Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Compétence -Protocole d'entente sur un règlement - lafonctionnaire s'estimant lésée avait présenté deux griefs à l'employeur, l'unprotestant contre son refus de la nommer pour une période indéterminée à unposte qu'elle occupait à titre intérimaire et l'autre protestant contre le faitqu'elle s'était fait refuser des possibilités de promotion - les partiesavaient conclu un protocole d'entente portant règlement des deux griefs - parla suite, la fonctionnaire s'estimant lésée a allégué que l'employeur nes'était pas acquitté de certaines des obligations que lui imposait le protocoled'entente - elle a renvoyé ses griefs à l'arbitrage - les parties étaientconvenues que la seule question sur laquelle l'arbitre devait se prononcerconsistait à savoir s'il avait compétence pour entendre et trancher le grief,compte tenu de l'entente sur le règlement - l'arbitre a conclu qu'il n'avaitpas compétence - quand une fonctionnaire s'estimant lésée conclut une ententede règlement valide et exécutoire, elle perd son droit de renvoyer son grief àl'arbitrage en vertu de la Loi sur lesrelations de travail dans la fonction publique (Loi) - en outre, un arbitren'a pas compétence pour trancher un grief alléguant qu'une partie ne s'est pasacquittée de son obligation aux termes d'une entente de règlement exécutoire,étant donné qu'un tel grief n'est pas arbitrable en vertu du paragraphe 92(1) de la Loi. Griefs rejetés. Décisions citées : MacDonaldc. Canada, (3 novembre 1998), T-3236-90 (Division de premièreinstance de la Cour fédérale);Skandharajah, 2000 CRTFP 114 (166-2-24127); Déom (148-2-107); Fox, 2001 CRTFP 130 (166-2-30414).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2002-05-17
  • Dossier:  166-2-30744
  • Référence:  2002 CRTFP 53

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

GAIL ELAINE MYLES

fonctionnaire s'estimant lésée

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Développement des ressources humaines Canada)

employeur

Devant : Guy Giguère, président suppléant

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée : John H. Yach, avocat

Pour l'employeur : Renée Roy, avocate


Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 27 mars 2002.

[1]   Le 15 décembre 1999, Gail Elaine Myles a présenté deux griefs. Dans le premier (dossier de la Commission 166–2–30744), elle contestait le refus de l'employeur de la nommer pour une période indéterminée au poste de gestionnaire, Services financiers et achats, qu'elle occupait à titre intérimaire. Dans le second (dossier de la Commission 166–2–30745), elle se plaignait que, par suite des actions de l'employeur, elle s'était fait refuser des possibilités de promotion. Elle expliquait dans ce grief qu'elle se sentait intimidée par les actions et par le comportement de son superviseur, qui l'avaient contrainte à s'absenter de son travail à cause du stress qu'elle éprouvait.

[2]   Le 26 mars 2002, l'avocat de Mme Myles, Me Yach, a écrit à la Commission pour confirmer que les parties avaient convenu de demander à l'arbitre de statuer à l'audience si un arbitre nommé en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (Loi) a compétence pour instruire ces griefs, étant donné que les parties avaient conclu une entente de règlement avant que les griefs originaux ne soient renvoyés à l'arbitrage. Me Yach poursuivait dans sa lettre en déclarant que les parties s'étaient entendues pour ne pas faire comparaître des témoins et qu'un exposé conjoint des faits serait présenté à la Commission, avec la documentation nécessaire, de façon que l'arbitre connaisse suffisamment bien le contexte pour trancher cette question précise.

[3]   Au début de l'audience, les deux avocats m'ont déclaré qu'aucun témoin ne comparaîtrait et qu'ils se fonderaient exclusivement sur un exposé conjoint des faits qu'ils m'ont remis.

[4]   En somme, l'exposé conjoint des faits précise ce qui suit :

  • les griefs présentés par Mme Myles le 15 décembre 1999 avaient été réglés avant d'être renvoyés à l'arbitrage. Leur règlement est confirmé dans un protocole d'entente daté du 3 février 2000.

  • Dans ce protocole d'entente, Mme Myles avait accepté de retirer ses griefs; elle l'a fait, dans une lettre datée du 9 février 2000.

  • Plus tard, par l'intermédiaire du représentant de son agent négociateur, Mme Myles a allégué que l'employeur ne s'était pas acquitté de certaines des obligations que le protocole d'entente lui imposait. L'employeur a nié ces allégations.

  • Mme Myles a alors demandé que les griefs soient renvoyés au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. À ce dernier palier, l'employeur a déclaré que les griefs avaient été réglés et retirés. Il a aussi affirmé s'être conformé à toutes ses obligations aux termes du protocole d'entente.

  • Les parties reconnaissent que le protocole d'entente est exécutoire.

Plaidoiries

Pour l'employeur

[5]   Me Roy argue qu'un arbitre ne peut assumer compétence et instruire ces griefs puisqu'ils ont été réglés par protocole d'entente, puis retirés. Me Roy soutient aussi qu'un arbitre ne peut avoir compétence pour trancher un grief sur l'application des conditions d'un protocole d'entente, puisqu'un tel grief ne serait pas conforme aux exigences du paragraphe 92(1) de la Loi. Mme Myles prétend qu'elle peut présenter un grief, pour le motif que l'employeur ne se serait pas conformé aux conditions du protocole d'entente. Or, ce motif ne peut être invoqué dans le contexte des griefs qui ont été renvoyés à la Commission puisqu'il devrait faire l'objet d'un nouveau grief. L'employeur estime donc que la Commission n'est plus saisie des griefs de Mme Myles et qu'un arbitre n'a pas non plus compétence pour entendre un litige quelconque qui en résulterait. Il demande donc que les griefs soient rejetés sans audience.

[6]   À l'appui de ses arguments, Me Roy invoque les décisions suivantes : MacDonald c. Canada, [1998] A.C.F. no 1562; [2000] A.C.F. no 1902; [2001] A.C.S.C. no 30; Skandharajah 2000 CRTFP 114 (166–2–24127); Bhatia (dossier de la Commission 166–2–17829); Déom (dossier de la Commission 148–2–107) et Fox 2001 CRTFP 130 (166–2–30414).

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée

[7]   Me Yach maintient qu'il faut se poser deux questions en ce qui concerne les griefs présentés par Mme Myles. La première consiste à savoir si un arbitre a compétence ou pas pour entendre les griefs originaux. Pour décider qu'il a compétence, l'arbitre doit d'abord conclure à l'inexistence d'une entente. Toutefois, la fonctionnaire s'estimant lésée prétend qu'il y en a une, et elle ne demande pas que ses griefs originaux fassent l'objet d'une plaidoirie exhaustive. Il existe bel et bien une entente. Cependant, lorsque la fonctionnaire s'estimant lésée a constaté que l'employeur ne se conformait pas à ses conditions, elle a demandé que ses griefs soient entendus au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, puis à l'arbitrage. Cela nous amène à la seconde question, consistant à savoir si un arbitre a compétence pour décider que l'employeur ne s'est pas acquitté de certaines de ses obligations aux termes du protocole d'entente.

[8]   En raison de l'expertise de la Commission dans le domaine des relations de travail, la fonctionnaire s'estimant lésée préférerait qu'un arbitre se prononce sur ce qu'elle considère comme le défaut de l'employeur de s'acquitter de ses obligations aux termes du protocole d'entente.

[9]   Me Yach concède que, comme la jurisprudence le confirme, le paragraphe 92(1) de la Loi ne reconnaît pas à un arbitre la compétence de décider si les conditions d'une entente ont été respectées ou pas. L'employeur a déclaré que Mme Myles ne peut pas contester les dispositions du protocole d'entente dans le contexte de ses deux griefs originaux, et qu'elle devrait par conséquent présenter un nouveau grief pour le faire. Néanmoins, dans Fox (supra), le président Yvon Tarte avait conclu que même un nouveau grief sur une question comme celle–là ne pourrait pas aller plus loin que le dernier palier de la procédure de règlement des griefs, puisqu'il ne serait pas arbitrable en vertu du paragraphe 92(1) de la Loi.

[10]   L'avocat termine en disant que les parties allaient finir par se retrouver devant une autre instance et que la fonctionnaire s'estimant lésée aimerait que l'arbitre rende une décision claire afin que l'employeur ne puisse pas avancer un argument contraire sur les questions de compétence.

Motifs de la décision

[11]   La première question à trancher est celle de savoir si un arbitre nommé en vertu de la Loia compétence pour instruire ces griefs.

[12]   Dans l'exposé conjoint des faits, les parties reconnaissent que le protocole d'entente est exécutoire et qu'il a réglé les griefs avant leur renvoi à l'arbitrage.

[13]   Comme je l'ai expliqué dans Skandharajah (supra), quand il y a une entente de règlement valide et exécutoire, son existence empêche le fonctionnaire s'estimant lésé de renvoyer le litige à l'arbitrage. Et comme le juge Gibson, de la Section de première instance de la Cour fédérale, l'a déclaré dans MacDonald (supra), quand un fonctionnaire conclut une entente de règlement exécutoire avec l'employeur, il perd son droit de renvoyer l'affaire à l'arbitrage en vertu de la Loi.

[14]   La procédure de règlement des griefs est conçue pour offrir aux employeurs et aux employés un processus ordonné pour traiter les griefs grâce à laquelle ils peuvent tenter de régler leurs litiges aux divers stades et paliers du processus. Par conséquent, si les parties concluent une entente exécutoire en vue d'un règlement en discutant entre elles, elles ne devraient pas être autorisées à revenir sur cette entente. Autrement, l'employeur ou l'employé ne sauraient jamais si une entente a bel et bien été conclue, et cela causerait un tort irréparable aux relations de travail en risquant de faire avorter toutes les tentatives de règlement.

[15]   Pour tous ces motifs, je conclus qu'un arbitre n'a pas compétence pour instruire ces griefs.

[16]   Je vais répondre à la seconde question de Me Yach même si elle est hypothétique, puisque je comprends que ces griefs ont été renvoyés à l'arbitrage afin qu'on précise clairement qu'un arbitre n'a pas compétence pour les entendre, si c'est le cas, afin que l'employeur ne puisse pas présenter un argument contraire devant une autre instance.

[17]   Un arbitre a–t–il compétence pour trancher un grief concernant le défaut d'une partie à une entente exécutoire sur un règlement de s'acquitter de ses obligations aux termes de cette entente?

[18]   Le paragraphe 92(1) de la Loi précise les types de griefs qui peuvent être renvoyés à l'arbitrage :

92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

  1. l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

  2. dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visés aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

  3. dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

[19]   Compte tenu de toute la preuve qui m'a été présentée, un grief concernant le prétendu défaut de l'employeur de s'acquitter de ses obligations aux termes d'une entente de règlement exécutoire n'est pas arbitrable en vertu du paragraphe 92(1) de la Loi.

[20]   Comme l'avait écrit J.M. Cantin, c.r., alors vice-président, dans Déom (supra), ni la Commission, ni un arbitre n'ont compétence pour décider si les conditions d'une entente de règlement ont été respectées. Même si la fonctionnaire s'estimant lésée avait présenté un nouveau grief pour se plaindre que l'employeur ne s'était pas conformé aux dispositions du protocole d'entente, un arbitre n'aurait pas compétence pour l'entendre, pour les raisons expliquées dans Fox (supra), par le président Tarte.

[21]   Pour tous ces motifs, les griefs sont rejetés.

G. Giguère,
président suppléant

OTTAWA, le 17 mai 2002

Traduction de la C.R.T.F.P.

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