Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas été appelé pour effectuer des heures supplémentaires conformément au programme d’heures supplémentaires de l’institution - l’employeur lui a offert d’effectuer des heures supplémentaires pour << compenser >> pour les heures << perdues >> après la fin du cycle trimestriel du temps supplémentaire - le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé à être indemnisé pour l’occasion d’effectuer des heures supplémentaires qui ne lui a pas été offerte - l’arbitre a conclu que, bien que le programme d’heures supplémentaires de l’institution ne soit pas partie intégrante de la convention collective, il limite le pouvoir discrétionnaire de l’employeur d’attribuer des heures supplémentaires - le fait que le programme d’heures supplémentaires de l’institution n’a pas été observé en l’espèce n’a pas été remis en question - l’arbitre a conclu que l’offre d’effectuer des heures supplémentaires pour << compenser >> pour l’occasion perdue risquait de porter atteinte aux droits des autres employés et qu’une réparation monétaire serait plus appropriée dans les circonstances - l’arbitre a ordonné le paiement d’heures supplémentaires au taux applicable, soit à tarif et demi. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-08-22
  • Dossier:  166-2-34115
  • Référence:  2005 CRTFP 106

Devant un arbitre de grief



ENTRE

STUART MUNGHAM

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Mungham c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant : Ian R. Mackenzie, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé : Michel Bouchard, UNION OF CANADIAN CORRECTIONAL OFFICERS - SYNDICAT DES AGENTS CORRECTIONNELS DU CANADA - CSN

Pour l'employeur : Craig Rosario, stagiaire en droit


Affaire entendue à Toronto (Ontario),
le 14 juin 2005 .

Grief renvoyé à l'arbitrage

[1]   Stuart Mungham est agent correctionnel (CX-2) à l’établissement Fenbrook à Gravenhurst (Ontario). Il a présenté un grief pour contester la répartition du temps supplémentaire à l’établissement Fenbrook lors d’un quart de travail en particulier, soit celui du 30 décembre 2003. Les conditions d’emploi de M. Mungham sont régies par la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et le UNION OF CANADIAN CORRECTIONAL OFFICERS – SYNDICAT DES AGENTS CORRECTIONNELS DU CANADA – CSN, qui a pris fin le 31 mai 2002 (Codes 601 et 651) (pièce G-1). Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 14 avril 2004.

[2]   Le 1 er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l' « ancienne Loi »).

[3]   Les parties ont déposé un Exposé conjoint des faits (reproduit ci-dessous) et M. Mungham a témoigné. Aucun témoin n’a comparu pour l’employeur.

[4]   Une partie de la mesure corrective demandée dans le cadre du grief porte sur les pratiques de dotation des surveillants correctionnels par intérim. L’employeur a fait valoir que cet élément ne relève pas de ma compétence. Le fonctionnaire s’estimant lésé a affirmé qu’il ne procéderait pas sur cette partie du grief. Par conséquent, je n’ai pas tenu compte de cet aspect du grief.

Résumé de la preuve

[5]   L’Exposé conjoint des faits est libellé comme suit :

[Traduction]

[…]

  1. Le fonctionnaire s’estimant lésé, Stuart Mungham, est un employé du Service correctionnel du Canada.
  2. Il travaille à l’établissement Fenbrook.
  3. À la date de son grief, le fonctionnaire s’estimant lésé était visé par la convention collective du groupe du Service correctionnel conclue entre le Conseil du Trésor et le Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN qui a pris fin le 31 mai 2002.
  4. À la date de son grief, le fonctionnaire s’estimant lésé occupait un poste de groupe et niveau CX-2.
  5. Le fonctionnaire s’estimant lésé est un employé travaillant par postes. Son horaire de travail est réparti par roulement ou de façon irrégulière. Le fonctionnaire s’estimant lésé travaille huit (8) heures par jour.
  6. Le mardi 30 décembre 2003, le fonctionnaire s’estimant lésé devait travailler pendant le quart du soir, soit de 15 h à 23 h (annexe A – Tableau de service de l’établissement Fenbrook).
  7. Le fonctionnaire s’estimant lésé avait indiqué sur la feuille de disponibilité pour heures supplémentaires (annexe B) qu’il était disponible pour effectuer des heures supplémentaires pendant le quart de jour du 30 décembre 2003.
  8. Deux autres employées CX-2 ont été appelées pour effectuer des heures supplémentaires pendant le quart de jour le 30 décembre 2003 (annexe C – Relevé d’appel de l’établissement Fenbrook).
  9. À l’établissement Fenbrook, on fait le suivi du temps supplémentaire en cycles de trois (3) mois. À la fin du cycle de trois (3) mois, tous les employés recommencent à zéro (0) heures supplémentaires accumulées.
  10. Pour déterminer quelles personnes seront appelées pour effectuer des heures supplémentaires, le surveillant correctionnel en service doit consulter le programme de l’établissement Fenbrook sur les heures supplémentaires qui se trouve dans l’ordinateur du surveillant correctionnel en service (annexe D – Manuel des procédures destiné aux surveillants correctionnels). Le surveillant correctionnel en service se sert de ce programme et de la feuille de disponibilité pour heures supplémentaires (annexe B) pour déterminer combien d’heures supplémentaires a accumulé chaque employé au cours du cycle (annexe E – Programme d’heures supplémentaires pour la période d’octobre à décembre 2003). Le nombre d’heures supplémentaires accumulées par chaque employé est arrondi au multiple de quatre (4) inférieur et est inscrit à côté de son nom sur la feuille de disponibilité pour heures supplémentaires (annexe B). Le surveillant correctionnel en service doit appeler en premier l’employé qui possède le moins d’heures supplémentaires sur la feuille de disponibilité (annexe B).
  11. Si plusieurs employés inscrits sur la feuille de disponibilité pour heures supplémentaires (annexe B) possèdent le même nombre d’heures supplémentaires accumulées, le surveillant correctionnel en service doit suivre l’ordre alphabétique de A à Z au premier et au troisième cycles. Dans le cas des deuxième et quatrième cycles, le surveillant correctionnel en service commence à la lettre Z et recule jusqu’à la lettre A.
  12. Le 30 décembre 2003, l’employée CX-2, Leslie Good, a été appelée pour effectuer des heures supplémentaires puisqu’elle avait accumulé le moins d’heures supplémentaires sur la feuille de disponibilité pour heures supplémentaires (annexe B).
  13. Le 30 décembre 2003, l’employée CX-2, Sharon Bradley, a aussi été appelée pour effectuer des heures supplémentaires pendant le quart de jour. Le fonctionnaire s’estimant lésé avait accumulé le même nombre d’heures supplémentaires que la CX-2, Sharon Bradley, mais selon la pratique établie (quatrième trimestre : de Z à A), il aurait dû se faire offrir le quart d’heures supplémentaires avant Mme Bradley.
  14. Le 1 er janvier 2004, le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief (annexe F) dans lequel il allègue que l’employeur (le surveillant correctionnel en service le 30 décembre 2003) n’a pas attribué le temps supplémentaire de la manière convenue dans la convention collective, à la clause 21.10, alinéa a), et dans la politique d’embauche locale de l’établissement.
  15. Au cours du dernier trimestre de 2003, parmi les trente-deux (32) CX-2 de l’établissement Fenbrook qui ont effectué des heures supplémentaires, le fonctionnaire s’estimant lésé occupait le dix-septième (17 e) rang pour le nombre total d’heures supplémentaires (25,5 heures supplémentaires effectuées – annexe D – Programme d’heures supplémentaires pour la période d’octobre à décembre 2003).
  16. Les mesures correctives exigées par le fonctionnaire s’estimant lésé sont les suivantes : 1) être entendu à tous les niveaux; 2) que les surveillants correctionnels n’occupent pas des postes de surveillant correctionnel intérimaire à moins d’avoir réussi un concours et d’être inscrit sur une liste à jour des employés qualifiés de SCC; 3) que je sois indemnisé pour les huit (8) heures à temps et demi parce que je n’ai touché aucune augmentation depuis dix-neuf (19) mois et que ma situation financière devient difficile.
  17. On a offert au fonctionnaire s’estimant lésé la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires pour « compenser » l’erreur commise le 30 décembre 2003. Ce quart compensatoire n’aurait pas compté dans ses heures supplémentaires du prochain cycle. Il a refusé cette offre.

[…]

[6]   L’employeur a précisé que l’offre de quart compensatoire, telle que mentionnée au paragraphe 17 de l’Exposé conjoint des faits, tenait toujours.

[7]   M. Mungham a déclaré qu’il était vice-président de la section locale de son agent négociateur à l’établissement Fenbrook. Il a également affirmé que la politique d’heures supplémentaires existait depuis qu’il était à l’établissement Fenbrook (cinq ans), que l’agent négociateur estimait que la politique était juste et équitable et qu’il s’agissait du mécanisme accepté pour l’attribution des heures supplémentaires à l’établissement Fenbrook. Aucune demande de modification de la politique n’a été présentée par l’agent négociateur ou la partie patronale.

[8]   M. Mungham a déclaré que la mise en oeuvre de la politique avait posé quelques problèmes. Il a expliqué que trois griefs avaient été déposés en 2003 et que la question du temps supplémentaire à l’établissement Fenbrook faisait actuellement l’objet d’au moins 40 griefs. Il a affirmé que quelques surveillants n’ont pas suivi la politique en déclarant : [traduction] « Que vont-ils me faire? »

[9]   M. Mungham a déclaré qu’il était disponible pour travailler le 30 décembre 2003. Il a ajouté que, puisque son épouse est agent de police sur appel 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, il n’était pas souvent disponible pour effectuer des heures supplémentaires.

[10]   M. Mungham a également témoigné que l’employeur ne lui avait offert le quart compensatoire qu’en janvier 2005.

Résumé de l’argumentation

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

[11]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré qu’il s’appuyait sur les alinéas 21.10a) et b) et la clause 21.12 de la convention collective qui prévoient ce qui suit :

21.10 Répartition des heures supplémentaires

Sous réserve des nécessités du service, l'Employeur fait tout effort raisonnable pour :

 

  1. répartir les heures supplémentaires de travail sur une base équitable parmi les employé-e-s qualifiés facilement disponibles,
  2. attribuer du travail en temps supplémentaire aux employé-e-s faisant partie du même groupe et niveau par rapport au poste à combler, p. ex. CX-1 à CX-1, CX-2 à CX-2, etc.

21.12 Rémunération du travail supplémentaire

L'employé-e a droit à une rémunération à temps et demi (1 1/2) […] pour chaque heure supplémentaire de travail supplémentaire exécutée par lui.

[12]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a souligné que la jurisprudence portant sur la répartition du temps supplémentaire n’était pas constante. Toutefois, le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu que l’employeur devait lui offrir une indemnité pour les heures supplémentaires qu’il n’avait pas pu faire et non un quart compensatoire. Il a ajouté que la pratique de l’établissement Fenbrook concernant la répartition du temps supplémentaire avait été appliquée uniformément pendant une longue période et était acceptée à la fois par l’agent négociateur et la direction.

[13]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu que l’octroi d’une réparation en nature (un quart compensatoire) empiéterait sur les droits au temps supplémentaire d’autres employés. Les calculs de temps supplémentaire sont ramenés à zéro au début de chaque trimestre. Si un employeur offre un quart de travail en heures supplémentaires à M. Mungham, une occasion est enlevée à d’autres employés. Le fonctionnaire s’estimant lésé a également souligné qu’il est membre dirigeant de l’agent négociateur. Dans ce cas, l’octroi de dommages-intérêts, d’un montant équivalent à huit heures de travail à temps et demi, est approprié. Cette mesure est justifiée parce qu’à titre de membre dirigeant de l’agent négociateur M. Mungham ne devrait pas être placé dans une situation qui le force à enlever un avantage à un autre membre de l’unité de négociation. Le fonctionnaire s’estimant lésé m’a renvoyé à l’ouvrage Canadian Labour Arbitration, troisième édition, de MM. Brown et Beatty, au paragraphe 2:1423.

[14]   Selon le fonctionnaire s’estimant lésé, comme la période au cours de laquelle la répartition équitable des heures supplémentaires devrait être faite est écoulée, une réparation en nature n’est pas possible (Re 3M Canada Inc.and Energy and Chemical Workers’ Union, Local 294 (1984), 15 L.A.C. (3d) 316). Il a également soutenu que des dommages-intérêts sont appropriés lorsqu’il existe une série d’erreurs constantes (Re Bingo Press & Speciality Ltd. and Retail Wholesale Canada, C.A.W. Division, Local 462 (2002), 107 L.A.C. (4 th) 337). Le fonctionnaire s’estimant lésé a fait allusion à la série d’erreurs commises par des surveillants correctionnels.

[15]   En conclusion, le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu qu’il ne cherchait à punir l’employeur. L’indemnité devrait normalement le placer dans la situation où il aurait dû se trouver et ce sans outrepasser les droits des autres employés.

Pour l’employeur

[16]   L’employeur a fait valoir qu’il n’y avait eu aucun manquement à la convention collective. Le fonctionnaire s’estimant lésé a reconnu que la répartition des heures supplémentaires avait été équitable au dernier trimestre. M. Mungham n’a pas été appelé en raison d’une erreur administrative qui n’a pas donné lieu à répartition inéquitable des heures supplémentaires. Au cours de ce trimestre, M. Mungham occupait le 17 e rang sur 32 en ce qui a trait aux heures supplémentaires. La répartition équitable ne veut pas dire une répartition égale et elle devrait être mesurée sur une période beaucoup plus longue qu’une seule journée (Sumanik c. Conseil du Trésor (Ministère des Transports), dossier de la CRTFP 166-2-395 (1971)). En l’espèce, la période visée est un cycle de trois mois. Il n’existe pas de différences très marquées dans la répartition des heures supplémentaires. L’employeur a souligné que, comme les heures supplémentaires étaient surtout effectuées sur une base volontaire à l’établissement Fenbrook, la répartition équitable de celles-ci dépend également de la disponibilité des employés et cet élément fait partie de l’équation visant à déterminer la répartition équitable.

[17]   L’employeur m’a aussi renvoyé à la décision Armand c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), dossier de la CRTFP 162-2-19560 (1990) (QL), qui confirme l’approche adoptée dans la décision Sumanik, supra. On y précise également que l’approche « instantanée » ne convient pas pour déterminer la répartition équitable des heures supplémentaires. Dans l’affaire Armand, supra, la disposition de la convention collective était très semblable au libellé visé dans le présent grief. L’employeur a également cité Roireau et Gamache c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), 2004 CRTFP 85.

[18]   L’employeur a soutenu que toute cette jurisprudence montre qu’il n’y a jamais eu manquement à la convention collective et qu’il n’existait aucune obligation juridique de la part de l’employeur d’accorder un dédommagement. Toutefois, l’employeur reconnaît que, dans le but de résoudre le différend et dans l’intérêt des bonnes relations de travail, un quart de travail supplémentaire est la réparation indiquée même s’il n’existe aucune obligation juridique de ce faire. Selon l’employeur, le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu que cette solution ferait en sorte qu’il enlèverait une possibilité d’effectuer des heures supplémentaires à un autre employé. Il est important de noter que Mme Bradley a profité d’un quart de travail en heures supplémentaires auquel elle n’avait pas droit. Un quart de travail compensatoire rétablirait l’équilibre qui a été rompu.

[19]   L’employeur a maintenu que la décision 3M Canada Inc., supra, se démarque parce que, dans cette affaire, on a conclu qu’on avait contrevenu à la disposition de la convention collective tandis que, dans la présente affaire, aucune allégation n’a été faite selon laquelle on avait contrevenu à la disposition de la convention collective.

[20]   L’employeur a également fait valoir qu’on n’a pas établi qu’une série d’erreurs avaient été commises à l’établissement Fenbrook et que, pour cette raison, la décision Bingo Press & Speciality Ltd., supra, n’était pas pertinente. On a démontré qu’une erreur administrative avait été commise et le fonctionnaire s’estimant lésé a convenu que la politique relative aux heures supplémentaires était un outil efficace.

[21]   L’employeur a également maintenu qu’une indemnité monétaire ne devrait pas être versée pour des heures non travaillées. Il n’existe aucune obligation juridique d’offrir une telle réparation. Dans l’affaire Hayward c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), dossier de la CRTFP 166-2-17188 (1989) (QL), l’arbitre de grief a ordonné que la prochaine attribution d’heures supplémentaires soit accordée à M. Hayward et que le quart supplémentaire ne soit pas pris en compte dans le calcul des heures supplémentaires. L’employeur m’a aussi renvoyé à l’affaire Brierley c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), dossier de la CRTFP 166-2-15151 (1987) (QL), dans laquelle l’arbitre de grief a souligné que l’effet sur les autres était limité aux employés faisant partie de l’unité de M. Brierley (les agents qui ont profité de son absence dans le roulement pour les heures supplémentaires).

Réplique

[22]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a souligné qu’il n’avait pas reconnu qu’il y avait eu une attribution équitable des heures supplémentaires pour la période visée contrairement à ce qu’avait laissé entendre l’employeur. Le fonctionnaire s’estimant lésé a reconnu que la politique était équitable, et non la manière dont elle avait été administrée dans la présente affaire.

[23]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu que le terme « équitable » dans la convention collective est un terme intangible. Toutefois, le terme équitable a été défini par l’employeur dans sa politique d’une façon jugée acceptable par l’agent négociateur.

[24]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a fait valoir que, dans la décision Sumanik, supra, il était question d’une période d’un an. Dans le cas qui nous occupe, la période d’attribution équitable des heures supplémentaires est de trois mois. Le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu que l’employeur voulait changer les règles du jeu en affirmant que, lorsqu’il commet une erreur, il peut prendre une autre période pour rendre la situation équitable. Du point de vue de l’employeur, on ne définit pas la période applicable à la répartition équitable.

[25]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a fait remarquer qu’il a une vie en dehors du travail et que ses activités l’empêchent d’effectuer de nombreuses heures supplémentaires. Il n’est pas facile de lui en donner la possibilité. Il est important de se rappeler qu’il s’était inscrit à cette occasion.

[26]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a souligné que, en ce qui concerne la position de l’employeur selon laquelle un quart de travail compensatoire rétablirait l’équilibre, il n’est pas certain que c’est Mme Bradley qui serait privée d’une occasion de faire des heures supplémentaires.

[27]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a souligné que, dans la décision 3M Canada Inc., supra, certains aspects de la politique d’attribution des heures supplémentaires étaient inscrits dans la convention collective, mais que d’autres, comme le cadre de 12 mois pour la répartition des heures supplémentaires, avaient été établis au niveau du milieu de travail et non dans la convention collective.

Motifs

[28]   Je loue les efforts des parties qui ont contribué à raccourcir considérablement la durée de l’audience en présentant un Exposé conjoint des faits. Ce document illustre l’attention portée aux ressources limitées de toutes les parties concernées.

[29]   L’employeur a soutenu qu’il n’y avait pas eu contravention à la convention collective, mais a également soutenu qu’il serait approprié de régler la présente affaire en accordant une réparation en nature, soit d’offrir à M. Mungham une autre possibilité d’effectuer des heures supplémentaires. Je ne peux accorder une réparation s’il n’y a pas eu contravention à la convention collective. Pour ce motif, j’ai interprété les arguments de l’employeur sur la réparation appropriée comme étant une solution de rechange. Si l’employeur réussit à démontrer qu’il n’y a pas eu de contravention à la convention collective, alors je n’aurai d’autre choix que de rejeter le grief. Si j’arrive à la conclusion qu’il y a eu contravention à la convention collective, je pourrai ensuite déterminer quelle est la réparation appropriée.

[30]   La convention collective prévoit que l’employeur doit faire tout effort raisonnable pour attribuer du travail en temps supplémentaire sur une base équitable (clause 21.10). L’employeur a adopté et appliqué une politique concernant la répartition des heures supplémentaires (le programme de l’établissement Fenbrook sur les heures supplémentaires). L’arbitrabilité des politiques de temps supplémentaire n’a pas été traitée de façon uniforme dans la jurisprudence arbitrale aux termes de l’ancienne Loi. Dans l’affaire Armand, supra, l’arbitre de grief a conclu que la politique sur les heures supplémentaires ne faisait pas partie de la convention collective et qu’elle ne pouvait donc pas être interprétée par l’arbitre de grief. Dans cette affaire, l’agent négociateur avait soutenu que la politique sur les heures supplémentaires était intégrée à la convention collective par la clause visant les responsabilités de la direction de la convention collective. Dans l’affaire Hayward, supra, l’arbitre de grief a déterminé qu’il avait compétence à l’égard de la politique sur les heures supplémentaires sans discussion. Dans la décision Brierley, supra, la question en litige était la détermination par l’employeur que le fonctionnaire s’estimant lésé était inadmissible à effectuer des heures supplémentaires aux termes de la convention collective. Toutefois, les commentaires de l’arbitre de grief à l’égard de la politique sur les heures supplémentaires sont révélateurs :

[…]

    Personne n'a contesté la méthode que l'on applique traditionnellement à Joyceville à la répartition des heures supplémentaires entre les agents de correction. L'employé s'estimant lésé n'a pas mis en question le système d'accumulation mensuelle de points ni la méthode consistant à offrir le travail supplémentaire en premier lieu à ceux qui ont accumulé le moins de points le mois précédent. J'en conclus donc que l'employé s'estimant lésé reconnaît la méthode en soi comme étant équitable. […]

[31]   Ce passage laisse entendre que la politique sur les heures supplémentaires représente la façon généralement admise d’attribuer les heures supplémentaires de façon équitable, comme l’exige la convention collective. Bien que le document ne fasse pas partie de la convention, il est pertinent à son interprétation et à son application (voir Canadian Labour Arbitration, supra, paragraphe 4 :1220). Le manuel de procédures (annexe D de l’Exposé conjoint des faits) précise que, s’il est nécessaire de recourir au travail en heures supplémentaires, [traduction] « le SC en service doit veiller à ce que toutes les heures supplémentaires soient attribuées de manière rentable et de plus que toutes les heures supplémentaires soient réparties de manière égale entre les employés […] ». En adoptant cette politique, l’employeur a limité son pouvoir discrétionnaire dans l’attribution des heures supplémentaires. M. Mungham a témoigné que l’agent négociateur acceptait cette politique comme étant une méthode équitable d’attribution des possibilités d’effectuer des heures supplémentaires. Il a été démontré que cette politique est appliquée de façon régulière, même si d’autres griefs sont encore non réglés. De cette façon, la politique sur les heures supplémentaires représente la façon généralement admise de répartir de façon équitable les heures supplémentaires. Je conclus par conséquent que la politique sur les heures supplémentaires lie l’employeur. Personne n’a contesté que, selon la politique, M. Mungham aurait dû se faire offrir la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires le 30 décembre 2003. Je conclus donc qu’il y a eu contravention à la convention collective.

[32]   D’après la jurisprudence et le bon sens, il est clair que la réparation pour une telle contravention à la convention collective devrait être une autre possibilité d’effectuer des heures supplémentaires. Comme on l’explique de façon succincte dans la décision Brierley, supra :

[…]

[…] il est généralement admis qu'il est préférable d'accorder à l'employé une réparation en nature qui le dédommage des possibilités qu'il a perdues, à condition que l'on puisse ainsi le rétablir dans sa situation originelle sans empiéter indûment sur les droits d'autres personnes ou produire des effets défavorables sur leur vie.

[…]

[33]   Comme le précise l’arbitre de grief dans la décision Brierley, supra, l’exception à une réparation en nature s’applique lorsqu’une telle réparation empiéterait indûment les droits d’autres personnes. La jurisprudence des arbitres de griefs aux termes de l’ancienne Loi reflétait l’analyse élaborée dans l’affaire 3M Canada Inc., supra, citée par le fonctionnaire s’estimant lésé. Dans la décision Del Monte c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration), dossier de la CRTFP 166-2-15071 (1985) (QL), l’arbitre de grief a statué qu’une réparation en nature ne serait pas appropriée pour certaines dates de temps supplémentaire parce qu’elle « […] aurait un effet négatif sur la vie et l’horaire de travail des autres employés […] ». Dans l’affaire Aiken et al. c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossiers de la Commission 166-2-14761 à 14767 (1985) (QL), l’arbitre de grief s’est fondé sur la décision 3M Canada Inc., supra, pour justifier une indemnité monétaire. L’un des facteurs sur lesquels il s’est appuyé était que l’attribution d’un statut préférentiel aux fonctionnaires s’estimant lésés « pourrait avoir comme conséquence l'affectation ou le déplacement dans d'autres services d'autres employés étrangers à l'affaire ».

[34]   Dans la présente affaire, le fait d’accorder à M. Mungham une possibilité d’effectuer des heures supplémentaires pourrait bien avoir un effet sur les droits d’un autre employé. Le système conçu par l’employeur pour répartir les heures supplémentaires est fondé sur un cycle trimestriel. Le calcul permettant la répartition des heures supplémentaires pour chaque employé est remis à zéro au début de chaque trimestre. Si M. Mungham recevait un quart compensatoire, il priverait ainsi un autre agent d’une possibilité d’effectuer des heures supplémentaires. Il n’y a aucune garantie que c’est M me Bradley, l’employée qui a profité de l’erreur de l’employeur, qui serait touchée. Dans l’affaire Brierley, supra, l’arbitre de grief a ordonné une réparation en nature parce que l’effet était limité aux agents de l’unité de travail du fonctionnaire s’estimant lésé et que ces agents avaient profité de l’absence forcée du fonctionnaire s’estimant lésé du système de roulement normal pour les heures supplémentaires. Tel n’est pas le cas en l’espèce, puisqu’un seul agent a profité de l’erreur commise en n’attribuant pas à M. Mungham le quart de travail supplémentaire. Dans la décision Hayward, supra, une réparation en nature a été accordée. Toutefois, dans cette affaire, la politique sur les heures supplémentaires de l’employeur contenait une disposition de « rattrapage ». Rien ne prouve qu’une telle clause existe dans le programme de l’établissement Fenbrook sur les heures supplémentaires. Dans l’affaire Sumanik, supra, il n’existait pas de politique sur les heures supplémentaires; par conséquent, la disposition générale de répartition équitable prévue à la convention collective s’appliquait. Tel n’est pas le cas en l’espèce. Par conséquent, je conclus que, dans les circonstances, une réparation monétaire est appropriée.

[35]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu qu’une réparation monétaire était également nécessaire en raison d’une omission constante de la part de l’employeur d’appliquer de façon appropriée le programme de l’établissement Fenbrook sur les heures supplémentaires. Aucun élément de preuve n’indique une telle omission constante de la part de l’employeur. De toute manière, je ne suis pas convaincu qu’il devrait s’agir d’un facteur, étant donné sa nature presque punitive. Si des allégations de contravention constante de la convention collective sont faites, la solution est de déposer des griefs à l’égard de ces contraventions. M. Mungham a témoigné que des griefs avaient été déposés.

[36]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a également laissé entendre que je devrais tenir compte de sa position à titre d’agent négociateur officiel dans l’attribution d’une indemnité monétaire. Le statut d’un employé ne devrait avoir aucune incidence sur la réparation accordée, et je n’ai pas tenu compte de ce facteur pour en venir à ma décision.

[37]   Je conclus que l’employeur a contrevenu à la convention collective lorsqu’il a omis d’offrir à M. Mungham d’effectuer des heures supplémentaires le 30 décembre 2003. Dans ces circonstances, la réparation appropriée est une indemnité monétaire. L’employeur n’a pas contesté le fait que la valeur des heures supplémentaires manquées était de huit heures. Par conséquent, j’accorde l’équivalent monétaire de huit heures de temps supplémentaire au taux applicable conformément à la convention collective (soit à temps et demi).

[38]   Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[39]   Le grief est accueilli. J’ordonne que M. Mungham soit indemnisé au tarif approprié prévu par la convention collective, soit à temps et demi, pour une période de huit heures supplémentaires.

Le 22 août 2005.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Ian R. Mackenzie,
arbitre de grief

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