Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a été renvoyé en période de stage - l’employeur a contesté la compétence d’un arbitre de grief au motif qu’il s’agissait d’un renvoi en période de stage conformément à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP) - l’agent négociateur a prétendu qu’il s’agissait en fait d’une mesure disciplinaire déguisée - le fonctionnaire s’estimant lésé avait été nommé à un poste de durée déterminée avant d’obtenir le poste de durée indéterminé dont il a été renvoyé - les problèmes de rendement du fonctionnaire s’estimant lésé ont commencé après sa nomination au poste de durée indéterminée - la lettre de renvoi en période de stage faisait état d’un certain nombre de problèmes de rendement tels que inventaires des stocks en retard, achat de matériel sans bons de commande, distribution du matériel en trop et périmé au personnel, perte de reçus de cartes de crédit, problèmes de contrôle des stocks, travaux d’entretien négligés et mal faits, formation déficiente des détenus pour utiliser le matériel, rapports erronés et en retard et relations inappropriées avec les détenues - la partie de la lettre faisant mention de l’utilisation des fournitures périmées en trop par le fonctionnaire s’estimant lésé a été retirée par l’employeur peu de temps après l’envoi de la lettre mais aucune lettre modifiée n’a été envoyée - alors qu’il était encore employé pour une période déterminée, le fonctionnaire s’estimant lésé a été agressé par un détenu et la police est intervenue - le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré que le directeur adjoint de l’établissement s’était entretenu avec lui et l’avait prévenu qu’il risquait d’avoir des ennuis s’il portait des accusations externes plutôt que des accusations internes contre le détenu - le fonctionnaire s’estimant lésé a ultérieurement indiqué à la police qu’il estimait avoir tout intérêt à ne pas porter d’accusations car il n’avait pas de poste permanent; il a témoigné qu’il craignait de perdre son emploi s’il ne se ravisait pas au sujet des accusations - l’employeur a prétendu qu’il avait souvent eu de la difficulté à trouver le fonctionnaire s’estimant lésé, qui s’éclipsait afin de poursuivre une relation personnelle avec une agente correctionnelle; il a démontré qu’il lui avait remis un appareil radio émetteur-récepteur afin de remédier à cette situation sans lui indiquer toutefois pourquoi on lui fournissait cet appareil - le fonctionnaire s’estimant lésé a prétendu qu’à son retour au travail après deux jours de congé de maladie attestés par un certificat, le directeur adjoint lui avait fait des remarques au sujet de l’utilisation de ses congés de maladie, ce qui l’avait incité à croire qu’on envisageait de sévir contre lui parce qu’il avait pris des congés de maladie - l’arbitre de grief a conclu que certaines allégations contre le fonctionnaire s’estimant lésées étaient sans fondement, mais que l’employeur avait prouvé qu’il avait un motif lié à l’emploi de renvoyer le fonctionnaire en période de stage - il appartenait dès lors au fonctionnaire s’estimant lésé de faire la preuve de la mauvaise foi de l’employeur, or, il ne l’a pas fait - le fonctionnaire s’estimant lésé était en période de stage; il était au courant des interrogations de l’employeur au sujet de son rendement - le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas démontré que l’employeur avait tenu compte des incidents reliés à l’agression commise par le détenu ou de l’utilisation de ses congés de maladie dans sa décision de le renvoyer en période de stage. Grief rejeté faute de compétence.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P–35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-09-12
  • Dossier:  166-2-34499
  • Référence:  2005 CRTFP 139

Devant un arbitre de grief



ENTRE

ROBERT WRIGHT

fonctionnaire s’estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Wright c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P–35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant :  Ian R. Mackenzie, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé :  Douglas Hill, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l’employeur :  Simon Kamel, avocat


Affaire entendue à Halifax (N.–É.),
du 25 au 27 mai et le 10 juin 2005 .

Grief renvoyé à l’arbitrage

[1]   Robert Wright travaillait comme magasinier (GS–STS–04) à l’établissement Nova de Truro (Nouvelle–Écosse). Il a été renvoyé en cours de stage le 2 mars 2004, la date de prise d’effet étant le 2 avril 2004. Son agent négociateur est l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), et M. Wright était assujetti à la convention collective entre le Conseil du Trésor et l’AFPC pour le groupe Services de l’exploitation (date d’expiration : 4 août 2003) (pièce G–1). Le grief a été soumis à l’arbitrage le 15 septembre 2004. La médiation a eu lieu en janvier 2005, mais a été infructueuse.

[2]   Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la nouvelle « Loi »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l’arbitrage de grief doit être décidé conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P–35 (l’« ancienne Loi »).

[3]   Dans une lettre à la Commission datée du 28 octobre 2004, l’employeur a formulé une objection quant à la compétence d’un arbitre de grief pour entendre ce grief, au motif qu’il s’agit d’un renvoi en cours de stage selon la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP). L’agent négociateur soutenait que le renvoi en cours de stage était en fait une mesure disciplinaire déguisée. La Commission a informé les parties que la question de la compétence devrait être soulevée au début de l’audience. Les parties convenaient au début de l’audience que je devrais entendre la preuve et statuer sur l’objection préliminaire quant à la compétence.

[4]   L’avocat de l’employeur a demandé une ordonnance d’exclusion de témoins et le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé n’a présenté aucune objection. Une ordonnance d’exclusion de témoins a donc été accordée. Au cours de l’audience, un témoin du fonctionnaire s’estimant lésé, la caporale Kelly Reid, a par inadvertance pris place dans la salle pendant une partie de la déposition d’un témoin de l’employeur. Me Kamel me l’a signalé et soutenait que je devrais en tenir compte en évaluant le poids de la déposition de la caporale Reid. J’ai réservé ma décision sur cet argument. Après avoir entendu la déposition de la caporale Reid, j’ai conclu que cette regrettable inadvertance n’avait pas influé sur la déposition de la caporale Reid ou sur la crédibilité de cette dernière.

[5]   Lors du contre–interrogatoire, M. Wright a déclaré qu’il avait discuté de son témoignage avec son représentant avant la fin de son contre–interrogatoire. Me Kamel soutenait que je devrais en tenir compte en évaluant la crédibilité de M. Wright. M. Hill a affirmé que M. Wright avait demandé comment allait son témoignage et il a dit que telle avait été la teneur de leur discussion. Je conclus que la discussion a été brève et sans conséquence. Je n’en ai donc pas tenu compte en évaluant la crédibilité de M. Wright.

[6]   Le deuxième jour de l’audience, M. Hill a fait savoir qu’un des témoins du fonctionnaire s’estimant lésé, Jeffrey Rix, ne serait pas disponible parce que sa grand–mère était à l’hôpital. Un autre des témoins du fonctionnaire s’estimant lésé, Daniel LeBlanc, se trouvait au Nouveau–Brunswick et n’était pas libre. M. Hill a demandé que l’audience soit reprise à une date ultérieure. Me Kamel s’est opposé à l’ajournement. Il soutenait qu’aucune assignation n’avait été délivrée. Il soutenait en outre que l’agent négociateur aussi aurait soulevé une objection dans un tel cas. L’employeur était prêt à aller de l’avant et il ne serait pas juste de permettre que l’audience soit reprise à une date ultérieure, ce qui nécessiterait le retour à Halifax et la présence des témoins de l’employeur. M. Hill a déclaré qu’il venait d’apprendre la situation de M. Rix. Il a déclaré également que M. Rix avait offert de témoigner et qu’une assignation n’était pas nécessaire. Quoi qu’il en soit, il soutenait que, même si une assignation avait été signifiée à ce témoin, la situation ne serait pas différente.

[7]   J’ai accordé l’ajournement. Je n’avais aucune raison de douter que M. Rix n’était pas disponible en raison d’une urgence familiale. Le désagrément pour l’employeur pesait moins que le préjudice que le fonctionnaire s’estimant lésé pourrait avoir subi si je n’avais pas laissé ses autres témoins faire une déposition. J’ai signalé que les assignations n’étaient pas strictement requises, mais que signifier des assignations était une bonne pratique. J’ai signalé aussi qu’il était courant que la Commission accorde des ajournements pour les deux parties lorsque des témoins n’étaient pas disponibles. Je signale maintenant que, s’il est conclu qu’un arbitre de grief a bel et bien compétence, il y a des mécanismes pour traiter du préjudice subi par l’employeur par suite du retard dans la conclusion de l’audience.

[8]   Les parties ont convenu que les noms de détenus figurant dans les pièces seraient rayés pour préserver la vie privée des détenus. De même, dans la présente décision, l’identité des détenus n’a pas été révélée.

Résumé de la preuve

[9]   Le 3 mars 2003, M. Wright a été nommé magasinier (GS–STS–04) à l’établissement Nova, pour une période déterminée prenant fin le 3 octobre 2003 (pièce E–1). Dans la lettre d’offre, on l’informait qu’il était en stage pour la durée de sa nomination ou pour un maximum de 12 mois. Le 9 septembre 2003, il a été nommé pour une période indéterminée, avec prise d’effet le 1er octobre 2003 (pièce E–2). Dans la deuxième lettre d’offre, on l’informait qu’il demeurerait en stage jusqu’au 3 mars 2004.

[10]   L’établissement Nova est un centre correctionnel pour femmes. Gisele Smith, la directrice de l’établissement Nova, a témoigné que les membres du personnel de cet établissement sont au nombre d’environ 105 et qu’entre 40 et 45 femmes constituent la population carcérale, qu’elle a décrite comme étant une population à risque faible et à besoins élevés. Les principales activités du poste de magasinier sont énoncées dans la description de travail (pièce E–5) comme suit :

[Traduction]

  • Veiller à ce que le Système d’information sur les matières dangereuses utilisées au travail soit suivi pour chaque produit dangereux fourni.
  • La personne titulaire de ce poste a le statut d’agent(e) de la paix.
  • Enseigner aux contrevenant(e)s les techniques et pratiques d’entreposage et fournir de l’information pour le plan correctionnel.
  • Recevoir et transborder les produits à retourner aux fournisseurs de sorte que les articles expédiés par erreur puissent être retournés pour avoir un article de remplacement ou obtenir un crédit.
  • Commander, recevoir et fournir des produits pour la cantine des contrevenant(e)s, en veillant à ce que les limites financières soient respectées concernant les commandes locales ainsi que les commandes subséquentes à des offres à commandes et pour ce qui est des 9 200.
  • Entreposer les articles de façon sûre, dans des endroits appropriés, avant qu’ils soient distribués.
  • Tenir des dossiers sur les envois et garder les reçus pour avoir une piste de vérification.
  • Tenir un système d’inventaire pour les produits de la cantine des détenu(e)s.
  • Entrer et mettre à jour des données concernant les demandes de fonds des détenu(e)s, les changements de produit, la paye des détenu(e)s, les profits et pertes ainsi que les taxes fédérales et provinciales.
  • Tenir une base de données informatiques distincte pour la cantine des détenu(e)s (Equinox).

[11]   Mme Smith a le pouvoir délégué de renvoyer un fonctionnaire en stage. Elle a pris la décision de renvoyer M. Wright en se fondant sur la recommandation de Gail Baker, la sous–directrice, Services de gestion. Mme Baker a fait sa recommandation en consultation avec Gerard Trask, qui était le chef de la Gestion du matériel et le superviseur immédiat de M. Wright. Mme Smith a délivré la lettre de renvoi en cours de stage le 2 mars 2004 (pièce E–4). M. Wright a eu un avis d’un mois et a cessé d’être un fonctionnaire du Service correctionnel du Canada (SCC) au 2 avril 2004. Dans la lettre, Mme Smith concluait : [traduction ] « [ … ] malgré les efforts constants de la direction pour vous fournir une formation suivie ainsi que des outils pour que vous remplissiez toutes les fonctions du poste comme il le fallait, vous n’avez fait preuve d’aucune amélioration dans votre rendement. »

[12]   La lettre de renvoi en cours de stage indique aussi les faits sur lesquels l’employeur s’est basé en arrivant à cette conclusion :

[ Traduction ]

[ … ] En septembre 2003, vous avez été nommé à un poste pour une durée indéterminée. C’est à cette époque que votre rendement global a diminué, à tel point que le rapport d’évaluation de rendement établi à la fin de février 2004 attribuait une cote globale indiquant que l’objectif n’était pas atteint.

Le ministère a fait en sorte que vous ayez la formation nécessaire pour remplir les fonctions qui vous ont été assignées. Des procédures informatiques ont été élaborées et mises à votre disposition pour vous aider. En fait, une partie de la formation vous a été redonnée, car vous éprouviez encore des difficultés à vous acquitter de tâches.

À l’époque où l’on vous avait confié des responsabilités relatives à la cantine, on vous a conseillé un certain nombre de fois au sujet d’inventaires en retard. Bien que vous ayez reconnu l’importance de rapports établis à temps, vous avez continué d’être en retard dans cette tâche, outre que vous commettiez des erreurs comme commander des stocks sans bons de commande et distribuer des stocks excédentaires périmés à du personnel sans autorisation. Par la suite, en décembre 2003, on vous a temporairement déchargé de cette fonction. Vous deviez vous familiariser de nouveau avec la politique et les procédures pour pouvoir répondre aux exigences des fonctions.

Vous aviez des fonctions de magasinier et deviez ainsi acheter les articles de stock nécessaires. Un certain nombre de fois, vous avez acheté des stocks sans bons de commande. Votre carte de crédit a été suspendue parce que vous aviez omis de fournir des reçus, que vous aviez perdus. Des stocks ont été épuisés sans qu’il y ait passation de commandes de réapprovisionnement. Je cite par exemple une situation récente dans laquelle le stock de papier hygiénique était épuisé. Il faudrait toujours qu’il y ait un stock de papier hygiénique pour au moins un mois. Dans un autre cas, un stock de tampons de polissage pour cinq ans a été commandé, alors que certains de ces articles ne peuvent même pas être utilisés. Vous avez négligé d’annuler la commande comme on vous avait informé de le faire des semaines avant la réception de l’envoi.

Non seulement vous ignorez de quels articles de stock on dispose, mais, quand on vous interroge, vous ne fournissez pas les renseignements exacts, même après avoir vérifié les stocks. Je parle de la fois où vous aviez déclaré qu’il y avait seulement un micro–ondes en stock, alors qu’en fait il y en avait trois. Votre réponse initiale aurait pu conduire à un surstockage de micro–ondes.

En ce qui a trait aux fonctions de superviseur du nettoyage qui vous avaient été assignées, il a fallu un certain nombre de fois vous signaler que le nettoyage laissait à désirer. On vous avait chargé de donner de la formation à un certain nombre de détenues concernant le matériel de polissage, mais, jusqu’à maintenant, une seule a été formée et est disponible pour le polissage. Vos rapports de supervision sont continuellement en retard et, une fois établis, ne sont pas toujours exacts.

Il a été porté à l’attention de la direction que l’interaction entre vous et les détenues n’est pas toujours appropriée et que, dans un cas en particulier, vous n’avez rapporté une mauvaise conduite qu’après le troisième incident. On s’attend que vous soyez un modèle pour les détenues, ce qui vous a été signalé à plus d’une occasion.

[13]   Mme Smith a témoigné que l’extrait de la lettre concernant l’utilisation de stocks excédentaires périmés a été retiré au cours d’une réunion qu’elle a eue le 2 avril 2004 avec M. Wright, le représentant syndical de M. Wright et Mme Baker. Les événements relatifs à cet incident sont survenus à la suite d’un incendie qu’il y a eu à l’établissement en septembre 2003. M. Wright était là lors de l’incendie et a aidé au nettoyage en tant que pompier volontaire du service des incendies de Truro. Il était d’abord allégué que M. Wright avait fourni des cannettes de soda périmé à l’équipe de nettoyage. Mme Smith a témoigné qu’elle a reconnu que ce n’était pas M. Wright qui avait fourni le soda périmé, mais Jeffrey Rix, agent de correction de l’établissement Nova. Elle a témoigné qu’elle a donné des conseils à M. Rix à ce sujet. M. Rix a témoigné qu’il a eu des conseils peu après l’incident.

[14]   Gerard Trask, chef de la Gestion du matériel, était le superviseur immédiat de M. Wright. Il a témoigné que M. Wright a reçu une formation sur le système de contrôle des stocks et de gestion financière (SCSGF). M. Wright a en outre reçu une formation opérationnelle du fournisseur du matériel de nettoyage de l’établissement. De plus, M. Wright a assisté à une séance d’orientation générale pour les nouveaux fonctionnaires du SCC. M. Trask a témoigné que l’on a fourni à M. Wright des guides et autres documents divisant les tâches du poste en étapes simples (pièce E–7). M. Trask a témoigné qu’il croyait en l’importance de ne pas compliquer les choses; le critère était de savoir s’il pouvait accomplir les tâches lui–même. Lors du contre–interrogatoire, on a demandé à M. Trask comment remplir un bon de commande et il lui a fallu se reporter au guide pour expliquer les étapes à suivre.

[15]   M. Wright a reçu sa première évaluation le 25 septembre 2003, pour la période allant du 1er mars au 31 août 2003, laquelle évaluation avait été établie par son superviseur immédiat, M. Trask (pièce E–8). M. Trask a témoigné que l’évaluation était exacte. L’évaluation relative à M. Wright indiquait que les objectifs étaient atteints la plupart du temps concernant la plupart des facteurs et que les objectifs étaient atteints ou dépassés tout le temps concernant les facteurs suivants : [traduction ] « accepte la responsabilité de ses propres décisions »; « travaille efficacement sous pression »; « fait preuve d’une attitude saine à l’égard de son travail »; « prend de sa propre initiative les mesures nécessaires »; « demande des conseils et des indications au besoin »; « établit et entretient un bon esprit d’équipe ainsi que de bonnes relations de travail avec les membres du personnel et/ou les détenues ». La partie narrative de l’évaluation de son rendement dit :

[ Traduction ]

L’éthique professionnelle de Bob est élevée. Il fait constamment preuve d’initiative dans l’exécution du travail qui lui est confié, ainsi que d’habiletés en matière de prise de décision et de résolution de problème. Toutefois, Bob a bel et bien besoin de se concentrer sur certains détails mineurs de son travail et sur la priorité qu’il leur accorde, car ces aspects ont une incidence sur d’autres sections de l’établissement. Bob pose généralement des questions quand c’est nécessaire et demande des éclaircissements au besoin. Son rapport avec ses collègues de travail ainsi qu’avec les détenues est très bon.

[16]   M. Trask a témoigné que l’on a commencé à se préoccuper du rendement de M. Wright après qu’il fut devenu un fonctionnaire nommé pour une période indéterminée. Mme Smith a témoigné que M. Trask et Mme Baker lui ont signalé au début de novembre 2003 les lacunes relatives au rendement de M. Wright. M. Trask a témoigné qu’il essayait de rester positif et qu’il cherchait à ce que M. Wright détermine des solutions aux lacunes en question en lui faisant croire que c’était sa propre idée. M. Trask a dit que c’était une technique de gestion que préconisait Winston Churchill.

[17]   Mme Smith a témoigné qu’il y a eu deux fois où elle a eu une expérience directe du rendement de M. Wright. En janvier 2004, M. Wright était en train de montrer à une détenue comment utiliser une polisseuse. Mme Smith a entendu la détenue dire, d’une voix forte : « Ne crie pas après moi. » Mme Smith a ensuite entendu M. Wright dire qu’il ne crierait pas après la détenue. Au cours du contre–interrogatoire, Mme Smith a admis qu’elle n’avait pas entendu M. Wright crier après la détenue.

[18]   Mme Smith a aussi témoigné qu’il y a eu un incident lors duquel une détenue a agressé M. Wright avec une vadrouille, durant la première semaine de mai 2003. Mme Smith a témoigné qu’après l’agression, la détenue a été mise en isolement préventif, pendant que l’incident faisait l’objet d’une enquête. Mme Smith avait demandé à M. Wright de ne pas parler à la détenue et a témoigné qu’elle avait appris plus tard qu’il était allé s’entretenir avec la détenue. Elle a témoigné qu’elle était préoccupée car il avait parlé à la détenue malgré le fait qu’elle lui avait explicitement demandé de s’en abstenir. M. Wright a témoigné que Mme Smith ne lui avait jamais dit de ne pas parler à la détenue. Mme Smith et Mme Baker lui avaient toutes les deux dit que la détenue voulait s’excuser et que c’était à lui de décider s’il voulait lui parler.

[19]   Par suite de l’agression, la police a été appelée. La caporale Kelly Reid, policière du service de police de Truro, est membre de l’équipe d’intervention d’urgence pour l’établissement Nova et avait été envoyée à l’établissement en réponse à l’appel. Elle s’était entretenue avec M. Wright dans un bureau de l’établissement pour savoir ce qui s’était passé. Elle lui avait demandé de se rendre au poste de police le lendemain soir pour faire une déposition. Pendant qu’elle discutait de l’agression avec M. Wright, Mme Baker a frappé à la porte. Mme Baker a demandé à M. Wright de l’accompagner. Mme Smith a témoigné qu’elle avait demandé à Mme Baker de parler à M. Wright pour s’assurer qu’il comprenait les conséquences liées au fait de porter des accusations dans le contexte d’un centre correctionnel, où les mesures qu’il prenait pouvaient le suivre tout au long de sa carrière. Mme Baker a témoigné qu’un fonctionnaire pouvait porter des accusations par l’intermédiaire de la police (« accusations externes ») ou porter des « accusations internes », auquel cas l’agression serait traitée à l’interne. M. Wright a témoigné que Mme Baker voulait connaître ses « intentions » et lui avait demandé ce qu’il espérait obtenir en portant des « accusations externes ». M. Wright a témoigné que Mme Baker lui avait dit que l’affaire pourrait être traitée au moyen d’« accusations internes » et ne serait alors pas médiatisée. Elle lui avait également dit que, s’il portait des « accusations externes », les détenues du programme de nettoyage pourraient ne pas travailler avec lui, ce qui pourrait être problématique. M. Wright a témoigné qu’il avait relaté toute la conversation à M. Trask. M. Trask ne s’en souvenait toutefois pas.

[20]   La caporale Reid a témoigné que, lorsque M. Wright est revenu de sa réunion avec Mme Baker, il était contrarié et un peu désorienté. Il est allé au poste de police le lendemain soir et a signé une renonciation indiquant qu’il ne désirait pas porter d’accusations. Mme Reid a témoigné qu’il lui a dit que son poste à l’établissement Nova n’était pas permanent et qu’il estimait avoir intérêt à ne pas poursuivre l’affaire. Une fois qu’une renonciation est signée, la victime a six mois pour changer d’idée. M. Wright a témoigné qu’il considérait que son emploi était menacé et que, s’il n’avait pas changé d’idée au sujet du fait de porter des accusations, il n’aurait plus eu d’emploi.

[21]   M. Wright a témoigné que, pendant qu’il suivait un programme d’orientation du SCC la semaine suivante, il avait parlé de l’incident à Daniel LeBlanc, agent de formation de personnel au centre régional de formation du SCC. M. LeBlanc a témoigné que M. Wright lui a dit qu’une gestionnaire lui avait dit qu’il aurait intérêt à ne pas porter d’accusations d’agression. M. Wright lui a alors demandé si c’était du harcèlement. M. LeBlanc a témoigné qu’il a répondu à M. Wright que les remarques de la gestionnaire pouvaient être interprétées de différentes façons et qu’il a conseillé à M. Wright d’en éclaircir le sens avec la gestionnaire. M. LeBlanc a témoigné que la conversation a alors pris fin et qu’il n’a jamais eu d’autres conversations à ce sujet avec M. Wright. Mme Smith a témoigné que les opinions de M. Wright sur la question des accusations n’avaient rien à voir avec la décision qu’elle a prise de renvoyer M. Wright en cours de stage.

[22]   M. Trask a témoigné que les dénombrements des stocks de M. Wright n’étaient pas effectués comme il le fallait. Il a aussi témoigné que l’on avait découvert que M. Wright avait laissé la salle d’entreposage ouverte alors qu’une détenue était encore là. Il a également témoigné que M. Wright aimait sortir tous les jours pour aller chercher des approvisionnements au lieu de différer le plus longtemps possible cette activité et de l’exercer une fois par semaine seulement. Au cours du contre–interrogatoire, il a déclaré que M. Wright n’allait pas acheter des articles tous les jours, mais que ce pouvait être tous les deux jours.

[23]   M. Trask a affirmé qu’il avait offert une nouvelle formation à M. Wright. Il avait en outre demandé à l’autre magasinier, Mme Jackie McNutt, de l’aider et il avait demandé à M. Wright d’observer Mme McNutt pendant qu’elle était en train de s’acquitter de ses fonctions.

[24]   M. Trask a aussi témoigné qu’il n’arrivait jamais à joindre M. Wright quand il avait besoin de lui. Il a témoigné que M. Wright était bipé quatre à six fois par jour. Il a témoigné également qu’il avait fourni à M. Wright un émetteur–récepteur comme « dispositif de pistage ». Lors du contre–interrogatoire, M. Trask a admis qu’il n’avait pas informé M. Wright du but de cet appareil. M. Wright a témoigné que cet appareil, c’était son idée. Durant le contre–interrogatoire, on a montré à M. Wright un document qu’il avait établi en guise de réfutation (non déposé comme pièce) et dans lequel il affirmait que l’on avait décidé de lui donner un émetteur–récepteur. M. Wright a témoigné que l’émetteur–récepteur était un moyen de communication et que lui et Mme McNutt en avaient obtenu un. Mme Baker a témoigné que l’on n’avait pas donné d’émetteur–récepteur à Mme McNutt. Mme Baker a témoigné que l’appareil devait être utilisé pour repérer M. Wright plus facilement et déterminer où il se trouvait. Elle a en outre témoigné que M. Trask n’avait jamais parlé d’un « dispositif de pistage » pour décrire cet appareil.

[25]   M. Trask a témoigné qu’il avait été informé par un surveillant correctionnel que M. Wright n’utilisait pas l’émetteur–récepteur comme il le fallait. Il y a deux bandes de fréquence : une pour la sécurité et une pour l’ingénierie et l’entretien. M. Trask a déclaré qu’il avait été informé que M. Wright n’utilisait pas la bonne bande de fréquence et avait de longues conversations quand il utilisait cet appareil. M. Trask a également témoigné qu’une fois, M. Wright avait apporté l’appareil à une réunion et avait répondu quand la sonnerie s’était fait entendre au cours de la réunion. Lorsque M. Trask avait demandé à M. Wright d’éteindre l’appareil, M. Wright l’avait fermé mais avait cessé de participer activement à la réunion. M. Wright niait avoir utilisé l’émetteur–récepteur de façon inappropriée et a témoigné qu’il avait un certificat d’opérateur radio (pièce G–10) et était formé pour utiliser l’émetteur–récepteur comme il le fallait.

[26]   M. Trask était d’avis que M. Wright voulait être un intervenant de première ligne (agent de correction). Il fondait cette opinion sur le fait qu’il avait observé que M. Wright passait du temps avec des intervenants de première ligne à l’établissement Nova. M. Wright a reconnu qu’il avait des amis au travail qui étaient des intervenants de première ligne, mais il niait avoir voulu être un intervenant de première ligne. Lors du contre–interrogatoire, il a été interrogé au sujet d’une relation personnelle avec une agente de correction. En particulier, on lui a demandé s’il la courtisait. Il admettait avoir eu une liaison avec elle mais niait que ce facteur l’ait perturbé dans l’exercice de ses fonctions. On lui a demandé pendant le contre–interrogatoire si elle travaillait dans l’unité de garde en milieu fermé, et il a répondu qu’elle travaillait dans le secteur de la population carcérale générale. On lui a demandé s’il était déjà allé la voir à son lieu de travail. M. Wright a témoigné qu’il voyait de nombreux membres du personnel durant la journée, car, inévitablement, on se trouvait sur le chemin des autres; il n’était toutefois jamais allé la voir à son lieu de travail. On lui a aussi demandé s’il avait passé beaucoup de temps dans l’unité de garde en milieu fermé, et il a nié que tel ait été le cas.

[27]   Mme Smith a souligné dans son témoignage la fonction critique de l’approvisionnement en tabac. Elle a témoigné que 75 % des détenues fument et que, vu leur dépendance au tabac, il pourrait y avoir des conséquences sérieuses si l’approvisionnement en tabac était insuffisant. Elle a témoigné qu’il y a eu deux fois où des préoccupations ont été exprimées quant à l’insuffisance des stocks de tabac. À l’audience, elle a aussi témoigné qu’elle avait eu des préoccupations quant à sa responsabilité selon la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP).

[28]   Le 4 septembre 2003, l’agent de contrôle financier chargé de payer les fournisseurs, Valmond Bourque, a envoyé un courriel à Mme Baker l’avisant qu’il n’existait pas de bon de commande concernant une facture de JTI MacDonald d’un montant de 6 791,67 $ (pièce E–12). Dans la réponse qu’il a envoyée sous forme de courriel, M. Wright disait qu’il était fautif à cet égard et expliquait que le SCSGF lui faisait problème et qu’il n’était pas arrivé à établir le bon de commande comme il le fallait. Il disait que Paul Pollard, qui agissait pour Mme Baker, avait approuvé le fait qu’il passe la commande par téléphone.

[29]   Helen Speer, technicienne en finances à l’Administration régionale, avait contacté M. Wright par courriel en date du 2 décembre 2003 relativement à une vérification au hasard du paiement qu’il avait fait à JTI MacDonald (pour du tabac) (pièce E–12). Dans ce courriel, elle signalait que le bon de commande avait été établi après la réception des marchandises. Elle demandait une justification quant à cet apparent manquement à la politique d’achat. Dans sa réponse (pièce E–12), M. Wright expliquait que, se fondant sur un courriel qu’il avait reçu, il avait cru que le SCSGF était arrêté toute la journée; ainsi, il avait passé la commande par téléphone, sans établir de bon de commande. Il disait à Mme Speer qu’il avait mal compris le courriel et qu’il s’était rendu compte que ce système avait été arrêté seulement plus tard dans la journée. Sa conclusion était qu’il assumait l’entière responsabilité de cet acte. M. Wright a témoigné qu’il avait cherché M. Trask pour lui dire que le système était arrêté mais qu’il n’était pas parvenu à le trouver.

[30]   Mme Baker a envoyé un courriel à M. Wright le 3 février 2004, comme suite à un bon de commande relatif à des coussins et à des casiers (pièce E–17). Dans son courriel, elle signale que, environ trois à quatre semaines auparavant, elle avait demandé à M. Wright d’établir ce bon de commande. Dans un courriel en date du 6 février 2004 (pièce G–4), elle indiquait qu’elle avait approuvé la commande de coussins et le remerciait d’avoir commandé vite.

[31]   Annette Carter, spécialiste des finances à l’établissement Nova, avait envoyé un courriel à M. Trask le 11 février 2004 l’avisant que M. Wright avait mal classé une facture de manière qu’il y ait concordance avec son relevé de carte de crédit (pièce E–13). Elle avait contrôlé les paiements de M. Wright pour les six mois précédents. Elle signalait que le paiement de carte de crédit de M. Wright serait ainsi reporté et serait probablement en retard.

[32]   À la fin de février 2004, Mme Baker était préoccupée à propos des achats et au sujet de la fin de l’exercice. Dans un courriel à M. Trask et M. Wright en date du 23 février 2004 (pièce E–16), elle écrivait qu’elle avait remarqué que Mme McNutt remplissait encore la plupart des bons de commande pour l’établissement, alors que Mme Baker avait attribué ces fonctions à M. Wright. Elle écrivait aussi que, se basant sur ce qu’elle avait entendu, de nombreux stocks étaient en baisse.

[33]   Les fonctionnaires qui supervisent des détenues sont chargés de produire des évaluations du travail des détenues. Le 8 décembre 2003, Monica Symes a envoyé à un certain nombre de fonctionnaires, dont M. Wright, un courriel indiquant qu’un certain nombre de rapports sur le travail de détenues étaient en retard. M. Wright était responsable de six des sept rapports en retard (pièce E–11). Le 26 mars 2004, Mme Symes a assuré un suivi auprès d’un certain nombre de fonctionnaires, y compris M. Wright, au sujet de rapports de travail en retard (pièce E–10). Il s’agit de rapports de rendement établis à l’égard de détenues en se fondant sur leur travail à l’établissement. M. Wright a transmis ces rapports le 29 mars 2004. Mme Symes a envoyé un courriel à M. Trask le 7 avril 2004 et déclaré que les rapports établis par M. Wright étaient de piètre qualité et dénotaient un manque de professionnalisme (pièce E–10).

[34]   M. Wright a témoigné qu’après être revenu d’un congé de maladie avec certificat pris les 18 et 19 décembre 2003, Mme Baker l’a fait venir dans son bureau, a fermé la porte et a commencé à discuter du congé qu’il avait pris. Elle lui a dit que, pour monter en grade au SCC, il ne pouvait s’absenter ainsi. Il lui a dit qu’il avait eu une infection des sinus et qu’il était physiquement incapable de travailler ces journées–là. Elle lui a dit que les intervenants de première ligne s’absentaient autant qu’ils pouvaient et qu’elle ne voulait tout simplement pas qu’il adopte leur attitude. M. Wright a témoigné qu’il avait parlé des remarques de Mme Baker à un certain nombre de personnes, y compris le délégué syndical. Il a témoigné qu’il se sentait menacé de représailles pour avoir pris le congé de maladie avec certificat. M. Wright a témoigné qu’il avait relaté la conversation à M. Trask et que celui–ci lui avait demandé s’il y avait quoi que ce soit qu’il voulait qu’il fasse. M. Wright a témoigné qu’il avait simplement voulu que M. Trask soit au courant. M. Trask n’avait aucun souvenir de cette conversation. M. Wright a témoigné qu’après qu’il eut raconté la conversation à M. Trask, Mme Baker l’a fait venir dans son bureau et lui a dit que jamais une plainte de harcèlement n’avait été déposée contre elle. Il lui a demandé pourquoi elle parlait de harcèlement, car tel n’était pas le terme qu’il avait utilisé en discutant de l’affaire avec M. Trask. Mme Baker ne se souvenait pas de discussions avec M. Wright en matière de congé de maladie.

[35]   Lors du contre–interrogatoire, on a montré à M. Wright un document qu’il avait établi en réponse à la lettre le renvoyant en cours de stage (pièce E–19). On lui a demandé si, comme il le disait dans son document, il considérait qu’il y avait trop de travail à accomplir, et il a répondu par l’affirmative. On lui a également demandé si les tâches multiples lui causaient problème, et il a répondu que oui, parfois. M. Wright a en outre été questionné pendant le contre–interrogatoire au sujet de sa précédente expérience professionnelle. Dans le document qu’il a établi en guise de réfutation, il disait qu’il n’avait pas acquis précédemment d’expérience comme concierge. Dans son curriculum vit æ (pièce E–20), il disait qu’il avait de l’expérience en nettoyage. Il a expliqué que, dans son précédent poste, son rôle n’était pas celui d’un concierge mais qu’il avait eu une certaine responsabilité relativement au nettoyage d’une cuisine.

[36]   M. Wright a reconnu un courriel de Mme McNutt, sa collègue de travail, à Mme Speer et Mme Baker dont il avait eu copie (pièce G–8). Ce courriel était la réponse de Mme McNutt à des demandes de renseignements au sujet d’erreurs qu’elle avait soi–disant commises dans les bons de commande.

[37]   M. Wright avait reçu de M. Trask une évaluation de rendement pour la période allant du 1er septembre 2003 au 27 février 2004 (pièce E–9), après être revenu d’une semaine de congé de maladie avec certificat. À l’égard des divers facteurs, il était indiqué que l’objectif n’était pas atteint ou qu’il n’y avait pas de fondement pour l’attribution d’une cote, sauf que pour un facteur en particulier il était indiqué que les objectifs étaient atteints la plupart du temps, soit le facteur suivant : [traduction ] « Santé et sécurité au travail – veille à la santé et à la sécurité au travail ». La partie narrative de l’évaluation se lit comme suit :

[ Traduction ]

L’éthique professionnelle de Bob a changé considérablement depuis que, en septembre 2003, il a été nommé pour une période indéterminée. Bob manque invariablement d’initiative dans l’accomplissement de ses tâches et pour ce qui est de la qualité de son travail. Quand on l’interroge sur les raisons pour lesquelles il ne respecte pas les délais ou produit un travail de piètre qualité, il répond qu’il n’a pas eu le temps. La capacité de Bob à prendre de bonnes décisions et à donner la priorité à son travail est très peu élevée. La relation de Bob avec ses collègues de travail et les détenues qu’il supervise décline rapidement. Le personnel et les détenues se plaignent de la piètre qualité de ses services et de ses piètres compétences interpersonnelles. Les membres de la direction et les collègues de travail on consacré excessivement de temps à lui redonner de la formation et à corriger ses erreurs.

[38]   M. Wright a témoigné que l’évaluation de rendement l’avait étonné. Il a témoigné que, lorsqu’il avait demandé s’il avait encore un emploi, M. Trask avait haussé les épaules. M. Wright a aussi témoigné qu’une fois il avait interrogé M. Trask sur l’évaluation de son rendement et que M. Trask avait répondu : [traduction ] « Si nous avions des problèmes, nous n’investirions pas dans de la formation pour vous. »

[39]   La lettre de renvoi en cours de stage a été remise à M. Wright le 2 mars 2004. Le contenu de la lettre a été discuté avec M. Wright le 12 avril 2004, et le représentant syndical de M. Wright était là (voir le paragraphe 13 ci–dessus).

Résumé de l’argumentation

Pour l’employeur

[40]   L’avocat de l’employeur soutenait que c’était un cas non pas de discipline mais de renvoi en cours de stage et que le critère juridique était très différent dans une situation de renvoi en cours de stage. Me Kamel a passé en revue les éléments de preuve des témoins. La directrice de l’établissement a dans sa déposition traité de l’incidence d’un piètre rendement dans le poste de magasinier. Elle avait été témoin de certaines des lacunes manifestées et a dit dans sa déposition qu’elle était préoccupée quant à sa responsabilité selon la LGFP par suite du rendement de M. Wright. M. Trask faisait tous les efforts pour aider M. Wright. Après que M. Wright eut été nommé pour une période indéterminée, son rendement a commencé à diminuer. La théorie de l’employeur était que M. Wright considérait que l’emploi était indigne de lui et entendait probablement devenir un intervenant de première ligne, ce qui expliquerait la quantité de temps qu’il passait dans le secteur de garde en milieu fermé. Mme Baker a dans sa déposition traité de rapports d’inventaire non terminés ainsi que d’autres lacunes sur le plan du travail. Elle avait dû assurer un suivi à l’égard du travail de M. Wright un certain nombre de fois.

[41]   Me Kamel a fait remarquer que le courriel de Mme McNutt quant aux questions en suspens la concernant (pièce G–8) était incomplet et que je devrais y accorder très peu de poids.

[42]   La caporale Reid et M. LeBlanc n’avaient aucune idée du rendement de M. Wright et, pour cette raison, leur témoignage n’a guère de valeur aux fins du présent arbitrage. De même, le témoignage de M. Rix n’a rien à voir avec la question dont je suis saisi.

[43]   Me Kamel soutenait que le témoignage de M. Wright n’était pas crédible; M. Wright se souvenait de certaines remarques mot pour mot, mais, dans d’autres cas, il ne se souvenait de rien. Dans son témoignage, il a dit que l’émetteur–récepteur, c’était son idée, alors que dans le document qu’il a établi en guise de réfutation et dont il a fait état à l’audience, il déclarait que l’on avait fini par décider de lui donner un tel appareil.

[44]   Me Kamel a signalé que M. Wright avait admis que les tâches multiples lui causaient problème et qu’il commettait des erreurs. Me Kamel soutenait en outre que la petite amie de M. Wright travaillait dans l’unité de garde en milieu fermé et qu’il semble pratiquement impossible que M. Wright ne soit jamais allé voir la femme qu’il courtisait. Ce facteur explique pourquoi il arrivait si souvent qu’il ne soit pas à son poste.

[45]   Me Kamel soutenait que M. Wright avait essayé de faire de Mme Baker un bouc émissaire pour ses propres lacunes, alors que Mme Baker n’a rien à voir avec la deuxième évaluation. M. Wright a qualifié Me Kamel de M. Je–sais–tout durant son contre–interrogatoire. Ce genre de comportement ne serait pas approprié dans un établissement comme Nova, où le personnel doit faire attention dans ses rapports avec les détenues.

[46]   En ce qui a trait à la bonne foi de l’employeur et à l’affirmation selon laquelle M. Wright a été renvoyé parce qu’il avait envisagé de porter des accusations par suite de l’agression, Me Kamel a dit que la question est de savoir pourquoi l’employeur aurait nommé M. Wright pour une période indéterminée si son intention depuis le début avait été de le renvoyer en cours de stage?

[47]   Me Kamel signalait qu’il n’y avait aucun différend quant au fait que M. Wright était en stage et a reçu la lettre de renvoi pendant la période de stage. M. Wright a été renvoyé pour des raisons liées à l’emploi. Ses lacunes ont été soulignées et n’étaient pas compatibles avec son emploi. M. Wright n’avait tout simplement pas la compétence nécessaire pour accomplir ce travail. Les lacunes de son rendement étaient flagrantes. Dans son curriculum vitæ, M. Wright disait qu’il avait de l’expérience dans le nettoyage, les inventaires et la passation de commandes, alors qu’il fallait que M. Trask et d’autres personnes l’aident énormément.

[48]   Me Kamel a décrit le critère juridique relatif aux cas de renvoi en cours de stage, qui a été énoncé par notre Commission et la Cour fédérale. D’après la décision rendue dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429, il y a défaut de compétence dès qu’un arbitre de grief est convaincu que la décision de renvoyer un fonctionnaire en cours de stage était basée sur une cause réelle de renvoi. Me Kamel m’a également renvoyé à l’affaire Canada (procureur général) c. Leonarduzzi, 2001 CFPI 529, dans laquelle il a été conclu que l’employeur n’a qu’à produire « un minimum de preuve » que le renvoi était lié à l’emploi « et non à un autre motif ». Il m’a aussi renvoyé à l’affaire Owens c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada), 2003 CRTFP 33, et à l’affaire Arnould c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans Canada), 2004 CRTFP 80. Il a également cité l’affaire Boyce c. Conseil du Trésor (Ministère de la Défense nationale), 2004 CRTFP 39, dans laquelle il a été statué qu’il n’est pas nécessaire que toutes les raisons de l’employeur pour renvoyer un fonctionnaire en cours de stage soient bien fondées.

[49]   Me Kamel soutenait que la formation et la nouvelle formation données à M. Wright étaient loin de représenter de la mauvaise foi. Les lacunes de M. Wright ont été soulignées : il avait des lacunes comme le fait d’établir des rapports ou des bons de commande en retard ou de ne pas établir de bons de commande. Voilà tous des exemples de lacunes directement liées à l’emploi de M. Wright. Ce dernier a eu l’occasion de montrer ce qu’il pouvait accomplir mais il ne répondait même pas à peu près aux attentes de l’employeur. Le travail n’était pas difficile mais ne convenait tout simplement pas à M. Wright.

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

[50]   M. Hill soutenait que, si l’agent négociateur pouvait prouver la mauvaise foi de l’employeur, alors j’aurais compétence à l’égard de la cessation de l’emploi de M. Wright. M. Hill reconnaissait le critère juridique énoncé dans la jurisprudence, ainsi que le fait que la charge de la preuve passait au fonctionnaire s’estimant lésé, qui devait montrer qu’il y avait eu mauvaise foi. M. Hill soutenait que les questions de rendement soulevées par l’employeur étaient banales. Il a déclaré qu’une des questions importantes est de savoir si M. Wright était capable d’accomplir son travail. La première évaluation de rendement (pièce E–8) faisait état d’une cote globale indiquant que le rendement était satisfaisant et montrait que M. Wright pouvait accomplir son travail. Et pourtant, l’employeur soutient maintenant que M. Wright n’était pas capable de s’acquitter des fonctions quotidiennes de son poste. Il s’est passé quelque chose entre la première évaluation et la deuxième. Aucun des incidents soulevés par l’employeur n’était documenté, et aucune lettre ou notation ne figurait dans le dossier personnel de M. Wright. Tout ce que nous avons, ce sont les dépositions orales de Mme Smith, Mme Baker et M. Trask.

[51]   M. Hill a signalé que la lettre de renvoi en cours de stage mentionnait la distribution inappropriée de stocks excédentaires (le soda périmé). L’incendie est survenu en 2003, et M. Rix a témoigné que quelques jours plus tard, il a été conseillé par la directrice de l’établissement. Cette dernière a su en 2003 que M. Wright n’était pas responsable de la distribution du soda et elle lui en a pourtant imputé la faute dans la lettre de rejet en cours de stage.

[52]   M. Hill a fait remarquer que les témoins de l’employeur ont déclaré que Mme McNutt assurait de la formation à M. Wright, et pourtant Mme McNutt n’a pas été citée comme témoin. Cet élément de preuve était du ouï–dire et n’est pas fiable. Il n’y avait pas de documentation en matière de formation autre que celle qui est énoncée dans le sommaire relatif à la formation (pièce E–6). L’employeur n’a pas respecté les principes d’équité en ne fournissant pas la formation nécessaire.

[53]   M. Hill soutenait que M. Trask, bien qu’ayant témoigné qu’il croyait en l’importance de ne pas compliquer les choses, n’avait pu répondre à la question de savoir comment remplir un bon de commande sans se reporter au document sur la formation. M. Trask disait aussi qu’il utilisait l’approche de Winston Churchill et laissait M. Wright proposer des solutions en lui faisant croire que c’était ses idées. Ce ne sont pas des principes appropriés au cas d’un fonctionnaire en cours de stage. M. Trask a témoigné qu’il avait fourni à M. Wright un émetteur–récepteur en tant que « dispositif de pistage » et a admis qu’il n’en avait pas informé M. Wright. Où est l’honnêteté là–dedans? M. Trask n’a pas utilisé les assises nécessaires pour justifier le renvoi en cours de stage. M. Trask a témoigné que d’autres superviseurs lui avaient dit que M. Wright n’utilisait pas les bonnes bandes de fréquence et que ses messages étaient trop longs. Aucun de ces superviseurs n’a témoigné; c’était simplement du ouï–dire. M. Trask a témoigné que M. Wright sortait pour effectuer des achats tous les jours. Si l’employeur y voyait un problème, on aurait pensé qu’il y aurait mis un terme. L’employeur a laissé M. Wright continuer à agir de la sorte.

[54]   M. Hill soutenait que la plus grande partie du témoignage de Mme Baker était du ouï–dire. En outre, Mme Baker avait des choses positives à dire au sujet du fonctionnaire s’estimant lésé, dans un courriel (pièce G–4), et elle lui demandait de remplir des bons de commande (pièces G–6, G–7 et G–9). Ce facteur met en doute le témoignage selon lequel le rendement de M. Wright faisait problème à l’employeur.

[55]   M. Hill soutenait que la notion de bonne foi signifie que l’on fait preuve d’ouverture et d’honnêteté et que l’on communique avec sincérité. Il n’en a pas été ainsi dans le cas qui nous occupe.

[56]   M. Hill a signalé que la caporale Reid et M. LeBlanc ont tous les deux témoigné que M. Wright leur avait dit qu’il n’avait pas intérêt à porter plainte à propos de l’agression. M. Wright se sentait menacé par Mme Baker et l’avait dit à M. Trask. M. Trask ne s’en souvenait pas, bien que M. Wright lui ait dit qu’il estimait que, s’il ne changeait pas d’idée au sujet du fait de porter des accusations, il perdrait son emploi. M. Wright a également témoigné que, après être revenu d’un congé de maladie avec certificat, Mme Baker l’avait menacé et l’avait informé qu’il ne pouvait s’absenter de cette manière, lui disant qu’elle ne voulait pas qu’il ait la même attitude que les intervenants de première ligne. Il en avait parlé à M. Trask, mais celui–ci ne se souvenait pas de cette conversation. M. Wright a cependant été rappelé au bureau de Mme Baker après la conversation qu’il avait eue avec M. Trask, et Mme Baker lui a dit que jamais une plainte de harcèlement n’avait été déposée contre elle.

[57]   M. Hill a soutenu que l’employeur doit établir que le renvoi en cours de stage était lié à l’emploi et non « à un autre motif » (Leonarduzzi (supra)). M. Hill m’a également renvoyé à l’affaire Dhaliwal c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), 2004 CRTFP 109. La position du fonctionnaire s’estimant lésé est que la première évaluation montrait qu’il était capable d’accomplir le travail; par conséquent, le renvoi en cours de stage doit être lié à un autre motif (autrement dit, il s’agit d’une imposture). La décision Dhaliwal (supra) définit aussi la « bonne foi » comme désignant une façon de se comporter qui repose sur « l’honnêteté des intentions et l’équité du traitement ». Dans Dhaliwal (supra), communiquer au fonctionnaire tout ce que l’on attend de lui est présenté comme faisant partie de la définition de ce qu’est la bonne foi. M. Hill a posé la question de savoir où est la documentation, à part les évaluations de rendement. Faire savoir au fonctionnaire qu’il ne satisfait pas aux exigences du poste est décrit dans Dhaliwal comme un principe d’équité. L’employeur n’a pas dit la vérité à M. Wright au sujet de l’émetteur–récepteur et lui a envoyé des courriels le remerciant de son travail. Un autre principe d’équité qui est énoncé dans Dhaliwal consiste à donner au fonctionnaire la possibilité de prendre des dispositions. Si l’employeur avait des problèmes en octobre et novembre quant au rendement de M. Wright, pourquoi ces problèmes n’ont–ils pas alors été soulevés ou pourquoi ne l’a–t–on pas indiqué de quelque manière dans le dossier de M. Wright? Les principes énoncés dans Dhaliwal incluent aussi le devoir qu’a l’employeur d’aider le fonctionnaire, dans la mesure du possible, à prendre des dispositions. L’approche de Winston Churchill préconisée par M. Trask ne répond pas à cette norme.

[58]   M. Hill m’a renvoyé à l’affaire McMorrow c. Conseil du Trésor (Anciens combattants), dossier de la CRTFP 166–2–23967 (1993) (QL), qui se rapportait à une situation dans laquelle on « a fait fi » des notions d’équité les plus élémentaires, soit une affaire dans laquelle il a été conclu qu’il y avait eu de la mauvaise foi. M. Hill m’a également renvoyé à l’affaire Anonsen c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166–2–17193 (1987) (QL).

[59]   La position de l’agent négociateur était que M. Wright avait été renvoyé en cours de stage comme mesure disciplinaire déguisée et que ce renvoi en cours de stage était une imposture et un camouflage. M. Wright a été renvoyé pour avoir exercé ses droits de porter plainte à la police, de déposer une plainte de harcèlement (ou de se renseigner à ce sujet) et de prendre un congé de maladie. On n’a pas suivi le principe relatif au fondement de la décision examiné dans l’affaire Dhaliwal (supra).

[60]   En conclusion, M. Hill a demandé que la lettre de renvoi en cours de stage soit annulée et que M. Wright soit réinstallé dans ses fonctions, sans perte de salaire et d’avantages, et indemnisé intégralement.

Réplique

[61]   Me Kamel soutenait que les commentaires sur le ouï–dire étaient en terrain glissant et se fondaient sur la propre preuve par ouï–dire de M. Wright. Il y a toujours un certain ouï–dire, et la preuve par ouï–dire du témoin de l’employeur et celle du fonctionnaire s’estimant lésé s’annulent. L’affaire Boyce (supra) se fondait sur un rapport — reçu par le gestionnaire — qui était du ouï–dire, et ce n’était pas un point en litige.

[62]   La mauvaise foi ne peut être basée sur une insinuation; une preuve tangible est requise. Le congé de maladie n’a même pas été pris en compte dans le renvoi en cours de stage. Il n’y avait rien dans le témoignage qui indiquerait qu’il y avait même une préoccupation en matière de congé de maladie ou de harcèlement si ce n’était dans l’esprit de M. Wright. Les superviseurs et autres n’étaient pas juridiquement tenus de prendre des notes pour le dossier. Le fait que la directrice de l’établissement n’avait guère une connaissance directe ou personnelle du rendement de M. Wright représente une question dont traite clairement l’affaire Arnould (supra).

[63]   En ce qui a trait au courriel de remerciement de Mme Baker (pièce G–4), il est à noter que, pour commencer, M. Wright était en retard relativement au bon de commande. Mme Baker essayait simplement de l’encourager.

[64]   Me Kamel soutenait que les faits relatifs à l’affaire Dhaliwal (supra) étaient très différents de ce qu’il en était dans ce cas–ci. Il soutenait en outre que la décision Anonsen (supra) n’était pas pertinente.

Motifs

[65]   M. Wright a été renvoyé en cours de stage après presque un an d’emploi au SCC, à l’établissement Nova. On ne conteste pas que M. Wright était en stage à l’époque de son renvoi. La compétence d’un arbitre de grief dans un tel cas est bien circonscrite par la législation et la jurisprudence.

[66]   L’ancienne Loi dit, au paragraphe 92(3), que le paragraphe (1) « n’a pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief portant sur le licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique » (LEFP). Le renvoi en cours de stage est régi par l’article 28 de la LEFP.

[67]   La Cour fédérale a, dans Leonarduzzi (supra), déterminé que l’employeur n’a pas à produire une preuve d’un motif valable; il n’a qu’à produire des éléments de preuve que le renvoi était lié à l’emploi et « non à un autre motif ». Dans l’arrêt Penner (supra), la Cour d’appel fédérale a retenu le critère que notre Commission avait établi dans Smith c. Conseil du Trésor (Ministère des Postes), dossier de la CRTFP 166–2–3017 (1977) (QL) :

[…]

En effet, une fois que l’employeur a présenté à l’arbitre une preuve concluante indiquant un motif de renvoi valable à première vue, l’audition sur le fond dans l’affaire de congédiement ne peut alors aboutir qu’à une impasse soudaine.

[…]

[68]   Une fois que l’employeur s’est acquitté de sa charge de démontrer que le motif du renvoi était lié à l’emploi, la charge de la preuve retombe sur le fonctionnaire s’estimant lésé, qui doit démontrer que les actions de l’employeur représentent en fait « une imposture ou un camouflage » ou de la mauvaise foi et ne sont donc pas conformes aux dispositions du paragraphe 28(2) de la LEFP : Leonarduzzi (supra) et Penner (supra).

[69]   La décision Anonsen (supra), citée par le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé, est antérieure à l’analyse effectuée dans Penner (supra) et Leonarduzzi (supra) et elle n’est pas pertinente. De plus, M. Anonsen avait été renvoyé en cours de stage à cause d’événements antérieurs à son emploi. Tel n’est pas le cas ici.

Le motif était–il lié à l’emploi?

[70]   Dans sa lettre à M. Wright en date du 2 mars 2004 (pièce E–4), l’employeur allègue les raisons suivantes pour renvoyer M. Wright en cours de stage :

  • retard dans le dénombrement des stocks
  • passation de commandes d’articles de stock sans établissement de bons de commande
  • distribution au personnel de stocks excédentaires périmés
  • perte de reçus de carte de crédit
  • problèmes de contrôle des stocks
  • nettoyage négligé et ne répondant pas aux normes
  • insuffisance de la formation donnée aux détenues concernant le matériel de polissage
  • retard continuel des rapports de superviseur sur les détenues, lesquels rapports n’étaient pas toujours exacts
  • interaction inappropriée de M. Wright avec les détenues.

[71]   M. Wright s’était vu offrir une nomination pour une période indéterminée en octobre 2003. L’évaluation de rendement pour la période de sa nomination de durée déterminée, c’est–à–dire pour la période allant jusqu’à la fin d’août 2003, était une évaluation positive. Les témoins de l’employeur ont affirmé que les préoccupations relatives au rendement n’étaient pas importantes durant cette période mais ont commencé à l’être au début de l’automne 2003. Par conséquent, je ne prends pas en compte la preuve quant aux préoccupations en matière de rendement antérieures à la décision de nommer M. Wright pour une période indéterminée. En particulier, cela s’applique à la préoccupation soulevée par Mme Smith au sujet du fait que M. Wright a contacté la détenue qui l’avait agressé avec une vadrouille en mai 2003. Cet incident est antérieur à la nomination de M. Wright pour une période indéterminée.

[72]   La distribution de soda après un incendie à l’établissement en septembre 2003 a été reconnue comme représentant une allégation de l’employeur qui n’était pas fondée et qui a ultérieurement été rétractée par Mme Smith. Toutefois, cette allégation faisait bel et bien partie de la décision de renvoyer M. Wright en cours de stage, car elle était expressément mentionnée dans la lettre de renvoi. C’est un manque de rigueur de la part de l’employeur, vu le témoignage de M. Rix selon lequel celui–ci a été conseillé peu après l’incident. Il est en fait regrettable que cette rétractation ne figure pas dans la réponse au dernier palier de grief ni apparemment ailleurs dans le dossier de M. Wright. Étant donné l’importance d’une lettre de renvoi en cours de stage, l’employeur aurait dû produire une lettre révisée ou une lettre rétractant l’allégation non fondée et il n’aurait pas dû laisser cette question en suspens. Toutefois, l’employeur doit montrer qu’il avait un motif de renvoi en cours de stage lié à l’emploi et non que tous les motifs qu’il a exposés sont bien fondés (voir l’affaire Boyce (supra)).

[73]   M. Trask et l’avocat de l’employeur ont cherché à attribuer des motifs ou raisons quant aux lacunes relatives au rendement de M. Wright. La preuve n’étayait pas leurs opinions. Quoi qu’il en soit, il n’est pas nécessaire de tirer de conclusions sur les raisons ou explications quant aux lacunes en matière de rendement invoquées par l’employeur dans un renvoi en cours de stage.

[74]   M. Wright a admis avoir eu une liaison avec une fonctionnaire de l’établissement Nova. L’employeur a tenté de montrer que cette liaison avait entravé le rendement de M. Wright. L’employeur n’a cité aucun témoin pour étayer cette thèse et n’a pas eu de succès en contre–interrogeant M. Wright sur ce point. Je signale aussi que de telles allégations n’ont pas été soulevées dans la lettre de renvoi en cours de stage. Je considère que cette allégation n’est pas fondée.

[75]   Lors du contre–interrogatoire, M. Wright a qualifié l’avocat de l’employeur de M. Je–sais–tout. Me Kamel a tenté d’utiliser cette remarque pour attaquer le rendement de M. Wright. Cette remarque de M. Wright a été faite dans le feu du contre–interrogatoire, et, sans excuser ce langage déplacé, je ne peux en tirer une conclusion sur le rendement de M. Wright.

[76]   L’employeur a bel et bien montré qu’il avait des préoccupations liées à l’emploi concernant l’établissement de bons de commande en temps opportun, le paiement de factures de carte de crédit en temps opportun, le contrôle des stocks et l’établissement de rapports de superviseur. Comme je l’ai mentionné précédemment, l’employeur n’a pas à prouver que toutes les raisons qu’il a énumérées pour renvoyer le fonctionnaire en cours de stage sont bien fondées; il n’a qu’à prouver l’existence d’un motif lié à l’emploi (Leonarduzzi (supra)). Je considère donc que l’employeur avait une raison liée à l’emploi pour renvoyer M. Wright en cours de stage.

Le renvoi représentait–il une imposture ou de la mauvaise foi?

[77]   Il incombe donc maintenant au fonctionnaire s’estimant lésé de démontrer que le renvoi en cours de stage est une « imposture » ou repose sur de la mauvaise foi. Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé a invoqué l’affaire Dhaliwal (supra) pour plaider la mauvaise foi de l’employeur. À mon avis, la décision Dhaliwal entre carrément dans le cadre de l’analyse effectuée dans l’affaire McMorrow (supra). Dans McMorrow (supra), l’arbitre de grief a fait observer qu’à son avis :

[…]

si on peut démontrer que l’employeur a tiré une conclusion arbitraire sur les faits lorsqu’il a décidé effectivement de renvoyer la personne en cours de stage, alors cette décision est nulle. [ … ]

Il est banal d’affirmer que pour établir s’il y a eu ou non bonne foi il faut examiner toutes les circonstances entourant l’affaire. Les faits qui peuvent justifier une conclusion de mauvaise foi peuvent se présenter de multiples façons … en tenant pour acquis, bien sûr, que l’on doit toujours, en partant, présumer de la bonne foi de l’employeur.

[…]

[78]   Il est à noter qu’il appartient au fonctionnaire s’estimant lésé de s’acquitter du fardeau de prouver la mauvaise foi; l’employeur n’est pas tenu d’établir qu’il a agi de bonne foi. Il incombe toujours au fonctionnaire s’estimant lésé de démontrer que l’employeur a agi de mauvaise foi ou, comme l’énonce Dhaliwal (supra), de prouver que l’employeur n’a pas agi de bonne foi.

[79]   L’affaire Dhaliwal (supra) renvoie à la politique du Conseil du Trésor sur les licenciements à la suite de mesures autres que disciplinaires comme exemple de fondement requis pour appuyer un renvoi en cours de stage. Je crois que cette politique a été utilisée pour illustrer uniquement certains des principes de bonne foi et qu’elle n’a pas été considérée par l’arbitre de grief comme liant l’employeur dans un cas de renvoi en cours de stage. À première vue, la politique du Conseil du Trésor ne s’applique pas aux fonctionnaires en stage.

[80]   Dans l’affaire McMorrow (supra), l’arbitre de grief a conclu que le superviseur avait tiré la conclusion de renvoyer le fonctionnaire s’estimant lésé en cours de stage avant même l’issue de l’enquête et sans que le fonctionnaire s’estimant lésé puisse s’expliquer. De même, dans Dhaliwal (supra), les préoccupations de l’employeur au sujet de l’utilisation, par le fonctionnaire s’estimant lésé, de ses congés n’ont pas été portées à son attention et il n’a pas eu l’occasion d’expliquer les motifs de ses demandes de congé. Il y avait aussi un élément de pardon de la part de l’employeur dans Dhaliwal (supra), étant donné que le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé avait approuvé les demandes de congé sans les mettre en question. Dans le cas de M. Wright, ce dernier était au courant que son superviseur et les gestionnaires avaient des préoccupations quant à son rendement. Mme Baker lui avait envoyé un certain nombre de courriels concernant les dénombrements des stocks, les bons de commande et les paiements de carte de crédit. M. Wright avait aussi été informé que les évaluations de détenues étaient en retard et de piètre qualité. On lui avait demandé d’observer sa collègue de travail et on lui avait en outre offert une nouvelle formation. M. Trask avait également discuté de questions de rendement, quoiqu’il puisse ne pas avoir été aussi direct qu’il aurait dû l’être en communiquant à M. Wright les lacunes recensées. Je suis toutefois convaincu que M. Wright était de façon générale au courant de préoccupations relatives au rendement.

[81]   La définition de « bonne foi » qui figure dans la politique du Conseil du Trésor et dont un extrait est cité dans l’affaire Dhaliwal (supra) inclut le fait que le fonctionnaire doit être informé « des conséquences, s’il ne corrige pas les lacunes signalées ». Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé soutenait que le fait que l’employeur n’avait pas informé M. Wright que celui–ci pourrait être renvoyé en cours de stage équivalait à de la mauvaise foi. M. Wright avait été informé qu’il était en stage au début de son emploi et, à mon avis, c’était suffisant comme avertissement selon lequel des préoccupations en matière de rendement pourraient donner lieu à un renvoi en cours de stage.

[82]   Dans ce cas–ci, des préoccupations relatives au rendement ont été signalées à M. Wright. De l’aide pour qu’il atteigne ses objectifs de rendement lui a été fournie sous la forme d’une formation en cours d’emploi et de divers guides et manuels. Les courriels envoyés par Mme Baker pour exprimer l’appréciation du travail de M. Wright n’invalident pas les préoccupations exprimées de vive voix et dans d’autres courriels.

[83]   Il y avait des éléments de preuve contradictoires sur l’émetteur–récepteur fourni à M. Wright. Vu le témoignage de M. Trask selon lequel son style de gestion était axé sur des façons de faire en sorte que les fonctionnaires pensent que la solution était la leur, il est facile de comprendre comment pouvait naître de la confusion quant à savoir de qui c’était l’idée. J’accepte le témoignage de M. Wright, corroboré par Mme Baker, selon lequel on n’avait pas parlé de « dispositif de pistage » pour justifier l’utilisation de l’émetteur–récepteur. Cet appareil était destiné à permettre de repérer M. Wright et de communiquer avec lui pendant qu’il s’acquittait de ses fonctions. Je ne vois aucune mauvaise foi de la part de l’employeur dans le fait de fournir un émetteur–récepteur.

[84]   M. Hill soutenait que l’intention manifestée par M. Wright de porter des accusations au criminel après avoir été agressé par une détenue avec une vadrouille en mai 2003 a aussi été un facteur dans le renvoi de M. Wright en cours de stage. Comme je l’ai mentionné précédemment, je n’ai pas pris en compte les événements antérieurs à la nomination de M. Wright pour une période indéterminée, en décidant s’il y avait un motif lié à l’emploi pour renvoyer M. Wright en cours de stage. En ce qui a trait à la mauvaise foi, aucune preuve n’étayait l’allégation selon laquelle le fait que M. Wright ait envisagé de porter des accusations est lié au fait qu’il a été renvoyé en cours de stage. Je signale en outre que M. Wright a été nommé pour une période indéterminée après avoir soulevé la possibilité de porter des accusations au criminel.

[85]   M. Hill soutenait que les remarques de Mme Baker sur l’utilisation des congés de maladie de M. Wright dénotaient également de la mauvaise foi. Je reconnais que la discussion sur le congé de maladie a probablement eu lieu. M. Wright n’a toutefois pas montré que cela avait influé sur la décision de l’employeur de le renvoyer en cours de stage.

[86]   En conclusion, je considère que M. Wright ne s’est pas acquitté de la charge de preuve qui lui incombait; la preuve dans son ensemble ne montre pas que le renvoi en cours de stage était une imposture ou un camouflage ou qu’il a été effectué de mauvaise foi. Je n’ai donc pas compétence.

[87]   Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[88]   Le grief en cause est rejeté pour défaut de compétence.

Le 12 septembre 2005.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Ian R. Mackenzie,
arbitre de grief

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