Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Congé annuel - Le fonctionnaire conteste des vacances imposées obligatoirement et réclame paiement pour ces jours - le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé un grief pour contester la décision de l'employeur qui le forçait à écouler dix jours de vacances avant le 31 mars et pour réclamer le paiement de dix jours comme compensation - dans son grief, le fonctionnaire s'estimant lésé n'a jamais invoqué le fait qu'il n'avait pas été informé - il prétendait seulement que l'interprétation de la clause 34.11 lui donnait le choix de se faire payer ces dix jours de congés - l'arbitre de grief a déterminé que comme les parties n'avaient pas prévu de modalités d'application relativement a l'utilisation des congés annuels à la clause 34.11 b), il devait donc conclure que pour que la clause s'applique, les parties s'en remettaient aux dispositions générales sur l'établissement du calendrier des congés, soit la clause 34.05 - selon l'arbitre de grief, la preuve démontrait que l'employeur avait fait les efforts nécessaires pour informer et accommoder les employés - l'arbitre de grief a conclu que l'utilisation des jours de congés prévus au paragraphe b) de la clause 34.11 se réfère aux modalités générales d'utilisation de la clause 34.05 et que si les parties n'avaient pu s'entendre dans le présent cas, cela provenait tout autant du fait que le fonctionnaire s'estimant lésé contestait la position de l'employeur que du fait que les discussions à ce sujet avaient eu lieu tardivement. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2002-12-23
  • Dossier:  166-2-31145
  • Référence:  2002 CRTFP 109

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

LOUIS MARIN

fonctionnaire s'estimant lésé

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Développement des ressources humaines Canada)

employeur

Devant : Jean-Pierre Tessier, commissaire

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé : Isabelle Pétrin, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur : Karl Chemsi, avocat


Affaire entendue à Montréal (Québec),
le 25 octobre 2002.

[1]   Louis Marin travaille actuellement au Centre d'emploi Jean Talon à titre d'enquêteur. Il compte plus de 32 ans d'expérience dans la fonction publique.

[2]   Le 2 mars 2000, M. Marin dépose un grief pour contester la décision de l'employeur qui le force à écouler dix jours de vacances avant le 31 mars. M. Marin réclamait de l'employeur d'être payé pour ces dix jours. Il conteste le fait d'avoir dû prendre ces dix jours de « vacances obligatoires » et réclame le paiement de dix jours comme compensation.

[3]   Lors de l'audience de ce grief le 25 octobre 2002, les parties conviennent que la procédure a été suivie et que l'arbitre a la compétence pour décider de la cause.

La preuve

[4]   M. Marin souligne que le litige porte sur l'interprétation d'une disposition nouvelle de la convention collective relative à l'épuisement de jours de congés annuels, soit le sous-paragraphe « b) » de la clause 34.11 :

Report et épuisement des congés annuels

34.11

  1. Lorsqu'au cours d'une année de congé annuel, un employé-e n'a pas épuisé tous les crédits de congé annuel auquel il ou elle a droit, la portion inutilisée des crédits de congés annuels jusqu'à concurrence de trente-cinq (35) jours sera reportée à l'année de congé annuel suivante. Tous les crédits de congé annuel en sus de trente-cinq (35) jours seront automatiquement payés en argent au taux de rémunération journalier de l'employé-e calculé selon la classification indiquée dans son certificat de nomination à son poste d'attache le dernier jour de l'année de congé annuel.

**

  1. Nonobstant l'alinéa a), si au 31 mars 1999 ou à la date où l'employé-e est assujetti à la présente convention après le 31 mars 1999, l'employé-e a à son crédit plus de trente-cinq (35) jours de congé annuel non utilisés, un minimum de dix (10) crédits par année seront utilisés ou payés en argent au plus tard le 31 mars de chaque année, à partir du 31 mars 2000 jusqu'à ce que tous les crédits de congé annuel qui dépassent trente-cinq (35) jours aient été épuisés. Le paiement se fait en un versement par année et est calculé au taux de rémunération journalier de l'employé-e selon la classification établie dans le certificat de nomination à son poste d'attache le 31 mars de l'année de congé annuel précédente applicable.

[5]   Lors de son témoignage, M. Marin explique qu'il n'a jamais été informé sur la façon d'épuiser ses jours de vacances accumulés. En 1999, l'employeur lui a payé dix jours de vacances. Cependant, en 2000, pour l'année de budget 1999 au 31 mars 2000, l'employeur lui demande de prendre dix jours de vacances accumulés dans sa banque de congés annuels.

[6]   Ce n'est qu'en février 2000 que les discussions ont lieu relativement aux vacances. Selon M. Marin, au début du mois de février, on lui demande d'écouler ses jours de vacances accumulés; il reçoit à ce moment une note sur sa banque de vacances (pièce F-2). Le 4 février, lors d'une réunion d'équipe, son supérieur, M. Albert Deschamps, l'informe que la directrice n'obligerait personne à prendre ses congés.

[7]   Cependant le 14 février, M. Marin reçoit une note (pièce F-3a) lui demandant d'écouler ses dix jours de vacances accumulés avant le 31 mars 2000. Devant ces faits, M. Marin demande formellement par écrit le 17 février de se faire payer (pièce F–3b). Le jour même, l'employeur lui répond qu'il doit prendre dix jours de vacances (pièce F–3c). Le 22 février, M. Marin réitère sa demande de paiement (pièce F–3d) et l'employeur lui répond le 1er mars 2000 qu'il maintient sa position (pièce F-3e).

[8]   M. Marin souligne que la réponse de l'employeur est contradictoire avec le reste de la procédure de calcul du report des congés annuels (pièce F-2) qui parle de « congés à payer au 31 mars 2000. ». Il note de plus que l'employeur invoque comme raison des contraintes budgétaires alors que selon lui, au cours des mois de février et mars 2000, plusieurs employés, dont lui-même, ont effectué du temps supplémentaire.

[9]   Questionné sur les comptes rendus du comité de gestion (pièce F-4), M. Marin convient que ces derniers sont généralement affichés dans la salle de repos des employés. Les comptes rendus du 13 mai 1999 et du 11 janvier 2000 parlent de l'épuisement de ces jours de congé. M. Marin ajoute que même si le nom de M. Chevalier apparaît dans ces comptes rendus, ce dernier n'a jamais été officiellement gestionnaire et ne lui a pas transmis d'informations relatives à la prise de congés.

[10]   M. Marin termine en soulignant que pour l'année 2000-2001, la direction avait avisé les employés que les congés seraient payés (pièce F-6). Il convient que relativement à son grief, il insiste sur le fait qu'il est en droit de se faire payer ses congés. Il n'a pas souligné le fait qu'il a été avisé tardivement qu'il devait prendre ces dix jours de congé mais considère cependant que l'employeur ne pouvait l'aviser à la dernière minute de cette obligation, car dans ce cas, il ne s'agit pas de véritables vacances mais plutôt de « congés forcés. ».

[11]   Mme Marie Germain, directrice du centre des ressources humaines de Montréal–Nord antérieurement et directrice du centre de Montréal-Est en 1999-2000, explique qu'au début de l'année 1999, elle fait faire une analyse de l'état des banques de congés. Elle constate que dix employés ont atteint ou atteindront plus de 35 jours de congés accumulés.

[12]   Elle demande aux directeurs de service d'aviser ces employés de prendre les excédents de jours (maximum dix jours) en vacances.

[13]   Au début de l'année 2002, elle demande qu'un nouveau calcul soit effectué. Le 11 janvier 2000 lors d'une réunion, M. Deschamps l'informe que M. Marin est réticent à prendre une période de vacances; cet employé prétend que l'interprétation de la clause 34.11b) lui permet d'être payé pour ses dix jours à écouler de sa banque de congés.

[14]   Bien que le service dispose de budget spécifique pour certaines activités, ces sommes ne peuvent, selon elle, être transférées pour payer des jours de vacances. Mme Germain conclut que les employés avaient été informés de l'obligation d'écouler leurs journées de vacances excédentaires et qu'elle avait chargé les responsables de service de voir à l'application de cette directive.

Plaidoiries

[15]   Le fonctionnaire s'estimant lésé prétend que l'application de la clause 34.11 permet aux employés de choisir d'écouler ou de se faire payer leurs journées de vacances accumulées. L'employeur ne peut invoquer des contraintes budgétaires pour refuser d'appliquer une disposition de la convention collective.

[16]   De plus, il est important que l'employeur informe en temps utile les employés s'il veut que ces derniers écoulent leur banque de congés (maximum dix jours) avant le 31 mars. Dans son cas, il n'a su qu'à la fin février qu'il devait prendre ces dix (10) jours de congé.

[17]   Selon l'employeur, les employés ont été informés qu'ils devaient épuiser leurs journées de congé. D'ailleurs, M. Marin, dans son grief, n'a jamais invoqué le fait qu'il n'ait pas été informé et ce dernier prétendait que l'interprétation de la clause 34.11 lui donnait le choix de se faire payer ces dix jours de congés.

[18]   Selon l'employeur, cette nouvelle disposition qu'est le paragraphe b) de la clause 34.11 vise à vider graduellement les banques de congés accumulés. Ces congés sont des congés de vacances et doivent être régis par les dispositions générales relatives aux congés annuels payés, notamment la clause 34.05.

[19]   Les parties font référence à des décisions arbitrales pour appuyer leurs prétentions.

Motifs de la décision

[20]   Bien qu'il semble que M. Marin n'ait pas été informé de façon formelle de la position de l'employeur avant le début de l'année 2000, il ressort du libellé du grief et des témoignages lors de l'audience que c'est principalement une position de principe que M. Marin invoque lors des discussions avec son supérieur en février 2000.

[21]   Par le biais de son grief, M. Marin conteste l'interprétation faite par l'employeur de la clause 34.11 b).

[22]   Pour comprendre la signification de la nouvelle disposition introduite par les parties, je dois examiner la nature de cette disposition, le cadre dans laquelle elle s'inscrit et les règles générales d'interprétation des contrats.

[23]   L'ancienne clause 34.11 stipulait que les crédits de congés annuels non utilisés au cours d'une année étaient reportés l'année suivante jusqu'à concurrence de 35 jours. Le texte prévoit ensuite que « .tous les crédits de congés annuels en sus de trente-cinq (35) jours seront automatiquement payés en argent. »

[24]   Il s'avère cependant qu'au cours des années, l'employeur n'a pas suivi cette disposition pour payer les journées excédentaires puisque, tel qu'il appert dans la présente cause, des employés avaient accumulé des crédits au-delà des 35 jours permis. On peut donc conclure que les parties ont introduit une nouvelle disposition au paragraphe b) afin de faire cesser cette pratique d'accumulation des congés au-delà de 35 jours.

[25]   Cela étant dit, il importe d'examiner le cadre dans lequel s'inscrit cette nouvelle disposition. La clause 34.11 portait sur le report et l'épuisement des congés annuels accumulés durant l'année. La clause 34.11 prévoyait un paiement en argent pour l'excédent de 35 jours, il est évident que l'ajout du paragraphe b) qui traite de tous les congés annuels en banque maintient cette possibilité de paiement.

[26]   Le texte parle en plus de l'utilisation de ces congés annuels excédentaires « .un minimum de dix (10) crédits par année seront utilisés ou payés en argent au plus tard au 31 mars. » Puisqu'il y a possibilité d'utilisation, reste à savoir comment s'applique cette utilisation.

[27]   L'utilisation des congés prévus au paragraphe b) de la clause 34.11 s'inscrit dans le cadre de l'utilisation des congés annuels. Qu'il soit question de vacances annuelles ou de vacances accumulées, il s'agit selon moi de congés de même nature et ils doivent donc être traités comme tel. Comme le tout s'inscrit dans le cadre de l'utilisation des congés, il faut se référer aux règles générales sur l'utilisation des congés annuels qu'est la clause 34.05 :

Établissement du calendrier des congés annuels payés

34.05

  1. Les employé-e-s sont censés prendre tous leurs congés annuels au cours de l'année de congé annuel pendant laquelle ils sont acquis.

  2. Sous réserve des sous-alinéas suivants, l'Employeur se réserve le droit de fixer le congé annuel de l'employé-e mais doit faire tout effort raisonnable pour :

    1. lui accorder le congé annuel dont la durée et le moment sont conformes à la demande de l'employé-e;

    2. ne pas rappeler l'employé-e au travail après son départ en congé annuel;

    3. ne pas annuler ni modifier une période de congé annuel ou de congé d'ancienneté qu'il a précédemment approuvée par écrit.

[28]   Relativement aux règles d'interprétation, je dois tenir compte du fait que les clauses s'interprètent les unes par les autres; l'interprétation tient aussi compte du cadre et du contexte dans lesquelles elles s'inscrivent. Notons aussi que les parties ne parlent pas pour ne rien dire. Si les parties ont parlé d'utilisation des congés annuels ou des clauses 34.11 b), c'est parce qu'elles voulaient que cela s'applique.

[29]   Les parties n'ont pas prévu de modalités d'application relativement à l'utilisation des congés annuels à la clause 34.11 b). On doit donc conclure que pour que la clause s'applique, les parties s'en remettaient aux dispositions générales sur l'établissement du calendrier des congés, soit la clause 34.05.

[30]   La clause 34.05 prévoit que l'employeur se réserve le droit de fixer le congé annuel de l'employé mais doit faire tout effort raisonnable de le lui accorder pour la durée et au moment demandé. Sur ce dernier point, la preuve démontre que l'employeur a fait les efforts nécessaires pour informer et accommoder les employés. Malheureusement, dans le cas de M. Marin, il semble que ce n'est qu'au début de l'année 2000 qu'il y ait eu des discussions précises à ce sujet.

[31]   Compte tenu que je conclue que l'utilisation des jours de congés prévus au paragraphe b) de la clause 34.11 réfère aux modalités générales d'utilisation de la clause 34.05, je crois que si les parties n'ont pu s'entendre dans le présent cas, cela provient tout autant du fait que M. Marin contestait la position de l'employeur que du fait que les discussions à ce sujet ont eu lieu tardivement.

[32]   M. Marin réfère aussi à la décision portant sur les dossiers de la Commission 166–34–30797 et 30931 à 30935. Cependant, cette décision diffère du présent dossier car dans l'espèce, il n'existait aucune clause semblable à la clause 34.11 b) et l'employeur voulait imposer l'écoulement des congés excédentaires.

[33]   Compte tenu de ce qui précède, je rejette le grief de M. Marin.

Jean-Pierre Tessier,
commissaire

OTTAWA, le 23 décembre 2002

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