Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé avait renoncé aux dispositions des Directives relativement à une affectation antérieure au Nicaragua -- il recherchait la reconnaissance de son service antérieur au Nicaragua aux fins du calcul de la prime de service extérieur relativement à une nouvelle affection au Honduras -- l’employeur a objecté que le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté son grief hors délai -- l’arbitre de grief a conclu que le grief n’a pas été présenté à l’intérieur du délai prévu à cet effet à la convention collective -- les tentatives du fonctionnaire s’estimant lésé pour régler le différend de façon informelle n’avaient pas suspendu ce délai. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction
publique, L.R.C. (1985), ch. P–35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-09-23
  • Dossier:  166-2-34819
  • Référence:  2005 CRTFP 148

Devant un arbitre de grief



ENTRE

CAMILLE GASTON POMERLEAU

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Agence canadienne de développement international)

employeur

Répertorié
Pomerleau c. Conseil du Trésor (Agence canadienne de développement international)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P–35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant :  Sylvie Matteau, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé : Yves Rochon, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur : Simon Kamel, avocat


Affaire entendue à  Ottawa (Ontario),
le 18 juillet 2005 .

Grief renvoyé à l'arbitrage

[1]   Par son grief du 25 avril 2003, M. Camille Gaston Pomerleau conteste la décision de son employeur de ne pas reconnaître la durée de son service antérieur au Nicaragua, alors qu’il travaillait pour l’Agence canadienne de développement international (ACDI) dans le cadre du programme Échanges Canada, aux fins du calcul de la prime de service extérieur à laquelle il a droit pour son affectation au Honduras, depuis août 2001. Il demande que le montant de sa prime de service extérieure soit recalculé rétroactivement au mois d’août 2001.

[2]   Le grief concerne l’application de la directive 56 sur le service extérieur (DSE–56). Le comité exécutif du Conseil national mixte de la fonction publique du Canada (CNM) s’est rencontré le 5 mai 2004 pour considérer le grief de M. Pomerleau.  Le 12 mai 2004, il a informé les parties qu’il en était arrivé à une impasse.  Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 16 juin 2004.

[3]   Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur.  En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P–35.

Résumé de la preuve

[4]   Les parties ont déposé l’énoncé conjoint des faits suivants, accompagné d’un nombre de documents en annexe (de « A » à « N ») :

[…]

  1. Le plaignant, M. Camille Pomerleau, est spécialiste en environnement (membre du groupe PC, dont le poste est classifié PC–05) à l’emploi de l’Agence canadienne de développement international (ACDI) à Tegucilgapa, Honduras.

  2. M. Pomerleau est à l’emploi de l’ACDI depuis le 6 janvier 1992.  Entre le 6  janvier 1992 et novembre 1996, il a oeuvré au sein de l’ACDI à Hull (maintenant Gatineau), Québec.

  3. En novembre 1996, M. Pomerleau a accepté une affectation au Nicaragua dans un organisme d’accueil dans le cadre du programme Échanges Canada.  Parrainé par le Conseil du Trésor en tant qu’employeur, le Programme Échanges Canada était, au moment du grief de M. Pomerleau, administré par la Commission de la fonction publique et par les ministères.  Échanges Canada est le seul programme permettant des échanges entre la fonction publique fédérale et des organismes extérieurs.  Les objectifs du programme incluent d’appuyer le perfectionnement des membres du personnel et d’accroître l’accès de la fonction publique aux connaissances spécialisées, aux diverses compétences, à la technologie et aux pratiques exemplaires (Annexe A – politiques du programme Échanges Canada).  L’affectation a débuté le 4 novembre 1996 et devait initialement être pour une durée de deux ans.  Cependant, l’affectation initiale a été prolongée pour prendre fin définitivement le 31 juillet 2001 (Annexe B – protocole Échanges Canada et extensions).

    Durant toute la durée de cette affectation, et ce en conformité avec la Politique du programme Échanges Canada et avec les lignes directrices émises par la Commission de la fonction publique du Canada (Annexe C – Lignes Directrices Échanges Canada), M. Pomerleau a conservé sons statut d’employé de la fonction publique fédérale et son salaire était payé par l’ACDI, lequel était intégralement remboursé à l’ACDI par l’organisme d’accueil CRC/Sima Inc.

  4. Dans une lettre datée du 26 octobre 1996 (Annexe D) et ce en conformité avec les Directives sur le service extérieur (DSE), M. Pomerleau informait son représentant syndical de l’IPFPC, M. Michel Paquette, qu’il renonçait aux dispositions des DSE, en raison du fait que des bénéfices équivalents étaient fournis aux participants à ce programme international par la coopération danoise (DANIDA) qui était le principal bailleur de fonds de ce projet.  Le représentant (Michel Paquette) a indiqué son accord avec la demande.

  5. En août 2001, de retour à l’ACDI, M. Pomerleau a accepté une nouvelle affectation à l’étranger à titre cette fois de coopérant de l’ACDI. Les dispositions et les indemnités des DSE s’appliquaient obligatoirement à cette affectation.

  6. Dans une lettre adressée à Madame Suzanne Delisle le 17 septembre 2001 (Annexe E), M. Pomerleau a demandé que son employeur tienne compte des mois de travail pour l’organisme d’accueil entre le 4 novembre 1996 et le 31 juillet 2001 pour fins du calcul de sa prime de service extérieur reliée à l’affectation actuelle.

  7. Le 20 septembre 2001, Madame Suzanne Delisle a répondu à la demande de M. Pomerleau en indiquant que « malheureusement la réponse du CT (Conseil du trésor) est « non »». (Annexe E).

    Insatisfait de la réponse qui lui a été faite, M. Pomerleau a poursuivi ses démarches administratives.  Au printemps 2002, il soulève la question avec son gestionnaire, M. Paul Chambers, en plus d’en avoir parlé lors d’une réunion d’équipe de travail. Le 25 avril 2002, un assistant de M. Chambers, Jean–Bernard Parenteau, achemine une note de service à ce sujet à M. Stan Moore, [ Directeur, Direction des politiques, planification et gestion – Amériques] , cherchant son appui et ses conseils.  Sans le nommer, cette note de service soulève clairement le cas de M. Pomerleau (Annexe – F).  En fin d’année 2002 M. Pomerleau a été informé de ne pas s’attendre à une réponse à cette démarche.

  8. En fin d’année 2002, M. Pomerleau a réitéré sa demande du 17 septembre 2001 auprès de la Directrice générale des ressources humaines de l’ACDI, Madame Francine Desjardins.

  9. Le 23 décembre 2002, suite à l’intervention de la Directrice générale des ressources humaines, Madame Suzanne Delisle a écrit à M. Pomerleau en lui référant à nouveau à la réponse qu’elle lui avait fait parvenir le 20 septembre 2001 (Annexe G).

  10. Le 27 décembre 2002 et le 13 avril 2003, M. Pomerleau a adressé d’autres messages à Madame Suzanne Delisle concernant le calcul de sa prime de service extérieure.  Dans son message du 13 avril (Annexe G), M. Pomerleau a apporté des précisions à la conclusion du représentant du Conseil du Trésor lorsqu’il écrit: « [Traduction] La prochaine étape logique à suivre en ce qui concerne cet employé serait d’exiger un paiement rétroactif en concordance avec les points. » M. Pomerleau réitère que sa demande à toujours été uniquement de reconnaître les années d’expérience au Nicaragua à l’emploi du Gouvernement Fédéral pour fins du calcul de sa prime de service extérieur reliée à l’affectation actuelle (Honduras).

    Dans un message daté du 14 avril 2003, Madame Suzanne Delisle a réitéré la position prise par le Conseil du trésor et le ministère en date du 20 septembre 2001 (Annexe G).

  11. Le 25 avril 2003, M. Pomerleau dépose son grief (Annexe H).

  12. Le 18 août 2003, l’Agent de liaison ministériel répond au grief au deuxième palier du processus (Annexe I).

  13. Le 25 août 2003, le grief de M. Pomerleau est référé au Conseil national mixte de la fonction publique du Canada (CNM) (Annexe J).

  14. Le 12 mai 2004, le Comité exécutif du CNM rend sa décision dans laquelle il indique qu’il y a impasse (Annexe K).

  15. Il est à noter que les DSE font partie de la convention collective entre le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, unité de négociation Sciences appliquées et génie incluant le groupe PC, dont est membre M. Pomerleau.

  16. L’ introduction aux DSE (Annexe L), la Partie I – Généralités – DSE 3 – Application (Annexe M) et la Partie VIII – Indemnités et dispositions – DSE 56 – Indemnités initiatives de service extérieur (Annexe N) des Directives sur le service extérieur contiennent les dispositions pertinentes relatives au grief de M. Pomerleau.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[5]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a témoigné sur les circonstances entourant les faits décrits dans l’énoncé conjoint ci–haut et, plus précisément, sur l’entente négociée en novembre 1996 au sujet de son affectation au Nicaragua, sa compréhension de la renonciation qu’il faisait à l’époque relativement à la DSE–56 et les démarches informelles qu’il a faites pendant plusieurs mois.

[6]   M. Pomerleau a expliqué que, depuis son affectation au Honduras, ses démarches ont été faites dans le seul but d’obtenir la reconnaissance de son service antérieur au Nicaragua aux fins du calcul de sa prime de service extérieur depuis cette nouvelle affectation.

[7]   Selon M. Pomerleau, il n’a renoncé que partiellement à l’application des Directives sur le service extérieur lors de son affectation au Nicaragua. En effet, sa renonciation ne visait que la comptabilisation et le remboursement des dépenses et allocations ou avantages pour service à l’étranger pendant son service au Nicaragua. Elle n’avait jamais visé l’accumulation de son service à l’extérieur du Canada aux fins du calcul de la prime de service extérieur lors d’affectations futures.

[8]   Selon le fonctionnaire s’estimant lésé, ses démarches pour faire reconnaître son service au Nicaragua ont débutées en septembre 2001. Il n’a pas déposé de grief à ce moment, puisque, selon lui, il était plus approprié de tenter de résoudre le problème sans avoir recours à ce processus.  Il lui est apparu, dès le début, que l’employeur ne semblait pas comprendre la nature de sa demande. M. Pomerleau a clairement indiqué que ses démarches n’ont jamais visé le remboursement ou le réajustement rétroactif de sommes ou allocations auxquelles il aurait eu droit alors qu’il était affecté au Nicaragua. Ces démarches, comme la démarche actuelle, visaient exclusivement la reconnaissance de service antérieur (au Nicaragua) dans le calcul de la prime de service extérieur pour son affectation présente. L’information qu’il a reçue en septembre 2001 n’était pas une réponse à la question qu’il posait véritablement à l’employeur.

[9]   Selon M. Pomerleau, cette distinction entre, d’une part, le remboursement de frais et le paiement d’allocations et avantages en vertu des Directives sur le service extérieur relativement à une affectation et, d’autre part, la reconnaissance de service antérieur aux fins d’une autre affectation, n’a jamais été faite par l’employeur. La lecture que M. Pomerleau fait des Directives sur le service extérieur lui permet cette scission de ces éléments. C’était sa compréhension de ces dispositions en 1996, lorsqu’il a renoncé.

[10]   La DSE–56 qui, selon lui, n’a jamais cessé de s’appliquer au calcul de ses années de service alors qu’il était affecté au Nicaragua, se lit comme suit :

DSE 56
Prime de service extérieur

Introduction

La prime de service extérieur est une indemnité non imposable versée à titre d’encouragement au service extérieur et, en tant que telle, elle atteste que le fait de servir le pays hors du Canada comporte des inconvénients et des désagréments (dont certains peuvent être d’ordre financier).  Cette prime varie selon le groupe salarial du fonctionnaire, sa situation familiale et la durée de son service hors du Canada, et elle est payable aux fonctionnaires assujettis  aux Directives sur le service extérieur, conformément à la Directive 3, Application.

Directive 56

[...]

56.02

a)  Conformément à la présente directive, l’administrateur général doit autoriser le paiement au fonctionnaire, d’une prime de service extérieur calculée conformément aux appendices de la présente directive et selon son groupe salarial, sa situation familiale et la durée de son service à l’extérieur du Canada.

[…]

[11]   Selon le fonctionnaire s’estimant lésé, c’est en avril 2003 qu’il s’est finalement rendu compte que ses démarches avaient abouti à une impasse. Sa dernière correspondance avec Mme Francine Desjardins, Directrice générale des Ressources humaines à l’ACDI, est datée du 13 avril 2003. C’est alors que M. Pomerleau a communiqué avec son représentant syndical et a déposé son grief, le 25 avril 2003, soit 10 jours plus tard.

Résumé de l’argumentation

Objection préliminaire

[12]   Par lettre datée du 30 juin 2005, l’employeur objecte que le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas présenté son grief à l’intérieur du délai prévu à la clause 35.10 de la convention collective intervenue le 21 décembre 2000 entre le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, relativement au groupe Sciences appliquées et génie.  La clause 35.10 de la convention collective se lit comme suit :

35.10 Un employé peut présenter un grief au premier palier de la procédure de la manière prescrite par la clause 35.03 au plus tard le vingt–cinquième (25 e) jour qui suit la date à laquelle il est informé de vive voix ou par écrit de l’action ou des circonstances donnant lieu au grief.

[13]   Or, l’employeur soumet que le fonctionnaire s’estimant lésé avait été avisé dans un courriel du 20 septembre 2001, par Mme Suzanne Delisle, du fait que son affectation au Nicaragua dans le cadre du programme Échanges Canada n’allait pas être reconnu aux fins du calcul de prime de service extérieur future. La réponse à son grief au deuxième palier mentionne que le grief a été soumis hors délai (Annexe « I »).

[14]   L’employeur soutient que le fonctionnaire s’estimant lésé était au courant de l’action ou des circonstances donnant lieu à son grief dès le 20 septembre 2001 et que les démarches qu’il a par la suite effectuées, parce que, selon lui, on ne lui donnait pas la bonne réponse à sa question, ne peuvent servir à prolonger le délai pour présenter son grief. L’information qui lui a été transmise par Mme Delisle en septembre 2001 (Annexe « G », page 4), était très claire : « Malheureusement la réponse du CT est « non » […] ». La réponse du Conseil du Trésor incluait les mots suivants : « [Traduction] Il n’est pas possible de verser au crédit d’un(e) employé(e) des points ISE qu’il ou elle n’a pas reçus […] ».   Il est à noter que, dans ce courriel, Mme Delisle suggère que le fonctionnaire s’estimant lésé dépose un grief. 

[15]   Enfin, quant à l’employeur, le renvoi du grief au CNM et le fait que celui–ci ait examiné la question, malgré la question de délai, ne lie en rien un arbitre de grief.

[16]   Au soutien de son argument, l’employeur présente plusieurs décisions : Enns c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2004 CRTFP 171; Wyborn c. Agence Parcs Canada, 2001 CRTFP 113; Wilson c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), dossiers de la CRTFP 166–2–27330 et 149–2–165 (1997) (QL); Rouleau c. Personnel des fonds non publics des forces canadiennes, 2002 CRTFP 51; Gray c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes, accise et impôt), dossier de la CRTFP 166–2–28685 (1999) (QL). L’employeur maintient, tel que prévu à cette jurisprudence, qu’il a soulevé la question du délai en temps opportun et n’y a pas renoncé.  La jurisprudence présentée confirme que le délai commence à courir à partir du moment où le fonctionnaire s’estimant lésé a eu connaissance de la situation donnant lieu au grief.  Le fonctionnaire s’estimant lésé se devait d’agir avec diligence, ce qui n’est pas le cas ici, tenant compte du préjudice qu’une telle situation peut causer à l’employeur.

[17]   En réponse à cette objection, le fonctionnaire s’estimant lésé maintient qu’il a débattu avec succès la question des délais devant le CNM.  Il a de nouveau présenté cet argument, par écrit, le 5 juillet 2005.

[18]   Selon M. Pomerleau, le CNM a rejeté l’objection formulée par l’employeur en ce qui concerne le non–respect du délai de présentation du grief et a choisi d’entendre le grief de M. Pomerleau lors d’une audience qui s’est déroulée le 27 janvier 2004.  Le CNM a par la suite rendu une décision, le 12 mai 2004, sur le fond du litige. Il s’agit donc, selon le fonctionnaire s’estimant lésé, d’une chose jugée et il peut soumettre la décision défavorable du CNM à l’arbitrage.

[19]   Selon le fonctionnaire s’estimant lésé, il n’a été informé par écrit de la réponse de l’employeur à sa véritable demande concernant le calcul de sa prime de service extérieur que le 14 avril 2003 (Annexe « G ») et non pas en 2001, contrairement à ce qu’affirme l’employeur. Reconnaissant que de l’information lui avait été transmise le 20 septembre 2001, M. Pomerleau maintient toutefois que ce n’est pas cette décision qui fait l’objet du présent grief.  En effet, cette réponse précisait: « [Traduction] La prochaine étape logique à suivre en ce qui concerne cet employé serait d’exiger un paiement rétroactif en concordance avec les points [ Annexe G ]. » Or, M. Pomerleau n’a jamais eu l’intention de réclamer rétroactivement le remboursement de frais ou le paiement d’allocations prévus aux Directives sur le service extérieur pour la période où il était affecté au Nicaragua.

[20]   Insatisfait de la réponse de l’employeur, qui dénotait une incompréhension de sa demande, M. Pomerleau a continué ses démarches internes dans le but de clarifier sa revendication et d’obtenir une réponse à ses préoccupations réelles. Cette recherche d’une résolution à l’amiable, dans le cadre des initiatives actuelles dans la fonction publique fédérale, ne devrait pas être reprochée au fonctionnaire s’estimant lésé, ni lui faire perdre un droit.

[21]   Malgré ses nombreux efforts, la réponse de l’employeur en avril 2003 confirmait à M. Pomerleau que ses demandes étaient toujours incomprises. Il communiqua aussitôt avec son représentant syndical et a présenté son grief. Ainsi, le délai prévu à la clause 35.10 de la convention collective n’a commencé à courir que le 14 avril 2003, date de la réponse définitive de l’employeur.

Motifs

[22]   Quant à l’objection préliminaire de l’employeur, la question est de savoir à quel moment la computation du délai de 25 jours, prévu à la clause 35.10 de la convention collective, doit débuter. S’agit–il du 20 septembre 2001, date de la première réponse de Mme Delisle à la demande de M. Pomerleau, ou s’agit–il plutôt du 14 avril 2003, date à laquelle le fonctionnaire s’estimant lésé a reçu, selon lui, la réponse finale de l’employeur?

[23]   Conformément au libellé de la clause 35.10 de la convention collective, je dois déterminer le moment où M. Pomerleau a été informé de l’action ou des circonstances donnant lieu au grief. 

[24]   La preuve est à l’effet que le fonctionnaire s’estimant lésé a eu connaissance de la réponse de l’employeur dès le 12 septembre 2001 et qu’il aurait dû raisonnablement comprendre, du libellé de cette réponse, la position de l’employeur. La communication de Mme Delisle est on ne peut plus claire : « Malheureusement, la réponse du CT est « non » […]  « [Traduction] Il n’est pas possible de verser au crédit d’un(e) employé(e) des points ISE qu’il ou elle n’a pas reçus […] » (je souligne). Il s’agit bien d’une réponse à la demande de reconnaissance de service antérieur en vertu des Directives sur le service extérieur et non à une demande de paiement d’allocations ou autres sommes compensatoires. Dès ce moment, le fonctionnaire s’estimant lésé aurait dû réagir, peu importe qu’il ait cru ou non que l’on ne répondait pas à la question qu’il avait véritablement posée. La reconnaissance de son service antérieur était dès lors en jeu, que l’employeur ait fait allusion ou non à d’autres sommes (remboursement de dépenses, etc.) dans la même communication.

[25]   S’il avait déposé un grief dans les vingt–cinq jours suivants cette date, M. Pomerleau aurait tout de même pu faire ses démarches informelles pour préciser sa demande et présenter tous ses arguments concernant une renonciation partielle à l’application des Directives sur le service extérieur. Malheureusement, il n’a pas présenté de grief à cette époque et, ainsi, n’a pas protégé ses droits. Dans l’éventualité où ses démarches informelles n’aboutissaient pas, comme ce fut le cas, il ne pouvait plus poursuivre un mode formel de résolution des différends, en l’occurrence le grief.

[26]   Le renvoi à l’arbitrage porte sur le grief présenté par M. Pomerleau et non sur la décision du CNM. Cette dernière ne lie d’aucune façon un arbitre de grief. Le fait que le grief de M. Pomerleau ait fait l’objet ou non d’une étude par le CNM, malgré la question du délai pour présenter le grief, ne lie en rien l’arbitre de grief.

[27]   J’aimerais traiter de l’argument du fonctionnaire s’estimant lésé, à l’effet qu’avoir tenté de remédier à la situation de façon informelle ne devrait pas lui être reproché. Il m’apparaît clair que cette approche ne devrait jamais être reprochée à qui que ce soit, employeur ou fonctionnaire. Le règlement informel des litiges est encouragé à tous les niveaux. Cette approche existe toutefois en parallèle des modes de règlement formel.

[28]   Il sera toujours plus prudent de procéder à ces démarches informelles après avoir assuré et protégé l’exercice d’un recours formel, lorsqu’il existe et qu’il est sujet à des délais extinctifs de droit. Ces deux approches co–existent très bien, en autant que l’une n’est pas exercée au détriment de l’autre. Les systèmes informels mis en place sous l’égide de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ainsi que les systèmes déjà en place, reconnaissent spécifiquement cet aspect de la procédure et l’importance de protéger les droits des parties. La suspension de la procédure formelle y est prévue et le recours à cette dernière, dans le but de protéger les droits de l’une des parties, ne peut non plus lui être reproché.

[29]   Tenant compte de la preuve devant moi et de la jurisprudence présentée, je dois faire droit à l’objection de l’employeur et déclarer le grief hors délai.

[30]   Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[31]   Le grief est rejeté.

Le 23 septembre 2005.

Sylvie Matteau,
arbitre de grief

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