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Résumé :

Frais de voyage- Heures supplémentaires - Entente sur une affectation temporaire - Lieud'affectation - le fonctionnaire s'estimant léséétait un inspecteur des produits primaires dans un établissement de traitementdes viandes - son poste d'attache était à l'Établissement 612, mais ilavait été affecté à l'Établissement 439 - il avait signé une « entented'affectation temporaire » précisant qu'il ne serait pas « considérécomme en déplacement » - son entente d'affectation temporaire était venueà expiration le 31 mars 2000 et n'avait pas été renouvelée - commel'Établissement 612 fermait ses portes, le fonctionnaire s'estimant lésés'était fait ordonner de travailler à l'Établissement 439 jusqu'à nouvelordre - par la suite, son superviseur lui avait demandé de signer une nouvelleentente d'affectation temporaire postdatée au 3 avril 2000; il avaitrefusé de la signer - à ce moment-là, il avait été informé qu'il n'avait pasdroit au remboursement de ses frais de voyage ni à des heures supplémentaires,en dépit du fait qu'il n'avait pas signé de nouvelle entente d'affectationtemporaire - le fonctionnaire s'estimant lésé avait fini par signer unenouvelle entente d'affectation temporaire prenant effet le27 juin 2000 - il avait réclamé le remboursement de ses frais devoyage ainsi que ses heures supplémentaires pour la période du 1er avrilau 26 juin 2000; l'employeur avait rejeté sa demande - lefonctionnaire s'estimant lésé a présenté un grief pour contester cette décision- il a prétendu qu'aucune entente d'affectation temporaire ne limitait sondroit de réclamer le remboursement de ses frais de déplacement ni le paiementde ses heures supplémentaires durant la période correspondant à sa demande -l'employeur a répondu que l'entente d'affectation temporaire originale n'avaitpas été renouvelée en raison d'une erreur administrative - il a ajouté que, enacceptant de continuer à travailler à l'Établissement 439, le fonctionnaires'estimant lésé avait aussi accepté de proroger l'entente d'affectationtemporaire originale - l'employeur a soutenu que, durant toute la périodepertinente, le lieu d'affectation du fonctionnaire s'estimant lésé étaitl'Établissement 439 - l'arbitre a conclu que, de la période prévue dansl'entente d'affectation temporaire originale à celle prévue dans l'entented'affectation temporaire suivante, le lieu d'affectation du fonctionnaires'estimant lésé était resté le même, à savoir l'Établissement 439 - il aaussi conclu que, par sa conduite, le fonctionnaire s'estimant lésé avait consenti à la prorogation de l'entente d'affectation temporaire originale. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2002-03-05
  • Dossier:  166-32-30904
  • Référence:  2002 CRTFP 27

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

PAUL MERVIN WURDELL

fonctionnaire s’estimant lésé

et

L’AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS

employeur

Devant :  Joseph W. Potter, vice-président

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé :  Sherrill Robinson-Wilson, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l’employeur :  Colleen Edwards, avocate


Affaire entendue à Hamilton (Ontario),
le 31 janvier 2002.

[1]   Paul Wurdell, un inspecteur des produits primaires, niveau 3 (PPI-03), a déposé un grief, le 23 octobre 2000, pour contester la décision de l’employeur de lui refuser le remboursement de ses frais de voyage et d’heures supplémentaires pour la période du 1er avril au 27 juin 2000. L’affaire a été renvoyée à l’arbitrage dans une lettre de son agent négociateur datée du 18 septembre 2001.

[2]   Au début de l’audience, les parties ont déposé en preuve, d’un commun accord, les pièces G-1 à G-7 inclusivement.

Contexte

[3]   M. Wurdell est un inspecteur des viandes à l’Agence canadienne d’inspection des aliments (Agence), qui l’a affecté depuis septembre 1988 à divers endroits dans la Région du sud-ouest de l’Ontario.

[4]   Du 28 février au 31 mars 2000, M. Wurdell avait été affecté à ce qu’on appelle l’Établissement 439, un abattoir de volaille à St. Mary’s, en Ontario. Son poste d’attache était à l’Établissement 612, situé à Paris, en Ontario. Il avait signé ce qu’on appelle une « entente d’affectation temporaire » dans le contexte de son affectation à l’Établissement 439 (pièce G-1).

[5]   Une des dispositions de l’entente signée par le fonctionnaire s’estimant lésé précise que : [traduction] « Pendant qu’il travaillera à l’Établissement 439, M. Wurdell ne sera pas considéré comme étant en déplacement. » Par conséquent, le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas réclamé de remboursement de ses frais de voyage et d’heures supplémentaires pour la période du 28 février au 31 mars 2000.

[6]   M. Wurdell a témoigné qu’il avait signé des ententes d’affectation temporaire dans le passé et qu’il était arrivé à l’occasion que les documents de confirmation de ces ententes lui parviennent quelques jours après la date d’expiration des ententes signées.

[7]   Le 31 mars 2000, M. Wurdell n’avait rien reçu de l’employeur en guise de document de prorogation de son affectation temporaire. Il ne s’était pas inquiété puisqu’il pensait qu’il recevrait bientôt des documents, mais il n’a rien reçu.

[8]   Le 10 avril 2000, Charlene Harradine est devenue gestionnaire de l’inspection de la Région du sud-ouest de l’Ontario de l’Agence; à ce titre, elle était responsable de quelque six établissements, dont l’abattoir où le fonctionnaire s’estimant lésé travaillait. Quand elle est entrée en fonctions, elle ne savait pas que M. Wurdell n’avait pas signé de nouvelle entente d’affectation temporaire.

[9]   Le 13 avril 2000, Mme Harradine a été informée que l’établissement d’attache du fonctionnaire s’estimant lésé (pas celui où il était affecté à ce moment-là) fermait ses portes. Elle a donc communiqué avec l’Établissement de St. Mary’s pour dire au fonctionnaire s’estimant lésé de rester là, puisque son établissement d’attache était fermé. Comme M. Wurdell travaillait ailleurs ce jour-là, Mme Harradine a dû laisser un message à un autre fonctionnaire, en demandant à celui-ci de le communiquer à l’intéressé. Il n’est pas contesté que M. Wurdell a reçu ce message.

[10]   Mme Harradine a témoigné avoir communiqué de vive voix avec le fonctionnaire s’estimant lésé environ une semaine plus tard, pour lui dire que son établissement d’attache avait fermé ses portes et qu’il devait rester à celui de St. Mary’s jusqu’à nouvel ordre. Ni elle, ni lui n’ont soulevé la question d’une entente d’affectation temporaire au cours de cette conversation.

[11]   Dans la deuxième semaine de juin 2000, Mme Harradine a appris que le fonctionnaire s’estimant lésé travaillait sans avoir signé d’entente d’affectation temporaire. Le 25 juin 2000, elle s’est rendue à l’Établissement 439, à St. Mary’s, pour le rencontrer, munie du document nécessaire afin qu’il le signe. Ce document (pièce G-2) l’aurait affecté temporairement à cet établissement rétroactivement au 3 avril 2000, aux mêmes conditions que celles de la pièce G-1.

[12]   M. Wurdell a refusé de signer le document, parce qu’il estimait avoir été en déplacement pendant toute cette période; il l’a dit à Mme Harradine.

[13]   Mme Harradine a déclaré au fonctionnaire s’estimant lésé qu’il n’avait pas le droit de réclamer le remboursement de frais de voyage à partir du 3 avril, même s’il n’y avait pas d’entente signée pour la période en question.

[14]   On a présenté à M. Wurdell une autre entente d’affectation temporaire pour la période du 27 juin au 5 septembre 2000, toujours à St. Mary’s, en lui demandant de le signer. Il a obtempéré. Les conditions étaient les mêmes que dans la première entente signée, à savoir qu’il ne serait « pas considéré comme étant en déplacement » (pièce G-3).

[15]   Le 7 août 2000, le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté un formulaire de réclamation de frais de voyage et d’heures supplémentaires dans lequel il demandait qu’on lui rembourse ses frais de voyage pour la période du 1er avril au 26 juin 2000 (pièce G-4).

[16]   Mme Harradine a rejeté cette demande de remboursement dans une lettre datée du 13 octobre 2000 (pièce G-5). Le grief a suivi.

Arguments

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

[17]   Le fonctionnaire s’estimant lésé était lié par une entente d’affectation temporaire signée couvrant la période du 28 février au 31 mars 2000, dans laquelle il est clairement précisé qu’il n’avait pas le droit de se faire rembourser des frais de voyage. Toutefois, quand cette entente est venue à expiration, il n’y a pas eu d’autre entente signée avant le 27 juin 2000.

[18]   Le fonctionnaire s’estimant lésé est parti du principe qu’il était en déplacement durant la période à l’égard de laquelle il n’y avait pas d’entente signée; c’est pourquoi il a présenté une réclamation pour la période du 1er avril au 26 juin 2000.

[19]   Même s’il s’agissait d’une erreur matérielle de l’employeur, en ce sens que les documents nécessaires ne lui avaient pas été envoyés à temps, le fonctionnaire s’estimant lésé ne devrait pas en faire les frais.

[20]   L’employeur a contrevenu à l’Article 33 — Temps de déplacement de la convention collective (pièce G-7), et plus particulièrement au paragraphe 33.02, qui se lit comme il suit :

33.02 Lorsque l’employé-e est tenu de se rendre à l’extérieur de sa zone d’affectation en service commandé, au sens donné par l’Employeur à ces expressions, l’heure de départ et le mode de transport sont déterminés par l’Employeur, et l’employé-e est rémunéré pour le temps de déplacement conformément aux paragraphes 33.03 et 33.04. Le temps de déplacement comprend le temps des arrêts en cours de route, à condition que ces arrêts ne dépassent pas trois (3) heures.

[21]   Pour la période du 28 février au 31 mars 2000, qui était couverte par une entente signée, la zone d’affectation du fonctionnaire s’estimant lésé était St. Mary’s; il n’avait donc pas le droit de réclamer des frais de voyage. Par contre, après cette date et jusqu’au 27 juin 2000, comme il n’y avait plus d’entente signée, il ne pouvait plus savoir quelle était sa zone d’affectation.

[22]   La représentante du fonctionnaire s’estimant lésé invoque la décision rendue dans Re Peterborough Civic Hospital and Canadian Union of Public Employees, Local 19 (1990), 11 L.A.C. (4th) 186.

Pour l’employeur

[23]   Ce qui s’est produit en l’espèce, c’est que le fonctionnaire s’estimant lésé est resté à l’affût, en ne pipant mot à l’employeur, alors qu’il savait n’avoir signé aucune entente d’affectation temporaire. L’employeur ne s’est rendu compte de la situation qu’en juin 2000 et c’est à ce moment-là qu’il a pris des mesures pour tenter de faire signer le document nécessaire.

[24]   La zone d’affectation du fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas changé. Il a été affecté à St. Mary’s pendant toute la période en cause. Il n’avait pas le droit de tirer parti d’une erreur matérielle pour prétendre qu’un élément de l’entente d’affectation temporaire avait changé, à savoir sa zone d’affectation.

[25]   L’existence ou l’inexistence d’une nouvelle entente signée est sans importance, puisque, au paragraphe 1 de l’entente originale, il est précisé qu’elle peut être prorogée avec le consentement mutuel des parties. Le 13 avril, Mme Harradine avait laissé un message pour le fonctionnaire s’estimant lésé en lui demandant de rester à St. Mary’s. Il a accepté. C’est un consentement mutuel.

[26]   Le droit de se faire rembourser des frais de voyage découle de la convention collective et non d’une entente d’affectation temporaire. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’était absolument pas tenu de se déplacer à l’extérieur de sa zone d’affectation, conformément à la définition que l’employeur en a donnée dans la Directive sur les voyages d’affaires (voir la pièce G-6). En outre, le fonctionnaire n’avait aucune autorisation préalable de faire un voyage d’affaires, alors que le paragraphe 1.1.5 de la Directive sur les voyages d’affaires l’exige.

[27]   La préclusion empêche le fonctionnaire s’estimant lésé de réclamer le remboursement de frais de voyage, puisqu’il a maintenu durant toute la période en question que ses conditions d’emploi n’avaient pas changé.

[28]   L’avocate de l’employeur cite les décisions suivantes : Arcand (dossier de la Commission 166-2-26582), Fuller et Fryer (dossiers de la Commission 166-2-15276 et 15277, 166-2-16068 et 16069), Kovacs (dossier de la Commission 166-2-11433) et Ouellette (dossier de la Commission 166-2-21255).

Motifs de la décision

[29]   Le fonctionnaire s’estimant lésé déclare qu’il était en déplacement pour la période du 1er avril au 26 juin 2000 et qu’il a par conséquent le droit de réclamer le remboursement des frais connexes. Il maintient que le refus de l’employeur de lui verser ce remboursement contrevient au paragraphe 33.02 de la convention collective.

[30]   L’employeur maintient quant à lui qu’il n’a pas contrevenu à la convention collective.

[31]   Le paragraphe 33.02 commence comme il suit :

Lorsque l’employé-e est tenu de se rendre à l’extérieur de sa zone d’affectation en service commandé, au sens donné par l’Employeur à ces expressions [...]

[32]   Pour déterminer comment l’employeur a défini ces expressions, nous devons nous reporter à la Directive sur les voyages d’affaires (pièce G-6).

[33]   On peut y lire ce qui suit :

Définitions

[...]

Déplacement [...] — signifie l’absence du voyageur de sa zone d’affectation pendant un voyage en service commandé

[...]

Lieu de travail [...] — désigne l’endroit où un fonctionnaire exerce habituellement les fonctions de son poste ou d’où il part pour ce faire

[...]

Voyage en service commandé [...] — désigne tous les voyages d’affaires autorisés par l’employeur. L’expression est utilisée en rapport avec les circonstances dans lesquelles les dépenses prescrites [...] peuvent être payées

[...]

Zone d’affectation [...] — désigne la région située dans un rayon de 16 kilomètres du lieu de travail.

[34]   Le fonctionnaire s’estimant lésé était-il tenu de se déplacer à l’extérieur de sa zone d’affectation en service commandé?

[35]   Il est indéniable que M. Wurdell était en service commandé, mais, à mon avis, sa zone d’affectation n’a pas changé. Il avait été affecté à l’abattoir de St. Mary’s du 28 février au 31 mars 2000, et il a travaillé là durant toute cette période. Il y est resté jusqu’au 27 juin 2000, quand il a signé une autre entente précisant que St. Mary’s était sa zone d’affectation, dans laquelle il reconnaissait qu’il ne serait plus en déplacement à partir de ce jour-là.

[36]   Par conséquent, l’endroit où il travaillait n’a absolument pas changé. La seule chose qui a changé durant la période en question, c’est qu’il a cessé, pendant un certain temps, d’être assujetti à une entente d’affectation temporaire signée.

[37]   Je souscris aux arguments de l’avocate de l’employeur quand elle dit que l’absence d’entente signée ne signifie pas que l’intéressé ait le droit d’invoquer une disposition de la convention collective. On a contrevenu à la convention collective ou pas. À mon avis, l’employeur n’a pas contrevenu au paragraphe 33.02, contrairement à ce que le fonctionnaire s’estimant lésé prétend.

[38]   La zone d’affectation, telle que définie par l’employeur dans la Directive sur les voyages d’affaires, est la région qui entoure le lieu de travail. Qu’est-ce que le lieu de travail? La même Directive le définit comme l’endroit où un fonctionnaire exerce habituellement les fonctions de son poste ou d’où il part pour ce faire. Tous ont reconnu que cet endroit est demeuré le même, à savoir St. Mary’s.

[39]   En outre, je conclus que l’entente d’affectation temporaire avait été prorogée avec le consentement mutuel des parties, compte tenu du fait non contesté que, le 13 avril, Mme Harradine avait laissé au fonctionnaire s’estimant lésé un message qu’il avait reçu, afin de lui demander de rester là. S’il n’avait pas consenti à le faire, il aurait communiqué avec Mme Harradine pour le lui dire. Comme il ne s’y est pas opposé, il a accepté de continuer à travailler aux mêmes conditions que dans l’entente signée.

[40]   Puisque j’ai conclu qu’on n’a pas contrevenu à la convention collective, je n’ai aucun motif d’accueillir le grief du fonctionnaire s’estimant lésé, et c’est pourquoi il est rejeté.

Joseph W. Potter,
vice-président

OTTAWA, le 5 mars 2002.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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