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Résumé :

Rémunération provisoire - le 15 août 2001, la fonctionnaire s'estimant lésée, une vétérinaire de district au niveau VM-02, a déclaré s'être fait confier en mai 2000 des fonctions supplémentaires qui, selon elle, justifiaient la reclassification de son poste au niveau VM-03 - elle a donc réclamé une rémunération provisoire à ce niveau à partir de mai 2000 - l'arbitre a déclaré que la question à trancher était celle de savoir si la fonctionnaire s'estimant lésée a exercé les fonctions de base d'une classification supérieure, celle de gestionnaire de l'inspection, au niveau VM-03 - d'après l'arbitre, la preuve produite par la fonctionnaire s'estimant lésée et le gestionnaire de l'inspection de la région du nord-est de l'Ontario a établi que la fonctionnaire s'estimant lésée s'était acquittée de certaines des fonctions d'un gestionnaire de l'inspection dans le District de Peterborough - toutefois, les fonctions d'un gestionnaire de l'inspection ont plus d'envergure, au niveau régional, qu'au niveau du district - en outre, la plus vaste gamme de responsabilités d'un gestionnaire de l'inspection au niveau régional est inhérente à la nature de ses fonctions - l'arbitre a donc conclu que la fonctionnaire s'estimant lésée n'avait pas exercé les fonctions de base d'un gestionnaire de l'inspection. Grief rejeté. Décision citée :Stagg (1993), 71 F.T.R. 307.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2002-09-03
  • Dossier:  166-32-31151
  • Référence:  2002 CRTFP 82

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

SANDRA SHEARER

fonctionnaire s'estimant lésée

et

L'AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS

employeur

Devant : Guy Giguère, président suppléant

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée : Steve Eadie, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur : Robert H. Jaworski, avocat


Affaire entendue à Toronto (Ontario),
les 25 et 26 juin 2002.

[1]   Dre Sandra Shearer est vétérinaire de district au Bureau de district de Peterborough, en Ontario, de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (l'Agence), au niveau VM–02. Le 15 août 2001, elle a présenté un grief en déclarant s'être fait confier en mai 2000 des fonctions supplémentaires qui, selon elle, portaient sur la classification de son poste au niveau VM–03. Elle a donc réclamé une rémunération provisoire à ce niveau à partir de mai 2000.

[2]   L'employeur a rejeté le grief, indiquant qu'il était redondant des griefs de Dre Shearer et d'autres vétérinaires déposés en décembre 2000, parce qu'ils estimaient que la description de leurs tâches ne reflétait pas correctement leurs fonctions. L'employeur a expliqué qu'il avait conclu une entente avec l'agent négociateur, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l'Institut), à l'effet que ces griefs resteraient en suspens jusqu'à ce que la mise à jour de la description de tâches des VM soit terminée.

[3]   Le 19 juin 2002, Me Jaworski a écrit à M. Eadie, avec copie à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission), que l'employeur s'opposerait au grief de Dre Shearer parce qu'il le jugeait irrecevable, conformément à la clause D6.09 de la convention collective du groupe VM. Me Jaworski ajoutait que l'employeur allait contester la compétence de la Commission d'entendre l'affaire, en se fondant sur l'article 7 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la Loi), puisque le grief portait de toute évidence sur une question de classification.

La preuve

[4]   Dre Shearer a expliqué que l'Agence était en pleine réorganisation au début de 2000. En mai 2000, Kenneth Murray, un gestionnaire de l'inspection de la Région du Nord-est de l'Ontario, de qui elle relève, lui a confié de nouveaux programmes à gérer. Dre Shearer siégeait à l'époque à l'Exécutif national de l'Institut; elle savait que plusieurs autres vétérinaires de l'Agence s'étaient aussi vu confier de nouveaux programmes. L'Institut était disposé à accepter que ses membres assument des fonctions additionnelles jusqu'à ce que l'organisation définitive de l'Agence soit en place. Dre Shearer pensait que la direction allait finir par se pencher sur la situation, jusqu'à ce que l'employeur l'informe que son poste de vétérinaire n'avait pas suffisamment changé pour justifier une reclassification.

[5]   Le 11 décembre 2000, Dre Shearer et plusieurs autres vétérinaires de l'Agence ont présenté des griefs en déclarant que l'employeur ne leur avait pas fourni une description de tâches complète et à jour. Dre Shearer a déclaré que, par suite de ce grief, elle a reçu de Vickie Therrien, la directrice régionale de la Région du Nord-est, une description de tâches (pièce G–1) pour son poste. Cette description de tâches datait de 1993 et ne faisait pas état des programmes supplémentaires qu'on lui avait confiés en mai 2000.

[6]   Le 16 mai 2001, Dre Shearer a envoyé à M. Murray un courriel (pièce E–2) précisant qu'elle avait reçu une lettre de Mme Therrien l'informant que la description de tâches en question (pièce G–1) reflétait fidèlement ses fonctions. Elle a donc informé M. Murray que, comme la description de tâches exigeait seulement qu'elle assume des fonctions du programme de santé animale, elle n'assumerait plus de fonctions des autres programmes, en lui renvoyant ces questions–là.

[7]   En contre-interrogatoire, M. Murray a expliqué qu'il avait déduit du courriel (pièce E–2) de Dre Shearer que les nouvelles fonctions qui lui avaient été confiées n'étaient pas reflétées dans sa description de tâches et qu'elle refusait d'assumer la responsabilité de résoudre les problèmes relatifs à ces nouvelles fonctions.

[8]   M. Murray a demandé à Dre Shearer si elle assumerait ces fonctions supplémentaires si elles étaient ajoutées à sa description de tâches. Elle a répondu par l'affirmative, en lui demandant de réclamer une révision de la classification de la description de tâches qu'elle avait reçue, puisqu'elle était convaincue que ces fonctions supplémentaires justifiaient un niveau plus élevé pour son poste.

[9]   Une nouvelle description de tâches du poste de vétérinaire de district occupé par Dre Shearer au District de Peterborough a été produite (pièce G–3). Tant Dre Shearer que M. Murray reconnaissaient que cette nouvelle description reflétait toutes les fonctions dont Dre Shearer s'acquittait. M. Murray l'a envoyée à Dana Holmes, de l'Agence, en lui demandant de la faire évaluer pour fins de classification.

[10]   Dre Shearer a témoigné que l'employeur avait répondu que la nouvelle description de tâches serait versée à son dossier, mais pas envoyée à la classification. Le 15 août 2001, elle a donc déposé deux griefs, le premier demandant que sa nouvelle description de tâches soit envoyée à la classification, le second étant le grief en l'espèce, réclamant une rémunération provisoire.

[11]   Le 11 juin 2002, Sheila Hoffman, directrice régionale par intérim de la Région du Nord-est de l'Ontario, a écrit à Dre Shearer pour l'informer qu'une révision de la classification de son poste fondée sur la nouvelle description de tâches s'était conclue par sa classification au niveau VM–02 à compter du 15 mai 2000. Après avoir été informée de cette classification après révision, Dre Shearer a retiré le premier de ses deux griefs du 15 août 2001, dans lequel elle réclamait que sa nouvelle description de tâches soit envoyée à la classification.

[12]   En ce qui concerne le grief en l'espèce, réclamant une rémunération provisoire, Dre Shearer a témoigné s'acquitter de plusieurs des fonctions figurant dans la description de tâches des gestionnaires de l'inspection. Les postes de ces gestionnaires sont classifiés à un niveau plus élevé que le sien (VM–02) dans quatre groupes différents, aux niveaux BI–04, AG–04, VM–03 et PM–06. M. Murray a expliqué que ces quatre classifications avaient été créées afin que les candidats retenus pour ces postes puissent venir de différentes spécialités. La description de tâches du gestionnaire de l'inspection (pièce G–2) est celle d'un poste au niveau régional, ce qui la distingue de la description de tâches d'un vétérinaire de district (pièce G–3), qui est au niveau du district. La description de tâches du gestionnaire de l'inspection précise que ce poste est au niveau de l'« area » (région). Dre Shearer a expliqué que la description de tâches est générique et que le terme employé en Ontario est « region » (région). Les gestionnaires de l'inspection de la Région du Nord-est de l'Ontario sont responsables d'une partie seulement de la région, puisque cette région est divisée en trois. M. Murray est responsable du secteur central de la Région du Nord-est, dont le District de Peterborough relève. Comme sa nouvelle description de tâches (pièce G–3) l'indique, Dre Shearer relève du gestionnaire de l'inspection - à savoir M. Murray - et son poste comprend l'exécution de plusieurs programmes dans son district.

[13]   M. Murray a expliqué que même si Dre Shearer s'acquitte de plusieurs des mêmes fonctions que lui, il a, en sa qualité de gestionnaire de l'inspection, comparativement plus de responsabilité et de pouvoirs à leur égard. Il a, par exemple, plus de responsabilités en ce qui concerne les mesures disciplinaires, la gestion financière et celle des ressources matérielles, de même que sur le plan géographique, puisque sa sphère de responsabilité s'étend de la rue Yonge, à Toronto, à la région de Peterborough vers l'est et au lac Simcoe vers le nord. Il est responsable d'un plus grand nombre de bureaux et doit assumer la responsabilité d'une plus vaste gamme de fonctions, de programmes et de problèmes, ainsi que diriger plus de personnel (environ 60 fonctionnaires).

[14]   En contre-interrogatoire, M. Murray a témoigné que Dre Shearer est extrêmement compétente et capable de travailler de façon autonome à de nombreux égards.

[15]   Dre Shearer a expliqué que, dans le District de Peterborough, elle est responsable de sept fonctionnaires : cinq inspecteurs, un commis et un vétérinaire VM–01. Elle leur assigne les tâches et s'assure qu'ils s'en acquittent quand c'est du travail de routine. En cas de problème, elle intervient afin qu'on prenne les mesures nécessaires pour le régler.

Arguments

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée

[16]   M. Eadie soutient que, lorsque l'employeur exige qu'un fonctionnaire assume une grande partie des fonctions d'un poste de niveau plus élevé que le sien sans le rémunérer en conséquence, l'intéressé n'a d'autre recours que de réclamer une rémunération provisoire en vertu de la convention collective applicable. La clause G1.08 de la convention collective conclue entre l'Agence et l'Institut à l'égard de l'unité de négociation du groupe Médecine vétérinaire (VM), date d'expiration : 2000/09/30, empêche l'employeur de s'abstenir de doter un poste d'un niveau de classification plus élevé et de confier ses fonctions à l'occupant d'un poste d'un niveau de classification moins élevé.

[17]   M. Eadie déclare qu'un arbitre nommé en vertu de la Loi a compétence pour instruire un grief réclamant une rémunération provisoire comme celui–ci, qui diffère d'un grief de classification, comme la Division de première instance de la Cour fédérale l'a déclaré dans Stagg c. Canada (Conseil du Trésor) (1993) 71 F.T.R. 307.

[18]   Dre Shearer a témoigné sur ses fonctions et elle ne prétend pas s'être acquittée de toutes celles d'un gestionnaire de l'inspection. L'employeur avait la responsabilité de lui fournir une description de tâches complète et à jour. Si Dre Shearer avait reçu une telle description de tâches, elle n'aurait pas déposé de grief pour réclamer une rémunération provisoire. Elle ne réclame cette rémunération que pour la période écoulée entre mai 2000 et la date à laquelle sa nouvelle description de tâches a été classifiée, le 11 juin 2002.

[19]   Quant à l'argument de l'employeur sur la recevabilité du grief, la première fois qu'il l'a soulevé, c'était dans la lettre de son avocat datée du 19 juin 2002. La fonctionnaire s'estimant lésée s'oppose à ce que l'employeur la soulève maintenant, alors qu'il ne l'avait jamais fait jusque–là au cours de la procédure de règlement des griefs. L'employeur a donc renoncé à son droit de le faire maintenant. Dre Shearer s'est efforcée de tirer la question au clair avec la direction, qui a reconnu que sa description de tâches ne comprenait pas les nouvelles fonctions.

Pour l'employeur

[20]   Me Jaworski affirme que ce grief est bel et bien un grief de classification. La preuve montre clairement que Dre Shearer a déposé ce grief quand elle a été informée que sa nouvelle description de tâches ne serait pas classifiée.

[21]   La preuve a révélé que les fonctions de Dre Shearer se limitent au Bureau de district de Peterborough. Même s'il y a des ressemblances entre ses fonctions et celles d'un gestionnaire de l'inspection, les responsabilités du second vont au–delà du niveau du district, puisqu'elles sont d'envergure régionale. M. Murray dirige 60 fonctionnaires répartis dans 7 bureaux. Les pouvoirs financiers et les responsabilités de gestion du personnel et des programmes d'un gestionnaire de l'inspection sont plus grandes, de sorte qu'on ne saurait prétendre que Dre Shearer s'est acquittée sur une base quotidienne des fonctions d'un gestionnaire de l'inspection.

[22]   Me Jaworski soutient en outre que le grief de Dre Shearer est hors délai en invoquant l'arrêt de la Cour fédérale Canada (Office national du film) c. Coallier, [1983] A.C.F. no 813 ainsi que la clause D6.09 de la convention collective, le grief ne pouvant porter sur la rémunération que pour la période de 25 jours précédant son dépôt.

Motifs de la décision

[23]   La fonctionnaire s'estimant lésée allègue qu'elle exerçait les fonctions de base d'une classification supérieure (gestionnaire de l'inspection) à titre intérimaire avant le 11 juin 2002, date à laquelle sa nouvelle description de tâches a été classifiée au niveau VM–02 à compter du 15 mai 2000. Après la classification de son poste, Dre Shearer a retiré le grief qu'elle avait déposé le 15 août 2001 demandant que sa nouvelle description de tâches soit classifiée (pièce E–12).

[24]   Comme la Cour fédérale l'a clairement établi dans Stagg, supra, le grief dont je suis saisi en l'espèce, demandant une rémunération provisoire en vertu de la clause G1.08 de la convention collective, n'est pas un redressement incompatible avec l'article 7 de la Loi, comme l'employeur le prétend. Il s'agit en effet de rémunération et non de classification dans ce cas–ci. La clause G1.08 se lit comme il suit :

G1.08 Rémunération provisoire

Lorsqu'un employé est tenu par l'Employeur d'exercer à titre intérimaire les fonctions de base d'une classification supérieure, pendant :

1)   dix (10) jours ouvrables consécutifs pour les niveaux VM–1 à VM–3,

2)   [...]

il touche une indemnité provisoire à compter de la date à laquelle il commence à remplir ces fonctions comme s'il avait été nommé à ce niveau de classification supérieure pour la durée de la période.

[...]

[25]   La question que je dois trancher consiste à savoir si Dre Shearer a exercé les fonctions de base d'une classification supérieure, celle de gestionnaire de l'inspection, au niveau VM–03. La preuve produite par elle et par M. Murray démontre qu'elle s'est acquittée de certaines des fonctions d'un gestionnaire de l'inspection dans le District de Peterborough. Néanmoins, comme le témoignage de M. Murray l'a montré, les fonctions d'un gestionnaire de l'inspection ont plus d'envergure, au niveau régional, qu'au niveau du district. Comparativement aux vétérinaires de district, les gestionnaires de l'inspection ont plus de pouvoirs financiers et plus de responsabilités de gestion. Leur sphère de responsabilité géographique est aussi plus grande, et les questions de gestion du personnel et des programmes qui relèvent de leur autorité sont aussi plus nombreuses. Cette plus grande envergure est inhérente à la nature des fonctions du gestionnaire de l'inspection au niveau régional. Je conclus par conséquent que Dre Shearer n'a pas exercé les fonctions de base d'un gestionnaire de l'inspection.

[26]   Le grief est donc rejeté.

[27]   Dre Shearer a expliqué s'être fait d'abord dire que la description de tâches datant de 1993 reflétait fidèlement ses fonctions. Ensuite, quand on lui a présenté une nouvelle description de tâches, on ne l'a pas assurée qu'elle serait envoyée à la classification.

[28]   Dans sa plaidoirie, M. Eadie a déclaré que ce grief n'aurait pas été déposé si l'employeur avait produit une description de tâches à jour. Je comprends qu'il y ait eu des délais dans la production d'une description de tâches. Je sais aussi que l'Institut et l'Agence s'étaient entendus en mai 2001 pour garder des griefs en suspens. Néanmoins, ces longs délais ont des effets néfastes sur les relations de travail, et ceci devrait être noté par l'employeur.

Guy Giguère,
président suppléant

OTTAWA, le 3 septembre 2002.

Traduction de la CRTFP

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