Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement(motif disciplinaire) - Procédure de règlement des griefs - Prorogation dudélai - Demande fondée sur l'article 63 du Règlementet règles de procédure de la C.R.T.F.P. (1993) le requérant avait été licencié - à l'époque, pour contester son licenciement, il avait consulté un avocat quilui avait conseillé d'intenter des procédures judiciaires au civil pour renvoiinjustifié - plus tard, un autre avocat lui a dit qu'il avait le droit deprésenter un grief pour contester son licenciement en vertu de la Loi sur les relations de travail dans lafonction publique - deux semaines après, soit cinq mois après sa cessationd'emploi, il a présenté une demande de prorogation du délai de présentationd'un grief - le requérant soutient que le préjudice qu'il subirait s'iln'obtenait pas cette prorogation serait plus grand que celui que l'employeursubirait si sa demande devait être accueillie - l'employeur a répondu que lestémoins qu'il devrait faire comparaître étaient en congé de longue durée,affectés dans d'autres régions ou qu'ils n'étaient plus à son service - il aajouté que le poste du requérant avait été comblé et que le moral du personnelsouffrirait d'une décision l'autorisant à présenter un grief - l'employeur aaussi déclaré avoir été incité à tort à se sentir en sécurité, puisque lerequérant n'avait pas présenté de grief dans le délai prévu - la Commission aconclu que le requérant voulait dès le début contester son licenciement -l'employeur aurait dû l'informer de son droit de présenter un grief - lepréjudice que l'employeur subirait n'est pas assez grave pour l'emporter sur lepréjudice manifeste pour le requérant si sa demande de prorogation devait êtrerejetée - la Commission a rejeté l'argument de l'employeur quant à ladifficulté qu'il aurait a faire comparaître des fonctionnaires afin qu'ilstémoignent pour lui - le fait que quelqu'un d'autre occupait le poste durequérant ne devrait pas non plus faire obstacle à une décision de lui accorderla prorogation demandée, selon la Commission - la question du moral du personnelaurait été pertinente dans l'éventualité où le requérant aurait été réintégrédans son poste, et ne devait donc pas peser sur la décision d'accorder uneprorogation du délai - la Commission a jugé que le temps écoulé avant le dépôtde la demande n'était pas vraiment excessif - elle a autorisé le requérant à présenter un grief dans les 15 jours de la décision. Demande accueillie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2002-02-08
  • Dossier:  149-18-228
  • Référence:  2002 CRTFP 18

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

HARRY GUITTARD

requérant

et

LE PERSONNEL DES FONDS NON PUBLICS, FORCES CANADIENNES

employeur

Devant : Joseph W. Potter, vice-président

Pour le requérant : Janice Payne, avocate

Pour l'employeur : Brenda A. Dagenais, avocate


Décision rendue sans audience
(observations écrites soumises le 30 novembre 2001 et les 14 et 18 janvier 2002).

[1]   Cette décision préliminaire est rendue à l'égard d'une demande présentée le 29 octobre 2001 par Harry Guittard à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (Commission) en vertu de l'article 63 des Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P. (1993). Il s'agit d'une demande de prorogation du délai pour présenter un grief à l'encontre du licenciement de M. Guittard, le 25 mai 2001, par le Personnel des fonds non publics des Forces canadiennes.

[2]   Dans sa lettre du 29 octobre 2001, l'avocate de M. Guittard a demandé que l'affaire soit tranchée sur la foi des observations écrites. L'employeur a répondu à cette demande le 8 novembre 2001 en acceptant de soumettre des observations écrites sur la question de savoir si la Commission devrait se prévaloir de ses pouvoirs en vertu de l'article 63 des Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P. (1993).

[3]   Le 30 novembre 2001, l'avocate de M. Guittard a présenté ses observations écrites à la Commission. Je n'entends pas les reproduire intégralement, mais le texte intégral est conservé à la Commission.

[4]   Le 14 janvier 2002, l'avocate de l'employeur a présenté ses observations écrites en réponse. Je n'entends pas non plus les reproduire intégralement, mais le texte intégral est conservé à la Commission.

[5]   L'avocate du requérant a présenté sa réfutation des observations de l'employeur le 18 janvier 2002; le texte intégral de cette intervention a aussi été versé au dossier de la Commission.

[6]   Le requérant part du principe qu'il a été licencié le 25 mai 2001 et qu'il s'était alors fait dire par son avocat qu'il devrait intenter des procédures judiciaires pour renvoi injustifié s'il voulait contester la décision de l'employeur. À ce moment–là, il était représenté par une autre personne que l'avocate qui a présenté des observations à la Commission en l'espèce.

[7]   Juste avant d'intenter ces procédures judiciaires, M. Guittard a communiqué avec le bureau d'avocats Nelligan, O'Brien, Payne; on lui a dit qu'il avait le droit de présenter un grief pour contester son licenciement en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (Loi). Moins de deux semaines après qu'il se fut adressé à ce bureau d'avocats, la lettre du 29 octobre 2001 avait été écrite.

[8]   L'avocate du requérant déclare que M. Guittard subirait un grave préjudice s'il n'était pas autorisé à présenter un grief pour contester son licenciement, puisque c'est la mesure la plus grave qui puisse être prise dans une relation d'emploi.

[9]   Par contre, le préjudice pour l'employeur serait négligeable si ce grief était entendu. Il ne s'est pas écoulé beaucoup de temps entre le licenciement, le 25 mai, et la demande de prorogation du délai pour présenter un grief, le 29 octobre.

[10]   Enfin, il est manifeste que M. Guittard voulait contester la décision de l'employeur de mettre fin à son emploi, quand on sait qu'il a immédiatement cherché à obtenir l'avis d'un avocat et qu'il était sur le point d'entamer les procédures qu'il croyait appropriées, à savoir une poursuite devant les tribunaux.

[11]   L'avocate de l'employeur déclare que celui–ci subirait un préjudice si la Commission accordait la prorogation demandée, puisque certaines personnes qui sont directement en cause dans le contexte de l'affaire travaillent maintenant ailleurs au Canada. En outre, deux autres personnes susceptibles de témoigner ne sont plus au service du Personnel des fonds non publics, et leur adresse actuelle est inconnue.

[12]   Qui plus est, deux autres personnes en cause ne sont pas au travail pour le moment, puisque l'une est en congé d'invalidité de longue durée et l'autre, en congé de maternité.

[13]   Le poste de M. Guittard a été comblé par une autre personne, et les coûts à supporter pour l'évincer, dans l'éventualité où M. Guittard aurait gain de cause à l'arbitrage, constitueraient un préjudice pour l'employeur.

[14]   L'effectif est en train de se remettre de l'abus de pouvoir dont M. Guittard était responsable, et le moral souffrirait d'une décision de l'autoriser à présenter un grief, selon l'avocate de l'employeur.

[15]   Le dernier argument que l'avocate fait valoir en ce qui concerne le préjudice éventuel pour l'employeur, c'est que celui–ci a été incité à tort à se sentir en sécurité puisqu'il n'y avait pas eu de grief, de sorte qu'autoriser la présentation d'un grief maintenant serait injuste et inéquitable.

[16]   Dans une dernière observation soumise au nom de l'employeur, son avocate demande subsidiairement que, si la prorogation de délai est accordée, le requérant n'ait pas le droit d'être dédommagé pour la période du 25 mai au 30 novembre 2001.

[17]   Dans sa réfutation, l'avocate du requérant déclare que les témoins affectés dans d'autres parties du pays peuvent quand même se présenter à l'audience si nécessaire. En outre, ces personnes auraient fort bien pu être dans d'autres parties du pays même si le grief avait été déposé dans le délai prévu.

[18]   En ce qui concerne les deux personnes qui ne sont plus au service de l'employeur, une des deux est partie avant que l'enquête en règle ne commence, tandis qu'on pense que l'autre serait encore dans la région. Les deux fonctionnaires en congé d'invalidité et de maternité pourraient quand même témoigner au besoin.

[19]   Le fait que quelqu'un d'autre occupe maintenant le poste de M. Guittard ne l'emporte pas sur le préjudice que celui–ci subirait si sa demande de prorogation n'était pas accueillie.

Motifs de la décision

[20]   Après avoir étudié toutes les observations écrites des parties, je conclus que, dans cette affaire, la Commission devrait se prévaloir des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 63 des Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P. (1993) :

63. Par dérogation à toute autre disposition de la présente partie, les délais prévus aux termes de la présente partie, d'une procédure applicable aux griefs énoncée dans une convention collective ou d'une décision arbitrale, pour l'accomplissement d'un acte, la présentation d'un grief à un palier ou la remise ou le dépôt d'un avis, d'une réponse ou d'un document peuvent être prorogés avant ou après leur expiration :

  1. soit par une entente entre les parties;

  2. soit par la Commission, à la demande de l'employeur, du fonctionnaire ou de l'agent négociateur, selon les modalités que la Commission juge indiquées.

[21]   J'accepte la position du requérant, à savoir qu'il voulait dès le début contester son licenciement, comme en témoigne le fait qu'il était sur le point de s'adresser aux tribunaux pour ce faire, conformément aux conseils qu'il avait reçus au départ de son avocat. À mon avis, on ne saurait contester les intentions du requérant à cette époque, de sorte que ce qu'il comptait faire était évident, sauf qu'il n'avait pas opté pour la bonne instance.

[22]   Il semble que les avis diffèrent sur ce qui a été dit initialement à M. Guittard quant à l'instance à laquelle il devait s'adresser pour contester son licenciement. Le requérant déclare s'être fait dire par l'employeur qu'il ne pouvait le contester qu'en présentant un grief à la Commission canadienne des droits de la personne. L'employeur affirme que c'est faux. Néanmoins, on ne m'a pas soumis le moindre élément de preuve qui laisserait entendre que l'employeur aurait informé M. Guittard de son droit de présenter un grief en vertu de la Loi. Cela aurait dû lui être précisé.

[23]   Quoi qu'il en soit, je ne crois pas que le préjudice que l'employeur craint de subir soit assez grave pour l'emporter sur le préjudice manifeste que le requérant subirait si sa demande de prorogation devait être rejetée.

[24]   L'employeur déclare que deux personnes qui pourraient devoir témoigner sont affectées dans l'Ouest et dans le Nord canadien et qu'elles ne pourraient donc pas se présenter pour rendre témoignage. Quand on sait que le ministère de la Défense nationale est capable de transporter des gens jusqu'aux coins les plus reculés du monde quand il le faut, je ne crois pas qu'il soit impossible que les deux personnes en question témoignent à une audience si cela devait se révéler nécessaire.

[25]   Les deux autres personnes qui sont en congé d'un type ou d'un autre devraient aussi pouvoir témoigner au besoin, tout comme celles qui ont démissionné ou qui ont quitté leur emploi pour une raison quelconque.

[26]   Le fait que quelqu'un d'autre occupe désormais le poste du requérant ne devrait pas non plus faire obstacle à une décision d'accorder la prorogation demandée. Le poste aurait pu être doté, que le requérant présente un grief ou pas, et je n'ai pas la moindre preuve qu'un préjudice quelconque dans ce contexte l'emporterait sur celui que le requérant subirait si la prorogation qu'il réclame ne lui était pas accordée.

[27]   Il est préférable de laisser un arbitre trancher la question des répercussions sur le moral de l'effectif, en décidant si c'est un facteur pertinent dans l'éventualité où le fonctionnaire s'estimant lésé devait être réintégré dans ses fonctions. Cela ne devrait pas faire obstacle à une prorogation du délai.

[28]   Enfin, en ce qui concerne le temps écoulé, il convient de préciser que la période en question est relativement courte. M. Guittard a été licencié le 25 mai 2001. Selon l'employeur, il avait 25 jours pour présenter un grief, autrement dit jusque vers la fin juin 2001. La demande de prorogation est datée du 29 octobre 2001, soit quatre mois plus tard environ, ce qui ne me semble pas vraiment excessif dans les circonstances.

[29]   L'employeur a avancé un argument subsidiaire dans l'éventualité où la prorogation réclamée serait accordée, en exigeant que le requérant ne puisse pas réclamer de dédommagement pour la période du 25 mai au 30 novembre 2001. Je refuse de me prononcer sur cette question parce que j'estime qu'il serait préférable de laisser l'arbitre qui entendra toute la preuve en décider. De toute manière, cela peut être inutile si le grief est rejeté ou si l'on accorde une autre réparation au requérant. Quoi qu'il en soit, je pense qu'il est préférable qu'on laisse l'arbitre qui entendra le grief trancher la question.

[30]   Bref, la demande de M. Guittard de prorogation du délai pour présenter un grief à l'égard du licenciement annoncé dans la lettre du 25 mai 2001 est accueillie. La présentation à l'employeur du grief du requérant contestant son licenciement sera considérée comme ayant été présentée dans les délais si elle est faite dans les quinze jours ouvrables suivant la date de la présente décision.

Joseph W. Potter,
vice-président

OTTAWA, le 8 février 2002.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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