Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

À partir de 1999, la plaignante a eu un certain nombre de différends avec son employeur et des collègues - à l’origine, elle était représentée par son agent négociateur, mais elle est devenue insatisfaite de la représentation reçue; c’est ainsi qu’en novembre 2000, l’agent négociateur l’a informée qu’il ne pouvait plus la représenter - la plaignante a été licenciée en septembre 2002 pour des raisons médicales - la plaignante n’a pris aucune mesure pour contester la décision de son agent négociateur de ne plus la représenter jusqu’à ce qu’elle dépose une demande introductive d’instance contenant des allégations identiques à celles faisant l’objet de la présente plainte contre son agent négociateur auprès de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta; la demande introductive d’instance a seulement été signifiée à l’agent négociateur en octobre 2003 - au printemps de 2004, la plaignante a déposé une première plainte contre son agent négociateur auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique << la Commission >>), puis plusieurs plaintes modifiées, alléguant manquement au devoir de représentation juste - la plaignante prétend que son agent négociateur n’a pas représenté ses intérêts comme il se devait relativement à son licenciement, sa demande d’indemnisation d’accidents du travail, ses plaintes de droits de la personne et diverses autres questions reliées à sa cessation d’emploi - l’agent négociateur a soulevé des objections préliminaires concernant le respect des délais, la compétence et la nécessité d’obtenir des précisions - sur la question de la compétence, l’agent négociateur a soutenu que le devoir de représentation juste auquel il est tenu n’englobe pas les questions débordant le cadre de sa responsabilité exclusive de représenter ses membres - il a fait valoir que son refus de représenter la plaignante relativement à la poursuite civile, à la demande d’indemnisation d’accidents du travail et aux plaintes de droits de la personne ne pouvait pas faire l’objet d’une plainte devant la Commission - la plaignante a allégué aussi que bien que la plainte se rapportait au défaut initial de l’agent négociateur de la représenter en 1999 et 2000, le manquement était continu étant donné que l’agent négociateur avait négligé de répondre à plusieurs demandes d’aide - la Commission a conclu que la plaignante avait trop tardé à aviser le défendeur des allégations qui pesaient contre lui - compte tenu du délai écoulé, on pouvait présumer que le défendeur avait subi un préjudice; il avait de toute façon démontré l’existence du préjudice - la preuve ne permettait pas d’établir que les problèmes de santé de la plaignante l’avaient empêchée de présenter une plainte - le fait qu’elle était occupée avec une pléthore d’autres plaintes ou d’actions en justice ne constituait pas non plus un motif valable pour présenter sa plainte en retard - les demandes de représentation faites par la plaignante en 2004 qui se rapportent à la demande initiale de représentation demeurent des demandes tardives - en ce qui concerne les demandes supplémentaires qui ne sont pas visées par le refus initial, soit qu’elles étaient tardives, soit que la plaignante n’avait pas réussi a démontré qu’elle avait adressé des demandes de représentation à son agent négociateur avant de présenter sa plainte - la plaignante n’a pas réussi à démontrer qu’il existait des circonstances exceptionnelles ou indépendantes de sa volonté justifiant la présentation tardive de sa plainte - le préjudice causé au défendeur était considérable; il n’existait aucune raison de principe probante de donner suite à la plainte - compte tenu de cette conclusion, il n’était pas nécessaire de statuer sur les autres questions soulevées par le défendeur relativement à l’objet de la plainte et à la nécessité d’obtenir des précisions supplémentaires. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-09-13
  • Dossier:  561-34-13
  • Référence:  2005 CRTFP 140

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

KATHERINE McCONNELL

plaignante

et

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeur

Répertorié
McConnell c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte logée en vertu de l’article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P–35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant : Ian R. Mackenzie, vice–président

Pour la plaignante : Stephen G. Jenuth, avocat

Pour le défendeur : Chris Rootham, avocat


(Décision rendue sans audience.)

Plainte déposée devant la Commission

[1]   Katherine McConnell travaillait comme vérificatrice pour l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) à Calgary, en Alberta; elle était représentée par l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC). La présente décision porte sur des questions préliminaires de respect du délai et de compétence quant à une plainte fondée sur l’article 23 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP). Le 15 mars 2004, Mme McConnell a déposé une plainte contre l’IPFPC, en l’accusant de manquement au devoir de représentation juste que lui impose le paragraphe 10(2) de l’ancienne LRTFP. La plainte initiale n’a pas été acceptée par la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la CRTFP), parce que la plaignante lui avait demandé de ne pas en envoyer copie à son ancien employeur, l’ADRC. Une version modifiée de la plainte a été déposée le 28 avril 2004; la CRTFP l’a acheminée à l’IPFPC le 5 juillet 2004. D’autres plaintes modifiées ont été déposées le 15 septembre ainsi que les 1er et 12 octobre 2004; une autre version modifiée datée du 15 mars 2004 a été reçue, celle–là le 4 octobre 2004. Toutes ces versions modifiées de la plainte ont été envoyées à l’IPFPC le 3 novembre 2004. L’employeur — l’ADRC — en a été informé par la CRTFP le 22 novembre 2004; le 6 décembre 2004, il a répondu qu’il ne souhaitait pas présenter d’observations. La Commission a reçu une autre version modifiée de la plainte le 4 novembre 2004, mais les allégations supplémentaires qui y figurent n’ont aucune incidence sur ma décision.

[2]   Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « nouvelle Loi »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l’article 39 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, la nouvelle Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) est saisie de cette plainte, qui doit être tranchée conformément à la nouvelle Loi.

[3]   L’ADRC a licencié Mme McConnell en 2000. Globalement, la plainte porte sur la représentation — ou non–représentation — qui aurait été fournie à l’intéressée par l’IPFPC à l’égard de son licenciement, de sa demande d’indemnisation pour accident du travail, de ses plaintes de droits de la personne et de diverses autres recours juridiques liés à son emploi et à ses rapports avec son agent négociateur. Entre autres redressements, la plaignante réclame des excuses de l’IPFPC.

[4]   L’IPFPC a déposé sa réponse à la plainte le 18 novembre 2004. Il a déclaré avoir représenté Mme McConnell correctement, avec professionnalisme, sans manquer à son devoir de représentation juste. Il a aussi soulevé deux questions préliminaires, premièrement en déclarant que la plainte devrait être rejetée faute d’avoir été présentée dans le délai prescrit et deuxièmement en alléguant que la nouvelle CRTFP n’a pas compétence pour entendre les allégations de Mme McConnell quant au traitement de ses plaintes relatives à l’indemnisation des accidents du travail et au droits de la personne, et qu’elle n’a pas le pouvoir non plus d’ordonner qu’il lui présente des excuses. Le défendeur a réclamé qu’on tranche ces questions sur la foi d’observations écrites. Dans sa réponse datée du 6 décembre 2004 à cette démarche de l’IPFPC, la plaignante n’a fait aucun commentaire sur l’approche par observations écrites.

[5]   Le 5 mars 2005, Mme McConnell a informé la CRTFP qu’elle avait retenu les services d’un avocat pour la représenter. Dans une lettre datée du 17 mars 2005, la CRTFP a fait savoir à l’avocat de Mme McConnell (et à celui du défendeur) qu’elle trancherait les questions du respect du délai de présentation de la plainte et de compétence sur la foi d’observations écrites. Dans une lettre à la CRTFP datée du 21 mars 2005, la plaignante a déclaré qu’elle aurait préféré que la question du respect du délai ait été entendue dans une audience. Dans cette lettre, elle demandait une prorogation jusqu’au 31 mai 2005 du délai de présentation des observations écrites, ce à quoi la Commission a accédé. Les observations écrites du défendeur ont été déposées le 28 juin 2005. Mme McConnell a demandé une prorogation du délai de présentation de ses observations en réplique; la CRTFP la lui a accordée. Les dernières observations de la plaignante ont été soumises le 11 juillet 2005.

[6]   Dans ses observations déposées le 28 juin 2005, le défendeur a demandé subsidiairement que la CRTFP rende une ordonnance exigeant de Mme McConnell qu’elle lui fournisse d’autres détails, avant de tenir une audience.

Contexte et chronologie

[7]    Les faits pertinents pour trancher les questions préliminaires ne sont pas contestés. Dans ses observations en réplique, la plaignante souscrit aux faits exposés dans les observations du défendeur, en y ajoutant une énumération de contestations de certains faits et certains faits supplémentaires. Par conséquent, j’ai repris ici l’exposé des faits du défendeur, suivi des ajouts et des contestations de la plaignante. Les modifications que j’ai apportées aux observations consistaient à en retrancher les parties qu’il serait plus juste de considérer comme des arguments (exposés dans les arguments des parties).

[8]    La plaignante a déposé à la CRTFP des documents médicaux annexés à ses observations en réplique. Le défendeur n’a donc pas vraiment eu l’occasion de soumettre des observations à l’égard de ces documents médicaux, et il n’a pas non plus tenté de le faire. Toutefois, compte tenu de mes conclusions quant à l’effet de ces documents, il ne s’agit pas là d’une omission importante, à mon avis.

Résumé des faits par le défendeur

Mme McConnell a commencé à travailler pour l’ADRC vers 1992. En 2000, elle était chef d’équipe au Bureau des services fiscaux de Calgary de l’ADRC. En 1999 et 2000, elle a été mêlée à une série de différends avec son employeur et ses collègues, à savoir :

  • une plainte de harcèlement portée contre elle par un de ses subordonnés;

  • un grief qu’elle a présenté contestant le déroulement de l’enquête sur cette plainte de harcèlement;

  • sa propre plainte de harcèlement contre quatre hauts fonctionnaires de l’ADRC, qui avaient mis fin à une entente de détachement dès qu’elle fut partie en congé de maladie, le 1er février 2000;

  • une plainte de droits de la personne dénonçant aussi la fin de cette entente de détachement;

  • un grief confirmant que la plaignante avait droit à une rémunération d’intérim à un niveau de classification plus élevé que le sien pour la période de 1997 à 1999 (ce grief n’a été déposé que le 22 juin 2000);

  • un différend relatif au fait que l’ADRC n’avait pas fait d’évaluation officielle du rendement de l’intéressée depuis 1997 (Mme McConnell voulait au départ présenter un grief pour protester contre ce manquement, mais elle a ultérieurement informé l’Institut qu’elle comptait plutôt déposer une plainte de droits de la personne);

  • un différend avec l’ADRC sur la question de savoir si Mme McConnell devait revenir au travail pendant qu’elle était en congé de maladie;

  • deux appels fondés sur l’article 21 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique contestant des nominations à l’ADRC.

Mme McConnell a été en congé d’invalidité de février 2000 à septembre 2001. Elle a alors recommencé à toucher son traitement, sans toutefois qu’on lui confie des tâches. Comme son congé d’invalidité était attribuable au stress qu’elle avait subi à son lieu de travail à Calgary, elle a refusé d’y retourner, et l’ADRC lui a enjoint de ne pas y revenir. À la longue, l’ADRC a fini par la licencier, en raison d’une [traduction] « invalidité pour raisons médicales », en septembre 2002.

Mme McConnell a intenté une poursuite au civil contre l’ADRC pour contester son renvoi, en alléguant qu’il était illégal et/ou que c’était un renvoi pour motifs disciplinaires déguisé.

L’Institut a d’abord confié la tâche de représenter Mme McConnell à David Riffel, qui l’a assistée dans plusieurs affaires, notamment dans des appels fondés sur la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP). Il a aussi rédigé des griefs et négocié avec la direction de l’ADRC au nom de Mme McConnell, qui n’était toutefois pas satisfaite de ses efforts pour la représenter; elle lui a dit de cesser de le faire. En juillet 2000, elle a demandé à l’Institut de retenir les services d’un avocat de l’extérieur pour la représenter. Elle a plus tard modifié cette exigence, en demandant d’être assistée par Robert Fredericks (un avocat dont l’Institut avait retenu les services comme représentant).

Le directeur des Services de représentation de l’IPFPC, Georges Nadeau, a répondu à la demande de Mme McConnell en demandant à un autre de ses représentants, Lee Bettencourt, de prendre connaissance de tout son dossier et de déterminer les mesures à prendre. M. Bettencourt a rédigé un rapport à ce sujet et l’a soumis à M. Nadeau le 6 septembre 2000. Il recommandait plusieurs mesures à l’égard des divers dossiers de différends entre Mme McConnell et son employeur. Il a aussi recommandé que l’Institut ne retienne pas les services d’un avocat de l’extérieur pour représenter M me McConnell. Par inadvertance, il a aussi envoyé à Mme McConnell une copie d’une version antérieure de ce rapport. Cette version antérieure contenait plusieurs commentaires déplacés à l’endroit de Mme McConnell. M. Nadeau a présenté des excuses à l’intéressée pour les commentaires de M. Bettencourt, en reconnaissant qu’ils étaient déplacés. Il a aussi accepté de ne pas tenir compte du tout du rapport et confié à Robert Fredericks la tâche de représenter la plaignante, comme elle l’avait demandé.

Mme McConnell a remercié M. Nadeau pour ses excuses, mais exigé que l’Institut lui fournisse tous les documents relatifs à son dossier ainsi qu’un rapport exposant de façon détaillée toutes les conversations que M. Bettencourt avait eues sur son cas avec la direction de l’ADRC. Elle a refusé de coopérer avec le représentant que l’agent négociateur avait choisi pour elle jusqu’à ce qu’il ait répondu à ses exigences.

L’IPFPC lui a fait parvenir une copie de son dossier; M. Nadeau a aussi répondu à sa demande d’information sur toutes les conversations que M. Bettencourt avait eues avec la direction de l’ADRC, mais la plaignante est restée insatisfaite, en refusant de donner son assurance qu’elle coopérerait avec le représentant que l’Institut avait désigné pour la représenter.

C’est alors que le président de l’Institut, Steven Hindle, a commencé à correspondre directement avec Mme McConnell, qui lui a écrit plusieurs lettres sur son cas en se plaignant de la qualité de la représentation que l’Institut lui avait offerte. M. Hindle lui a répondu en résumant les démarches que l’IPFPC avait prises pour se conformer à ses exigences, en répétant qu’il ne retiendrait pas les services d’un avocat de l’extérieur pour la représenter. Cette réponse n’a pas satisfait Mme McConnell, qui a de nouveau refusé de promettre de coopérer avec le représentant que l’Institut avait choisi pour la représenter.

Ensuite, Mme McConnell fait le dernier pas en informant son employeur que l’Institut ne la représentait plus. Par suite de son refus d’accepter de coopérer avec le représentant que l’agent négociateur avait désigné pour l’assister et de sa décision d’informer l’ADRC qu’elle n’était plus représentée, M. Hindle a conclu que l’IPFPC ne pourrait plus représenter Mme McConnell. Il l’a informée le 21 novembre 2000 de cette décision, qui a pris effet le 1er décembre 2000.

Mme McConnell n’a fait aucune démarche pour en appeler de la décision de l’IPFPC de ne plus la représenter ni ne l’a contestée autrement avant le 19 août 2002. À ce moment–là, elle a déposé à la Cour du banc de la Reine de l’Alberta une déclaration d’intention contre l’Institut, déclaration qu’elle a modifiée le 10 octobre 2003 (une copie de cette déclaration modifiée a été versée au dossier à la CRTFP).

Mme McConnell a fait parvenir sa déclaration d’intention à l’Institut le 21 octobre 2003. Le 30 juillet 2001 (sic), elle avait obtenu une ordonnance d’un tribunal l’autorisant à la communiquer tardivement.

L’IPFPC a présenté une demande de rejet de la déclaration d’intention faute de compétence, en acceptant de différer cette demande sine die pendant que Mme McConnell s’emploierait à retenir les services d’un avocat et à obtenir le soutien de l’aide juridique. L’Institut n’a pas encore produit de défense.

M. Riffel est désormais retraité; certaines des notes qu’il avait prises en 1999 — il les a perdues avant octobre 2003 — ne sont pas disponibles, et son souvenir des événements s’est estompé avec le temps.

À l’époque, l’IPFPC avait une politique de non–représentation de ses membres qui déposaient des plaintes de droits de la personne. Il les aidait à rédiger la plainte originale et leur donnait des conseils stratégiques de temps à autre, sans toutefois les représenter devant la Commission canadienne des droits de la personne ni devant le Tribunal canadien des droits de la personne. Cela dit, ses représentants disposaient d’une certaine marge de manœuvre qui les autorisait à représenter des membres dans des affaires de droits de la personne lorsque les plaintes présentaient des aspects jurisprudentiels particulièrement évidents ou soulevaient des questions d’importance pour l’unité de négociation, voire pour l’Institut dans son ensemble. C’est pour cela que l’IPFPC avait pris connaissance des plaintes de droits de la personne de Mme McConnell et conclu qu’elles n’étaient pas suffisamment convaincantes pour justifier qu’il fasse exception à sa politique. L’IPFPC déclare que Mme McConnell était consciente de la politique quand elle a commencé à formuler ses plaintes de droits de la personne.

Faits supplémentaires de la plaignante et faits contestés

Outre les différends énumérés dans les observations écrites de l’Institut, Mme McConnell a aussi pris les mesures et soulevé les questions suivantes — sans l’aide d’un avocat — dans le contexte de la présente affaire et des circonstances qui avaient entouré son renvoi de l’ADRC :

  1. nombreuses demandes et démarches de suivi auprès des commissariats à l’accès à l’information et à la protection de la vie privée;

  2. nombreuses demandes d’information au Commissariat à la protection de la vie privée sur la conduite de ces deux commissariats;

  3. nombreuses communications avec le Cabinet du Premier Ministre quant à la conduite de ses supérieurs à l’ADRC;

  4. nombreuses plaintes au ministre Cauchon après que les plaintes de Mme McConnell eurent été renvoyées à son cabinet par le CPM;

  5. plaintes au ministre du Revenu national;

  6. plainte à la Law Society of British Columbia à l’égard de Ronald M. Snyder;

  7. plusieurs plaintes directement adressées à la présidente de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP);

  8. plusieurs plaintes directement adressées au président de l’ADRC;

  9. contestation de l’évaluation de son aptitude au travail par le Dr Jorgenson;

  10. plusieurs nouvelles plaintes à la Commission canadienne des droits de la personne contre l’ADRC, en mai 2005.

La poursuite au civil contre l’IPFPC a commencé le 19 août 2002; elle est actuellement ajournée sine die avec le consentement des parties.

Le refus initial de l’IPFPC de représenter Mme McConnell ne portait que sur les procédures de grief et non sur ses poursuites au civil, sa demande d’indemnisation à la Commission des accidents du travail ou ses recours devant la CCDP.

L’IPFPC savait parfaitement qu’il était tenu par la convention collective conclue entre lui et l’ADRC de représenter Mme McConnell dans ces affaires, et il a reconnu cette obligation dans sa correspondance avec Mme McConnell. Contrairement à ce qu’il a déclaré dans ses observations, c’est lui et non Mme McConnell qui a décidé qu’il ne la représenterait plus.

Renseignements contextuels supplémentaires

[9]    La plaignante a joint à ses dernières observations deux rapports de psychologues établis en août et en septembre 2002. Ces rapports médicaux font aussi état des diagnostics d’autres médecins. En juillet 2000, Mme McConnell a été diagnostiquée comme souffrant d’un [traduction] « trouble d’adaptation chronique combiné avec des problèmes d’angoisse et un état dépressif ». Ce trouble a été qualifié de léger. En septembre 2001, on a déclaré que son état s’améliorerait sans doute nettement si elle retournait au travail [traduction] « le plus tôt possible ». En avril 2002, le diagnostic était semblable, mais reconnaissait [traduction] « une incapacité de légère à modérée quant au fonctionnement social et occupationnel ». Deux médecins avaient reconnu qu’elle ne souffrait d’aucun [traduction] « trouble mental majeur — aigu ou chronique — qui l’empêcherait de retourner immédiatement au travail ». Le rapport médical établi en août 2002 souscrivait à cette évaluation et concluait qu’un retour dans un autre lieu de travail à l’ADRC était souhaitable.

[10]   Dans la version modifiée de sa plainte déposée le 1er octobre 2004, Mme McConnell déclarait avoir récemment informé l’avocat de l’IPFPC qu’elle voulait être représentée pour contester son renvoi injustifié par l’ADRC. En outre, dans l’autre version modifiée de sa plainte, déposée le 12 octobre 2004, elle déclarait avoir demandé à être représentée pour sa plainte de droits de la personne.

Résumé de l’argumentation

[11]   Le texte intégral des observations des parties a été versé au dossier de la CRTFP. Cela dit, j’ai apporté aux observations qui suivent des modifications d’ordre stylistique seulement. Les observations initiales du défendeur sur la question de compétence, datées du 18 novembre 2004, sont incluses pour donner une idée globale de la situation.

Observations initiales du défendeur (18 novembre 2004)

Les articles 10 et 23 de l’ancienne LRTFP ne prévoient pas de délais précis. Néanmoins, la CRTFP a jugé que les plaintes devaient être déposées dans un délai raisonnable après les événements sur lesquels elles sont fondées. Quand les plaintes ne sont pas déposées dans un tel délai, le plaignant doit assumer la charge de prouver qu’il existait des circonstances exceptionnelles ou indépendantes de sa volonté pour l’empêcher d’agir plus tôt : Walcott c. Turmel, 2001 CRTFP 86, et Harrison c. Alliance de la Fonction publique du Canada, dossier de la CRTFP 161–2–725 (1995) (QL).

Mme McConnell a déposé sa plainte presque quatre ans après que l’Institut eut refusé de la représenter. Ce délai déraisonnable est aussi préjudiciable à l’Institut, qu’il empêche en effet de donner une réponse exhaustive à la plainte de Mme McConnell, en raison de l’érosion naturelle du souvenir que ses principaux témoins (plus particulièrement M. Riffel) ont des faits. C’est donc à Mme McConnell qu’il incombe de faire valoir des circonstances exceptionnelles pour justifier ce retard.

Le devoir de représentation juste de l’agent négociateur ne s’étend pas aux questions débordant le cadre de sa représentation exclusive d’un membre. Il s’ensuit que le devoir de l’Institut ne s’étend pas au–delà de la portée de l’ancienne LRTFP. Les plaintes de droits de la personne, les poursuites au civil et la demande d’indemnisation d’accident du travail de Mme McConnell ne sont pas sous le régime de la Loi : Lai c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2000 CRTFP 33; Re Barnard v. British Columbia Government and Service Employees’ Union, and Point Hope Shipyard Co. Ltd., [1997] B.C.L.R.B.D. No. 6; Lavoie v. Office and Professional Employees International Union, Local 343 and International Association of Bridge, Structural and Ornamental Ironworkers, Local 700, [1981] 3 Can. LRBR 43.

La CRTFP n’a donc pas compétence pour entendre la plainte de Mme McConnell, dans la mesure où elle porte sur des démarches devant la Commission canadienne des droits de la personne, des questions d’indemnisation d’accident du travail ou des poursuites comme celles qu’elle a intentées au civil contre l’ADRC et la SunLife.

Mme McConnell voudrait aussi que la CRTFP ordonne à trois agents de l’Institut de lui présenter des excuses dans une publication nationale. L’Institut est d’avis qu’il n’est pas nécessaire qu’on fasse d’autres excuses à Mme McConnell. Même si des excuses étaient justifiées, la CRTFP n’a pas compétence pour ordonner qu’on en fasse, et une telle décision serait d’ailleurs incompatible avec la liberté d’expression garantie par la Charte canadienne des droits et libertés : Stevenson c. Canada (Service canadien du renseignement de sécurité), 2003 FCPI 341.

Pour la plaignante

La plaignante reconnaît qu’il n’existe pas de délai précis de présentation d’une plainte dans l’ancienne LRTFP ni dans la loi qui l’a remplacée, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la nouvelle LRTFP). Elle reconnaît aussi devoir expliquer pourquoi elle a tardé à présenter sa plainte. Par contre, elle nie que le délai en l’espèce soit déraisonnable, ni qu’il ait été préjudiciable à l’Institut.

La plaignante a déposé une déclaration d’intention contre l’Institut en août 2002. Cette déclaration contient notamment des allégations de manquement par l’Institut à son devoir de représentation juste. Il s’ensuit que l’Institut savait qu’il faisait l’objet d’une plainte dès cette date. Par conséquent, en toute déférence, l’analyse de la raisonnabilité du délai doit tenir compte de la date de dépôt de cette déclaration et non de celle du dépôt de la plainte elle–même.

En ce qui concerne le préjudice, en toute déférence, le préjudice subi par l’Institut ou toute incapacité de sa part de répondre aux allégations de la plaignante sont de sa faute, et la plaignante ne devrait pas en être tenue responsable.

Une fois que la déclaration de la plaignante a été déposée, l’Institut avait été averti qu’on intentait une poursuite contre lui. Les allégations figurant dans cette déclaration sont identiques à celles qu’on trouve dans les plaintes en l’espèce. En outre, la poursuite au civil susmentionnée n’a pas encore été tranchée; elle a été ajournée sine die avec le consentement des parties. Dans ces conditions, en toute déférence, conscient qu’il était de cette déclaration à son endroit, l’Institut avait l’obligation de préserver les éléments de preuve et tous les documents nécessaires pour l’aider dans sa défense contre ces allégations afin de ne pas subir de préjudice. Il s’ensuit que tout préjudice que l’Institut a pu subir est de sa faute et ne saurait être attribuable à un retard quelconque de la plaignante.

Enfin, il faut se rappeler que la plaignante ne s’est pas contentée d’invoquer ses droits. Elle a bel et bien déployé des efforts concertés pour se prévaloir de tous les recours possibles et s’est entièrement prévalue de ses droits en tant que citoyenne dans une démocratie, au point d’aller jusqu’à en saisir le Cabinet du Premier Ministre (CPM). Il suffit de prendre connaissance de la liste des actions énumérées dans ses observations ainsi que dans celles de l’Institut pour en être convaincu.

On a fait valoir que, lorsqu’un plaignant a de bonnes raisons d’être occupé à se prévaloir d’autres possibilités de recours, comme des poursuites au civil, d’autres griefs et des procès devant la Cour fédérale, un long délai de présentation d’une plainte fondée sur l’ancienne LRTFP n’est pas une raison valable pour la rejeter (Teeluck c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2001 CRTFP 45).

En fait, en toute déférence, il serait vraiment injuste et contraire aux principes de la justice naturelle que la plaignante soit pénalisée pour avoir pris le temps de se prévaloir de tous ses droits, surtout quand on pense aux innombrables délais avec lesquels il faut composer pour présenter le nombre de plaintes, de doléances et de demandes que la plaignante a déposées.

L’Institut est d’avis que la Commission (devenue depuis la nouvelle CRTFP) n’a pas compétence pour entendre les allégations de la plaignante au sujet de la CCDP et de sa demande d’indemnisation pour accident du travail, parce que le devoir de représentation juste a une portée limitée aux questions relevant de l’ancienne LRTFP. Il a toujours été interprété comme s’appliquant à tous les aspects de la relation entre l’employeur et l’employé, sans plus. Par conséquent, afin de déterminer l’applicabilité des allégations de la plaignante, il faut tenir compte de leur nature.

Dans Boutilier c. Canada (Conseil du Trésor), [1998] A.C.J. n o 1635, la Cour fédérale a conclu que, pour décider si une plainte relève de la compétence de la CRTFP — ou de celle de la CCDP —, il faut savoir si elle doit être considérée comme une question de droits de la personne, auquel cas il faut la soumettre à la CCDP, ou s’il s’agit plutôt fondamentalement d’une question de relations entre l’employeur et l’employé, auquel cas la compétence revient à la CRTFP. En toute déférence, le devoir de représentation de la plaignante doit être déterminé dans une audience plutôt qu’être considéré comme une question préliminaire à la lumière de la décision rendue par la Cour fédérale dans Boutilier, supra, puisque la nature de la plainte sera établie en fonction des faits constatés par la CRTFP. En outre, et toujours en toute déférence, la nature des allégations de Mme McConnell doit être établie dans chaque cas pour déterminer si la CRTFP a compétence ou pas.

Les pouvoirs dont la CRTFP est investie en vertu de l’ancienne comme de la nouvelle LRTFP lui donnent une grande latitude dans ses décisions. En effet, le paragraphe 23(2) de l’ancienne LRTFP dispose que la Commission peut rendre une ordonnance enjoignant à l’organisation syndicale « de prendre toute mesure nécessaire » pour remédier à une plainte; de même, l’article 192 de la nouvelle LRTFP précise qu’elle peut rendre à cet égard « toute ordonnance qu’elle estime indiquée ». Il s’ensuit que, si elle estime devoir ordonner à l’Institut de présenter des excuses, la Loi confère à la CRTFP le pouvoir de le faire.

En toute déférence, il faudrait partir du principe que toutes les excuses que la CRTFP ordonnerait au défendeur de faire devraient être sincères, à condition que la plaignante ait gain de cause. Présumer que ces excuses ne seraient que de pure forme reviendrait à présumer que l’Institut est cynique et qu’il fait fi de la détresse de ses membres lorsqu’il manque à son devoir de représentation juste et qu’ils en souffrent. Cela revient à présumer que l’Institut ne tient pas vraiment à ce que les employés bénéficient d’une représentation juste, ce qui n’est tout simplement pas le cas, cela dit en toute déférence.

En fonction de ce qui précède, la plaignante demande en toute déférence que la CRTFP rende une ordonnance stipulant :

  1. que la prétention de l’Institut que ses plaintes sont irrecevables parce que tardives soit rejetée;

  2. que la CRTFP assume sa compétence à l’égard de la demande d’indemnisation pour accident du travail et des demandes adressées à la CCDP à l’audience;

  3. que la CRTFP a bel et bien le pouvoir d’ordonner que des excuses lui soient présentées.

Pour le défendeur

Les articles 10 et 23 de l’ancienne LRTFP ne prévoient pas de délais précis. Néanmoins, la CRTFP a jugé que les plaintes devaient être déposées dans un délai raisonnable après les événements sur lesquels elles sont fondées. Quand les plaintes ne sont pas déposées dans un tel délai, le plaignant doit assumer la charge de prouver qu’il existait des circonstances exceptionnelles ou indépendantes de sa volonté pour l’empêcher d’agir plus tôt : Walcott, supra et Harrison, supra.

Dans Harrison, supra, le plaignant avait attendu 35 mois (du 14 mai 1991 au 6 avril 1994) avant de déposer sa plainte. La CRTFP avait conclu que le retard était déraisonnable, en exigeant une explication. Le plaignant avait déclaré être alcoolique et avoir été incapable de préparer sa plainte avant juillet 1993. La CRTFP n’avait pas accepté cette explication, notamment parce que le plaignant avait soumis une plainte de droits de la personne en juillet 1992. Toutefois, elle avait poursuivi en disant que, même si le plaignant n’était pas mentalement ni physiquement capable de déposer une plainte avant juillet 1993, les dix mois qui lui avait fallu pour la déposer après cette date n’étaient pas un délai raisonnable, de sorte qu’il aurait dû lui fournir une explication convaincante.

Dans Walcott, supra, la CRTFP a rejeté une plainte déposée 40 mois après les événements qui l’avaient suscitée en exposant les règles applicables pour déterminer si le délai est raisonnable ou pas :

[L]es plaintes devraient être présentées dans un délai raisonnable suivant les événements qui y donnent lieu. Quand ce n’est pas le cas, il incombe aux plaignants de prouver que des circonstances exceptionnelles ou indépendantes de leur volonté les ont empêchés d’agir plus rapidement.

L’ancienne LRTFP ne prévoyait aucun délai de présentation d’une plainte, tandis que la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique en prévoit un de 90 jours pour les plaintes que les membres d’un syndicat déposent à l’endroit de leur agent négociateur. Le Code canadien du travail et le Labour Relations Code de l’Alberta prévoient aussi tous deux des délais de 90 jours pour la présentation d’une plainte. Ces limites législatives correspondent au délai normal considéré comme acceptable pour le dépôt de plaintes de cette nature. Tout délai excédant 90 jours ne devrait être toléré que si le plaignant en donne une explication claire, cohérente et convaincante.

L’Institut a cessé de représenter Mme McConnell le 1er décembre 2000. Or, elle a attendu jusqu’au 19 août 2002 pour déposer une déclaration d’intention contenant les allégations mêmes dont la Commission est saisie. Ensuite, elle a attendu jusqu’au 21 octobre 2003 pour faire parvenir copie de cette déclaration à l’Institut. Elle n’a pu attendre aussi longtemps qu’en raison de l’ordonnance du tribunal qu’elle avait réclamée (et qu’elle a reçue le 30 juillet 2003). Par conséquent, l’Institut n’a été saisi d’une plainte de Mme McConnell que le 21 octobre 2003, presque 35 mois après avoir cessé de la représenter.

L’Institut a immédiatement pris des mesures pour contrer cette déclaration d’intention, en présentant une demande d’annulation parce qu’elle aurait dû être présentée à la Commission. Cette demande a été déposée le 2 novembre 2003 et immédiatement communiquée à Mme McConnell, qui a attendu jusqu’au 15 mars 2004 — soit 133 jours — pour déposer une plainte devant la Commission. Cette plainte a été rejetée pour ce que l’Institut interprète comme une non–conformité technique aux règles de la Commission.

Même si l’on ne tient pas compte du temps écoulé après le 15 mars 2004, Mme McConnell a tardé près de 40 mois à déposer sa plainte. Ses observations écrites ne tentent absolument pas d’expliquer pourquoi il lui a fallu jusqu’au 19 août 2002 pour déposer une déclaration d’intention, puis jusqu’au 21 octobre 2003 pour la communiquer à l’Institut et enfin jusqu’au 15 mars 2004 pour déposer sa plainte à la CRTFP.

Mme McConnell a maintenu que le préjudice que l’Institut subirait (ou le fait qu’il serait incapable de réfuter ses allégations) lui serait imputable parce qu’il aurait dû prendre des mesures pour préserver la preuve une fois sa déclaration d’intention déposée. Toutefois, elle n’a déposé cette déclaration que le 19 août 2002 et ne l’a communiquée à l’Institut que le 21 octobre 2003, sans expliquer ce premier délai de 35 mois. L’Institut s’était fondé, comme il est raisonnable de le faire, sur l’expiration de la période de 90 jours au cours de laquelle il est raisonnable de déposer des plaintes, de même que sur la période de prescription de deux ans que l’Alberta reconnaît pour les poursuites au civil. Une fois ces périodes expirées, il était raisonnable qu’il ne prenne pas de mesures pour préserver la preuve, puisqu’il n’avait aucune raison de préserver la preuve perdue avant le 21 octobre 2003. Il s’ensuit que le préjudice que subirait l’Institut n’est pas de sa faute, étant donné qu’il est imputable uniquement à la décision de Mme McConnell de tarder à l’informer de sa déclaration d’intention jusqu’au 21 octobre 2003.

Mme McConnell se fonde aussi sur la décision de la CRTFP dans Teeluck, supra, pour justifier son délai, en alléguant que sa campagne intensive de correspondance justifie le retard dans son cas. Or, l’affaire Teeluck, supra, se démarque facilement de la sienne pour les quatre raisons suivantes :

  1. Le retard n’était que d’en tout 14 mois dans Teeluck, comparativement à près de 40 mois en l’espèce.
  2. Dans Teeluck, le retard n’avait pas sapé la capacité de l’agent négociateur de faire valoir ses arguments, tandis qu’ici, il lui porte préjudice.
  3. Le plaignant n’était pas représenté dans Teeluck, tandis que, si Mme McConnell ne l’a pas été pendant certaines périodes depuis le 1er décembre 2000, elle l’a été quand même pendant d’autres périodes.
  4. Dans Teeluck, le plaignant n’était pas familier avec « [l]es exigences et [l]es ramifications de la législation pertinente », alors que Mme McConnell n’a jamais laissé entendre qu’elle était inconsciente de la possibilité de présenter une plainte en vertu de l’ancienne LRTFP.

Mme McConnell a déposé sa plainte presque trois ans et demi après que l’Institut eut refusé de la représenter. Ce délai déraisonnable est aussi préjudiciable à l’Institut, qu’il empêche en effet de donner une réponse exhaustive à la plainte de Mme McConnell, en raison de l’érosion naturelle du souvenir que ses principaux témoins (particulièrement M. Riffel) ont des faits. C’est donc à Mme McConnell qu’il incombe de faire valoir des circonstances exceptionnelles pour justifier ce retard, et elle n’a pas su s’acquitter de cette charge.

Mme McConnell s’est plainte de la façon de l’Institut de traiter ces griefs. Cette plainte est du ressort de la CRTFP, mais Mme McConnell s’est aussi plainte du refus de l’Institut de lui venir en aide dans des affaires qui débordent le cadre de la procédure de règlement des griefs, à savoir :

  1. ses plaintes de droits de la personne contre l’ADRC;
  2. ses problèmes d’indemnisation pour accident du travail;
  3. des poursuites au civil contre la SunLife (son assureur) et contre l’ADRC.

Le devoir de représentation juste de l’agent négociateur ne s’étend pas à des questions qui débordent le cadre de sa représentation exclusive d’un de ses membres. Mme McConnell peut déposer des plaintes de droits de la personne — ou des plaintes pour contester un refus de l’indemniser pour un accident du travail —, et peut aussi intenter des poursuites au civil sans l’approbation ni l’aide de l’Institut, dont l’obligation de la représenter ne s’étend qu’aux questions sous le régime de l’ancienne LRTFP, parce que ce sont les seules à l’égard desquelles il détient le droit de représentation exclusive (Lai, supra;Barnard, supra; Lavoie, supra).

Mme McConnell a prétendu que le devoir de représentation juste englobe tous les aspects de la relation employeur–employé sans toutefois citer de source pour étayer cette allégation, et l’Institut ne connaît d’ailleurs aucune source pareille. Bien au contraire, le devoir de représentation juste existe en raison du droit de représentation exclusive d’un syndicat. Si l’un de ses membres a le droit de se prévaloir individuellement d’un recours, le syndicat n’a pas de devoir de représentation juste à son endroit.

La CRTFP n’a donc pas compétence pour entendre la plainte de Mme McConnell, dans la mesure où elle porte sur des démarches devant la Commission canadienne des droits de la personne, sur des questions d’indemnisation d’accident du travail ou sur les poursuites qu’elle a intentées au civil contre l’ADRC et la SunLife.

Mme McConnell voudrait aussi que la CRTFP ordonne à trois agents de l’Institut de lui présenter des excuses dans une publication nationale. L’Institut est d’avis qu’il n’est pas nécessaire qu’on fasse d’autres excuses à Mme McConnell. Même si des excuses étaient justifiées, la CRTFP n’a pas compétence pour ordonner qu’on en fasse, et une telle décision serait d’ailleurs incompatible avec la liberté d’expression garantie par la Charte canadienne des droits et libertés : Stevenson, supra.

Si la CRTFP devait conclure qu’elle a effectivement le pouvoir d’ordonner des excuses dans une affaire où elles sont justifiées, l’Institut se réserve le droit de soutenir que des excuses forcées en l’espèce constitueraient une infraction de l’alinéa 2b) de la Charte des droits et libertés qui ne serait pas justifiée par l’article 1 de la Charte.

L’Institut réclame une ordonnance rejetant la plainte de Mme McConnell parce que tardive.

Subsidiairement, il réclame une ordonnance réduisant la portée de la plainte de Mme McConnell, qui devrait être limitée à sa représentation par l’Institut dans le cadre de la procédure de règlement des griefs. En outre, la demande d’excuses de la plaignante devrait être rejetée parce qu’excédant la compétence de la Commission

Enfin, l’Institut déplore l’absence de détails dans la plainte de Mme McConnell. La CRTFP devrait obliger l’intéressée à fournir plus de détails sur sa plainte afin que l’Institut puisse préparer une réponse appropriée. Mme McConnell a fait plusieurs allégations très graves, notamment de diffamation, de duperie et de collusion avec l’employeur. Plus l’allégation est grave, plus il est important que la plaignante donne des précisions pour que le défendeur puisse préparer sa réponse. L’Institut ne peut donner une réponse exhaustive qu’après avoir reçu une plainte elle aussi exhaustive.

Par conséquent, si la CRTFP décidait de ne pas rejeter la plainte d’emblée pour des raisons de compétence, l’Institut lui demande d’ordonner à Mme McConnell de produire des détails sur ses allégations avant que l’affaire ne soit entendue à l’audience.

Réplique de la plaignante

Bien que le défendeur ait raison de dire que la plainte porte sur sa non–représentation de la plaignante en 1999 et 2000, le fait est qu’il a continué à ne pas la représenter. La plaignante a continué à demander qu’il la représente jusqu’en 2004 dans le contexte de ses griefs devant la Commission et de sa demande d’indemnisation devant la Commission des accidents du travail.

Le défendeur allègue que Mme McConnell n’a pas coopéré avec celui qui avait été choisi pour la représenter, Robert Fredericks, mais c’est de l’Institut que Mme McConnell se plaint, pas de M. Fredericks. En fait, elle avait de bonnes relations professionnelles avec lui.

L’Institut déclare qu’il subit un préjudice en raison du délai. Le préjudice qu’il prétend subir résulterait du fait que M. Riffel est désormais retraité, que certaines des notes qu’il avait prises en 1999 ne sont pas disponibles parce qu’il les a perdues avant octobre 2003 et que son souvenir des événements s’estompe avec le temps. Les faits que l’Institut avance sont insuffisants pour démontrer qu’il subit un préjudice.

En ce qui concerne le départ à la retraite de M. Riffel, il faut bien souligner que cela n’a rien à voir avec la question du préjudice. Que M. Riffel ait pris sa retraite ou pas n’influe nullement sur son souvenir des événements, pas plus d’ailleurs que l’existence de documents sur la question. Le fait qu’il est retraité n’est lié à la question du préjudice que dans son contexte et n’a aucun poids réel.

En ce qui concerne les notes perdues de 1999, il vaut la peine de souligner que seulement certaines des notes de 1999 que M. Riffel avait prises sont perdues. En toute déférence, compte tenu de la longueur de la période et du nombre de personnes en cause, la perte d’une partie des notes que M. Riffel avait rédigées en 1999 ne porte pas préjudice à l’Institut à un point tel qu’il justifierait le rejet de la plainte de Mme McConnell.

Dans l’ensemble de ses observations, le défendeur fait état d’événements qui se sont déroulés en 1999 et en 2000. Il déclare clairement que ce qui a donné lieu à la plainte en l’espèce — le fait qu’il n’a pas convenablement représenté Mme McConnell — coïncide avec sa décision du 21 novembre 2000 et n’a eu d’effet qu’à partir du 1er décembre 2000.

Il s’ensuit que les événements qui ont fini par mener à une rupture entre Mme McConnell et l’Institut sont arrivés à la fin de 2000. Puisque les seules notes perdues datent de 1999, l’Institut devrait avoir 11 mois de notes sur les événements qui se sont déroulés jusqu’à la fin de 2000. En outre, puisqu’il n’y a pas d’autres allégations de renseignements perdus, on peut supposer que toutes les notes relatives à l’affaire qui ont été prises après le 1er décembre 2000 sont encore disponibles, sans parler du reste des notes de 1999, qui le sont encore, elles aussi.

Le défendeur a précisé que Robert Fredericks est celui qu’il avait chargé de représenter Mme McConnell après M. Riffel. D’après ses observations, ce changement de représentation ne s’est pas fait avant septembre 2000. Par conséquent, au moment où l’Institut a cessé de représenter Mme McConnell, ce n’est plus M. Riffel qui la représentait. En toute déférence, puisqu’il n’y a aucune allégation que les notes de Robert Fredericks sont disparues, il faut partir du principe que toutes ses notes, qui devraient exposer de façon détaillée les événements qui ont immédiatement précédé la période cruciale, demeurent disponibles.

Enfin, il faudrait tenir compte du fait que celles des notes de 1999 qui ne sont plus disponibles ne le sont pas parce que M. Riffel lui–même les a perdues par inadvertance. Les observations du défendeur stipulent qu’il les a perdues avant octobre 2003.

En toute déférence, bien que les faits présentés par le défendeur précisent à quel moment M. Riffel a su que ses notes étaient perdues, il est incapable de donner même une idée du moment auquel elles l’ont effectivement été. Sur la foi des faits qu’il a avancés, il se pourrait que les notes aient été perdues au début de 2000. En toute déférence, il faut donc reconnaître que le défendeur n’a pas réussi à démontrer que le préjudice subi en ce qui concerne ces notes perdues est imputable à la plaignante. Si les notes ont été perdues avant décembre 2002 ou même peu de temps après, l’Institut ne les aurait pas eues même si la plainte avait été déposée dans un mois de la date à laquelle il a cessé de représenter la plaignante.

Enfin, et toujours en toute déférence, puisque les notes ont été perdues par la faute de M. Riffel, et ce par inadvertance, la plaignante n’est pas responsable du préjudice qui pourrait en résulter pour le défendeur. En bout de ligne, ce n’est pas elle qui a causé la perte des notes, quel que soit le moment auquel elles ont été perdues.

Le défendeur soutient que le long délai de présentation de la plainte dans Teeluck, supra, n’avait pas sapé la capacité de l’agent négociateur de faire valoir ses arguments, contrairement à ce qui se produit en l’espèce. Pourtant, comme on l’a vu plus haut, le défendeur n’a subi virtuellement aucun préjudice dans la présente affaire, et c’est pourquoi, en toute déférence, on ne saurait établir une distinction sur cette base entre Teeluck, supra, et la présente affaire.

Le défendeur soutient aussi que, contrairement au plaignant dans Teeluck, supra, Mme McConnell a été à l’occasion représentée par un avocat. Même s’il est vrai qu’elle a eu parfois des contacts avec un avocat, dans l’affaire dont la Commission est actuellement saisie, elle n’a pas été représentée avant le 29 mars 2005. C’est ce jour–là que la Legal Aid Society of Alberta a accordé un mandat à Stephen G. Jenuth pour la représenter dans cette affaire. Jusque–là, Mme McConnell n’était pas représentée. En fait, elle ne l’était pas lorsqu’elle a déposé la plainte en l’espèce.

Le défendeur fait aussi valoir que, contrairement au plaignant dans Teeluck, supra, Mme McConnell n’a pas dit qu’elle n’était pas familière avec « [l]es exigences et [l]es ramifications de la législation pertinente ». Au contraire, avant d’avoir déposé sa plainte, elle était loin de bien connaître « [l]es exigences et [l]es ramifications de la législation pertinente ». Elle n’a commencé à comprendre la législation qu’au moment où elle a voulu tenter de déposer sa plainte.

Qui plus est, Mme McConnell a été très occupée à déployer de grands efforts pour faire valoir ses droits dans la présente affaire. Non seulement elle ne connaissait pas bien les exigences et les ramifications de la législation relative à sa plainte, mais encore, elle devait s’efforcer de maîtriser les exigences et les ramifications de la législation applicable à tous ses autres recours juridiques.

C’était le cas pour sa plainte contre l’ADRC et la Commission des droits de la personne, une affaire qui a commencé le 18 novembre 2000 et qui se poursuit encore. (La Cour d’appel fédéral doit entendre d’ici la fin de 2005 l’appel de la décision rejetant sa demande de contrôle judiciaire.)

Ce sont tous les efforts que Mme McConnell a déployés qui justifient que sa plainte ait été déposée maintenant. Il est vrai que la plainte déposée dans Teeluck, supra, l’a été 14 mois seulement après les événements qui y donnaient lieu, mais il est tout aussi vrai que Mme McConnell a été au moins aussi active, sinon plus active que M. Teeluck.

Il faudrait aussi souligner que, même si la plainte contre l’Institut en l’espèce a été déposée à la CRTFP 40 mois après les événements qui l’ont suscitée, la première plainte contre l’Institut a été portée en août 2002, quand la déclaration d’intention a été soumise, soit 21 mois après les événements qui ont donné lieu à la plainte.

Compte tenu des efforts que Mme McConnell a déployés pour poursuivre l’affaire en agissant avec diligence pour faire valoir tous ses droits, un délai de présentation de 21 mois n’est pas excessif, et ce proportionnellement aux efforts et au délai dans Teeluck, supra.

À cet égard, en toute déférence, comme l’autre partie n’a pas subi un grand préjudice, la longueur du délai de présentation ne justifie pas le rejet de la plainte. Dans Teeluck, supra, comparant la situation dont elle était saisie à des situations analogues dans des affaires d’arbitrage de différends, la CRTFP avait conclu que :

Ce principe du délai raisonnable se rapproche de la doctrine équitable de l’inaction entraînant péremption et, dans les cas de conflits de travail, les arbitres peuvent refuser de se prononcer, en invoquant un tel retard, après avoir évalué ses conséquences et les explications avancées pour le justifier. Le retard ne suffit pas à empêcher l’arbitrage (ou des procédures ultérieures), puisque le préjudice subi par la partie qui s’y oppose doit être tel que le retard l’empêcherait de faire valoir équitablement ses arguments à l’égard du litige est un facteur critique en l’occurrence (voir Brown et Beatty, para 2:3210, pages 2–107 et 108).

Enfin, le défendeur a allégué que Mme McConnell n’a pas réussi à expliquer sa présentation tardive de la déclaration d’intention. Il y a plusieurs raisons pour cela. La première est que durant toute cette affaire, la plaignante s’est très activement employée à se prévaloir de ses recours légaux; elle a donc nécessairement dû déposer certaines demandes plus tard que d’autres. Ensuite, nous l’avons déjà vu, elle ne connaissait pas bien la législation pertinente. Elle croyait — et c’était raisonnable — avoir une possibilité de recours valide contre l’Institut au civil, devant les tribunaux. La Limitations Act, R.S.A. c. L–12 s. 3(1), lui donnait deux ans pour présenter une telle demande. Sa demande a été déposée le 19 août 2002, soit deux mois et demi avant l’expiration de ce délai.

En outre, durant tout ce calvaire, Mme McConnell a été gênée par une grave dépression, même si cela ne l’a pas rendue totalement incapable de se défendre. Les rapports des psychologues sur son état en 2000 et 2002 (ils ont été versés au dossier à la CRTFP) précisent qu’elle était dépressive à l’époque. Mme McConnell est d’ailleurs encore dépressive.

De toute manière, la plainte que Mme McConnell a déposée n’est pas limitée à ce qui s’est produit en 2000.

Motifs

[12]   Cette décision porte sur les questions préliminaires du délai de présentation de la plainte et de la compétence pour l’entendre, mais pas sur le fond de la démarche de Mme McConnell, qui s’est prévalue de recours juridiques sur plusieurs fronts depuis son licenciement par l’ADRC en 2000. Toutefois, ce n’est qu’en 2004 qu’elle a déposé une plainte contre son ancien agent négociateur en alléguant qu’il avait manqué à son devoir de représentation juste en application du paragraphe 10(2) de l’ancienne LRTFP. Pour les motifs que je vais préciser, j’ai conclu qu’elle a excessivement tardé à le faire, et que cela justifie le rejet de sa plainte. L’agent négociateur a contesté la compétence de la Commission à l’égard de certains aspects de la plainte et demandé des précisions. Je n’ai pas besoin de me prononcer sur ces objections en raison de ma décision sur la question du délai de présentation de la plainte.

[13]   Les parties ne s’entendent pas sur la longueur de ce délai. La plaignante allègue que les événements dont elle se plaint se sont poursuivis après 2000. Toutefois, il n’est pas contesté que l’IPFPC a refusé de représenter Mme McConnell à compter du 1er décembre 2000. C’est à ce moment–là que l’événement critique qui a donné lieu à la plainte s’est produit et c’est à partir de cette date–là qu’il faudrait déterminer la longueur du délai. Toutefois, la plaignante souligne que l’IPFPC a été saisi d’une déclaration d’intention incluant toutes les allégations qui ont figuré par la suite dans sa plainte à la CRTFP. Or, bien que cette déclaration ait été déposée le 19 août 2002, elle n’a été communiquée au défendeur que le 21 octobre 2003. C’était presque trois ans après que la décision de l’IPFPC de ne plus la représenter eut été communiquée à Mme McConnell. Ensuite, l’intéressée a attendu jusqu’en mars 2004 pour faire une première tentative afin de déposer sa plainte. À mon avis, elle a trop tardé à informer le défendeur des allégations qu’elle avait faites à son endroit, quelle que soit la date sur laquelle on se base, celle où la déclaration d’intention a été communiquée à l’IPFPC ou celle à laquelle la plainte a été déposée. Je prends note, toutefois, que l’IPFPC a ouvert la porte à une plainte à la CRTFP en déclarant dans sa demande de rejet de la déclaration que le recours approprié était devant la CRTFP. Je suis donc disposé à considérer le 21 octobre 2003 comme la date à laquelle le défendeur a eu connaissance d’allégations qu’il avait manqué à son obligation en vertu de l’article 10 de l’ancienne LRTFP.

[14]   L’ancienne LRTFP ne prévoit pas de délai de dépôt de plaintes comme celle de Mme McConnell. La nouvelle LRTFP, elle, prévoit un délai de 90 jours à cette fin. Bien que les dispositions de transition précisent que les plaintes doivent être traitées conformément à la nouvelle Loi, cela n’a pas pour effet d’entraîner une application rétroactive des délais. En l’absence d’un délai fixé par la loi, il faut se fonder sur les principes du droit administratif et sur la jurisprudence, y compris celle de la CRTFP elle–même. Dans Canadian Labour Law, George Adams (cité dans Horstead c. AFPC (dossier de la CRTFP 161–2–739 (1995) (QL)) a écrit ce qui suit :

… Le tribunal des relations du travail vise à offrir un moyen de régler rapidement, efficacement et à peu de frais les différends en matière de relations du travail. Pour réaliser cet objectif, le tribunal doit, dans l’administration de sa procédure, éviter le plus possible les retards […] D’autre part, il faut établir un équilibre entre le besoin de procédures expéditives et la nécessité de faire en sorte que les prétentions valables soient entendues et que les exigences de la justice naturelle soient satisfaites.

[15]   La CRTFP s’est prononcée sur la question du délai de dépôt des plaintes à plusieurs reprises, et le principe général sur lequel elle se fonde a été résumé de la façon suivante par son président Yvon Tarte dans Walcott, supra :

[…] les plaintes devraient être présentées dans un délai raisonnable suivant les événements qui y donnent lieu. Quand ce n’est pas le cas, il incombe aux plaignants de prouver que des circonstances exceptionnelles ou indépendantes de leur volonté les ont empêchés d’agir plus rapidement. Ils doivent démontrer que le délai de dépôt de leurs plaintes n’est pas déraisonnable.

[16]   Dans Teeluck, supra, ce critère a été appliqué différemment. La commissaire s’est fondée sur la jurisprudence en relations du travail pour déclarer ce qui suit :

Le retard ne suffit pas à empêcher l’arbitrage (ou des procédures ultérieures), puisque le préjudice subi par la partie qui s’y oppose doit être tel que le retard l’empêcherait de faire valoir équitablement ses arguments à l’égard du litige est un facteur critique en l’occurrence.

[…]

[…] l’agent négociateur ne m’a pas fait entendre que la présentation de la plainte plus d’un an après la date de la décision d’arbitrage va l’empêcher le moindrement de présenter une réponse exhaustive à la plainte portée contre lui. Le délai de présentation ne suffit pas à lui seul à empêcher ce recours, à moins que l’agent négociateur ne puisse prouver qu’il lui a été préjudiciable, ce qu’il n’a pas fait.

[17]   Dans Teeluck, supra, le critère fait donc reposer sur le défendeur la charge de prouver qu’il a subi un certain préjudice à cause de la longueur du délai de présentation. Quand ce délai est mesuré en mois, cela peut se justifier, mais quand il est très long et se mesure en années, il devrait y avoir une présomption de préjudice pour le défendeur. À mon avis, c’est l’approche de la Commission des relations de travail de l’Ontario qu’il faut retenir dans les cas de délais extrêmes comme ici :

[Traduction]

Bien que la Commission exige normalement des parties qui voudraient faire rejeter une demande parce que présentée tardivement de prouver qu’elles ont subi un préjudice précis en raison du retard, dans les cas où le délai de présentation est extrêmement long, elle est disposée à partir du principe que le passage d’une période suffisamment longue érode en soi la mémoire des témoins et que, par conséquent, la capacité d’une partie de préparer sa défense contre les allégations à son encontre est nettement sapée. En pareil cas, il n’est pas nécessaire que la partie opposée prouve qu’elle a subi un préjudice, parce qu’on part du principe qu’il en existe un, et comme la Commission en a conclu à de nombreuses reprises, un délai de plus de 12 mois est considéré comme extrême.

Redpath Sugars, Division of Redpath Industries Ltd., [1997] O.L.R.D. No. 3600 (Q.L.)

[18]   Je suis donc parti du principe que le défendeur subit un préjudice en raison de la longueur du délai de présentation de la plainte. Si je fais erreur en concluant ainsi et qu’il faut que le défendeur prouve qu’il subit un préjudice, il a démontré en l’espèce que c’est le cas, puisqu’on a perdu des notes et que les souvenirs des témoins ne sont plus aussi clairs qu’avant.

[19]   Dans Teeluck, supra, la commissaire s’était en partie fondée sur le fait que le plaignant n’était pas représenté. Or, la grande majorité des plaignants dans les affaires de manquement au devoir de représentation juste se représentent eux–mêmes. S’il est justifié de laisser une certaine marge de manœuvre aux plaignants non représentés, particulièrement en ce qui concerne les exigences techniques de la réglementation, on ne saurait justifier de longs délais pour cette seule raison (voir Mohamed Yusuf v. United Steelworkers of America, sub. nom. Grand and Toy Limited, [2004] O.L.R.D. No. 2972 (QL)). En outre, l’article de l’ancienne LRTFP portant sur le devoir de représentation juste et sur le droit de porter plainte était clair et limpide, et quoi qu’il en soit, dans Teeluck, supra, c’est d’un délai de 14 mois qu’il s’agissait, alors qu’ici, le délai frise les 3 ans.

[20]   Mme McConnell a fait valoir que son état dépressif a aussi influé sur la longueur du délai. Les rapports médicaux qu’elle a déposés à la CRTFP ne justifient pas la conclusion qu’elle était malade au point de ne pas avoir pu déposer sa plainte. Le fait qu’elle a été capable de déposer des plaintes de droits de la personne, d’intenter des poursuites au civil et de se prévaloir de plusieurs autres recours pendant cette même période démontre qu’elle était plus que capable de présenter sa plainte dans le délai prescrit (voir Harrison, supra). D’ailleurs, ces rapports stipulent que son incapacité était légère — ou de légère à modérée — et qu’elle était apte à travailler. Qui plus est, dans les observations qu’il a soumises pour la plaignante, son avocat déclare que cela la gênait, mais ne la rendait pas totalement incapable de fonctionner. Une telle conclusion prouve qu’elle avait la capacité de déposer sa plainte dans un délai raisonnable.

[21]   Mme McConnell fait aussi fond sur le fait qu’elle était très occupée à gérer une pléthore de plaintes et d’autres recours, mais ce n’est pas une raison suffisante pour justifier un délai de près de trois ans.

[22]   Elle allègue de plus que ses demandes de représentation à l’IPFPC se sont poursuivies jusqu’en 2004. Dans la mesure où ces autres demandes étaient liées à sa demande originale de représentation dans le contexte de ses griefs et de ses plaintes de droits de la personne, le délai n’est pas plus respecté. La décision de l’IPFPC de ne pas la représenter dans ces affaires lui avait été clairement communiquée en 2000, et des demandes répétées dans les mêmes contextes ne peuvent pas faire recommencer le compte à rebours. Cela dit, la plaignante a soumis à l’IPFPC plusieurs demandes qui n’étaient pas liées à son refus original de la représenter. C’est le cas particulièrement des allégations qu’elle avait demandé d’être représentée dans le contexte d’une demande d’indemnisation pour accident du travail et d’une demande de contrôle judiciaire relativement à une plainte de droits de la personne, ainsi que d’une poursuite contre l’ADRC pour renvoi injustifié.

[23]   Il est allégué dans la déclaration d’intention contre l’IPFPC (déposée le 19 août 2002) que l’IPFPC avait refusé de représenter la plaignante dans le contexte de sa demande d’indemnisation pour accident du travail. Bien qu’il soit impossible d’établir à quelle date le refus de l’Institut de la représenter à cet égard lui a été communiqué d’après les documents au dossier, il est clair que c’était avant le mois d’août 2002. Par conséquent, j’estime que cet aspect–là de la plainte est irrecevable lui aussi parce qu’invoqué tardivement.

[24]   Mme McConnell fait aussi état dans sa plainte de demandes à l’IPFPC de la représenter dans des procédures devant la Cour fédérale relativement à sa plainte de droits de la personne, demandes faites « récemment ». Néanmoins, ces procédures sont liées à sa plainte originale de droits de la personne, pour laquelle l’IPFPC avait refusé de la représenter. Ses demandes récentes sont donc des répétitions de sa demande originale à l’IPFPC, de sorte que cet aspect–là aussi de la plainte est irrecevable.

[25]   La poursuite contre l’ADRC pour renvoi injustifié a été intentée après le dépôt de la déclaration d’intention contre l’IPFPC. Dans sa plainte, Mme McConnell allègue que l’IPFPC a aussi refusé de la représenter dans cette poursuite. Ce refus est plus récent que le refus original de l’IPFPC; il pourrait avoir eu lieu aussi récemment qu’en 2004. Néanmoins, la poursuite contestant le renvoi injustifié est basée sur des motifs identiques à ceux qui sont avancés dans les griefs et dans les plaintes de droits de la personne. Le refus initial de l’IPFPC de représenter Mme McConnell peut être interprété comme s’appliquant à toutes les versions ultérieures des mêmes allégations. Dans ce cas–là, la transformation de griefs et de plaintes de droits de la personne en une poursuite au civil ne change pas le fond du différend ni n’oblige l’agent négociateur à réitérer son refus de représenter l’intéressée.

[26]   Dans sa plainte modifiée datée du 15 septembre 2004, la plaignante a demandé à la CRTFP d’ordonner à l’IPFPC de l’aider à présenter d’autres griefs contestant du harcèlement personnel et sexuel et visant l’ADRC. Il n’y a rien au dossier pour démontrer que des demandes de représentation sur ces questions aient jamais été présentées à l’IPFPC, et c’est pourquoi je conclus que cette demande de la plaignante ne peut pas faire partie de sa plainte contre l’IPFPC.

[27]   Bref, Mme McConnell n’a pas prouvé que des circonstances exceptionnelles ou indépendantes de sa volonté justifieraient un délai de près de trois ans dans sa démarche de plainte contre l’IPFPC. Le préjudice que le défendeur subirait est grave, et il n’existe aucune raison impérieuse de politique publique pour que je laisse la plainte être entendue. J’ai donc conclu qu’elle devrait être rejetée parce que tardive.

[28]   Compte tenu de cette conclusion, je n’ai pas à me prononcer sur les autres objections soulevées par le défendeur sur la portée de la plainte et sur les précisions à lui fournir.

[29]   Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[30]   Que la plainte de Mme McConnell contre l’IPFPC soit rejetée parce que tardive.

Le 13 septembre 2005.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Ian R. Mackenzie,
vice–président

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