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Résumé :

Remboursement des droits d'inscription - groupe de médecine vétérinaire - la fonctionnaire s'estimant lésée, une vétérinaire, a demandé le remboursement des droits d'inscription qu'elle avait versés au Collège de médecine vétérinaire de l'Ontario pour l'année 2001 - aux termes de la disposition pertinente de la convention collective, l'employeur doit rembourser à un employé ces droits d'inscription lorsqu'un tel versement est « indispensable à l'exercice continu des fonctions de son emploi » - la preuve a établi que, dans le cadre de ses fonctions, la fonctionnaire s'estimant lésée pouvait être obligée d'utiliser des médicaments contrôlés pour pratiquer l'euthanasie sur des animaux en détresse ou pour calmer des animaux avant d'effectuer certains tests - la fonctionnaire s'estimant lésée n'est pas obligée de détenir un permis d'exercer la profession de vétérinaire pour utiliser le médicament en question, mais le médicament ne peut être distribué que par un vétérinaire autorisé - dans le cadre de ses fonctions, la fonctionnaire s'estimant lésée peut être appelée à remplacer le vétérinaire de district en l'absence de ce dernier - à ce titre, elle pouvait être appelée à commander le médicament contrôlé pour le bureau - il lui faut pour cela détenir un permis d'exercer - pour ce motif, l'arbitre a conclu que la fonctionnaire s'estimant lésée devait détenir son permis d'exercice de la profession de vétérinaire pour s'acquitter de ses fonctions. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2002-09-23
  • Dossier:  166-32-31148
  • Référence:  2002 CRTFP 87

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

MAUREEN HARPER

fonctionnaire s'estimant lésée

et

L'AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS

employeur

Devant : Evelyne Henry, présidente suppléante

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée : Denise Balfe, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur : Robert Jaworski, avocat


Affaire entendue à Toronto (Ontario),
les 24 et 25 juillet 2002.

[1]   Dre Maureen Harper a déposé un grief le 21 septembre 2001 en vue d'obtenir le remboursement de ses droits d'inscription au Collège de médecine vétérinaire de l'Ontario (CMVO) en conformité avec les articles E2.01 et A1.02 de la convention collective du groupe Médecine vétérinaire.

[2]   Les parties ont soumis l'exposé des faits conjoints suivant :

[Traduction]

La fonctionnaire s'estimant lésée, Dre Maureen Harper, occupe actuellement un poste de VM–01 (médecine vétérinaire - 01) dans l'équipe du Programme d'hygiène vétérinaire au bureau de district de l'Agence canadienne d'inspection des aliments situé à Brampton (Ontario). Elle occupait ce poste à la date du dépôt du grief écrit, et elle l'occupe encore aujourd'hui.

À l'Aéroport international Lester B. Pearson, Dre Harper s'occupe notamment de l'examen des animaux importés pour déterminer s'ils peuvent entrer ou non au Canada.

Dre Harper a déposé un grief le 21 septembre 2001. Elle soutient avoir droit au remboursement de ses droits d'inscription au Collège de médecine vétérinaire de l'Ontario (« le Collège ») pour l'année 2001, dont le montant s'élève à cinq cent soixante et un dollars et 75 cents (561,75 $). Une copie du formulaire de présentation d'un grief se trouve à l'annexe « A ».

À la date du dépôt du grief, l'unité de négociation du groupe Médecine vétérinaire (VM) était régie par une convention collective, maintenant échue, liant l'Agence canadienne d'inspection des aliments et l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada. L'article E2.01 de cette convention dit ceci :

L'Employeur rembourse à l'employé les cotisations ou les droits d'inscription qu'il a versés à un organisme ou à un conseil d'administration lorsqu'un tel versement est indispensable à l'exercice continu des fonctions de son emploi.

L'article A1.02 de cette même convention collective prévoit ce qui suit :

Les parties à la présente convention ont un désir commun d'améliorer la qualité de l'Agence canadienne de l'inspection des aliments, d'appliquer des normes professionnelles et de favoriser le bien–être des employés et l'accroissement de leur efficacité afin que les Canadiens soient servis convenablement et efficacement. Par conséquent, elles sont décidées à établir, dans le cadre des lois existantes, des rapports de travail efficaces à tous les niveaux de l'Agence canadienne de l'inspection des aliments auxquels appartiennent les fonctionnaires faisant partie de l'unité de négociation.

Ces articles ont été cités par le représentant syndical de Dre Harper durant l'instruction du grief. Dre Harper prétend que l'employeur ne s'est pas conformé à cette disposition.

Le Collège est un organisme professionnel provincial qui, entre autres choses, autorise les vétérinaires à exercer la médecine vétérinaire dans la province de l'Ontario. À l'heure actuelle, il n'existe pas d'organisme fédéral qui délivre des permis d'exercer à l'échelle nationale.

L'Agence a fait valoir aux divers paliers de la procédure de règlement des griefs que Dre Harper n'est pas obligée de détenir un permis d'exercer pour continuer d'accomplir ses fonctions comme vétérinaire. L'employeur est d'avis que Dre Harper a juste besoin de satisfaire aux conditions nécessaires pour être autorisée à exercer la profession par le Collège pour continuer de travailler à l'Agence. Sont jointes aux présentes les annexes « B », « C » et « D », qui sont respectivement trois lettres rejetant le présent grief.

[3]   En plus de s'être entendues sur les faits exposés au paragraphe précédent, les parties ont convenu à l'audience que l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) est assujettie à la directive du Conseil du Trésor sur les cotisations.

[4]   Dre Harper a indiqué qu'elle avait obtenu son diplôme de médecin vétérinaire en 1980 et qu'elle était titulaire d'une maîtrise en épidémiologie depuis 1987. Elle travaille à l'ACIA, et son prédécesseur Agriculture Canada, depuis 1981, comme membre de l'équipe du Programme d'hygiène vétérinaire au bureau de district de Brampton.

[5]   Le bureau de district de Brampton compte trois VM–01, comme Dre Harper, et un VM–02, le vétérinaire de district, ainsi qu'un inspecteur et un commis. Dr George Mraz est le vétérinaire de district en charge du bureau de Brampton.

[6]   Dre Harper est chargée de la supervision de l'importation et de l'exportation des animaux, de même que du contrôle des maladies. Elle effectue des tests sur les animaux destinés à l'exportation et elle se prononce sur la question de savoir si un animal peut être importé au Canada.

[7]   En ce qui concerne le contrôle des maladies, le travail de Dre Harper consiste à prévenir la propagation des maladies transmissibles comme la tuberculose, la rage, la maladie de la vache folle et la fièvre aphteuse, et à éradiquer ces maladies.

[8]   À l'aéroport où elle travaille à tour de rôle avec d'autres vétérinaires une semaine par mois en moyenne, Dre Harper intervient dans les cas où des animaux sont interdits d'entrée au Canada et retournés ou lorsque l'entrée est refusée jusqu'à ce que les documents ou certificats requis aient été fournis. Les oiseaux, les petits animaux et les tortues qui sont introduits en fraude sont remis à la Couronne et détruits, sauf s'il s'agit d'espèces menacées, qui sont alors envoyées à Environnement Canada.

[9]   Dans le cadre des fonctions dont elle s'acquitte à l'aéroport, Dre Harper peut être obligée d'utiliser des médicaments contrôlés pour pratiquer l'euthanasie sur des animaux en détresse ou pour calmer des animaux avant d'effectuer certains tests. Pour pratiquer l'euthanasie sur les petits animaux et les tortues, Dre Harper est obligée d'utiliser un médicament appelé Xylazine ou T61, qui est mentionné à l'annexe F de la Loi sur les aliments et drogues (LAD). Le T61 est le médicament que l'ACIA fournit à ses vétérinaires. Il n'est pas nécessaire de détenir un permis d'exercer la profession de vétérinaire pour utiliser le T61, mais le médicament ne peut être distribué que par un vétérinaire autorisé.

[10]   Dre Harper utilise aussi du pentobarbital sodique, un narcotique régi par la Loi réglementant certaines drogues et substances et mentionné dans le Règlement sur le contrôle des narcotiques. Dre Harper utilise parfois du pentobarbital sodique pour calmer un animal. Elle préfère aussi utiliser ce médicament pour pratiquer l'euthanasie sur les animaux en détresse.

[11]   Dre Harper a décrit l'effet du T61 sur les animaux qu'elle euthanasie. Elle n'aime pas utiliser ce médicament, car elle est partisane de la non–cruauté envers les animaux. Le T61 n'est plus vendu aux États–Unis, ayant été retiré du marché par le fabricant. Dre Harper est d'avis que le pentobarbital sodique est un médicament plus acceptable pour pratiquer l'euthanasie sur les animaux et que c'est celui qui devrait être employé.

[12]   Dre Harper a produit en preuve sa description de travail (pièce G–4), qu'elle qualifie d'incomplète parce que les tâches qu'elle accomplit à l'aéroport n'y sont pas mentionnées. Dre Harper a attiré l'attention sur les tâches et responsabilités suivantes, qui pourraient nécessiter l'utilisation de son permis d'exercer comme vétérinaire :

[Traduction]

  1. […]

    • effectuer des examens cliniques sur des animaux pour déceler les symptômes et les signes de maladie, y compris faire des prélèvements à des fins de diagnostic expérimental, par exemple, échantillons sanguins, grattages cutanés.

    • effectuer des tests de diagnostic directement sur les animaux soupçonnés d'être porteurs de maladie ou sur des échantillons prélevés sur ces animaux, p. ex. tests tuberculiniques, examens microscopiques des tissus et des liquides, épreuves à l'halothane.

    • […]

    • effectuer les inspections, les examens de santé ainsi que les tests ou prélèvements prescrits pour délivrer les certificats requis aux fins de l'exportation des animaux et des produits animaliers en conformité avec les exigences des pays importateurs.

    • […] examiner les animaux importés à leur arrivée et à intervalles appropriés par la suite pour déterminer s'ils présentent des signes de maladie et examiner les rapports de morbidité et de mortalité pour déceler et diagnostiquer les maladies à déclaration obligatoire, y compris soumettre des prélèvements au laboratoire afin que soient effectués des tests de confirmation.

    • […]

    • confirmer les résultats des tests effectués par le personnel technique et des vétérinaires accrédités, signaler les résultats suspects ou positifs dans le cas des tests effectués sur le terrain, par exemple, réactions au test tuberculinique en examinant et en évaluant les résultats et en reprenant le test ou en procédant à d'autres tests de confirmation, p. ex., test tuberculinique cervical comparatif.

  1. […]

    • peut être appelée à remplacer le vétérinaire de district.

    • peut faire partie du groupe tactique d'intervention régionale en cas de maladie.

[13]   Dre Harper a affirmé que, pour diagnostiquer les maladies, elle est parfois obligée d'immobiliser les animaux. Quand les animaux sont en détresse, il est parfois nécessaire de les abattre afin de protéger la santé publique. Pour s'acquitter de ses tâches, Dre Harper doit utiliser certains médicaments, particulièrement du pentobarbital sodique, pour lequel elle doit détenir un permis d'exercer valide.

[14]   Dre Harper a soutenu qu'elle est régulièrement appelée à pratiquer l'euthanasie sur de petits animaux pendant sa semaine mensuelle de travail à l'aéroport. Elle en euthanasie deux en moyenne durant cette semaine–là. Elle préfère utiliser du pentobarbital sodique, mais l'ACIA l'oblige à utiliser du T61.

[15]   Étant donné qu'elle doit remplacer le vétérinaire de district quand celui–ci est absent, Dre Harper peut être appelée à commander du Xylazine (T61) pour le bureau, et pour cela il lui faut détenir un permis d'exercer.

[16]   Dre Harper a indiqué que, lorsque l'ACIA l'a envoyée en renfort au Royaume–Uni avec d'autres vétérinaires pendant l'épidémie de fièvre aphteuse, on lui a fourni une bouteille de pentobarbital sodique et du T61. Le gouvernement britannique a payé ses droits d'inscription au Royal College of Veterinary Surgeons afin qu'elle puisse utiliser ces médicaments.

[17]   À son retour au Canada à l'été 2001, Dre Harper s'est occupée d'un cas de quarantaine attribuable à une mouffette atteinte de la rage. Le propriétaire de la ferme avait reçu ordre d'exterminer les chats vivant dans la grange parce qu'on soupçonnait qu'ils avaient la rage, mais il n'en a rien fait. Les stocks de T61, le médicament utilisé pour pratiquer l'euthanasie sur les petits animaux, du bureau de district étaient épuisés. Le vétérinaire de district a demandé à Dre Harper de s'adresser à la clinique vétérinaire de Chelemham pour se procurer du pentobarbital sodique à administrer aux chats de la grange.

[18]   Dre Harper a informé Dr Mraz qu'elle devait être autorisée à exercer pour obtenir le médicament et qu'elle comptait dès lors demander le remboursement de ses droits d'inscription. Dr Mraz lui a dit de se procurer le médicament parce qu'il y avait urgence et il a convenu de payer ses droits d'inscription. Dre Harper a subséquemment soumis une demande de remboursement (pièce G–5), que Dr Mraz a approuvée et fait suivre. Elle a reçu par la suite une lettre du directeur régional, M. Anthony Sangster, (pièce G–6), qui rejetait la demande de remboursement au motif que : « [...] l'ACIA n'a pas pour politique de rembourser ces droits. »

[19]   Dre Harper a affirmé qu'il pourrait être nécessaire d'utiliser du pentobarbital sodique dans le cadre du programme d'éradication de la tuberculose. Le Canada est exempt de tuberculose, mais il se présente parfois des cas qui nécessitent l'intervention de l'ACIA.

[20]   Il arrive aussi que les vétérinaires utilisent des médicaments lors de simulations de maladies animales exotiques visant à mettre à l'épreuve le plan d'urgence de l'ACIA. Le bureau de district ne sait pas toujours quand les simulations auront lieu parce que le but de l'exercice est de vérifier l'application du plan d'urgence.

[21]   En contre–interrogatoire, Dre Harper a convenu que sa description de travail (pièce G–4) n'indique pas explicitement qu'elle doit immobiliser ou pratiquer l'euthanasie sur des animaux. Elle a admis que sa description de travail n'indiquait pas non plus qu'elle devait prescrire des médicaments, aider des femelles à mettre bas, extraire des dents, transférer des ovules ou administrer de la pénicilline ou des antibiotiques à des animaux. Dre Harper a précisé que sa description de travail faisait l'objet d'un grief distinct.

[22]   Dre Harper convient que ses fonctions diffèrent de celles d'un vétérinaire en pratique privée, mais elle soutient qu'elle est un médecin interventionniste. Elle a reconnu l'article 14 du manuel de contrôle des maladies de l'ACIA portant sur la rage (pièce E–1) et a convenu qu'on n'y trouve nulle mention de l'euthanasie d'animaux. Elle a admis qu'il y avait davantage de vétérinaires en pratique privée dans sa région que dans les régions plus isolées du nord de l'Ontario, par exemple.

[23]   Dre Harper a indiqué qu'elle n'avait pas le pouvoir de faire appel à un vétérinaire en pratique privée pour pratiquer l'euthanasie sur un animal. Elle croit qu'elle ferait l'objet de sanctions disciplinaires si elle refusait d'utiliser du T61 pour pratiquer l'euthanasie sur les animaux introduits en fraude même si elle ne détenait pas de permis d'exercer. Elle a soutenu que M. Jim Crawford (directeur régional des opérations) ne lui avait pas interdit d'utiliser du pentobarbital sodique, mais que son superviseur, Dr Mraz, lui avait dit de s'en servir lorsque c'était nécessaire. Dre Harper ne croit pas que l'ACIA oblige Dr Mraz à détenir un permis d'exercer.

[24]   Dre Nina Szpakowski est directrice générale du Réseau du Programme de produits animaux de l'ACIA au bureau de Guelph. Elle a commencé sa carrière comme vétérinaire sur le terrain en 1986 à Agriculture Canada. En 1989, elle a été promue superviseure du bureau de district régional; elle a dirigé des vétérinaires de district et des vétérinaires sur le terrain pendant une dizaine d'années. Dans le cadre de ses fonctions actuelles aux services consultatifs en matière de programme, elle conseille Dr Bill Tuther, directeur régional de l'ACIA pour l'Ontario. Elle conseille également le personnel sur le terrain en matière d'interprétation des lois, des manuels et des directives conçus ou remaniés par son service.

[25]   Durant sa période de travail à Hamilton, il y a un peu plus de dix ans, Dre Szpakowski s'est occupée de cas de rage et a évalué l'état de santé d'animaux destinés à l'exportation et à l'importation. Elle a effectué des tests sur des animaux et des autopsies et a aussi travaillé à quelques reprises à l'aéroport d'Hamilton. Sa description de travail et celle produite sous la cote G–4 ont été rédigées à la même époque. Les fonctions générales étaient les mêmes, sauf en ce qui a trait aux fonctions administratives, qui ont été modifiées.

[26]   Selon Dre Szpakowski, les vétérinaires n'ont pas besoin de détenir un permis d'exercer pour travailler à l'ACIA. Ils doivent satisfaire aux conditions requises pour être autorisés à exercer et la façon habituelle de le faire est de détenir un permis. Un grand nombre de vétérinaires ont cessé de faire renouveler leur permis.

[27]   Dre Szpakowski a déclaré que des changements administratifs avaient récemment été apportés pour exiger que les vétérinaires soient détenteurs d'un permis d'exercer pour être embauchés et on pourrait peut–être même les obliger à renouveler leur permis par la suite, ce qui n'était pas le cas auparavant. Dre Szpakowski ne sait pas pourquoi l'ACIA a accepté d'embaucher des vétérinaires qui ne détenaient pas de permis d'exercer. Elle a le sien, mais elle n'en a pas besoin pour s'acquitter de ses fonctions. Il n'est pas nécessaire d'être autorisé à exercer pour occuper un poste de VM–01.

[28]   Les vétérinaires que Dre Szpakowski a embauchés par le passé devaient être diplômés de certaines écoles mais ils n'étaient pas obligés de détenir un permis décerné par un organisme de réglementation provinciale. Les vétérinaires qui ont fait partie de son effectif pendant la période de dix ans n'étaient pas obligés d'être autorisés à exercer. Elle n'a pas tenu de listes de ceux qui détenaient ou ne détenaient pas un permis car ils n'en avaient pas besoin pour s'acquitter de leurs fonctions la plupart du temps.

[29]   Dre Szpakowski estime qu'il n'est pas nécessaire pour les vétérinaires sur le terrain d'abattre les animaux eux–mêmes. Le mandat de l'ACIA est de contrôler la propagation des maladies dans la population humaine et animale. Les programmes et directives sont conçus de manière que le personnel de l'ACIA ne soit pas obligé d'abattre des animaux. Par exemple, on met les animaux en quarantaine ou on ordonne à leur propriétaire de les détruire. L'ACIA fait appel à des policiers pour faire appliquer ses ordonnances et conclut des contrats avec d'autres professionnels pour immobiliser les animaux, les abattre ou les éliminer. En général, les vétérinaires ne sont pas obligés d'abattre eux–mêmes les animaux.

[30]   Il y a trois exceptions : dans les cas graves de non–conformité où le propriétaire refuse de détruire ses animaux après en avoir reçu l'ordre par écrit; dans les cas de saisie d'animaux pour non–conformité et d'abandon d'animaux malades; et en prévision de l'introduction de maladies exotiques, comme la fièvre aphteuse, des équipes d'intervention d'urgence pouvant alors recevoir une formation spéciale pour abattre des animaux.

[31]   Dre Szpakowski est d'avis que les VM–01 ne sont pas obligés d'abattre des animaux, mais qu'ils peuvent en ordonner la destruction. Il existe des listes de vétérinaires auxquels ils peuvent faire appel pour pratiquer l'euthanasie sur des animaux. Dre Szpakowski ne peut pas dire si le bureau de Brampton dispose d'une telle liste.

[32]   Dre Szpakowski a déclaré que le T61, un barbiturique, est un médicament dangereux. Il peut entraîner la mort chez les personnes qui se l'injectent elles–mêmes ou auxquelles il est injecté par accident. Il est nécessaire d'immobiliser les animaux avant de le leur administrer. Il existe de nombreux moyens, à part les médicaments, pour immobiliser les animaux. Il n'est pas nécessaire de faire appel à un vétérinaire pour abattre les animaux. Il y a de lourdes contraintes associées à l'abattage d'animaux et l'ACIA n'oblige pas son personnel à prendre ce genre de mesure.

[33]   Dre Szpakowski partage les inquiétudes de Dre Harper au sujet de l'administration du T61. Elle s'interroge sur son utilisation au Canada étant donné qu'il a été retiré du marché aux États–Unis. Elle est d'avis que Dre Harper ne ferait pas l'objet de sanctions disciplinaires si elle refusait de pratiquer l'euthanasie sur des animaux.

[34]   Dre Szpakowski a précisé que les programmes de l'ACIA sont conçus de manière que les vétérinaires utilisent leurs connaissances spécialisées. Ils sont embauchés comme théoriciens et ils doivent connaître la politique et unir leur efforts pour empêcher la propagation des maladies. Ceux qui sont capables d'innover représentent un atout pour l'ACIA. Dans les situations vraiment graves, ils envisagent les diverses options possibles et il leur arrive parfois de réagir davantage comme des vétérinaires praticiens que comme des employés de l'ACIA.

[35]   À l'époque où elle travaillait comme vétérinaire sur le terrain, Dre Szpakowski était autorisée à exercer et elle savait qu'elle pouvait obtenir le médicament et l'utiliser pour contrôler la propagation des maladies, même si ce n'est pas la méthode privilégiée par l'ACIA. Elle croyait qu'il était important de prendre ce genre de décision par courtoisie envers l'ACIA et envers le public, et c'est pourquoi il lui est arrivé d'abattre des animaux.

[36]   Devenue gestionnaire, Dre Szpakowski comprend mieux les conséquences et la nécessité d'exécuter le travail comme il faut, en respectant les consignes à la lettre. Si la politique n'est pas appliquée, l'ACIA pourrait faire l'objet de poursuites et ne plus être en mesure, au bout du compte, de contrôler les maladies.

[37]   En ce qui concerne le cas de tuberculose, les vétérinaires ont accepté d'utiliser leur permis d'exercer pour abattre les animaux pour le compte de l'ACIA. Ils n'ont pas été contraints de le faire, ils se sont plutôt portés volontaires. La plupart des vétérinaires autorisés à exercer se portent volontaires afin d'acquérir un peu d'expérience. L'ACIA tient les vétérinaires au courant des nouvelles façons de faire pour accomplir les fonctions indiquées dans leur description de travail; elle ne leur dispense pas de formation sur l'administration des médicaments sauf dans les cas, par exemple, où il est nécessaire de constituer une équipe d'intervention d'urgence.

[38]   En contre–interrogatoire, Dre Szpakowski a convenu que le T61 est un médicament mentionné à l'annexe F de la Loi sur les aliments et les drogues et que le pentobarbital sodique est un médicament contrôlé qui peut seulement être utilisé par un médecin autorisé. Elle a aussi admis que seul un médecin autorisé peut se procurer du T61.

[39]   Dre Szpakowski est d'avis que Dr Mraz n'est pas obligé d'être autorisé à exercer par le CMVO. Elle n'est pas au courant du fait qu'il lui est nécessaire de se procurer du T61. Elle croit comprendre que Dr Mraz est autorisé à exercer et qu'il peut dès lors acheter légalement du T61.

[40]   Dre Szpakowski a déclaré que l'ACIA n'avait pas de politique établie en matière d'achat de médicaments. Lorsqu'il faut en acheter, Dr Mraz discute avec son superviseur, M. Jim Crawford, le directeur régional, qui n'est pas un vétérinaire, de la meilleure façon d'obtenir les médicaments nécessaires. L'ACIA n'a pas de budget de médicaments, c'est pourquoi il est nécessaire de discuter de la question et d'obtenir des autorisations.

[41]   Dre Szpakowski est d'avis que Dre Harper n'est pas obligée de pratiquer l'euthanasie sur des animaux; si elle le fait, c'est par choix professionnel, mais elle peut refuser de le faire.

[42]   À la question de savoir si des sanctions disciplinaires seraient imposées si tous les vétérinaires du bureau de Brampton se mettaient à refuser de pratiquer l'euthanasie sur des animaux, Dre Szpakowski a répondu qu'ils conservaient la responsabilité de contrôler les maladies. Ils peuvent appliquer les procédures établies, et faire appel notamment à des vétérinaires en pratique privée. Dre Szpakowski a déclaré que : « Avant de modifier leurs façons de faire, les vétérinaires de Brampton devraient en aviser le bureau de district régional de l'ACIA. »

[43]   Dre Szpakowski ne sait pas personnellement comment est payé le T61 qu'achète Dr Mraz. Elle n'est pas au courant de l'existence d'une directive informant les superviseurs de ne pas utiliser le T61. Elle n'est pas au courant du fait que Dre Harper a été obligée d'utiliser du T61 pour abattre des animaux en état de crise. L'ACIA n'a aucune politique écrite en matière d'euthanasie des animaux. Dre Szpakowski n'ignore pas que Dre Harper et Dr Mraz ont abattu des animaux à l'aéroport, mais elle ne sait pas si on leur a dit que cela ne faisait pas partie de leurs fonctions. Il s'agit, selon elle, de situations exceptionnelles.

[44]   Dre Szpakowski ne savait pas que Dr Mraz avait demandé à Dre Harper de trouver du pentobarbital sodique et qu'elle lui avait répondu que, pour ce faire, elle devait être autorisée à exercer et qu'elle comptait dès lors demander le remboursement de ses droits d'inscription. Dr Mraz avait quand même insisté pour qu'elle se procure le médicament. Dre Szpakowski n'a pas été mise au courant de cet échange à l'époque, mais elle en a entendu parler ultérieurement. Elle ne croit pas que Dr Mraz était habilité à adresser une telle demande, car il n'a pas de budget de médicaments.

[45]   Dre Szpakowski ne peut pas dire si l'ACIA a déjà payé les droits d'inscription de vétérinaires. À la question de savoir comment elle obtenait le T61 dont elle se servait quand elle était vétérinaire sur le terrain, elle a répondu que l'achat était approuvé par le ministre et que le médicament était fourni par un organisme central. Elle avait signé la demande en sa qualité de vétérinaire autorisée à exercer parce qu'elle s'était portée volontaire pour rendre ce service à l'organisme.

[46]   Dre Szpakowski a relaté un incident où son personnel s'était porté volontaire pour abattre un troupeau qui mettait la faune en danger au nord de l'Ontario. En général, l'ACIA fait appel à des non–vétérinaires, comme des tireurs d'élite, qu'elle consulte sur les moyens à prendre pour abattre les animaux. C'est l'ACIA qui a le pouvoir en bout de ligne de contrôler certaines maladies infectieuses au Canada, comme la tuberculose, dans les cas de non–conformité. L'Agence s'efforce d'assumer une partie des coûts de la destruction et de l'élimination des animaux. La destruction rapide des animaux est l'un des moyens utilisés pour empêcher la propagation des maladies.

[47]   Dre Szpakowski est d'avis que les vétérinaires se portent volontaires pour faire partie de l'équipe d'intervention d'urgence. Ils occupent à tour de rôle des postes particuliers et les équipes sont autonomes.

Plaidoirie de la fonctionnaire s'estimant lésée

[48]   La fonctionnaire s'estimant lésée soutient que le différend porte sur l'interprétation de l'article E2.01 et la question de savoir si elle a droit au remboursement de ses droits d'inscription pour 2001.

[49]   L'affaire dont je suis saisie en l'espèce est un cas d'espèce, comme le sont la plupart des affaires portant sur des questions semblables et des dispositions identiques.

[50]   La fonctionnaire s'estimant lésée renvoie à la décision rendue dans l'affaire Bertrand [1988] C.R.T.F.P.C. no 324, dossiers de la Commission 166–2–16666 et 16667, à la page 11, où l'arbitre a déclaré ce qui suit :

Dans toutes les décisions d'arbitrage concernant l'interprétation de la convention collective du groupe Sciences infirmières et le remboursement des droits d'inscription versés à une association professionnelle, les faits et les éléments de preuve étaient semblables. Néanmoins, les arbitres ont rendu des décisions différentes parce qu'il s'agissait chaque fois de cas d'espèce.

La disposition sur laquelle porte la décision Bertrand est identique à celle du groupe Médecine vétérinaire.

[51]   La fonctionnaire s'estimant lésée a ensuite renvoyé à la directive du Conseil du Trésor portant sur les cotisations, qui s'applique aux organismes mentionnés à l'annexe II de la Loi sur la gestion des finances publiques, dont l'ACIA. La fonctionnaire a cité le paragraphe 1, sous la rubrique Exigences de la politique, qui dit ceci :

1.   L'administrateur général peut déléguer le pouvoir d'approuver le paiement des cotisations lorsque l'adhésion constitue une condition d'une loi fédérale. Ces cotisations peuvent être remboursées seulement lorsqu'un employé exerce activement des fonctions professionnelles dont il ne pourrait s'acquitter légalement s'il n'était membre actif d'une organisation professionnelle reconnue. (Voir Appendice Aa)).

et le paragraphe 1.A) de l'Appendice A, intitulé Sortes d'adhésions :

A)   Adhésions légales

Les seuls cas où il est absolument nécessaire qu'un employé adhère à ces organisations sont ceux pour lesquels la condition est établie par une loi fédérale par exemple, la Loi sur les aliments et drogues. Seuls les groupes professionnels, Art dentaires, Arpentage, Droit, Médecine, Pharmacie, Médecine vétérinaire sont, assortis d'une telle condition, et celle–ci ne s'applique qu'aux employés qui exercent activement les fonctions de ces groupes professionnels. Conformément à cette politique, les frais sont remboursés et l'on ne fournit pas la formule T–4A supplémentaire dans ces cas–là. Les adhésions ne sont pas payées pour les membres de ces groupes professionnels qui exercent des fonctions administratives ou travaillent dans un domaine connexe mais à l'extérieur des groupes professionnels susmentionnés.

[52]   Il est manifeste que la politique s'applique au groupe Médecine vétérinaire. Dre Harper a utilisé des médicaments mentionnés dans la LAD. Elle exerce activement sa profession et elle est obligée dans l'exercice de ses fonctions d'utiliser des médicaments régis par la LAD et le Règlement y afférent, qui sont établis par l'administration fédérale. La Xylazine (T61) est mentionnée dans la LAD et elle ne peut être distribuée que par un médecin autorisé. Dr Mraz achète le T61 pour le bureau de Brampton.  En vertu de la LAD, il doit être autorisé à exercer par le CMVO pour distribuer le document à son personnel. La description de travail de Dre Harper indique qu'elle doit remplacer Dr Mraz quand il est malade ou absent. Elle doit également être autorisée à exercer par le CMVO pour obtenir du T61 ou en distribuer. Elle doit pratiquer l'euthanasie sur des animaux à l'aéroport tous les mois, car c'est l'une des fonctions mentionnées dans la description de travail des vétérinaires sur le terrain qui travaillent au bureau de Brampton. Dre Harper n'accomplit pas cette tâche de façon volontaire. Elle n'a aucune latitude en la matière. Il n'existe aucune politique stipulant que les vétérinaires sont autorisés à refuser d'exécuter ces fonctions. Dre Harper n'aime pas utiliser le T61 parce ce qu'elle est partisane de la non–cruauté envers les animaux et elle n'emploierait pas ce médicament si elle n'était pas obligée de le faire.

[53]   Dre Harper et les employés de l'ACIA sont régis par la Loi réglementant certaines drogues et substances et le Règlement sur le contrôle des narcotiques; les paragraphes 4(2), 5(1) et 5(2) s'appliquent à Dre Harper et aux faits de l'espèce. Dre Harper a informé Dr Mraz, qui venait de lui demander de trouver du pentobarbital sodique, un narcotique mentionné dans cette loi, qu'il s'agissait d'un médicament contrôlé, et il a quand même insisté pour qu'elle en obtienne. Il a ensuite signé sa demande de remboursement. Dre Harper avait reçu instruction, dans le cadre de ses fonctions, d'obtenir le médicament contrôlé et de l'utiliser en cas de besoin. Dre Szpakowski a elle aussi utilisé ce médicament dans le cadre de ses fonctions à l'ACIA. Dre Harper pourrait être appelée à utiliser le médicament pour calmer des animaux avant d'effectuer les prélèvements nécessaires pour accomplir son travail.

[54]   Il importe peu de savoir si Dre Harper utilise un médicament contrôlé à titre exceptionnel ou de manière courante; on lui a demandé d'obtenir du pentobarbital sodique et de l'utiliser. Pour ce faire, elle doit être autorisée à exercer, sinon elle contreviendrait à la loi.

[55]   La fonctionnaire s'estimant lésée passe en revue la jurisprudence, dont l'affaire Gajadharsingh et autres (dossiers de la Commission 166–2–16812 à 16815 et 17674), qui porte sur une disposition identique, et renvoie plus particulièrement à la phrase suivante tirée du premier paragraphe des motifs de la décision : « De plus, la preuve non contredite indique que les infirmiers et les infirmières signent un document lorsque le stupéfiant ou des substances dont l'utilisation est contrôlée sont livrés et qu'il leur incombe d'administrer ceux–ci. Pour ce faire, il leur faut être autorisés. » Les griefs en question ont été accueillis.

[56]   La fonctionnaire cite également la décision rendue dans l'affaire Booth et autres (dossiers de la Commission 166–2–16224 à 16231), qui portait sur une disposition identique, aux pages 44 et 45 :

[…] De plus, d'après des lignes directrices publiées par le ministère de la Santé et du Bien–être social, certains procédés médicaux, comme la thérapie par intraveineuse doivent être administrés uniquement par des infirmiers ou infirmières autorisés. Or cela fait justement partie des fonctions exercées par les employés s'estimant lésés. Il ressort également de la preuve dont je suis saisi qu'il n'existe pas d'« infirmiers ou infirmières autorisés» à l'échelon fédéral. Les « infirmiers/infirmières autorisées » qui existent sont des personnes autorisées ou agréées par les diverses provinces.

[57]   La preuve a également révélé que la fièvre aphteuse et d'autres maladies exotiques pourraient semer la consternation si une épidémie se déclarait au Canada. L'ACIA joue un rôle de premier plan dans le contrôle des maladies chez les animaux. Dans le cadre de la formation reçue au Royaume–Uni en prévision d'une telle éventualité, Dre Harper a reçu et utilisé du pentobarbital sodique pour pratiquer l'euthanasie sur des animaux et pour les calmer avant d'effectuer des prélèvements. Il est fort possible que Dre Harper soit appelée à utiliser ou à distribuer des médicaments contrôlés et elle doit être autorisée à exercer au cas où surviendrait une épidémie afin de pourvoir continuer d'accomplir son travail. En n'obligeant pas les vétérinaires à détenir un permis d'exercer, mais en leur faisant accomplir des tâches qui nécessitent un tel permis, l'ACIA montre qu'elle ne se soucie nullement d'appliquer les normes professionnelles.

[58]   Dre Szpakowski n'a pas été capable d'expliquer pourquoi l'ACIA n'oblige pas les vétérinaires à détenir un permis d'exercer. Elle a affirmé que la politique d'embauchage avait été modifiée et que les vétérinaires devaient désormais être autorisés à exercer, mais elle a atténué son témoignage en contre–interrogatoire. Elle n'est pas au courant de la plupart des problèmes qu'il y a au bureau de Brampton, et plus particulièrement de l'incident des chats.

[59]   Il n'existe aucune législation ou norme fédérale régissant l'inscription des vétérinaires. Les lois provinciales ne s'appliquent pas aux fonctionnaires. Par conséquent, les vétérinaires de l'ACIA ne sont assujettis à aucune norme minimale. À l'article A1.02 de la convention collective, l'ACIA a accepté « d'appliquer des normes professionnelles». En n'obligeant pas les fonctionnaires travaillant en Ontario à détenir un permis d'exercer du CMVO, l'ACIA ne fait aucun effort pour accroître l'efficacité de ses activités et pour servir convenablement la population canadienne de l'Ontario.

[60]   La fonctionnaire s'estimant lésée cite ensuite le paragraphe 32 de la décision rendue dans l'affaire Chorney et autres (dossiers de la Commission 166–2–14644 et 14656) :

32.   J'aimerais faire ici quelques observations. Il me semble que l'exigence statutaire selon laquelle les infirmier(ère)s doivent être membres de leurs associations professionnelles respectives est une pratique saine qui est dans l'intérêt public. Ces associations sont les gardiennes du flambeau de la profession parce qu'elles sont, entre autres, autorisées par la loi à pénaliser leurs membres ou à empêcher une personne incompétente de pratiquer. .À mon sens, donc, l'exigence légale selon laquelle une personne doit être membre en règle d'une association professionnelle d'infirmier(ère)s pour pouvoir être engagée à ce titre est essentielle à la protection de tous les membres de notre société et à l'intérêt public.

[61]   L'affaire des infirmières est semblable à celle dont je suis saisie en l'espèce, sauf que la disposition en cause n'est pas la même. Les normes applicables aux vétérinaires employés par l'administration fédérale sont moins rigoureuses que celles prévues dans les lois et règlements provinciaux. L'ACIA a pour mandat d'assurer la protection du public; en n'obligeant pas ses vétérinaires à détenir un permis d'exercer, elle manque à ses obligations.

[62]   La fonctionnaire s'estimant lésée invoque également les décisions suivantes : Barbas et autres (dossiers de la Commission 166–2–18122 à 18176), Yeghiayan (dossier de la Commission 166–2–21265) et Farley et autres (dossiers de la Commission 166–2–22553 à 22665), qui portent toutes sur la question du remboursement des frais d'inscription engagés par des infirmières en vertu de dispositions identiques.

[63]   En résumé, vu que Dre Harper est appelée, dans le cadre de ses fonctions, à se procurer du Xylazine et à utiliser du pentobarbital sodique, des substances régies par des lois fédérales pour lesquelles elle doit détenir un permis d'exercer, l'ACIA contrevient à l'article A1.02 en n'exigeant pas qu'elle soit autorisée à exercer et à l'article E2.01 en ne lui remboursant pas ses droits d'inscription.

Plaidoirie de l'employeur

[64]   L'employeur soutient que la fonctionnaire s'estimant lésée a le fardeau d'établir qu'elle doit détenir un permis d'exercer pour continuer d'accomplir les fonctions de son poste et qu'elle ne s'est pas acquittée de ce fardeau.

[65]   Dre Szpakowski, qui travaillait comme vétérinaire sur le terrain durant la période où la description de travail (pièce G–4) a été rédigée, a témoigné qu'il n'était pas nécessaire de détenir un permis d'exercer pour accomplir les fonctions du poste.

[66]   Dre Harper a confirmé que les fonctions de son poste étaient décrites de manière explicite et détaillée dans sa description de travail. Nulle mention n'y est faite de l'immobilisation ou de l'euthanasie d'animaux. La fonctionnaire s'estimant lésée n'est pas appelée à effectuer des interventions chirurgicales, à prescrire des médicaments, à aider des femelles à mettre bas, à extraire des dents, à transférer des ovules ou encore à administrer des antibiotiques. Son travail est très différent de celui d'un vétérinaire en pratique privée.

[67]   Dre Harper a affirmé que sa description de travail n'était pas à jour, mais dans une description de travail détaillée, on s'attendrait à trouver mention de l'euthanasie d'animaux, si c'était là l'une des fonctions du poste. Dre Harper a convenu en contre–interrogatoire que le chapitre du manuel de contrôle des cas de rage (pièce E–1) était muet sur la question de l'euthanasie d'animaux. Cette tâche n'étant pas expressément mentionnée, il faut en conclure qu'elle ne fait pas partie des fonctions du poste de la fonctionnaire s'estimant lésée.

[68]   La preuve a révélé que, dans des cas où elle a remplacé Dr Mraz, la fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas eu besoin d'acheter de médicaments, la situation ne s'étant pas présentée.

[69]   Dre Harper n'a produit aucune preuve permettant d'établir qu'elle perdrait son emploi si elle ne renouvelait pas son permis d'exercer.  Sans permis, elle pourrait quand même contrôler l'importation et l'exportation d'animaux, décréter des quarantaines ou agir comme personne–ressource et donner des conseils, toutes fonctions qui sont mentionnées dans sa description de travail. On ne cherche pas a dévaloriser son travail, mais plutôt à le définir par rapport à celui des vétérinaires en pratique privée.

[70]   Les vétérinaires de l'ACIA sont appréciés pour leurs connaissances spécialisées, non pas nécessairement pour leurs interventions directes.

[71]   Ce qui n'est pas indiqué dans la description de travail de Dre Harper, c'est le fait qu'elle utilise du T61 quand elle travaille à l'aéroport. La fonctionnaire s'estimant lésée n'a nul besoin d'être autorisée à exercer par le CMVO pour continuer de s'acquitter de ses fonctions.

[72]   Dre Harper a décrit une situation qui correspond à l'un des trois scénarios exceptionnels mentionnés par Dre Szpakowski. Elle n'est pas obligée d'abattre des animaux car cela ne fait pas partie de ses tâches; il existe d'autres possibilités. Elle ne ferait pas l'objet de sanctions disciplinaires et ne perdrait pas son poste si elle ne renouvelait pas son permis d'exercer.

[73]   L'employeur renvoie à la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Lefebvre et autres [1980] 2 C.F. 199. Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue par un arbitre nommé en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, que la Cour d'appel fédérale a accueillie. L'employeur cite le paragraphe 6, qui dit ceci :

6.   Les intimés prétendent, eux, qu'il n'est pas nécessaire pour les fins de ce litige de résoudre la question que soulève la requérante. Suivant les intimés, l'article 32.01 de la convention collective, si on l'interprète correctement, impose à l'employeur l'obligation de rembourser les sommes que réclament les intimés même si ceux–ci, en vertu des principes de droit constitutionnel qu'invoque la requérante, auraient pu légalement exécuter leurs fonctions sans être membres de l'Ordre des Chimistes du Québec.

[74]   L'ACIA n'est pas liée par la loi provinciale. Aucun texte ne limite la possession ou l'administration du T61.

[75]   L'employeur cite également la décision rendue dans l'affaire Jolie et autres (dossiers de la Commission 166–2–21409, 21410 et 21432), plus particulièrement le dernier paragraphe, qui se trouve à la page 13 :

Les fonctionnaires sont convaincus que le fait d'être CA les aide beaucoup lorsqu'ils discutent de questions fiscales avec les sociétés imposées, ce qui est peut–être le cas. Cependant, il s'agit là d'une perception personnelle qui n'est pas appuyée sur la preuve. La nécessité de maintenir son agrément de CA est aussi un choix personnel et non, d'après la preuve, une obligation imposée par l'employeur. Je conclus par conséquent que, si le fait de détenir le titre de CA peut être considéré comme une condition de candidature pour un poste de AU, il ne s'agit pas, cependant, d'une condition de l'exercice continu des fonctions du poste, tel qu'il est dit à la clause 42.01 de la convention collective. Les trois griefs sont donc rejetés.

[76]   Même s'il peut être utile à Dre Harper d'être autorisée à exercer, ce n'est pas là une exigence de son poste.

[77]   L'employeur invoque également les décisions rendues dans les affaires Rosendaal et autres (dossiers de la Commission 166–2–22291, 23143 et 23144) et Muller et autres (dossiers de la Commission 166–34–30742 et 30743), dans lesquelles les principes énoncés précédemment ont été appliqués. L'employeur renvoie aux paragraphes 30 à 38 de la décision Muller (précitée).

[78]   L'employeur établit une distinction entre la décision rendue dans l'affaire Chorney et les décisions rendues dans les autres affaires mettant en cause des infirmières en affirmant qu'il existe une différence qualitative entre traiter des personnes et traiter des animaux. La Loi sur la santé des animaux concerne la préservation de la santé des animaux, et, partant, leur destruction. Le T61 est un médicament autorisé par la loi et il n'est pas nécessaire d'être autorisé à exercer comme vétérinaire pour l'administrer.

[79]   L'article E2.01 n'a pas été rédigé en prévision des rares fois où Dre Harper pourrait être appelée à utiliser un médicament contrôlé. La preuve établit que Dre Harper ne risque aucune sanction si elle ne renouvelle pas son permis d'exercer. Elle continuera de s'acquitter de ses tâches de vétérinaire au bureau de Brampton.

Réfutation

[80]   La description de travail (pièce G–4) et la directive portant sur le contrôle de la rage (pièce E–1) ne prouvent pas que l'utilisation de médicaments contrôlés n'est pas une exigence du poste de Dre Harper.

[81]   La question à trancher n'est pas de savoir si Dre Harper ferait l'objet de sanctions disciplinaires ou perdrait son emploi si elle ne renouvelait pas son permis d'exercer. La fonctionnaire contreviendrait aux lois fédérales en administrant des médicaments contrôlés et en obéissant aux consignes de son superviseur dans le cadre de ses fonctions.

[82]   Les faits de l'affaire Lefebvre (précitée) diffèrent des faits de l'espèce. L'affaire mettait en cause des chimistes régis par une loi provinciale. Aucune loi fédérale ne les obligeait à détenir un permis d'exercer, alors qu'il en va autrement en l'espèce.

[83]   L'autre décision citée par l'employeur mettait en cause des comptables agréés. Le fait qu'ils ne fussent pas agrées n'avait aucune incidence sur le plan légal.

[84]   En ce qui concerne l'argument selon lequel les humains possèdent plus de droits que les animaux, la fonctionnaire s'estimant lésée souhaite attirer l'attention sur le fait que le mandat de l'ACIA est de protéger le public canadien contre les animaux. Dre Harper peut être appelée à utiliser des médicaments contrôlés pour s'acquitter de son mandat, et elle le fait. Peu importe la fréquence d'utilisation, elle a un devoir à remplir et elle devrait avoir droit au remboursement de ses droits d'inscription.

Motifs de la décision

[85]   La question que je dois trancher est de savoir si Dre Harper a droit au remboursement de ses droits d'inscription au CMVO.

[86]   Les clauses pertinentes de la convention collective du groupe VM sont les clauses A1.2 et E2.01 :

A1.02 Les parties à la présente convention ont un désir commun d'améliorer la qualité de l'Agence canadienne de l'inspection des aliments, d'appliquer des normes professionnelles et de favoriser le bien–être des employés et l'accroissement de leur efficacité afin que les Canadiens soient servis convenablement et efficacement. Par conséquent, elles sont décidées à établir, dans le cadre des lois existantes, des rapports de travail efficaces à tous les niveaux de l'Agence canadienne de l'inspection des aliments auxquels appartiennent les fonctionnaires faisant partie de l'unité de négociation.

ARTICLE E2 - DROITS D'INSCRIPTION

E2.01 L'Employeur rembourse à l'employé les cotisations ou les droits d'inscription qu'il a versés à un organisme ou à un conseil d'administration lorsqu'un tel versement est indispensable à l'exercice continu des fonctions de son emploi.

[87]   L'employeur exige que Dre Harper satisfasse aux conditions requises pour être autorisée à exercer la profession de vétérinaire et il l'emploie pour ses connaissances spécialisées, mais il refuse de lui rembourser ses droits d'inscription annuels au CMVO. Compte tenu des éléments de preuve dont je dispose, cela va à l'encontre des principes énoncés à l'article A1.02 qui précède.

[88]   En sa qualité de vétérinaire professionnelle, Dre Harper doit prendre des décisions concernant la santé et la vie des animaux. Cela fait partie des tâches qui lui ont été confiées. Lorsqu'elle décide de pratiquer l'euthanasie sur un animal ou d'utiliser un médicament particulier pour calmer un animal afin d'effectuer certains prélèvements, elle ne se porte pas volontaire pour utiliser le permis d'exercer délivré par le CMVO; elle accomplit son travail en conformité avec les normes régissant sa profession.

[89]   À mon sens, le fait que Dre Harper ait continué de payer ses droits d'inscription témoigne de son professionnalisme. J'attire également l'attention sur le fait que Dre Szpakowski et Dr Mraz ont aussi continué de renouveler leur permis d'exercer, en dépit de la politique de l'ACIA. Durant son témoignage, Dre Szpakowski a déclaré que la façon habituelle pour un vétérinaire de prouver qu'il est autorisé à exercer la profession est de détenir un permis d'exercer à proprement dit.

[90]   Dre Szpakowski a précisé qu'il existait trois dérogations à la pratique de l'ACIA de ne pas faire abattre les animaux par les vétérinaires sur le terrain. L'une de ces dérogations s'est appliquée à Dre Harper en 2001, dans une affaire grave de non–conformité où un propriétaire refusait d'abattre ses animaux. Dre Harper a été obligée de se procurer un médicament contrôlé pour éliminer des chats qui étaient vraisemblablement atteints de la rage. C'est parce qu'elle détenait un permis d'exercer que Dre Harper a été en mesure de s'acquitter de ses fonctions dans ce cas–là.

[91]   Dre Harper a décrit les conditions dans lesquelles elle pourrait être appelée, dans le cadre de ses fonctions, à utiliser du pentobarbital sodique, un médicament contrôlé en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et substances et du Règlement sur le contrôle des narcotiques. Or, elle doit détenir un permis d'exercer pour s'acquitter de cette tâche.

[92]   En vertu de La Loi sur les aliments et drogues, les vétérinaires doivent être autorisés à exercer pour se procurer et(ou) distribuer du Xylazine (T61). J'accepte la preuve de Dre Harper selon laquelle, du fait de ses fonctions à l'aéroport et de la directive de l'ACIA, elle est tenue d'utiliser ce médicament et ce, malgré les risques décrits par Dre Szpakowski et ses effets cruels sur les tortues et les autres petits animaux. Ce médicament doit être distribué par le vétérinaire de district. La description de travail de Dre Harper indique qu'elle doit remplacer le vétérinaire de district pendant ses absences. En conséquence, elle doit elle aussi être autorisée à exercer pour se procurer et(ou) distribuer du Xylazine lorsqu'elle remplace le vétérinaire de district.

[93]   L'application de l'article E2.01 est assortie de deux conditions, soit qu'il est nécessaire de payer les droits d'inscription exigés pour être autorisé à exercer la profession et « [qu'] un tel versement est indispensable à l'exercice continu des fonctions de son emploi. »

[94]   La preuve révèle sans contredit que Dre Harper doit être autorisée à exercer pour s'acquitter des fonctions de son poste. Cette exigence est imposée par des lois fédérales, soit la Loi réglementant certaines drogues et substances et la Loi sur les aliments et drogues. En conséquence, Dre Harper a satisfait aux deux conditions prévues dans l'article E2.01.

[95]   Les parties ont convenu qu'il n'existe aucun organisme fédéral autorisant les vétérinaires à exercer à l'échelle nationale et que c'est le CMVO, un organisme provincial, qui décerne les permis d'exercer en Ontario et que, pour conserver son permis, Dre Harper était obligée de payer ses droits d'inscription. Elle satisfait dès lors à la première condition énoncée à l'article E2.01.

[96]   En 2001, le montant des droits d'inscription s'établissait à 561,75 $. Le grief est accueilli et Dre Harper a dès lors droit, en vertu de l'article E2.01, au remboursement de ses droits d'inscription de 561,75 $.

La présidente suppléante,
Evelyne Henry

OTTAWA, le 23 septembre 2002.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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