certificats médicaux; il considère cependant qu'il ne pouvait accepter que Mme Goyette ne retourne pas les appels téléphoniques de ses superviseurs (MM. Pellerin et Lussier) et qu'elle ne donne pas suite à la correspondance qui lui était adressée en ne se présentant pas au travail. C'est pourquoi il impose à Mme Goyette une sanction pécuniaire le 22 juin 1998. (N.B. : Cette sanction à fait l'objet d'un grief et fera l'objet d'une décision distincte.)

[46]   Il est à noter que le 3 juillet, lorsque Mme Goyette s'est présentée au travail, M. Lussier recommande à M. Thibault de tenir une enquête sur les allégations de harcèlement de Mme Goyette et sur la plainte des employés. M. Lussier recommande que pendant la durée de l'enquête Mme Goyette soit transférée dans un autre centre, ce qui fut fait quelques jours plus tard.

Plaidoiries

[47]   La fonctionnaire s'estimant lésée allègue que le climat de travail était tendu depuis l'arrivée du directeur, M. René Pellerin, en 1997. Elle souligne qu'elle éprouve des problèmes physiques à la fin de l'année 1997 et au début de 1998, tels que tensions et insomnie. L'employeur et notamment les intervenants régionaux auxquels elle s'est adressé n'ont rien tenté pour régler le conflit avec M. Pellerin.

[48]   Pendant son absence, la fonctionnaire s'estimant lésée soumet qu'elle a présenté des certificats médicaux et qu'en juin, malgré les demandes de l'employeur, elle a discuté avec son médecin de famille, le docteur Fleury, et sur sa recommandation elle a préféré ne pas se présenter au travail. C'est suite à sa dernière tentative à discuter avec le sous-commissaire des services carcéraux qu'elle s'est résigné à se présenter au travail de peur de perdre son emploi. Compte tenu qu'elle avait soumis une demande à la CSST, Mme Goyette, selon des informations obtenues, se croyait protégée.

[49]   De son côté, l'employeur soutient que Mme Goyette n'a pas collaboré avec l'employeur pendant son absence. Il soutient notamment qu'elle ne répondait pas au téléphone, ne retournait pas les messages et qu'elle remis ces certificats médicaux en cachette le soir ou les fins de semaine.

[50]   L'employeur mentionne que l'aspect médical doit être associé à la preuve : en juin, bien que Mme Goyette parle de médiation avec d'autres employés, elle cherche à rencontrer le sous-commissionnaire. En son absence, elle rencontre M. Vinis; elle se dit victime de harcèlement et confirme ne pas vouloir retourner au CCC Martineau.

Motifs de la décision

[51]   Je n'ai pas à déterminer ici la cause de la maladie ou du malaise de Mme Goyette. L'effet combiné de l'encadrement que lui impose M. Pellerin et la constatation que des collègues de travail lui adressent des reproches ont, sans doute, créé une condition stressante.

[52]   Les faits démontrent qu'il existe un climat de tension entre Mme Goyette et son supérieur, M. Pellerin. Dès les premiers mois de son arrivée au CCC Martineau en 1997, M. Pellerin veut indiquer à Mme Goyette qu'il entend exercer un meilleur contrôle sur ses activités et absences.

[53]   L'employeur ne conteste pas la maladie de Mme Goyette pour la période du 23 février au 14 avril. Ce n'est que suite au rapport médical du docteur Giasson, confirmé par le docteur Guérin, psychiatre, qu'il conteste les raisons d'absence de Mme Goyette.

[54]   La preuve démontre qu'à partir du 20 mars 1998 (pièce E-5), M. Pellerin, directeur du CCC Martineau, s'inquiète de l'absence de Mme Goyette et lui demande de rencontrer un médecin. Suite à l'avis médical du docteur Giasson, l'employeur demande à Mme Goyette, le 22 avril 1998, d'entrer au travail (pièce E-7).

[55]   Le 28 avril 1998 (pièce E-9), l'employeur écrit à Mme Goyette qu'il prend note du fait qu'elle doit consulter un psychiatre. Cette lettre indique ce qui suit :

Afin d'évaluer équitablement votre absence, nous vous demandons de bien vouloir autoriser que cette expertise soit envoyée à notre médecin évaluateur de Santé Canada au plus tard le 6 mai 1998 à .

[56]   Le 2 juin (pièce E-12), l'employeur écrit à Mme Goyette pour lui demander de rencontrer le docteur Guérin, psychiatre, le 11 juin. Suite au rapport de ce dernier, l'employeur conclu que, dès le 14 juin, Mme Goyette pouvait retourner au travail. L'employeur réclame le remboursement des congés de maladie octroyés pour la période du 14 au 29 avril. Par la suite, l'employeur impose à Mme Goyette une peine pécuniaire considérant son manque de collaboration et son refus de se présenter au travail.

[57]   Il est vrai que l'attitude de Mme Goyette et son manque de collaboration n'ont pas aidé l'employeur à prendre ses décisions. Mme Goyette quitte le 23 février, elle remet ses certificats médicaux le soir ou la fin de semaine, elle ne retourne pas les appels téléphoniques, et elle n'indique pas au docteur Giasson ni à son propre médecin expert qu'elle travaille ailleurs. Bien que lors de la rencontre avec M. Lussier, nouveau directeur du CCC Martineau, elle parle de médiation, de collaboration pour son retour au travail, elle tente de rejoindre par la suite le sous-commissaire des services carcéraux pour le convaincre qu'elle est victime du système et ne peut retourner au travail.

[58]   Bien que le comportement de Mme Goyette ait pu occasionner des retards et dans le déroulement des procédures requises pour justifier une absence, elle s'est finalement prêtée aux exigences de l'employeur pour rencontrer les médecins désignés par ce dernier.

[59]   Même si le docteur Giasson note dans son rapport que Mme Goyette peut retourner au travail dès le 14 avril, il admet lors de son témoignage avoir téléphoné à l'employeur pour que son avis soit confirmé par un psychiatre.

[60]   À la lecture des rapports médicaux soumis en preuve, je constate que tous les médecins constatent que Mme Goyette est anxieuse face à un retour au travail. Le docteur Nowakowski aussi bien que le docteur Guérin recommandent à l'employeur d'organiser une rencontre entre Mme Goyette pour rétablir le climat de travail et permettre son retour.

[61]   D'ailleurs, M. Lussier a bien compris la situation puisque au retour de Mme Goyette le 3 juillet, il recommande qu'on fasse la lumière sur le climat de travail, qu'on enquête sur le fait que Mme Goyette se dit victime de harcèlement et sur la plainte déposée par les collègues de cette dernière. Il recommande aussi que Mme Goyette soit réaffectée dans un autre centre pendant la durée de l'enquête.

[62]   La méfiance, sans doute à juste titre, de M. Pellerin à l'égard de Mme Goyette a pu influencer la décision d'autres membres de la direction.

[63]   Si l'employeur avait suivi la recommandation des médecins et demandé à Mme Goyette de se présenter à la direction des ressources humaines pour discuter de la situation il y aurait peut-être pu y avoir entente pour une médiation ou une ré-affectation et ce, avant le 3 juillet.

[64]   Compte tenu des ordres de retour au travail qui lui étaient transmis par l'employeur, j'abonde en partie dans le sens du rapport médical du docteur Nowakowski, qui conclu qu'au moment où il examine Mme Goyette, « on pouvait prévoir que l'incapacité totale temporaire durerait environ trois mois et que par la suite, elle serait apte à retourner dans un autre milieu. » Le docteur Nowakowski dit que « pour que Mme Goyette puisse retourner dans le même milieu de travail, il serait primordial dans un premier temps, qu'un processus de médiation et de résolution de conflits puisse être complété avec succès. »

[65]   Même si selon les rapports médicaux des 14 et 25 avril Mme Goyette semblait physiquement capable de travailler, il reste néanmoins qu'elle manifeste beaucoup d'émotions et d'anxiété face à un retour au CCC Martineau.

[66]   Je ne vois rien dans le rapport du docteur Nowakowski qui puisse justifier une convalescence de trois mois après le 25 avril 1998. Je suis d'accord avec ce dernier cependant que l'anxiété de Mme Goyette pouvait susciter une crainte de retourner au travail. Dans les semaines suivantes, une rencontre de discussion de cas entre l'employeur et Mme Goyette aurait pu dissiper l'anxiété de cette dernière et permettre un retour au travail en mai ou juin.

[67]   Compte tenu de ce qui précède, je considère que Mme Goyette a satisfait en partie à ses obligations et que la preuve présentée n'a pu me convaincre que l'employeur est justifié de ne pas autoriser l'absence de Mme Goyette pour la période du 14 mars au 29 avril 1998, et qu'il ne peut en conséquence exiger le remboursement des congés de maladie versés à Mme Goyette pour cette même période.

[68]   Je fais donc droit au grief et j'ordonne à l'employeur d'accorder à Mme Goyette le bénéfice des congés de maladie pour la période du 14 mars au 19 avril 1998.

Jean-Pierre Tessier,
Commissaire

OTTAWA, le 20 décembre 2002

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