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Résumé :

Congé annuel - Refus d'accorder congé annuel - Obligation de l'employeur d'agir de façon équitable et raisonnable - la fonctionnaire s'estimant lésée occupait la fonction d'agent correctionnel au Centre correctionnel communautaire (CCC) Martineau, un poste classifié aux groupe et niveau CX-II - elle était particulièrement responsable des tâches théoriques liées au fonctionnement opérationnel du CCC Martineau, notamment les tâches relatives à la sécurité, les réparations, l'entretien et le mobilier de même que la surveillance des effets personnels, des comptes de banque et des allocations et pensions des résidents - en octobre 1999, la fonctionnaire s'estimant lésée avait demandé à son employeur de lui accorder un congé pour la période du 20 décembre 1999 au 7 janvier 2000 - le 29 novembre 1999, l'employeur l'avait informée par écrit qu'il ne pouvait lui accorder ces vacances annuelles au cas où il surviendrait des difficultés pour le passage à l'an 2000 (bogue de l'an 2000) - la fonctionnaire s'estimant lésée contesta cette décision et déposa un grief le 22 décembre 1999 - elle confirma que ses tâches avaient été modifiées à compter du 20 décembre 1999, car le CCC Martineau devait recevoir une clientèle additionnelle de résidents souffrant de problèmes de santé mentale - ces clients nécessitaient une présence accrue de personnel en soirée et au cours de la fin de semaine puisqu'ils sortaient rarement du centre - l'arbitre de grief a conclu que rien dans la preuve présentée par l'employeur ne portait à croire que la présence de la fonctionnaire s'estimant lésée était nécessaire dans son organisation pour le passage à l'an 2000 et que le directeur avait accordé un congé à une autre employée et, que de plus, un autre agent de libération était absent - l'arbitre de grief jugea qu'il ne restait qu'à examiner le changement de vocation du CCC Martineau le 20 décembre 1999 - l'employeur avait invoqué le fait qu'il aurait peut-être eu à rappeler au travail la fonctionnaire s'estimant lésée si le congé lui avait été accordé - l'arbitre de grief fit droit au grief compte tenu que la fonctionnaire s'estimant lésée n'avait pas bénéficié de ses vacances au cours de l'année de travail 1999-2000 et qu'au cours de l'audition, les parties n'avaient pas présenté d'argument sur les conséquences du refus de congé de vacances.Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2002-07-19
  • Dossier:  166-2-31117
  • Référence:  2002 CRTFP 66

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

SYLVIE GOYETTE

fonctionnaire s'estimant lésée

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Solliciteur général Canada - Service correctionnel)

employeur

Devant :  Jean–Pierre Tessier, commissaire

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée :  Alain Lachance, UNION OF CANADIAN CORRECTIONAL OFFICERS - SYNDICAT DES AGENTS CORRECTIONNELS DU CANADA - CSN

Pour l'employeur :  Jennifer Champagne, avocate


Affaire entendue à Montréal (Québec),
du 6 au 10 mai 2002.

[1]   Mme Sylvie Goyette est à l'emploi de Service correctionnel Canada depuis 1983. Au moment des évènements relatés dans la présente décision, elle occupe la fonction d'agent correctionnel au Centre correctionnel communautaire (CCC) Martineau. Ce poste est classifié aux groupe et niveau CX–II.

[2]   En octobre 1999, Mme Goyette demande à son employeur de lui accorder un congé pour la période du 20 décembre 1999 au 7 janvier 2000.

[3]   Le 29 novembre 1999, l'employeur lui confirme (par écrit) qu'il ne peut pour l'instant lui accorder ces vacances annuelles au cas où il surviendrait des difficultés pour le passage à l'an 2000 (bogue de l'an 2000) (pièce F-2).

[4]   Mme Goyette conteste cette décision et dépose un grief le 22 décembre 1999.

[5]   Le grief est référé à l'arbitrage le 7 février 2002 et l'audition a lieu dans la semaine du 6 au 10 mai 2002.  Le renvoi tardif de ce dossier à l'arbitrage s'explique du fait que plusieurs évènements se sont succédés entre 1997 et 2000.

[6]   De fait, dix griefs sont renvoyés à l'arbitrage; par accord des parties quatre griefs sont plaidés lors des audiences du 6 au 10 mai 2002 :

  • le grief 166-2-31110 est relatif à une sanction pécuniaire, équivalant à une journée de salaire, imposée pour consommation de repas aux frais de l'employeur;

  • le grief 166-2-31111 conteste une réaffectation temporaire à un autre lieu de travail en juillet 1998;

  • le grief 166-2-31116 porte sur un refus de congé pour le 29 août 1997 et d'une mesure disciplinaire imposée pour l'absence du travail cette journée–là;

  • le grief 166-2-31117 traite du refus de congé pour la période du 20 décembre 1999 au 7 janvier 2000.

[7]   Bien que chacun des quatre griefs fasse l'objet d'une preuve distincte, les parties conviennent que la preuve déposée dans un dossier (notamment description de fonctions, lieu de travail, clientèle, etc.) puisse être considérée dans un autre.

La preuve

[8]   Mme Sylvie Goyette travaille au CCC Martineau depuis 1989. Il s'agit d'un petit établissement carcéral accueillant environ 50 détenus en 1989. Cependant, depuis 1990 on y loge en moyenne de 30 à 35 détenus bénéficiant de libération conditionnelle de jour ou de fin de semaine.

[9]   Tel qu'il appert de la description des fonctions de Mme Goyette (pièce F-1), cette dernière est responsable de l'animation communautaire auprès des résidents (détenus) et effectue des tâches techniques liées au fonctionnement opérationnel du centre de même qu'au programme.

[10]   Le travail d'animation l'oblige à identifier et solliciter des ressources extérieures pertinentes à des activités communautaires. Elle organise des activités sociales et accompagne les résidents à certaines activités communautaires. À d'autres occasions, elle s'occupe de l'accueil des bénévoles et visiteurs participant à des activités à l'intérieur du CCC Martineau.

[11]   Elle est particulièrement responsable des tâches théoriques liées au fonctionnement opérationnel du CCC Martineau, notamment les tâches relatives à la sécurité, les réparations, l'entretien et le mobilier de même que la surveillance des effets personnels, des comptes de banque et des allocations et pensions des résidents.

[12]   Mme Goyette supervise l'entretien et le ménage effectués par les résidents ainsi que certains travaux spécifiques (peinture). Elle effectue les achats et voit à la prévention des accidents. Elle exerce une autorité fonctionnelle sur les gardiens de sécurité (soir et fin de semaine), voit à ce qu'il y ait contrôle des entrées et des sorties, et contrôle l'émission des clefs. Elle peut être appelée à effectuer des fouilles et voit à ramasser, classer et expédier les effets personnels des résidents.

[13]   Jusqu'au début décembre 1999, travaillent au CCC Martineau, en plus du directeur Raymond Lussier, quatre agents de libération, deux secrétaires, un agent correctionnel (CX), soit Mme Goyette, et des gardiens du corps de sécurité.

[14]   Il faut noter qu'au cours du mois de décembre 1999 deux changements majeurs obligent l'employeur à accueillir d'autres résidents, ce qui amène une modification des tâches de Mme Goyette à compter du 20 décembre 1999.

[15]   Mme Goyette explique qu'à cette époque sa mère réside dans un condominium en Floride. Mme Goyette souhaite pouvoir y passer des vacances, c'est pourquoi elle insiste auprès de son directeur en novembre 1999 pour qu'il autorise le congé annuel qu'elle demande.

[16]   Elle confirme que ses tâches sont modifiées à compter du 20 décembre 1999, car le CCC Martineau doit recevoir une clientèle additionnelle de résidents souffrant de problèmes de santé mentale. Ces derniers nécessitent une présence accrue de personnel en soirée et au cours de la fin de semaine puisqu'ils sortent rarement du centre.

[17]   Malgré ce fait Mme Goyette considère que sa présence au travail n'est pas essentielle pour pallier les difficultés anticipées pour le passage à l'an 2000. Elle explique que des collègues de travail ont accès aux informations qu'elle détient dans le cadre de son travail. Au niveau de la sécurité, des entrées et sorties, de même que l'émission de clefs tout est noté manuellement. Habituellement, elle n'est pas remplacée lorsqu'elle prend des vacances.

[18]   En terminant Mme Goyette souligne qu'elle n'a pu prendre ses vacances au début de l'année 2000.

[19]   De son côté le directeur Raymond Lussier précise que l'administration régionale exige que pour le passage à l'an 2000 les centres communautaires maintiennent en poste un certain nombre d'employés. On craint qu'en cas de panique en 2000 certaines personnes commettent des délits et les centres doivent se tenir disponibles en cas de transferts de détenus. Le CCC Martineau doit se doter d'une génératrice afin de pallier les pannes d'électricité.

[20]   Un évènement imprévu, soit l'incendie du Centre Thérèse Casgrain au début de décembre 1999, oblige le CCC Martineau à accueillir des femmes résidant à cet établissement. Le directeur admet cependant que cela n'affecte pas les tâches de Mme Goyette, car les employés du Centre Thérèse Casgrain sont aussi transférés et affectés au CCC Martineau. D'ailleurs on ne compte aucun poste classifié au groupe CX au Centre Thérèse Casgrain.

[21]   L'autre évènement majeur provient du changement de statut du CCC Martineau à compter du 20 décembre 1999. On doit en plus y accueillir des résidents (détenus) souffrant de problèmes mentaux. Pour les besoins additionnels de surveillance le soir et les fins de semaine, la direction régionale alloue quatre postes supplémentaires classifiés au groupe CX.

[22]   L'accueil de ces nouveaux résidents nécessite l'achat de literie, de four à micro–ondes et de divers meubles.

[23]   Le directeur, Raymond Lussier, précise cependant que pour la période du Jour de l'an 2000 il accorde un congé à Mme Rinfrette, agent de libération au CCC Martineau, et il croit qu'un autre fonctionnaire est absent pendant cette période. Le directeur admet aussi que la direction du CCC Martineau n'a jamais obligé les fonctionnaires à respecter de façon stricte les dates prévues à la convention collective pour des demandes de congé annuel.

Plaidoiries

[24]   La fonctionnaire s'estimant lésée prétend que le directeur pouvait lui octroyer son congé. Selon elle, l'employeur n'a pas démontré qu'il a fait des efforts raisonnables pour lui faciliter la prise de son congé annuel. Le représentant de Mme Goyette demande que l'arbitre conserve compétence dans l'éventualité où le grief est acceuilli.

[25]   Pour sa part, l'employeur maintient qu'il se devait d'assurer le service pendant la période du congé demandée par Mme Goyette et qu'au surcroît des évènements spécifiques, tels le changement de vocation du CCC Martineau à compter du 20 décembre 1999, l'auraient obligé de toute façon à recourir aux services de Mme Goyette.

Motifs de la décision

[26]   La fonctionnaire s'estimant lésée a mis en preuve qu'habituellement elle n'est pas remplacée lorsqu'elle prend ses congés annuels. Par ailleurs, tel qu'il est démontré dans la décision Goyette c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel), 2002 CRTFP - (166-2-31116), l'employeur considère important qu'il y ait au CCC Martineau la présence d'au moins un employé formé pour l'application des règlements ou de mesures disciplinaires, telle la fonction de CX, ou du directeur lui-même.

[27]   Dans le présent dossier, le directeur, Raymond Lussier, n'invoque pas le motif qu'il doit s'absenter et qu'il souhaite que Mme Goyette soit présente. Bien au contraire compte tenu des difficultés anticipées pour le passage à l'an 2000, il se doit d'être présent au travail avec un certain nombre d'employés.

[28]   Rien dans la preuve présentée par l'employeur ne porte à croire que la présence de Mme Goyette est nécessaire dans son organisation pour le passage à l'an 2000. Le directeur accorde un congé à une employée et, en plus, un autre agent de libération est absent.

[29]   Le fait que le Centre ait dû accueillir les résidents du Centre Thérèse Casgrain n'influe en rien sur la prise de congé par les fonctionnaires du CCC Martineau, car les employés du Centre Thérèse Casgrain sont aussi transférés au CCC Martineau.

[30]   Reste à examiner le changement de vocation du CCC Martineau le 20 décembre 1999. L'employeur invoque le fait qu'il aurait peut-être eu à rappeler au travail Mme Goyette si le congé lui avait été accordé.

[31]   Le motif principal invoqué par l'employeur, soit les problèmes anticipés par le passage à l'an 2000, constitue une situation hypothétique. De plus, j'ose croire que les dirigeants des services carcéraux ont considéré cette hypothèse lorsque la vocation du CCC Martineau est modifiée le 20 décembre 1999. S'il y avait un problème réel, ce changement de vocation aurait été planifié pour le mois de janvier 2000 au lieu de décembre 1999.

[32]   Je comprends qu'à compter du 20 décembre 1999 le directeur doit redoubler d'effort pour recruter d'autres fonctionnaires, que le transfert de personnel est difficile à cette époque de l'année. Cependant, cette situation est imputable à l'organisation régionale dont les intentions de modifier la vocation du CCC Martineau ne sont communiquées au directeur du CCC Martineau qu'à la dernière minute, du moins après le 29 novembre 1999, car il n'en fait pas état dans sa lettre de refus de congé à Mme Goyette le 29 novembre 1999.

[33]   Pour tous ces motifs, je fais droit au grief de Mme Goyette.

[34]   Compte tenu que Mme Goyette n'a pas bénéficié de ses vacances au cours de l'année de travail 1999–2000 et compte tenu, qu'au cours de l'audition, les parties n'ont pas présenté d'argument sur les conséquences du refus de congé de vacances, je demande aux parties de régler ces questions et en cas de mésentente, je demeure saisi du dossier jusqu'au 1er décembre 2002.

Jean-Pierre Tessier,
commissaire

OTTAWA, le 19 juillet 2002.

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