Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Congé férié reporté - Employeur a eu recours à des employés à temps partiel pour remplacer des employés à temps plein lors de leur congé férié reporté - les fonctionnaires s'estimant lésés contestaient la décision de leur employeur (Conseil du Trésor, Service correctionnel) de faire appel à des employé(e)s à temps partiel pour exécuter leurs fonctions lorsqu'ils bénéficiaient d'un congé reporté - selon les fonctionnaires s'estimant lésés, l'employeur avait eu recours à des employés à temps partiel pour les remplacer lors d'une journée fériée reportée pour une période d'environ trois mois, soit d'avril à juin 2000 - les fonctionnaires s'estimant lésés ont soumis que l'article 26 de la convention collective concernant les jours fériés désignés payés n'a pas été modifié au moment de la dernière ronde de négociations, et que par le passé l'employeur comblait les postes vacants des jours fériés reportés par les employés réguliers alors en congé férié ou en congé férié reporté selon le cas - l'arbitre de grief a indiqué qu'il était clair que les parties désiraient que les heures supplémentaires soient distribuées « équitablement » aux employés en congé férié et (ou) en congé férié reporté et que l'affectation de travailleurs à temps partiel sur les postes vacants des jours fériés reportés par l'employeur ne respectait pas cette intention d'équité manifeste - l'arbitre de grief décida qu'il devait déterminer si les termes « les postes vacants du jour férié » s'appliquaient seulement à un jour désigné férié précisé au paragraphe 26.01 ou s'ils s'appliquaient aussi au jour férié qui est reporté suivant le paragraphe 26.03 - l'arbitre de grief a conclu que comme les employés qui bénéficient d'un congé le jour où le congé férié a été reporté sont considérés en congé férié et non pas en jour de congé selon le paragraphe 26.03, ils devaient être inclus parmi les « employés en congé férié payé » auxquels l'employeur doit offrir le temps supplémentaire - l'arbitre de grief a conclu qu'une fois que l'employeur admet qu'il doit offrir les heures supplémentaires aux employés en congé férié, l'employeur devait le faire en conformité avec les dispositions de la convention collective et il était tenu de répartir les heures parmi les employés en congé férié reporté suivant le sens où l'entendait cette convention collective - l'arbitre de grief a accueilli les griefs et ordonné à l'employeur de rémunérer, suivant le paragraphe 26.05, les fonctionnaires pour le travail qu'ils auraient dû effectuer lors des journées fériées reportées en cause. Griefs accueillis. Décisions citées :Hudgins (166-2-21517); Canada (Procureur général) c. Hudgins (A-1086-91 C.F.A.); Harnish (166-2-22121, 22167, 22280 et 23813 à 23820).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2002-08-12
  • Dossier:  166-02-30927 à 30929
  • Référence:  2002 CRTFP 73

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

GÉRARD SAINDON, MICHEL EAST
ET CHANTAL AUBERTIN

fonctionnaires s'estimant lésés

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Solliciteur général Canada - Service correctionnel)

employeur

Devant :  Léo-Paul Guindon, commissaire

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés :  Me John Mancini, avocat

Pour l'employeur :  Me Karl Chemsi, avocat


Affaire entendue à Montréal (Québec),
le 11 mars 2002.

[1]   Les fonctionnaires s'estimant lésés contestent par griefs la décision de leur employeur (Conseil du Trésor, Service correctionnel) de faire appel à des employé(e)s à temps partiel pour exécuter leurs fonctions lorsqu'ils bénéficient d'un congé férié reporté.

[2]   Les parties conviennent que les stipulations de la convention collective intervenue le 2 avril 2001 entre le Conseil du Trésor et l'UNION OF CANADIAN CORRECTIONAL OFFICERS - SYNDICAT DES AGENTS CORRECTIONNELS DU CANADA - CSN pour le groupe Service correctionnel (Codes 601 et 651, date d'expiration : le 31 mai 2002) (pièce G-1) s'appliquent aux présents dossiers, les clauses pertinentes aux griefs n'ayant pas été modifiées lors de la dernière ronde de négociations.

[3]   La journée fériée du 24 juin 2000, la St-Jean-Baptiste, coïncidait avec une journée de repos pour Gérard Saindon et elle a été reportée au premier jour de travail suivant ce congé, soit le 26 juin 2000. Monsieur Saindon a profité d'un jour férié reporté le 26 juin 2000 et un employé à temps partiel a été assigné pour le remplacer à son poste cette journée-là.

[4]   La journée fériée du 21 avril 2000, le vendredi saint, coïncidait avec une journée de repos pour Michel East et Chantal Aubertin. Ces deux employés ont profité d'une journée fériée reportée le 22 avril 2000. Des employés à temps partiel ont assumé leurs fonctions pour la journée du 22 avril 2000.

[5]   Selon les fonctionnaires s'estimant lésés l'employeur a eu recours à des employés à temps partiel pour les remplacer lors d'une journée fériée reportée pour une période d'environ trois mois, soit d'avril à juin 2000. Pour les périodes précédant ou suivant ces trois mois, l'employeur utilise les fonctionnaires en congé férié reporté pour assumer leurs fonctions en les payant au taux supplémentaire à tarif et demi. Selon le témoignage de Michel East, il n'est pas nécessaire que le fonctionnaire en congé férié reporté se déclare disponible pour effectuer des heures supplémentaires lors des journées fériées reportées, l'assignation en temps supplémentaire étant automatique. Michel East et Chantal Aubertin ont déclaré leur disponibilité pour effectuer des heures supplémentaires le 26 juin 2000 sur la liste prévue à cette fin alors que Gérard Saindon ne l'a pas fait (pièce E-2).

[6]   Chantal Aubertin a occupé le poste d'agent de correction à temps partiel de 1995 à 1997 et corrobore que les travailleurs à temps partiel n'étaient pas appelés à ce moment à remplacer les employés à temps plein lorsque ces derniers étaient en congé férié reporté. Elle a eu un contrat annuel en 1997 et elle est employée pour une durée indéterminée depuis novembre 1998.

[7]   Gérard Vigneault occupant un poste de CX-3 à l'Établissement Leclerc depuis 28 ans témoigne au fait que la procédure de remplacement des fonctionnaires pour les jours fériés est différente de celle employée pour les jours fériés reportés. Les remplacements des fonctionnaires lors des congés fériés sont assumés par des fonctionnaires réguliers en congé férié qui ont inscrit leur nom sur la liste de disponibilité pour le temps supplémentaire. Celui qui a accumulé le moins d'heures supplémentaires est appelé le premier. Dans le cas du remplacement d'un fonctionnaire lors d'un jour de congé férié reporté, l'employeur fait appel à des fonctionnaires à temps partiel (payés au taux de salaire régulier) en premier lieu. Advenant qu'aucun employé à temps partiel ne soit disponible, il fait alors appel à l'employé régulier ayant cumulé le moins de temps supplémentaire et qui a inscrit son nom sur la liste de disponibilité pour le temps supplémentaire (pièce E-2).

[8]   Gérard Vigneault témoigne que, avant avril 2000, il n'y avait pas d'employés à temps partiel et que la pratique contestée par les griefs n'a été appliquée que durant quelques mois. Depuis environ deux ans, il n'y aurait plus d'employés à temps partiel au Service correctionnel. En faisant appel à des employés à temps partiel pour assumer le remplacement des employés en congé férié reporté, l'employeur gère mieux ses budgets tout en respectant les stipulations de la convention collective.

[9]   Les dispositions pertinentes de la convention collective (Codes 601 et 651, date d'expiration 31 mai 2002) se lisent comme suit (pièce G-1).

[...]

ARTICLE 21

DURÉE DU TRAVAIL ET HEURES SUPPLÉMENTAIRES

[...]

Généralités

[...]

21.10 Répartition des heures supplémentaires

Sous réserve des nécessités du service, l'Employeur fait tout effort raisonnable pour :

  1. répartir les heures supplémentaires de travail sur une base équitable parmi les employé-e-s qualifiés facilement disponibles,

  2. attribuer du travail en temps supplémentaire aux employé-e-s faisant partie du même groupe et niveau par rapport au poste à combler, p. ex. CX-1 à CX-1, CX-2 à CX-2, etc.,

    et

  3. donner aux employé-e-s, qui sont obligés de travailler des heures supplémentaires, un préavis suffisant de cette obligation.

[...]

21.12  Rémunération du travail supplémentaire

L'employé-e a droit à une rémunération à temps et demi (1 1/2) sous réserve du paragraphe 21.13 pour chaque heure supplémentaire de travail supplémentaire exécutée par lui.

21.13

Sous réserve du paragraphe 21.14, tout employé-e a droit au tarif double (2) pour chaque heure supplémentaire de travail effectuée par lui,

  1. un deuxième (2e) jour de repos ou un (1) jour de repos subséquent (deuxième (2e) jour de repos ou jour de repos subséquent désigne le deuxième (2e) jour, ou le jour subséquent d'une série ininterrompue de jours de repos civils consécutifs et accolés),

  2. ou

  3. après huit (8) heures de travail supplémentaire dans une journée civile,

  4. ou

  5. en excédent de huit (8) heures consécutives supplémentaires dans toute période accolée de travail supplémentaire,

  6. dans un cas d'urgence, tel que déterminé par l'Employeur, lorsqu'un employé-e est tenu de travailler plus de vingt-quatre (24) heures consécutives, il doit être rémunéré au tarif double (2) pour toutes les vingt-quatre (24) heures.

[...]

ARTICLE 26

JOURS FÉRIÉS DÉSIGNÉS PAYÉS

26.01

Sous réserve du paragraphe 26.02 les jours suivants sont des jours fériés désignés payés pour les employé-e-s;

[...]

  1. le Vendredi saint,

[...]

  1. un (1) autre jour dans l'année qui, de l'avis de l'Employeur, est reconnu comme jour de congé provincial ou municipal dans la région où travaille l'employé-e ou dans toute région où, de l'avis de l'Employeur, un tel jour additionnel n'est pas reconnu en tant que congé provincial ou municipal, le premier lundi d'août.

[...]

26.03

Lorsqu'un jour désigné comme jour férié en vertu du paragraphe 26.01 coïncide avec le jour de repos d'un employé-e, le jour férié est reporté au premier (1er) jour de travail à l'horaire de l'employé-e qui suit son jour de repos. Lorsqu'un jour qui est un jour férié désigné est reporté de cette façon à un jour où l'employé-e est en congé payé, il est compté comme un jour férié et non comme un jour de congé.

Lorsque deux (2) jours désignés comme jours fériés en vertu du paragraphe 26.01 coïncident avec les jours de repos consécutifs d'un employé-e, les jours fériés sont reportés aux deux (2) premiers jours de travail prévus à son horaire qui suivent les jours de repos. Lorsque les jours désignés comme jours fériés sont ainsi reportés à des jours où l'employé-e est en congé payé, ils sont comptés comme des jours fériés et non comme des jours de congé.

26.04

Lorsqu'un jour désigné comme jour férié à l'égard d'un employé-e est reporté à un (1) autre jour en vertu des dispositions du paragraphe 26.03:

  1. le travail accompli par l'employé-e le jour à partir duquel le jour férié a été reporté est considéré comme du travail accompli un jour de repos,

    et

  2. le travail accompli par l'employé-e le jour auquel le jour férié a été reporté est considéré comme du travail accompli un jour férié.

26.05

Lorsqu'un employé-e travaille pendant un jour férié, il est rémunéré à tarif et demi (1 1/2) pour toutes les heures effectuées jusqu'à concurrence du nombre d'heures journalières normales prévues à son horaire tel qu'indiqué à l'article 21 de la présente convention collective, et à tarif double (2) par la suite, en plus de la rémunération qu'il aurait reçue s'il n'avait pas travaillé ce jour-là.

26.06

Lorsque l'employé-e est tenu de se présenter au travail un jour férié et qu'il se présente effectivement au travail, il touche le plus élevé des deux montants suivants:

  1. une rémunération calculée selon les dispositions du paragraphe 26.05;

    ou

  2. trois (3) heures de rémunération calculée au taux des heures supplémentaires applicable.

[...]

26.10

Sous réserve des nécessités du service, l'Employeur fait tout effort raisonnable pour répartir, sur une base équitable, le travail sur les postes vacants du jour férié aux employés en congé férié payé qualifiés et facilement disponibles.

[...]

Les arguments

[10]   Le procureur des fonctionnaires s'estimant lésés soumet que l'article 26 relatif aux jours fériés désignés payés n'a pas été modifié par la dernière ronde de négociations. Par le passé l'employeur comblait les postes vacants des jours fériés ou des jours fériés reportés par les employés réguliers alors en congé férié ou en congé férié reporté selon le cas. Les pratiques passées doivent être maintenues lorsque les parties n'ont pas modifié les textes pertinents de la convention collective. La preuve démontre que l'employeur a fait appel à des employés à temps partiel sur une période de trois mois seulement, d'avril à juin 2000, pour combler les postes laissés vacants par les employés réguliers durant les journées fériées reportées.

[11]   L'employeur n'a pas respecté le paragraphe 26.10 de la convention qui prévoit clairement que l'employeur doit faire appel aux employés en congé férié payé pour effectuer le travail des postes vacants du jour férié.

[12]   En ses réponses aux divers paliers de la procédure des griefs, l'employeur soutient qu'il peut faire appel aux employés à temps partiel pour remplacer les employés lors des jours fériés reportés car le paragraphe 26.10 ne s'appliquerait que pour les remplacements lors d'un congé férié. L'employeur pourrait ainsi faire appel à des employés à temps partiel pour des remplacements à moindre coût lors des congés fériés reportés. Cette interprétation vide de sens le paragraphe 26.10 de la convention collective qui précise qu'il est question de répartir le travail sur les postes vacants du jour férié et non pas le jour férié.

[13]   Pour le procureur de l'employeur, les fonctionnaires s'estimant lésés ne se sont pas acquittés du fardeau de la preuve. Le paragraphe 26.03 de la convention collective prévoit le report du congé férié, lorsqu'il coïncide avec un jour de repos, au premier jour de travail apparaissant à l'horaire de l'employé qui suit son jour de repos. Dans les griefs soumis, l'employeur a reporté le jour férié au premier jour de travail des fonctionnaires suivant leur jour de repos.

[14]   Le paragraphe 26.10 précise que l'employé a le droit d'être rappelé en temps supplémentaire lors des jours fériés et non pas lors des jours fériés reportés. Selon l'alinéa 2.01i) « jour férié » est défini comme un jour désigné comme férié payé à la convention collective. Une liste exhaustive des jours fériés est spécifiée au paragraphe 26.01 et les jours du 22 avril et du 26 juin n'en font pas partie. L'employeur peut faire appel aux employés à temps partiel pour combler les postes lors des journées fériées reportées ce qui ne lui est pas interdit par le paragraphe 26.01. Si les parties avaient voulu inclure le droit au remplacement en temps supplémentaire pour les jours fériés reportés, elles l'auraient précisé clairement.

[15]   De plus, les fonctionnaires s'estimant lésés n'ont pas démontré qu'ils étaient en droit d'être rappelés pour effectuer du temps supplémentaire parce qu'ils seraient ceux ayant accumulé le moins d'heures supplémentaires.

[16]   Les décisions suivantes ont été déposées par le procureur de l'employeur à l'appui de son argumentation : Guillemette c. Conseil du Trésor (Revenu Canada Douanes et Accise) (dossier de la Commission 166-2-17484); Joyce c. Conseil du Trésor (Transport Canada) (dossier de la Commission 166-2-15246); Boughton c. Conseil du Trésor (Approvisionnements et Services Canada) (dossiers de la Commission 166-2-14485 à 166-2-15002); Canada (Conseil du Trésor) c. A.C.C.T.A. (23 octobre 1986), A-171-86 (C.F.A.).

Motifs de la décision

[17]   Les faits relatifs aux présents dossiers ne sont pas contestés. Dans les dossiers de Michel East et de Chantal Aubertin, le congé férié du Vendredi saint (le 21 avril 2000) coïncidait avec leur jour de repos et a été reporté au premier jour de travail suivant le jour de repos, soit le 22 avril 2000. Dans le dossier de Gérard Saindon, le congé férié du 24 juin 2000 coïncidant avec un jour de repos fut reporté au 26 juin 2000. Ces reports de jours fériés ont été effectués conformément au paragraphe 26.03 de la convention collective.

[18]   Les griefs allèguent que les fonctionnaires en congé férié reporté ont droit d'être rappelés au travail sur les postes vacants du jour férié reporté sur la foi du paragraphe 26.10 de la convention collective. Les fonctionnaires s'estimant lésés soumettent que l'employeur n'a pas respecté la convention collective lorsqu'il a fait appel à des employés à temps partiel pour effectuer le travail des postes vacants lors des jours fériés reportés. Le représentant des fonctionnaires s'estimant lésés soumet que l'employeur doit offrir le travail en temps supplémentaire aux employés en congé férié reporté conformément au paragraphe 26.10.

[19]   Il s'agit donc d'interpréter l'article 26 de la convention collective traitant des jours fériés désignés payés et de déterminer les droits des employés, stipulés au paragraphe 26.10, en regard de l'attribution des heures supplémentaires pour du travail effectué lors d'une journée fériée reportée. Chacune des dispositions d'une convention collective doit être interprétée en relation avec les autres dispositions et dans l'ensemble de la convention collective.

[20]   Les faits reçus en preuve se rattachent aux jours fériés désignés du Vendredi saint (21 avril 2000) et du congé provincial du 24 juin pour la province de Québec. Ces deux jours sont désignés fériés aux aliénas 26.01b) et k) de la convention collective.

[21]   Les parties ont admis que le report des dits jours fériés au premier jour de travail des employés qui suit leur jour de repos a été effectué conformément au paragraphe 26.03 de la convention collective en chacun des trois dossiers.

[22]   Suivant le paragraphe 26.03, si l'employé est en congé payé le jour férié reporté, ce jour est compté comme un jour férié et non comme un congé.

[23]   Le paragraphe 26.04 détermine comment le travail accompli par l'employé doit être considéré lors du report d'un jour désigné comme férié suivant le paragraphe 26.03. Le travail accompli par l'employé le jour à partir duquel le jour férié a été reporté est considéré comme du travail accompli un jour de repos selon l'alinéa 26.03a). Le travail accompli par l'employé le jour auquel le jour férié a été reporté est considéré comme du travail accompli un jour férié selon l'alinéa 26.03b). Ainsi la convention collective considère différemment le travail accompli le jour à partir duquel le jour férié a été reporté et le travail accompli le jour auquel le jour férié a été reporté. Cette distinction sous-entend que l'employé sera payé en temps supplémentaire sur la foi du paragraphe 26.05 s'il accomplit le travail le jour auquel le jour férié a été reporté et que les paragraphes 21.12 et 21.13 détermineront sa rémunération s'il accomplit le travail le jour à partir duquel le jour férié a été reporté.

[24]   Les dispositions du paragraphe 26.04 créent un droit spécifique à la rémunération aux taux des heures supplémentaires à l'égard d'un employé dont le jour férié est reporté en vertu des dispositions du paragraphe 26.03.

[25]   Le paragraphe 26.05 stipule que l'employé qui travaille pendant un four férié sera rémunéré, en plus de la rémunération qu'il aurait reçue s'il n'avait pas travaillé ce jour-là, soit à tarif et demi, soit à tarif double selon les éventualités précisées. Ainsi l'employé dont le jour férié a été reporté et qui travaille le jour auquel le jour férié a été reporté sera rémunéré suivant le paragraphe 26.05 en appliquant en ce cas l'alinéa 26.04b).

[26]   Le paragraphe 26.06 détermine le montant touché par l'employé qui se présente au travail un jour férié, soit le plus élevé du montant prévu au paragraphe 26.05, soit trois (3) heures au taux des heures supplémentaires applicable.

[27]   Les paragraphes 26.07, 26.08 et 26.09 ne sont d'aucune utilité aux présents dossiers.

[28]   Le paragraphe 26.10 est au cour des griefs soumis et j'ai à déterminer s'il donne des droits aux fonctionnaires s'estimant lésés. En premier lieu, il s'agit de déterminer si les termes « les postes vacants du jour férié » s'appliquent seulement à un jour désigné férié précisé au paragraphe 26.01 ou s'ils s'appliquent aussi au jour férié qui est reporté suivant le paragraphe 26.03.

[29]   Deux conditions doivent être respectées pour que le paragraphe 26.10 reçoive application :

  1. le travail à effectuer doit être « sur les postes vacants du jour férié »; et

  2. le travail doit être offert « aux employés en congé férié payé ».

[30]   Comme « le travail accompli par l'employé-e le jour auquel le jour férié a été reporté est considéré comme du travail accompli un jour férié » selon l'alinéa 26.04b), ce travail doit nécessairement être considéré comme effectué à un poste vacant du jour férié. Le travail effectué le jour auquel le jour férié a été reporté doit être considéré en conséquence comme étant effectué aux postes vacants du jour férié, ce qui respecte la première condition pour que le paragraphe 26.10 reçoive application.

[31]   Comme les employés qui bénéficient d'un congé le jour ou le congé férié a été reporté sont considérés en congé férié et non pas en jour de congé selon le paragraphe 26.03 ils doivent être inclus parmi les « employés en congé férié payé » à qui l'employeur doit offrir le temps supplémentaire. Ainsi la seconde condition pour que le paragraphe 26.10 reçoive application est respectée.

[32]   Ainsi les employés en congé férié « reporté » sont admissibles au travail sur les postes vacants « du jour férié reporté », tout comme ceux qui profitent d'un congé férié (non reporté) sont admissibles au temps supplémentaire pour du travail aux postes vacants « du jour férié ». Comme cette situation correspond à celle des trois fonctionnaires s'estimant lésés aux présents dossiers de griefs, ils étaient en droit d'être considérés par l'employeur aux fins du paragraphe 26.10. En n'offrant pas la possibilité aux fonctionnaires s'estimant lésés d'effectuer, selon les cas, du temps supplémentaire le 22 avril ou le 26 juin 2000, l'employeur n'a pas respecté le paragraphe 26.10 de la convention collective.

[33]   Suivant le libellé du paragraphe 26.10 de la convention collective, l'employeur doit répartir « aux employés en congé férié payé » les heures supplémentaires nécessaires pour combler « les postes vacants du jour férié ». Ainsi, pour une journée fériée et/ou pour une journée fériée reportée, l'employeur doit répartir le travail supplémentaire parmi les employés en congé férié (et/ou en congé férié reporté). Il n'est pas nécessaire que les employés en congé férié déclarent leur disponibilité pour effectuer du temps supplémentaire en ces jours, leur admissibilité au temps supplémentaire pour ces jours étant spécifiquement précisée au paragraphe 26.10 de la convention collective. Ainsi, les employés en congé férié et/ou en congé férié reporté ne sont pas en compétition avec l'ensemble des employés qualifiés disponibles pour l'accès au temps supplémentaire lors d'un congé férié et/ou d'un congé férié reporté suivant les stipulations du paragraphe 26.10 de la convention collective. Les employés en congé férié et/ou en congé férié reporté doivent être appelés à effectuer du temps supplémentaire aux postes vacants des jours fériés ou des jours fériés reportés en priorité sur les autres employés (non en congé férié et/ou en congé férié reporté) disponibles et qui ont déclaré leur disponibilité sur la liste prévue à cet effet.

[34]   J'ai considéré les décisions soumises par le procureur patronal, mais je donne préférence aux conclusions auxquelles sont arrivés les commissaires Marguerite-Marie Galipeau et A.S. Burke dans les dossiers ci-dessous. En premier lieu, l'employeur admet qu'il répartit entre les employés en congé férié payé le travail sur les postes vacants du jour férié. En conséquence, suivant le raisonnement précité, il doit répartir entre les employés en congé férié reporté le travail sur les postes vacants du jour férié reporté. Je considère qu'une fois que l'employeur admet qu'il doit offrir les heures supplémentaires aux employés assujettis à la convention collective (soit les employés en congé férié), l'employeur devait le faire en conformité avec les dispositions de la convention collective et il était tenu de répartir les heures parmi les employés en congé férié reporté suivant le sens ou l'entendait cette convention collective. Cette façon de procéder a été retenue par la commissaire Marguerite-Marie Galipeau dans Hudgins c. Conseil du Trésor (Défense nationale) (dossier de la Commission 166-2-21517) et cette décision a été maintenue par la Cour fédérale d'appel dans Canada (Procureur général) c. Hudgins (30 septembre 1992), A-1086-91 (C.F.A.).

[35]   De plus, je suis en accord avec le raisonnement suivant précisé par le commissaire A.S. Burke dans Harnish c. Conseil du Trésor (Défense nationale) (dossiers de la Commission 166-2-22121, 22167, 22280 et 23813 à 23820) :

[...]

À mon avis, la décision rendue dans Hudgins (supra) ne montre pas que l'employeur, lorsqu'il répartit des heures supplémentaires de chef d'équipe, a le droit de mettre entièrement de côté les employés membres de l'unité de négociation des chefs d'équipe pour offrir ce travail aux employés faisant partie d'autres unités de négociation.

Si je devais accepter l'argument selon lequel, sans égard à la clause B1-08 de la convention collective, l'employeur pouvait ne pas tenir compte des chefs d'équipe disponibles et offrir du travail supplémentaire de chef d'équipe à des employés qui n'étaient pas des chefs d'équipe, je me trouverais à dire que, bien que l'employeur eût convenu de " [faire] tout effort raisonnable pour [...] répartir équitablement les heures supplémentaires parmi les employés qualifiés disponibles" , il pouvait décider, par exemple, que dans toutes les circonstances, il n'offrirait pas aux chefs d'équipe le travail supplémentaire de chef d'équipe mais le confierait plutôt aux employés faisant partie d'autres unités de négociation.

Il est clair que les deux parties souhaitaient que les heures supplémentaires soient distribuées « équitablement », au sens où on entend ce terme à la clause B1-08. Ce serait le comble de l'iniquité si, en dépit de cette intention manifeste d'assurer la répartition « équitable » du travail supplémentaire des chefs d'équipe, l'employeur pouvait ne tenir aucun compte du groupe entier d'employés faisant partie de l'unité de négociation des chefs d'équipe lorsqu'il assigne des heures supplémentaires.

À mon avis, la prémisse fondamentale sur laquelle repose la clause B1-08 - et c'était là, selon moi, l'intention tant de l'employeur que de l'agent négociateur --, c'est que les heures supplémentaires des chefs d'équipe seront d'abord réparties parmi les employés qui sont membres de l'unité de négociation des chefs d'équipe.

[...]

Ainsi, aux présents dossiers, je suis d'opinion qu'il est clair que les parties désiraient que les heures supplémentaires soit distribuées « équitablement » aux employés en congé férié et/ou en congé férié reporté et que l'affectation de travailleurs à temps partiel sur les postes vacants des jours fériés reportés par l'employeur ne respectait pas cette intention d'équité manifeste.

[36]   Advenant le refus par certains employés en congé férié et/ou en congé férié reporté d'effectuer du temps supplémentaire en ces jours fériés, les heures supplémentaires peuvent être alors offertes à l'ensemble des employés selon l'article 21. Suivant cette éventualité, le paragraphe 26.10 ne pourrait pas s'appliquer aux employés disponibles qui ne sont pas en congé férié et/ou en congé férié reporté pour combler le poste vacant car le paragraphe 26.10 ne peut s'appliquer qu'aux employés en congé férié et/ou en congé férié reporté. En cette éventualité, le paragraphe 21.10 devrait recevoir application pour répartir équitablement les heures supplémentaires de travail parmi les employé-e-s qualifié-e-s et disponibles. Je n'ai pas à préciser de quelle façon le paragraphe 21.10 devrait être appliqué, cette question étant étrangère aux griefs en cause.

[37]   Ainsi, malgré le fait que les trois fonctionnaires s'estimant lésés n'ont pas déclaré leur disponibilité pour effectuer du temps supplémentaire, respectivement pour le 22 avril 2000 pour Michel East et Chantal Aubertin et pour le 26 juin 2000 pour Gérard Saindon, l'employeur était tenu de leur offrir en vertu de l'article 26 de la convention collective.

[38]   Les griefs sont accueillis et j'ordonne à l'employeur de rémunérer, suivant le paragraphe 26.05, les fonctionnaires pour le travail qu'ils auraient dû effectuer lors des journées fériées reportées en cause, soit pour la journée fériée reportée du 22 avril 2000 pour Michel East et Chantal Aubertin, et soit pour la journée fériée reportée du 26 juin 2000 pour Gérard Saindon.

Léo-Paul Guindon
commissaire

OTTAWA, le 12 août 2002.

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