Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé avait accumulé un très grand nombre de crédits de congés annuels depuis des années -- il avait jadis été autorisé à demander le paiement des crédits inutilisés -- tous les fonctionnaires ont été avisés qu’ils étaient censés prendre les congés annuels acquis avant la fin de l’exercice -- le fonctionnaire s’estimant lésé a été prié de présenter un calendrier de congés annuels -- il a refusé de le faire en mettant en doute l’autorité de l’employeur de présenter une telle demande -- l’employeur a invoqué les alinéas 15.05 et 15.07 de la convention collective -- le fonctionnaire s’estimant lésé a été avisé que l’employeur désirait établir le calendrier avec sa participation afin de ramener le solde de ses congés annuels à 262,5 heures -- le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté un calendrier pour 37,5 heures de congés, mais n’a pas soumis un plan d’utilisation des crédits de congés annuels restants -- l’employeur a établi un calendrier pour 147,5 heures de congés -- le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que l’employeur avait contrevenu à la convention collective -- l’agent négociateur a soutenu que l’employeur pouvait établir le calendrier des congés annuels seulement pour répondre aux nécessités du service -- l’arbitre de grief a conclu que l’employeur avait le droit de prévoir les congés unilatéralement en toutes circonstances, non pas uniquement aux fins des nécessités du service -- ce droit est limité seulement dans les cas où un fonctionnaire présente une demande de congé; l’employeur doit alors faire tous les efforts nécessaires pour lui accorder la durée demandée au moment voulu -- l’arbitre de grief a conclu que l’employeur n’avait jamais refusé de congés au fonctionnaire s’estimant lésé et qu’il lui avait accordé en vain toutes les chances possibles d’établir son calendrier de congés -- l’arbitre de grief a conclu que rien ne limitait le droit de l’employeur d’établir le calendrier des congés d’un fonctionnaire qui refuse de prendre des congés annuels. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-09-28
  • Dossier:  166-2-32987
  • Référence:  2005 CRTFP 149

Devant un arbitre de grief



ENTRE

BRIAN ROSEKAT

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux)

employeur

Répertorié
Rosekat c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant : D.R. Quigley, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé : Denise Balfe, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur : Stéphane Hould, avocat


Affaire entendue à Toronto (Ontario),
le 12 juillet 2005.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Grief renvoyé à l'arbitrage

[1]   Le grief déposé par Brian Rosekat, un agent d’approvisionnement (PG-02) à la Direction générale des approvisionnements de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), Mississauga (Ontario), porte sur l’interprétation des paragraphes 1.01, 15.05 et 15.07 de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) relativement au groupe Vérification, Commerce et Achat (AV) (codes : 204, 309 et 311; date d’expiration : 21 juin 2003). Afin de préciser le sens de ces paragraphes, les parties ont également invoqué le paragraphe 5.01 à l’audience. Les paragraphes 1.01, 5.01, 15.05 et 15.07 se lisent comme suit :

ARTICLE 1

OBJET DE LA CONVENTION

1.01
La présente convention a pour objet le maintien de rapports harmonieux et mutuellement avantageux entre l'Employeur, les employés et l'Institut, l'établissement de certaines conditions d'emploi concernant la rémunération, la durée du travail, les avantages sociaux et les conditions de travail générales des employés décrits dans le certificat délivré le 16 juin 1999 par la Commission des relations de travail dans la fonction publique à l'égard des employés du groupe Vérification, Commerce et Achat.

 […]

ARTICLE 5

DROITS DE LA DIRECTION

5.01
L'Institut reconnaît que l'Employeur retient toutes les fonctions, les droits, les pouvoirs et l'autorité que ce dernier n'a pas, d'une façon précise, diminués, délégués ou modifiés par la présente convention.

 

ARTICLE 15

CONGÉS ANNUELS

[…]

15.05 Attribution de congé annuel
a)
Les employés doivent normalement prendre tous leurs congés annuels au cours de l’année de congé annuel pendant laquelle ils les acquièrent.
b)

Afin de répondre aux nécessités de service, l’Employeur se réserve le droit de fixer le congé annuel de l’employé, mais doit faire tout effort raisonnable pour :


(i)        lui accorder le congé annuel dont la durée et le moment sont conformes aux vœux de l’employé;

(ii)       ne pas le rappeler au travail après son départ pour son congé annuel.

c)
L’Employeur, aussitôt qu’il lui est possible et raisonnable de le faire, prévient l’employé de l’approbation, du refus ou de l’annulation d’une demande de congé annuel ou de congé d’ancienneté.   En cas de refus, de modification ou d’annulation du congé, l’Employeur doit, sur demande écrite de l’employé, en donner la raison par écrit.

[…]

15.07 Report et liquidation des congés annuels
a)
Lorsqu'au cours d'une année de congé annuel, tous les crédits de congé annuel auxquels a droit l'employé n'ont pas été épuisés, l'employé peut reporter ces crédits à l'année de congé annuel suivante jusqu'à concurrence de trente-cinq (35) jours de crédit. Tous les crédits de congé annuel en sus de trente-cinq (35) jours seront payés en argent au taux de rémunération journalier de l'employé calculé selon la classification indiquée dans le certificat de nomination à son poste d'attache le dernier jour de l'année de congé annuel.
b)
Pendant une année de congé annuel, les crédits de congé annuel acquis mais non utilisés qui dépassent quinze (15) jours peuvent, sur demande de l'employé et à la discrétion de l'Employeur, être payés en argent au taux de rémunération journalier de l'employé calculé selon la classification indiquée dans le certificat de nomination à son poste d'attache le 31 mars de l'année de congé annuel précédente.
c)
Nonobstant l'alinéa a), si, à la date de signature de la présente convention ou à la date où l'employé est assujetti à la présente convention, il a à son crédit plus de deux cent soixante-deux virgule cinq (262,5) heures de congé annuel non utilisés acquis au cours des années antérieures, un minimum de soixante-quinze (75) heures par année sont utilisées ou payées en argent au plus tard le 31 mars de chaque année jusqu'à ce que tous les crédits de congé annuel qui dépassent deux cent soixante-deux virgule cinq (262,5) heures aient été épuisés. Le paiement se fait en un versement par année et est calculé au taux de rémunération journalier de l'employé selon la classification établie dans le certificat de nomination à son poste d'attache le 31 mars de l'année de congé annuel précédente applicable. […]

[2]   La représentante du fonctionnaire s’estimant lésé a présenté neuf pièces et a fait témoigner le fonctionnaire s’estimant lésé.   L’avocat de l’employeur a présenté quatre pièces et a fait témoigner une personne. Les parties ont déposé un exposé conjoint des faits (pièce A-1) se lisant comme suit :

[Traduction]

LES PARTIES APPROUVENT LE PRÉSENT EXPOSÉ DE FAITS ET CONVIENNENT DE PRÉSENTER SÉPARÉMENT DES ÉLÉMENTS DE PREUVE SUPPLÉMENTAIRES LORS DE L’AUDIENCE :

  1. Au moment du dépôt du grief, le fonctionnaire s’estimant lésé, M. Brian Rosekat, occupait un poste d’acheteur PG-2 auprès du Conseil du Trésor, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC). Le fonctionnaire s’estimant lésé travaillait à TPSGC depuis le 10 juin 1975.
  2. Au moment du dépôt du grief, le fonctionnaire s’estimant lésé était régi par la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’IPFPC pour le groupe Vérification,   Commerce et Achat (AV), ayant pour date d’expiration le 21 juin 2003.
  3. Les heures de congé annuel du fonctionnaire s'estimant lésé figurent à l’annexe A.

[…]

[3]   Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur.   En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l' « ancienne Loi »).  

[4]   Dans ses observations préliminaires, la représentante du fonctionnaire s’estimant lésé a fait valoir que l’employeur avait obligé le fonctionnaire s’estimant lésé à utiliser ses congés annuels acquis avant la fin de l’exercice 2003. L’employeur l’a contraint d’être en congé du 24 février au 21 mars 2003, inclusivement, pour un total de 147,5 heures.

[5]   Au cours des années antérieures, le fonctionnaire s’estimant lésé avait obtenu un paiement en argent en remplacement de ses crédits de congés annuels non utilisés au terme de l’exercice (31 mars). Cependant, en 2002-2003, l’employeur a soutenu qu’il manquait de fonds pour verser le paiement obligatoire des congés annuels excédentaires. Le fonctionnaire s’estimant lésé prétend que l’employeur a enfreint la convention collective et demande à titre de redressement que ses 147,5 heures lui soient remises et payées en argent au taux applicable.

[6]   Dans ses observations préliminaires, l’avocat de l’employeur a fait valoir que la convention collective prévoyait le report d’un maximum de 35 jours de congés annuels.   Cependant, la convention confère également à l'employeur le droit de fixer les congés annuels d'un fonctionnaire dans l’année où ces congés ont été acquis. L’avocat a reconnu que ce droit n’était pas absolu et que l’employeur devait tenir compte des vœux de l’employé, sous réserve des nécessités de service.

[7]   Malgré des demandes répétées et de nombreuses discussions, le fonctionnaire s’estimant lésé a refusé de se conformer aux demandes de la direction d’utiliser ses crédits de congés annuels avant la fin de l’exercice 2003. Par conséquent, l’employeur était en droit de fixer ses congés annuels. En aucun temps l’employeur a enfreint les dispositions de la convention collective, comme le fonctionnaire s’estimant lésé le prétendait.

Résumé de la preuve

[8]   Le témoignage du fonctionnaire s’estimant lésé peut se résumer comme suit. Il relève de Maria Ditella, chef d’équipe. Cette dernière relève de Jim Shaw, gestionnaire de la Direction générale des approvisionnements pour la région de l’Ontario.

[9]   Le 17 octobre 2002, Mme Ditella a informé le fonctionnaire s’estimant lésé d’un protocole d’entente conclu entre l’IPFPC et l’employeur prévoyant que tous les employés devraient utiliser leurs congés annuels acquis avant la fin de l’exercice. Elle l’a ensuite enjoint à présenter un plan d’utilisation des crédits de congés annuels avant le 23 octobre 2002. Le fonctionnaire s’estimant lésé a affirmé qu’il doutait de l’existence de ce protocole, c’est pourquoi il en a demandé une copie. Mme Ditella   lui a expliqué que tous les employés en recevraient une copie. Le fonctionnaire s’estimant lésé a expliqué qu’il avait alors entrepris d’élaborer un plan d’utilisation des crédits de congés annuels. Cependant, comme il n’avait toujours pas reçu le protocole d’entente demandé, au 23 octobre 2002, il a décidé de ne pas soumettre son plan.

[10]   M. Shaw a ensuite rencontré le fonctionnaire s’estimant lésé et lui a demandé de soumettre son plan d’utilisation des crédits de congés annuels. Le fonctionnaire s’estimant lésé a prétendu que M. Shaw avait une attitude de confrontation et qu’il semblait en colère.

[11]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a fait référence à un courriel que Fred Pincock, directeur général régional par interim, région de l’Ontario, avait envoyé à tous les employés le 15 novembre 2002 (pièce G-5). Le courriel portait sur l’établissement du calendrier des congés annuels et indiquait au premier paragraphe que l’auteur demandait la coopération des employés. Comme les termes « obligatoire » et/ou « vous devez »   n’étaient pas utilisés, le fonctionnaire s’estimant lésé estimait que la note de service servait simplement à demander sa coopération.

[12]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a également fait référence aux paragraphes suivants du courriel :

[Traduction]

[…]

Les défis à relever sont nombreux pour gérer la situation financière de la région, et cette année nos défis sont particulièrement élevés [...]

[…]

Des fonds doivent être prévus aux fins des paiements obligatoires des congés annuels non utilisés. De plus, les demandes des employés relativement au paiement de leurs congés annuels non utilisés, comme le permet votre convention collective, seront examinées de manière ponctuelle […]

[…]

[13]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a affirmé avoir expliqué à M. Shaw qu’il ne soumettrait pas de plan d’utilisation des crédits de congés annuels parce qu’il estimait que le courriel de M. Pincock ne constituait pas un ordre direct. Le 18 février 2003 (pièce G-6), M. Shaw a avisé le fonctionnaire s’estimant lésé qu’il devrait prendre ses congés annuels du 20 février au 20 mars 2003 (dates initiales prévues). Une copie du courriel de M. Shaw a été envoyée à Mme Ditella.

[14]   Selon le fonctionnaire s’estimant lésé, il s’agissait de la première fois qu’on lui ordonnait de fixer ses congés annuels. Il a mentionné avoir été indigné du courriel de M. Shaw et lui a répondu par courriel, le 19 février 2003 (pièce G-7) :

[Traduction]

          J’ai toujours été clair et direct en ce qui concerne les doutes sérieux que j’entretiens à savoir si la direction a le droit ou le pouvoir de contraindre un employé à prendre des congés annuels contre sa volonté.

          À cet égard, sauf les allusions vagues et générales telles que « vous n’avez fait aucun effort pour fournir […] en dépit de demandes répétées », vous n’avez invoqué aucune disposition particulière de la convention collective des AV ou autre document à l’appui de votre présumée autorisation.

          Mon calendrier de congé « nécessaire » était prêt le 23 octobre 2002. Comme aucune autorisation claire n’a été démontrée, que ce soit parce que vous en étiez incapable, que vous refusiez ou qu’il ne vous semblait pas indiqué de le faire, rien ne pouvait me laisser croire que j’étais tenu de le soumettre.

          En ne fournissant aucun renvoi à une autorisation documentée, vous m’avez privé d’une possibilité juste et raisonnable de faire valoir un accord ou un désaccord informé.

          Il s’agit de la première pièce de correspondance que j’ai reçue qui m’avise de l’obligation de prendre un congé et, encore une fois, il n’y est aucunement précisé en vertu de quelle autorisation.

          Dans son courriel du 15 novembre 2002, Fred Pincock indique clairement que les employés « devraient prendre des congés » et, en renvoyant de manière évidente à la convention collective, il reconnaît que « des fonds doivent être prévus aux fins du paiement obligatoire des crédits de congés annuels non utilisés ».

          Les instructions que vous avez reçues pour régler le problème des congés excédentaires ne renvoient à aucune autorisation.

[…]

[15]   Le jour même, M. Shaw a répliqué au fonctionnaire s’estimant lésé ce qui suit (pièce G-8) : [traduction] « Je vous renvoie aux alinéas 15.05 a)   et b) et 15.07 a) de la convention ».

[16]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré qu’au cours des discussions avec M. Shaw, il a été question d’un manque à gagner projeté de 300 000 $ dans les budgets. Ce chiffre ne lui semblait pas réaliste. Le 23 octobre 2002, il a indiqué à M. Shaw avoir l’intention d’utiliser la moitié de ses congés annuels acquis avant la fin de l’exercice et de demander un paiement en argent pour l’autre moitié, étant donné qu’il était serré financièrement et avait besoin de l’argent.

[17]   Le fonctionnaire s’estimant lésé a mentionné qu’au cours des deux dernières années, l’employeur lui avait payé en argent ses crédits de congés annuels non utilisés.

[18]   Il estimait que la direction ne lui avait pas fourni de l’information claire quant à savoir qui avait autorisé le changement de pratique et pourquoi. Il a déclaré qu’il avait prévu prendre des congés pendant la période des Fêtes. Cependant, s’il avait su qu’il serait tenu d’utiliser tous ses congés annuels avant la fin de l’exercice, il aurait pris des congés pendant les mois plus chauds. Lorsqu’il a reçu le courriel de M. Shaw lui ordonnant de prendre des congés annuels, il ne restait plus que six semaines avant la fin de l’exercice et il devait prendre quatre semaines de congés annuels.

[19]   Lors du contre-interrogatoire, le fonctionnaire s’estimant lésé a convenu que, même s’il avait droit à 200 heures en 2002-2003, ou 26,66 jours, au mois d’octobre 2002 il avait pris seulement deux jours de congé : le 24 juin 2002 (7,5 heures) et le 22 août 2002 (7,5 heures). Il a également admis que du 27 décembre 2002 au 3 janvier 2003, il avait pris 37,5 heures de congés annuels.

[20]   Lorsque l’avocat lui a demandé si l’employeur lui avait déjà refusé des congés entre les mois d’octobre 2002 et de février 2003, il a répondu par la négative.

[21]   Jim Shaw est le gestionnaire de la Direction générale des approvisionnements pour la région de l’Ontario. Il a expliqué que la Direction générale des approvisionnements avait une portée nationale et que l’on s’attendait en 2002 à ce que son budget annuel de 3,5 millions de dollars soit réduit de 300 000 $. Par ailleurs, le nouveau sous-ministre adjoint avait annoncé une initiative de contrôle de la gestion des coûts visant à réduire les budgets existants d’un autre trois pour cent, et tout particulièrement le budget de la Direction générale des approvisionnements.

[22]   Le témoin a déclaré avoir reçu un courriel, le 15 octobre 2002, de Pat Bourgase (pièce E-2) proposant une procédure à suivre par les gestionnaires pour que les employés ayant pris peu ou pas de congés au cours de l’exercice utilisent tous leurs crédits.   M. Shaw a transmis le courriel aux chefs d’équipe, notamment à Mme Ditella, en leur demandant d’examiner les congés de leurs employés afin de s’assurer qu’aucun d’entre eux n’ait plus de 35 jours de crédits non utilisés à la fin de l’exercice. Le témoin a affirmé que lui-même avait accumulé plus de 35 jours de congés annuels et qu’il avait donc décidé de prendre une journée de congé par semaine jusqu’à épuisement des congés excédentaires.

[23]   Le témoin a soutenu que M me Ditella l’avait avisé que le fonctionnaire s’estimant lésé ne s’était pas conformé à sa demande de soumettre un plan d’utilisation des crédits de congés annuels avant le 23 octobre 2002.   Par conséquent, avant les vacances des Fêtes, il a rencontré le fonctionnaire s’estimant lésé dans l’intention de planifier les congés annuels de celui-ci, avec sa participation. Il a trouvé que le fonctionnaire s’estimant lésé était évasif et qu’il évitait de soumettre un plan d’utilisation de ses crédits.   Le fonctionnaire s’estimant lésé a ensuite demandé un congé du 27 décembre 2002 au 3 janvier 2003 (37,5 heures), mais n’a pas présenté de plan pour l’utilisation de ses autres crédits de congés annuels avant la fin de l’exercice.

[24]   Le 14 février 2003, le témoin a envoyé un courriel (pièce E-3) au fonctionnaire s’estimant lésé lui demandant de prévoir des congés afin de réduire son solde à 262,5 heures. Comme il n’avait pas reçu de réponse, il a envoyé, le 18 février 2003, un autre courriel au fonctionnaire s’estimant lésé (pièce G-6) l’informant qu’il avait 410 heures de congés annuels à son actif et que, comme il n’avait fait aucun effort pour soumettre un plan d’utilisation de ces congés, en dépit de demandes répétées, un congé avait été fixé pour lui entre le 20 février et le 20 mars 2003. Le fonctionnaire s’estimant lésé et le témoin ont par la suite convenu de modifier ces dates à la période du 24 février au 21 mars 2003. Les parties se sont entendues seulement après que le fonctionnaire ait essuyé un refus après avoir tenté de négocier qu’on lui paie 75 heures en argent en échange de quoi il utiliserait les 72 autres heures de congé avant la fin de l’exercice (pièce E-4).

[25]   En contre-interrogatoire, M. Shaw a admis que le chiffre de 300 000 $ avancé était un maximum artificiel pour forcer la direction à se conformer aux initiatives de contrôle des coûts établies par le SMA.

[26]   Aux dires du témoin, le fonctionnaire s’estimant lésé a fait fi des demandes répétées de son chef d’équipe, ainsi que de ses propres demandes, d’utiliser ses crédits de congés annuels d’ici la fin de l’exercice. C’est seulement après son courriel du 18 février 2003 (pièce G-6) que le fonctionnaire s’estimant lésé a pris des congés annuels.

[27]   Le témoin a aussi mentionné que lorsqu’on demandait au fonctionnaire s’estimant lésé de soumettre un plan d’utilisation des crédits de congés annuels, il haussait les épaules et demandait en vertu de quelle autorisation la demande était formulée. Selon le témoin, le fonctionnaire s’estimant lésé tentait de retarder l’échéance afin de toucher un paiement à la fin de l’exercice.

[28]   À la connaissance du témoin, personne n’avait présenté une demande de fonds supplémentaires à l’administration centrale.

[29]   Le témoin a conclu son contre-interrogatoire en affirmant être autorisé à fixer les congés annuels d’un employé si celui-ci a accumulé plus de 35 jours, dans la mesure où il agit de manière équitable et ne contrevient pas aux dispositions de la convention collective.

Résumé de l’argumentation

[30]   La représentante du fonctionnaire s’estimant lésé a fait valoir que l’employeur avait enfreint les dispositions de la convention collective en fixant les congés annuels du fonctionnaire s’estimant lésé pour des motifs autres que les nécessités de service. Elle a prétendu également que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas reçu de l’information claire et opportune relativement à qui était autorisé à modifier la pratique en vigueur par le passé consistant à payer en argent les crédits de congés annuels non utilisés à la fin de l’exercice.

[31]   Bien que le paragraphe 5.01 de la convention collective confère des droits à la direction,   il ne s’applique pas en l’espèce compte tenu que l’alinéa 15.05b) (« Afin de répondre aux nécessité de service ») est clair et a donc préséance sur ces droits.

[32]   Les termes « Les employés doivent normalement » de l’alinéa 15.05a) ne signifient pas que les employés doivent obligatoirement prendre tous leurs congés avant la fin de l’exercice.   L’alinéa 15.07a) dispose clairement que tous les crédits de congés annuels en sus de 35 jours seront payés en argent.

[33]   L’employeur doit se conformer aux exigences de l’alinéa 15.05b). S’il s’y conforme, il a alors le droit de fixer les congés annuels d’un employé. En l’espèce, le fonctionnaire s’estimant lésé et M. Shaw ont confirmé que le fonctionnaire s’estimant lésé a été contraint de prendre des congés annuels non pas pour répondre aux nécessités de service mais pour des motifs budgétaires.

[34]   Dans son courriel du 15 novembre 2002 (pièce G-5), M. Pincock affirmait que des fonds devaient être prévus aux fins du paiement en argent des crédits de congés annuels, conformément à la convention collective. Autrement dit, l’employeur devait réserver de l’argent pour les paiements en argent des crédits de congés annuels.

[35]   Mme Balfe a soutenu que dans Bozek c. Agence des douanes et du revenu Canada, 2002 CRTFP 60, l’arbitre de grief avait conclu que le mot « expected » dans la version anglaise devait être interprété comme un encouragement plutôt que comme une obligation pour les employés.

[36]   En conclusion, elle a fait valoir qu’à titre de redressement, le fonctionnaire s’estimant lésé devrait recouvrer ses 147,5 heures de crédits de congés annuels afin de se les faire payer en argent, comme le prévoit la convention collective.

[37]   À l’appui de ses arguments, Mme Balfe a invoqué les affaires suivantes : Bozek c. Agence des douanes et du revenu du Canada(supra) ; Canada (Solliciteur général) c. Degaris, [1994] 1 C.F. 374; Sumanik c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), dossier de la CRTFP 166-2-395 (1971); Graham c. Conseil du Trésor (ministère du Revenu national – Douanes et Accise), dossier de la CRTFP 166-2-1678 (1975); Gray c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), dossier de la CRTFP 166-2-457 (1971); Snowdon c. Conseil du Trésor (ministère de l’Énergie, des Mines et des Ressources), dossier de la CRTFP 166-2-6043 (1979); Power c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), dossier de la CRTFP 166-2-17064 (1988) (QL) et Burgess c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires indiennes et du Nord), 2004 CRTFP 164.

[38]   L’avocat de l’employeur a fait valoir que les paragraphes 15.05 et 15.07 devaient se lire ensemble parce qu’ils interagissaient l’un sur l’autre et ne pouvaient pas s’appliquer séparément.

[39]   L’argument de la représentante du fonctionnaire s’estimant lésé selon lequel l’employeur peut fixer les congés annuels d’un employé seulement pour répondre aux nécessités de service n’est pas remis en question. La question porte sur l’alinéa 15.05a) : « Les employés doivent normalement prendre tous leurs congés annuels au cours de l’année de congé annuel pendant laquelle ils les acquièrent ». L’alinéa 15.07a) impose une limite de 35 jours pour le report des crédits de congés annuels. Cet alinéa s’applique à l’employé qui n’est pas en mesure de fixer ses crédits au cours de l’exercice. Un employé peut reporter 35 jours et les crédits en sus lui seront payés en argent au taux de rémunération journalier approprié. En l’espèce, le fonctionnaire s’estimant lésé a reporté plus de 35 jours de congé à l’exercice 2002-2003. Le 1 er avril 2002, il a reçu 26 autres jours de congé annuel. En octobre 2002, il avait utilisé seulement deux jours de congé annuel. Bien qu’on lui ait demandé à plusieurs occasions de soumettre un plan d’utilisation des crédits de congés annuels pour la période restante de l’exercice, il a refusé de le faire. Par conséquent, l’employeur était en droit de fixer ses congés annuels.

[40]   L’alinéa 15.05b) doit se lire dans son intégralité et conjointement avec les sous-alinéas 15.05b)(i) et (ii). Le fonctionnaire s’estimant lésé souhaitait qu’on lui paie en argent ses crédits de congés annuels non utilisés. Cependant, en raison de restrictions budgétaires, l’employeur n’était pas en mesure d’accepter sa demande et a exercé son droit de fixer des congés annuels.

[41]   Lorsqu’il fixe les congés annuels d’un employé, l’employeur doit faire tout effort raisonnable pour lui accorder le congé annuel dont la durée et le moment sont conformes aux vœux de celui-ci. Le fonctionnaire s’estimant lésé ne voulait pas présenter de demandes de congé annuel puisque, de toute évidence, la seule chose qui l’intéressait était le paiement en argent à la fin de l’exercice de ses crédits de congés annuels non utilisés.

[42]   L’avocat a fait valoir que l’autorité de l’employeur de fixer les congés annuels d’un employé est définie au paragraphe 5.01 (Droits de la direction) de la convention collective.

[43]   À l’appui de ses arguments, l’avocat a cité les affaires suivantes : Higgs c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada — Service correctionnel), 2004 CRTFP 32; Marin c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2002 CRTFP 109; Farrell c. Conseil du Trésor (Défense nationale), dossiers de la CRTFP 166-2-26849 à 26855 (1996) (QL) et Ladouceur c. Conseil du Trésor (Défense nationale), 2000 CRTFP 51.

Réplique

[44]   En réponse à l’avocat de l’employeur concernant le renvoi à l’affaire Higgs (supra), Mme Balfe a soutenu que cette affaire ne contenait pas les mots « répondre aux nécessité de service ».   Dans la présente affaire, il n’était pas question de répondre aux nécessités de service et les congés annuels avaient été fixés en raison de contraintes budgétaires artificielles.

Motifs

[45]   Sur le fond, la question fondamentale en l’espèce est de savoir si l’employeur est autorisé ou non, de manière unilatérale, à fixer les congés annuels accumulés d’un employé au cours de l’exercice pendant lequel il les acquièrent, et ce au moment imposé par l’employeur.

[46]   Ce grief repose sur l’interprétation des paragraphes 5.01 et 15.05 et de l’alinéa 15.07a) de la convention collective du groupe AV. Le paragraphe 5.01 concerne les droits de la direction, le paragraphe 15.05 porte sur le fait de fixer des congés annuels et l’alinéa 15.07a) traite du report et de la liquidation des congés.

[47]   J’en ai conclu que ces paragraphes et cet alinéa sont interreliées et ne peuvent pas être interprétés séparément.

[48]   Le 1er avril 2002, le fonctionnaire s’estimant lésé a reçu 26,66 jours de congés annuels, conformément aux dispositions de sa convention collective, en plus des 35 jours reportés de l’exercice antérieur, donnant un total de 61,66 jours de crédits de congés annuels.

[49]   Selon la preuve déposée, lorsque Mme Ditella s’est adressée au fonctionnaire s’estimant lésé, en octobre 2002, celui-ci avait utilisé seulement deux jours de congés annuels. Elle lui a demandé de fixer ses autres crédits, mais il a décidé de ne pas se conformer à sa demande. M. Shaw lui a ensuite demandé de soumettre un plan d’utilisation de ses crédits de congés annuels. Encore une fois, le fonctionnaire s’estimant lésé a refusé de coopérer. À la suite du refus du fonctionnaire s’estimant lésé de soumettre un plan d’utilisation des crédits de congés annuels, M. Shaw a procédé à fixer des congés annuels pour lui, du 24 février au 21 mars 2003.

L’employeur est-il autorisé à fixer des congés annuels pour un employé?

[50]   J’estime que le libellé de l’alinéa 15.05a) est on ne peut plus clair : « Les employés doivent normalement prendre tous leurs congés annuels au cours de l’année de congé annuel pendant laquelle ils les acquièrent » (c’est moi qui souligne).

[51]   Au 3 janvier 2003, le fonctionnaire s’estimant lésé avait seulement utilisé sept jours de congés annuels. La représentante du fonctionnaire s’estimant lésé a fait valoir que les mots « doivent normalement » n’imposait pas une obligation et a invoqué l’affaire Bozek (supra). Dans cette décision, l’arbitre de grief a conclu que si l’employeur avait voulu imposer une obligation, il aurait fallu utiliser le mot « should » (devraient) dans la version anglaise des dispositions de la convention collective. J’estime que le mot « should » (devraient) exprime en l’espèce ce qui est probable et attendu, conformément à la définition du dictionnaire Webster’s Ninth New Collegiate.

[52]   Dans l’affaire Higgs (supra), j’ai conclu que les employés devaient normalement prendre tous leurs congés annuels au cours de l’année de congé annuel pendant laquelle ils les acquièrent. Je ne vois aucune différence dans l’affaire qui nous intéresse au point de vue du droit de l’employeur de fixer les congés annuels non utilisés en sus du maximum de 35 jours, dans la mesure où il fait un effort raisonnable pour : 1) lui accorder le congé annuel dont la durée et le moment sont conformes aux vœux de l’employé; 2) ne pas le rappeler au travail après son départ pour son congé annuel; 3) le prévenir, aussitôt qu’il lui est possible et raisonnable de le faire, de l’approbation, du refus ou de l’annulation d’une demande de congé annuel.

[53]   Bien que l’employé soit censé prendre ses congés annuels au cours de l’année au cours de laquelle ils sont acquis, dans la réalité cela n’est pas toujours possible. Par exemple, un employé peut être rappelé au travail pour répondre aux nécessités de service ou ses congés annuels peuvent être annulés ou modifiés pour répondre aux nécessités de service, ou encore un employé peut demander que ses congés annuels soient remplacés par un autre type de congés. Selon mon interprétation, l’objet de l’alinéa 15.07a) est d’empêcher qu’un employé soit privé des crédits de congés annuels acquis qu’il n’a pas utilisés au cours de l’exercice au cours duquel ils ont été acquis ou accumulés. Plus particulièrement, l’alinéa prévoit le report d’un maximum de 35 jours de crédits.

[54]   Selon la représentante du fonctionnaire s’estimant lésé, l’alinéa 15.05b) comporte une mise en garde concernant le droit de l’employeur de fixer les congés annuels d’un employé. Cette mise en garde est que le seul motif pour lequel un employeur peut fixer les congés annuels d’un employé est pour « répondre aux nécessités de service ».

[55]   Je ne suis pas d’accord avec l’argument de Mme Balfe selon lequel l’employeur est seulement autorisé à fixer les congés annuels d’un employé pour répondre aux nécessités de service. Les affaires invoquées par la représentante du fonctionnaire s’estimant lésé, tout particulièrement l’affaire Graham (supra), concernaient des situations où l’employeur avait   prévu à l’horaire le nombre suffisant d’employés pour répondre aux nécessités de service et avait donc refusé leurs congés annuels.

[56]   Le libellé du paragraphe 5.01 prévoit qu’un employeur conserve l’ensemble de ses fonctions, droits, pouvoirs et autorisations à moins qu’ils soient restreints expressément par la présente convention. L’alinéa 15.05b) reconnaît que, pour répondre aux nécessités de service, l’employeur se réserve le droit de fixer le congé annuel de l’employé, mais la convention collective restreint ce droit. L’employeur doit faire un effort raisonnable pour accorder le congé annuel dont la durée et le moment sont conformes aux vœux de l’employé. L’employeur doit également faire un effort raisonnable dans l’application du sous-alinéa 15.05b)(ii) et de l’alinéa 15.05c). Je conclus que la convention collective n’impose aucune limite au droit de l’employeur de fixer les congés annuels d’un employé lorsque celui-ci refuse de prendre des congés annuels au cours de l’exercice.

[57]   On n’a jamais refusé de congés annuels au fonctionnaire s’estimant lésé. On lui a plutôt demandé à plusieurs occasions de soumettre un plan d’utilisation des crédits de congés annuels, mais il a refusé malgré le fait qu’il avait atteint le maximum de 35 jours prévu à l’alinéa 15.07a). Si l’employeur avait refusé de lui accorder des congés annuels après qu’il eut atteint ce maximum de 35 jours en raison des nécessités de service, alors l’employeur aurait automatiquement été obligé de lui rembourser les crédits de congés annuels non utilisés au dernier jour de l’exercice.

[58]   En l’espèce, on n’a pas refusé d’accorder au fonctionnaire s’estimant lésé un congé annuel d’une durée et à un moment conformes à ses vœux. L’employeur lui a accordé amplement d’occasions de fixer ses congés annuels, mais il a refusé de le faire. Par conséquent, je ne peux pas conclure qu’il a été traité de manière injuste et déraisonnable par l’employeur.

[59]   Face au refus du fonctionnaire s’estimant lésé de fixer ses congés annuels, j’estime qu’il était justifié de la part de l’employeur d’appliquer les dispositions du paragraphe 5.01.

[60]   Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit  :

Ordonnance

[61]   Dans ces circonstances, le grief est rejeté.

Le 28 septembre 2005.

Traduction de la C.R.T.F.P.

D.R. Quigley,
arbitre de grief

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