Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée occupait un poste IS-05 pour une période indéterminée à Industrie Canada -- on a offert à la fonctionnaire s’estimant lésée un poste équivalent au Bureau du Conseil privé (BCP), qu’elle a accepté, et on lui a affirmé qu’elle occuperait un poste IS-06 à titre intérimaire -- au BCP, les deux postes IS-05 et IS-06 exigeaient une cote de sécurité << secret >> que la fonctionnaire s’estimant lésée a obtenue à son arrivée au BCP -- la fonctionnaire s’estimant lésée a ensuite appris qu’une erreur avait été commise et que le BCP avait demandé pour elle une cote de sécurité << très secret >> -- à la suite de l’enquête du Service canadien du renseignement de sécurité, la cote de sécurité << très secret >> a été refusée et la cote << secret >> de la fonctionnaire s’estimant lésée a été révoquée -- la fonctionnaire s’estimant lésée a été mise en congé sans solde et a été licenciée par la suite -- aux termes de la Politique sur la sécurité du Conseil du Trésor, avant de licencier un employé pour de telles raisons, il faut tenter de le réaffecter à un autre poste à moins de circonstances exceptionnelles -- l’employeur a soutenu à l’audience qu’il existait des circonstances exceptionnelles puisque la fonctionnaire s’estimant lésée représentait une menace pour la sécurité du pays parce qu’on doutait de sa loyauté envers le Canada -- tous les postes du BCP exigent au moins une cote de sécurité << secret >> -- le BCP n’a nullement tenté de trouver des postes pour la fonctionnaire s’estimant lésée à l’extérieur du ministère -- l’employeur a soutenu que son obligation de chercher d’autres postes se limitait au ministère, conformément à la décision Singh de la Cour fédérale -- l’agent négociateur a maintenu que l’obligation de recherche de postes allait au-delà du ministère -- l’agent négociateur a ajouté que, comme l’employeur ne s’est pas acquitté de son obligation de chercher d’autres postes, il n’a pas respecté la norme qui consiste à établir un motif valable -- l’arbitre de grief a précisé que, dans l’affaire Singh, l’obligation de chercher d’autres postes incombait au Conseil du Trésor, et non à l’administrateur général du ministère -- l’arbitre de grief a conclu que l’employeur n’a produit aucun élément de preuve établissant qu’il existait des << circonstances exceptionnelles >> -- le seul fait de douter de la loyauté d’une personne n’est pas suffisant, autrement, le terme << exceptionnelles >> serait dénué de tout sens -- l’arbitre de grief a statué que, parce que l’obligation de chercher des postes à l’extérieur du ministère n’a pas été respectée, l’employeur n’a pas établi l’existence d’un motif valable -- l’arbitre de grief a ordonné à l’employeur de procéder à une recherche minutieuse pendant deux mois et d’accorder à la fonctionnaire s’estimant lésée un congé payé pendant la durée de la recherche. Grief accueilli en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-12-08
  • Dossier:  166-2-32992
  • Référence:  2005 CRTFP 173

Devant un arbitre de grief



ENTRE

HAIYAN ZHANG

fonctionnaire s’estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Bureau du Conseil privé)

employeur

Répertorié
Zhang c. Conseil du Trésor (Bureau du Conseil privé)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant :  Ian R. Mackenzie, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée : Daniel Fisher, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur : Harvey Newman, avocat


Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 31 octobre et 1er novembre 2005.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Grief renvoyé à l'arbitrage

[1]   Le 28 novembre 2003, Haiyan Zhang a été licenciée du poste d’analyste principale qu’elle occupait au Secrétariat des communications et de la consultation du Bureau du Conseil privé (BCP) par suite de la révocation de sa cote de sécurité « Secret ».   Elle a déposé un grief à l’encontre de ce licenciement.

[2]   Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur.   En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l’arbitrage de grief doit être décidé conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l’« ancienne Loi »).

Résumé de la preuve

[3]   Les parties ont versé au dossier l’exposé conjoint des faits suivant (pièce E/G-1) et les documents qui y sont joints :

[Traduction]

Le Conseil du Trésor (Bureau du Conseil privé) et l’Alliance de la Fonction publique du Canada admettent que les faits exposés ci-après, qui se rapportent au grief susmentionné, ne sont pas contestés :

[1]       La fonctionnaire s’estimant lésée est née le 30 janvier 1963 à Lanzhou, en Chine.   Elle a épousé un citoyen canadien le 6 janvier 1995, et est arrivée au Canada le 21 février 1995.   Elle a obtenu la citoyenneté canadienne le 12 avril 1999.

[2]       Voici un résumé des antécédents de travail de la fonctionnaire s’estimant lésée au sein du gouvernement fédéral :

du 13 mai 2002 au 2 septembre 2002 (nomination d’une durée déterminée) Conseillère principale, Communications et liaison externe      (IS 05), Commission de la fonction publique (Annexe 1)

 

du 3 septembre 2002 au 15 octobre 2002 (mutation à un poste d’une durée déterminée)

Conseillère principale en communications, Planification ministérielle et communications

(IS 05)

Industrie Canada (Annexe 2)

 

16 octobre 2002 (nomination pour une période indéterminée)

Conseillère principale en communications, Planification ministérielle et communications
(IS 05)

Industrie Canada (Annexe 3)

 

Après avoir consulté le curriculum vitæ de la fonctionnaire s’estimant lésée, Maurice Jorre de St. Jorre, du BCP, a communiqué avec l’intéressée dans l’espoir de la recruter au poste d’analyste principale.

 

24 février 2003 (mutation)

Analyste principale en communications, Secrétariat des communications et de la consultation (IS 05)

Bureau du Conseil privé (Annexe 4)

 

du 24 février 2003 au 29 août 2003 (nomination intérimaire pour une période donnée)

Analyste principale, Secrétariat des communications et de la consultation (IS 06)

Bureau du Conseil privé (Annexe 5)

 

[3]       Le gouvernement du Canada a promulgué la Politique du gouvernement sur la sécurité , qui s’applique à tous les ministères qui figurent aux Annexes 1, 1.1 et II de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP) .   Cette politique prévoit, d’une part, que les fonctionnaires qui ont besoin d’avoir accès aux biens du gouvernement obtiennent une cote de fiabilité et, d’autre part, que les fonctionnaires qui ont besoin d’avoir accès à des renseignements et des biens classifiés ont une cote valide de fiabilité et obtiennent une cote de sécurité au niveau approprié. La cote de sécurité indique que le titulaire a fait l’objet d’une vérification de sécurité.   Il existe trois niveaux à cet égard : Confidentiel, Secret et Très secret.   Le Bureau du Conseil privé figure à l’Annexe 1 de la LGFP (Annexe 6).

[4]       Le gouvernement du Canada a promulgué également la Norme sur la sécurité du personnel , qui établit la norme opérationnelle ainsi que certaines procédures de niveau technique aux fins de la sécurité du personnel (Annexe 7).

[5]       Pour occuper son poste d’attache d’analyste principale en communications (IS-05) (PCO13239), la fonctionnaire s’estimant lésée devait détenir une cote de sécurité SECRET.   Voir la description de travail (Annexe 8).

[6]       La description de travail du poste IS-06 (13291), qui a été révisée pour la dernière fois en 2001, indiquait que le ou la titulaire du poste devait détenir une cote de sécurité SECRET.   Cependant, avant d’entrer en fonctions au BCP le 24 février 2003, la fonctionnaire s’estimant lésée a rempli un formulaire aux fins de l’enquête de sécurité, que le BCP a transmis au SCRS le 14 février 2003 pour que ce dernier effectue une évaluation de sécurité à l’égard de la fonctionnaire s’estimant lésée en vue de déterminer s’il convenait de lui attribuer une cote de sécurité Très secret (Annexe 9A et 9B).

[7]       La fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas obligée de détenir une cote de sécurité SECRET lorsqu’elle travaillait à Industrie Canada.   À son arrivée au BCP, le 24 février 2003, elle a obtenu la cote de sécurité SECRET; elle n’avait cependant pas accès aux documents classés TRÈS SECRET.

[8]       L’évaluation de sécurité effectuée par le SCRS a permis d’obtenir des renseignements défavorables concernant la loyauté de la fonctionnaire s’estimant lésée envers le Canada, de sorte que l’on a recommandé de ne pas lui accorder la cote de sécurité TRÈS SECRET et, en outre, de révoquer sa cote de sécurité SECRET. Puisque seul l’administrateur général est autorisé à refuser, révoquer ou suspendre une cote de sécurité (article 10.9 de la Politique du gouvernement sur la sécurité) , le directeur, Opérations de sécurité, BCP, a écrit à la direction pour lancer ce processus décisionnel.   Voir la note adressée à M. Rob Wright, en date du 28 août 2003, par Gerry Deneault, Directeur, Opérations de sécurité, concernant l’évaluation de sécurité effectuée par le SCRS sur la fonctionnaire s’estimant lésée (Annexe 10).

[9]       La direction a rencontré la fonctionnaire s’estimant lésée le 28 août 2003 pour la prévenir que certaines questions soulevées par l’évaluation de sécurité effectuée par le SCRS devaient être examinées de manière approfondie.   Elle a été informée qu’à compter de cette date, et en attendant l’issue de cet examen, elle serait mise en congé payé et n’aurait plus accès aux lieux de travail du BCP.   On lui a expliqué également que l’évaluation effectuée en vue de l’obtention de la cote TRÈS SECRET pouvait être utilisée pour révoquer sa cote SECRET et que, dans un tel cas, elle ne pourrait plus travailler au BCP, puisque, pour y travailler, il faut détenir au minimum une cote de sécurité SECRET.   On lui a expliqué aussi que le BCP devrait par conséquent étudier des possibilités d’emploi dans différents ministères. La fonctionnaire s’estimant lésée a été informée qu’elle aurait l’occasion de réfuter l’information contenue dans le rapport du SCRS, qui lui serait remis dans les jours suivants.   Voir les notes de la direction sur la rencontre qui a eu lieu avec la fonctionnaire s’estimant lésée le 28 août 2003 pour discuter des implications de l’évaluation de sécurité menée par le SCRS (Annexe 11).

[10]     La fonctionnaire s’estimant lésée a obtenu l’information relative à certaines questions soulevées par le SCRS et a eu également l’occasion d’y répondre.   Voir la lettre que M. Gerry Deneault a adressée à la fonctionnaire s’estimant lésée le 3 septembre 2003 (Annexe 12).

[11]     Dans une lettre datée du 15 septembre 2003, la fonctionnaire s’estimant lésée a répondu aux questions soulevées par le SCRS.   Dans sa réplique, elle affirme considérer sa loyauté envers le Canada comme un honneur et un privilège, et nie avoir participé à des activités susceptibles de constituer une menace pour la sécurité ou les intérêts nationaux du Canada.   Voir la lettre que la fonctionnaire s’estimant lésée a adressée à M. Gerry Deneault le 15 septembre 2003 (Annexe 13).

[12]     On a recommandé au greffier du Conseil privé (administrateur général) de refuser à la fonctionnaire s’estimant lésée la cote de sécurité TRÈS SECRET et de révoquer sa cote SECRET.   On l’a informé également qu’il fallait détenir une cote SECRET pour travailler au BCP.   Le BCP connaissait les obligations qui lui étaient imposées par l’article 5 de la Norme sur la sécurité du personnel en cas de révocation de la cote de sécurité de la fonctionnaire s’estimant lésée.   Le greffier a déterminé également, compte tenu de l’évaluation de sécurité menée par le SCRS, qu’il ne pouvait recommander la fonctionnaire s’estimant lésée aux fins d’un emploi ailleurs dans la fonction publique fédérale; il n’a donc pris aucune mesure à cet égard.   Voir la note du greffier du Conseil privé, M. Alex Himelfarb, datée du 9 octobre 2003, et les pièces jointes (Annexe 14).

[13]     Le greffier du BCP a décidé de refuser à la fonctionnaire s’estimant lésée la cote de sécurité TOP SECRET et de révoquer sa cote de sécurité SECRET.   Elle a été informée de cette décision par lettre, datée du 10 octobre 2003 (Annexe 15).

[14]     La direction a rencontré la fonctionnaire s’estimant lésée le 16 octobre 2003 pour discuter avec elle des implications de la décision du greffier.   Elle a été informée que, par suite de cette décision et du fait que, pour travailler au BCP, il faut détenir une cote de sécurité SECRET valide, elle serait licenciée.   La décision de licencier la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait rien à voir avec son rendement au travail.   Voir les notes de la direction concernant la rencontre du 16 octobre 2003 avec la fonctionnaire s’estimant lésée (Annexe 16).

[15]     Au cours de cette rencontre, la fonctionnaire s’estimant lésée a été informée qu’à la fin de la journée du 28 novembre 2003, son emploi au BCP prendrait fin conformément à l’alinéa 11(2)g) de la LGFP .   Elle a été informée également du fait qu’elle demeurerait en congé payé jusqu’à cette date.   Voir la lettre de licenciement, datée du 15 octobre 2003, signée par Michael Wernick, Sous-secrétaire du Cabinet, Planification et consultation (Annexe 17).

[16]     La fonctionnaire s’estimant lésée a déposé un grief auprès du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS) le 16 octobre 2003 (Annexe 18).

[17]     La fonctionnaire s’estimant lésée a contesté son licenciement et demandé le retrait de la lettre de licenciement de son dossier en plus de son rétablissement dans ses fonctions, sans perte de revenu ou d’avantages sociaux.   Voir une copie du formulaire de présentation de grief, daté du 16 octobre 2003 (Annexe 19).

[18]     La direction a répondu au grief de la fonctionnaire s’estimant lésée au dernier palier de la procédure de règlement du grief le 24 novembre 2003; elle a informé la fonctionnaire que son grief et la mesure corrective demandée étaient rejetés.   Voir une copie de la réponse au dernier palier, datée du 24 novembre 2003 (Annexe 20).

[19]     La plainte de la fonctionnaire s’estimant lésée au CSARS a été rejetée le 4 mars 2005.   Cette décision de rejeter la plainte repose sur la preuve qui a été mise à la disposition du président, et qui n’a pas nécessairement été communiquée dans son intégralité à la fonctionnaire s’estimant lésée si une telle communication représentait un risque pour la sécurité nationale.   Le président a conclu que le greffier avait des motifs raisonnables de refuser à la fonctionnaire s’estimant lésée la cote de niveau III et de révoquer sa cote de niveau II (Annexe 21).

[4]   Mme Zhang a témoigné à l’audience.   En plus de résumer son témoignage ci-après, j’ai résumé les passages pertinents des documents qui ont été joints à titre d’annexes à l’exposé conjoint des faits.

[5]   Mme Zhang a décroché une maîtrise en Chine, où elle a travaillé pour Xinhau (New China News Agency).   Elle a immigré au Canada en 1995.   Depuis son arrivée au pays, elle a obtenu une maîtrise en administration pour gens d’affaires et décroché le titre de comptable en management accrédité (CMA).   Elle a fait du bénévolat dans le cadre d’activités communautaires, et a notamment occupé un poste au sein du conseil de direction de Centraide.   Elle a amorcé sa carrière dans la fonction publique fédérale en 2002, après avoir passé quelque temps au sein de la Banque de développement du Canada.   Après avoir travaillé brièvement à titre d’employée nommée pour une période déterminée pour la Commission de la fonction publique, elle a obtenu une nomination pour une période indéterminée au niveau IS-5 chez Industrie Canada.

[6]   Mme Zhang a déclaré, dans son témoignage, qu’un employé du BCP qui connaissait son mari lui avait suggéré de faire parvenir son curriculum vitæ au BCP.   C’est ce que Mme Zhang a fait et, presque immédiatement, elle a reçu un appel de Maurice Jorre de St. Jorre, Directeur, Opérations, qui l’a invité à discuter de possibilités d’emploi au sein du BCP.   Une semaine ou deux plus tard, il l’a rappelée pour lui demander de venir travailler pour lui au BCP.   Elle lui a répondu qu’elle devait y réfléchir, ce à quoi il a répliqué que [traduction] « personne n’a besoin de réfléchir avant de décider de venir travailler au BCP », et que travailler pendant deux ans pour le BCP équivalait à travailler pendant 20 ans ailleurs dans la fonction publique fédérale. Après en avoir discuté avec quelques personnes, Mme Zhang a décidé que c’était pour elle la voie à suivre.

[7]   Mme Zhang a été informée du fait qu’il était difficile, sur le plan administratif, de la muter à un poste IS-6 au sein du BCP; pour cette raison, le BCP la muterait à un poste classé IS-5, comme le poste qu’elle occupait alors, et lui attribuerait à titre intérimaire un poste classé IS-6.   À la fin d’une période de six mois, elle serait nommée au poste classé IS-6.

[8]   Le poste intérimaire classé IS-6 était assorti d’une cote de sécurité « Secret », comme l’était son poste d’attache au BCP (pièce E/G-1, Annexes 8 et 9A).   Ainsi qu’il est indiqué dans l’exposé conjoint des faits, Mme Zhang a obtenu une cote de sécurité « Secret » à son arrivée au BCP le 24 février 2003.   Le 14 février 2003, Lyne Fournier, Secrétariat de la sécurité et du renseignement, BCP, a envoyé au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) une lettre indiquant que Mme Zhang aurait accès à des documents dont la classification pouvait atteindre le niveau « Très secret » et demandant que soit effectuée l’évaluation de sécurité appropriée (pièce E/G-1, Annexe 9B).   Mme Zhang a déclaré dans son témoignage que M. Jorre de St. Jorre l’avait appelée pour lui dire qu’une erreur avait été commise et que le BCP avait demandé, pour elle, une cote « Très secret ».   Mme Zhang a témoigné que M. Jorre de St. Jorre lui avait dit souhaiter que tous les postes classés IS soient un jour classés « Très secret ».

[9]   Le SCRS a mené l’évaluation et soulevé des questions auprès du BCP concernant la demande relative à la cote « Très secret » d’une part et la cote « Secret » que la fonctionnaire s’estimant lésée détenait déjà d’autre part.   La Norme sur la sécurité du personnel, un document publié par le Conseil du Trésor (pièce E/G-1, Annexe 7), prévoit qu’une cote de sécurité est refusée aux personnes à l’égard desquelles il existe des motifs raisonnables de croire que les conditions suivantes s’appliquent :

  •  En ce qui concerne la loyauté, qu’elles participent ou pourraient participer à des activités qui constituent une menace envers la sécurité du Canada au sens de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité .

 

  • En ce qui concerne la fiabilité, qu'en raison de croyances personnelles, de traits de caractère, de relations avec des personnes ou des groupements considérés comme une menace pour la sécurité ou qu'en raison de leurs liens familiaux ou étroits avec des personnes vivant dans des pays hostiles ou tyranniques, elles pourraient agir ou être incitées à agir de façon à constituer «une menace envers la sécurité du Canada»; elles pourraient révéler ou être incitées à révéler ou faire en sorte que soient révélés sans autorisation des renseignements classifiés.

[10]   Le 28 août 2003, Mme Zhang a pris part à une rencontre à laquelle ont assisté également Mario Laguë, secrétaire adjoint du Cabinet, Simon Fothergill, directeur, Opérations juridiques/conseiller, et Chantal Butler, conseillère en relations de travail.   Le procès-verbal de la rencontre a été déposé en preuve (pièce E/G-1, Annexe 11).   Lors de cette rencontre, Mme Zhang a été informée par M. Laguë qu’elle était en congé payé à compter de ce jour-là.   M. Fothergill l’a informé qu’elle aurait l’occasion de répliquer aux questions soulevées dans le cadre de l’enquête menée par le SCRS.   M. Laguë a déclaré que, si Mme Zhang décidait de démissionner, il serait mis un frein à tout le processus.   M. Fothergill lui a indiqué que les renseignements provenant du SCRS pouvaient être utilisés également pour révoquer sa cote « Secret », et qu’elle devrait peut-être songer à [traduction] « considérer des choix de carrière » au cas où elle serait jugée inadmissible à une cote « Secret » ou « Très secret ».   M. Fothergill lui a rappelé qu’elle pouvait démissionner, mais le procès-verbal de la rencontre indique qu’il lui a assuré qu’elle ne devait aucunement se sentir obligée de suivre cette voie.   M. Fothergill lui a dit également que, si sa cote de sécurité « Secret » était révoquée, elle ne pourrait plus travailler au BCP, puisqu’il faut détenir une cote « Secret » au minimum.   D’après le procès-verbal, M. Fothergill a ensuite dit ceci : [traduction] «  [ …] nous devrions par conséquent examiner des possibilités d’emploi au sein de divers autres ministères […] ».   Le procès-verbal de la rencontre indique que M. Fothergill a mentionné à la fonctionnaire s’estimant lésée que, si aucun poste ne pouvait lui être trouvé, elle serait licenciée.   Mme Zhang a témoigné que personne ne lui avait dit au cours de la rencontre qu’elle risquait d’être licenciée.

[11]   Le 3 septembre 2003, Gerry Deneault, directeur, Opérations de sécurité, a écrit à Mme Zhang pour l’informer des conclusions exposées dans le rapport du SCRS et l’inviter à y répondre par écrit (pièce E/G-1, Annexe 12).   M. Deneault a écrit ceci :

[Traduction]

[…]

          En raison de l’évaluation faite par le SCRS, le BCP éprouve des doutes au sujet de votre loyauté envers le Canada ainsi que de votre fiabilité dans la mesure où celle-ci concerne votre loyauté, ce qui pourrait mener à la décision de vous refuser une cote de sécurité de niveau III et de révoquer la cote de sécurité qui vous a été précédemment attribuée.

[…]

          Notre première crainte est que, particulièrement à titre d’ancienne employée de la New China News Agency (connue sous le nom d’Agence de presse Xinhua), vous ayez pu participer à des activités de collecte de renseignements pour le compte d’un état étranger.

          Par ailleurs, vous paraissez maintenir un contact régulier avec des représentants étrangers qui pourraient participer à des activités de collecte de renseignements.

          Ces craintes soulèvent un doute sérieux quant à la question de savoir si vous devriez obtenir ou conserver une cote de sécurité du gouvernement. […]

[12]   Ainsi qu’il est indiqué dans l’exposé conjoint des faits, Mme Zhang a fourni une réplique détaillée le 15 septembre 2003 (pièce E/G-1, Annexe 13).   M. Deneault a écrit une note à Alex Himelfarb, greffier du BCP, le 6 octobre 2003, dans laquelle il a recommandé la révocation de la cote de sécurité de Mme Zhang ainsi que le licenciement de cette dernière (pièce E/G-1, Annexe 14).   Cette note a été rendue publique conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels, mais certaines parties ont été camouflées.   Dans la note en question, M. Deneault a écrit ceci :

[Traduction]

[…]

Conformément à la PGS [Politique du gouvernement sur la sécurité] , nous avons envisagé la possibilité de la réaffecter ou de la nommer à un poste moins sensible ailleurs au sein du gouvernement du Canada. […]

[Le reste du paragraphe est camouflé.]

[13]   M. Deneault souligne également dans la même note que, si Mme Zhang est licenciée, [traduction] « nous pouvons administrativement annuler sa cote de fiabilité ».   Ainsi qu’il est indiqué dans l’exposé conjoint des faits, la cote de sécurité « Secret » de Mme Zhang a été révoquée le 10 octobre 2003 par M. Himelfarb.   Mme Zhang a témoigné qu’à sa connaissance, sa cote de fiabilité approfondie n’avait été ni révoquée, ni annulée.

[14]   Mme Zhang a été informée de son licenciement du 28 novembre 2003 lors d’une rencontre qui s’est tenue le 16 octobre 2003 avec M. Laguë, M. Fothergill et M me Butler.   Son représentant syndical, Denis McCarthy, assistait lui aussi à cette rencontre.   On a alors remis à Mme Zhang une lettre de licenciement signée par Michael Wernick, sous-secrétaire du Cabinet, Planification et consultation (pièce E/G-1, Annexe 17).   La lettre est libellé en partie dans les termes suivants :

[Traduction]

[…]

          Conformément à la Politique du gouvernement sur la sécurité – Norme sur la sécurité du personnel du Conseil du Trésor, j’ai examiné soigneusement la question de savoir si vous pouviez être réaffectée ou nommée à un poste de niveau équivalent, mais moins sensible, ou d’un niveau inférieur.   J’en suis arrivé à la conclusion que les circonstances exceptionnelles du présent dossier rendent impossible une telle réaffectation ou nomination. Il en est ainsi parce que l’évaluation de sécurité du SCRS soulève des doutes sérieux sur votre loyauté envers le Canada et votre fiabilité en ce qui concerne cette loyauté.

[…]

[15]   Des notes manuscrites de la rencontre du 16 octobre 2003 ont été préparées par M me Butler (pièce E/G-1, Annexe 16).   M. Laguë a déclaré qu’il [traduction] « ne souhaitait pas avoir à surveiller les propos qu’il pourrait tenir auprès d’un employeur éventuel si certaines questions relatives à la loyauté étaient soulevées ».   M. Fothergill a déclaré à la fonctionnaire s’estimant lésée qu’il serait « plus prudent » de ne pas s’en remettre au BCP pour obtenir des références.

[16]   Mme Zhang a déclaré, dans son témoignage, que son représentant syndical avait proposé au ministère de prolonger son congé payé jusqu’à ce que la décision du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS) ait été rendue, et de permettre à Mme Zhang de travailler, dans l’intervalle, pour un organisme caritatif choisi par le BCP.   Cette suggestion est demeurée sans réponse.

[17]   En contre-interrogatoire, Mme Zhang a indiqué qu’au cours de son congé payé (avant son licenciement, le 28 novembre 2003), elle avait eu une entrevue pour un emploi à l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) pour lequel il fallait détenir une cote de fiabilité approfondie.   Elle a témoigné que, lorsque le gestionnaire a communiqué avec le BCP, quelqu’un lui a dit que l’ADRC ne devait pas l’engager.   Elle a témoigné qu’elle savait que le BCP n’allait pas la soutenir en raison de la question de la cote de sécurité, mais qu’elle n’avait pas compris qu’il allait empêcher d’autres ministères de l’engager.

[18]   Le CSARS a tenu sept journées d’audience sur la plainte déposée par Mme Zhang, entre janvier et juin 2004.   La version de son rapport versée en preuve au cours de la présente audience (pièce E/G-1, Annexe 21), qui avait d’abord été classée « Très secret », a ensuite été assortie de la cote « Protégé/Renseignements personnels ».   Le CSARS a conclu que le greffier avait des motifs raisonnables de refuser la cote de sécurité « Très secret » et de révoquer la cote de sécurité « Secret ».   Le CSARS a déterminé en outre qu’il existait des motifs raisonnables de croire qu’en tant qu’ancienne employée de Xinhau, Mme Zhang avait pu participer à des activités de collecte de renseignements pour le compte d’un état étranger, et qu’elle paraissait maintenir des contacts réguliers avec des représentants étrangers qui pourraient participer à des activités de collecte de renseignements.   Le CSARS a recommandé notamment le maintien de la décision du greffier.   (Les autres recommandations se rapportent à la tenue de l’enquête et à l’omission du SCRS de divulguer certains renseignements à Mme Zhang avant la tenue de l’audience, comme il y est tenu aux termes des Règles de procédure du CSARS.)

[19]   Au terme de son témoignage principal, Mme Zhang s’est fait demander si elle avait quoi que ce soit à ajouter.   Elle a déclaré qu’il était malheureux que le gouvernement fasse preuve d’une telle injustice à son endroit, et qu’elle était traitée exactement comme son père l’avait été par le gouvernement chinois.   Elle a ajouté qu’elle croyait en ce pays et m’a demandé de préserver l’espoir que les nouveaux Canadiens éprouvent envers le Canada.

Résumé de l’argumentation

Pour l’employeur

[20]   Me Newman a fait valoir qu’il était question ici d’un licenciement non disciplinaire.   Le rapport du CSARS (pièce E/G-1, Annexe 21) indique que le greffier du BCP avait des motifs sérieux d’éprouver des craintes.   Le CSARS   a conclu qu’il existait des motifs raisonnables sur lesquels le greffier du BCP pouvait fonder sa décision de révoquer la cote de sécurité de Mme Zhang.   Me Newman a fait valoir que la loyauté envers le Canada est une condition essentielle à l’emploi. Si un employeur a des raisons de croire qu’un employé est peut-être le mandataire d’une puissance étrangère, il n’a aucune raison de maintenir l’emploi de cette personne ou de lui en offrir un.

[21]   Me Newman a fait remarquer que Mme Zhang n’était pas au service du gouvernement du Canada depuis longtemps.   Elle a accompli son travail de manière satisfaisante et son rendement au travail n’est pas le motif de son licenciement.   Elle a été licenciée parce qu’elle a perdu sa cote de sécurité, condition essentielle au maintien de son emploi au BCP.   Et comme elle était considérée comme étant une menace pour la sécurité nationale, il n’était pas déraisonnable de conclure qu’elle ne pouvait pas travailler au sein de la fonction publique du Canada.

[22]   Me Newman a déclaré que la question de savoir si le poste classé IS au BCP nécessitait une cote de sécurité « Très secret » n’est pas pertinente.   Le ministère a le droit de demander la tenue d’une évaluation de ce niveau.   D’ailleurs, d’après le témoignage de Mme Zhang, le BCP prévoyait assortir le poste en question de la cote « Très secret »;   par conséquent, la tenue de l’évaluation en question n’était guère surprenante.

[23]   Me Newman a fait remarquer que la Politique du gouvernement sur la sécurité (pièce E/G-1, Annexe 6) énonce le rôle du CSARS et le rôle général du BCP en matière de sécurité.   Il a fait remarquer également que seul l’administrateur général peut refuser ou révoquer une cote de sécurité.   Me Newman a ajouté que l’évaluation de sécurité et la vérification de la fiabilité sont des conditions essentielles à l’obtention d’un poste en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP), et que personne ne peut être nommé à un poste tant que durent les vérifications nécessaires.

[24]   Me Newman a fait valoir qu’il n’appartient pas à l’administrateur général de mener une enquête, mais qu’il incombe cependant à ce dernier de donner suite aux évaluations effectuées par le SCRS; il est très rare que l’administrateur général ne donne pas suite à une recommandation formulée par le SCRS.   Mme Zhang s’est vu refuser une cote de sécurité au motif qu’il existait des motifs raisonnables de croire, « en ce qui concerne la loyauté, [qu’elle] participe ou pourrait participer à des activités qui constituent une menace envers la sécurité du Canada […] » (Norme sur la sécurité du personnel; pièce E/G-1, Annexe 7).   Me Newman a souligné que cette conclusion avait été maintenue par le CSARS.

[25]   Me Newman a fait valoir que la Norme sur la sécurité du personnel (pièce E/G-1, Annexe 7) exige que l’on envisage une nomination à d’autres postes au sein du ministère.   Il n’y en avait aucun au sein du BCP.   Le greffier a jugé qu’il s’agissait de circonstances exceptionnelles, car l’on craignait que Mme Zhang constitue une menace envers la sécurité du Canada.   Le greffier n’est pas autorisé à nommer des employés à l’extérieur du BCP.   En outre, Me Newman a-t-il fait valoir, il n’est pas tenu en droit d’envisager quelque emploi que ce soit à l’extérieur du BCP.   Me Newman a déclaré que, même si une telle obligation existait en droit, il n’était pas difficile de conclure que le BCP ne peut chercher un emploi pour une personne qui constitue une menace pour la sécurité du pays en raison de doutes que l’on nourrit sur sa loyauté envers le pays.   Me Newman a posé la question suivante : [traduction] « S’il ne s’agit pas là de circonstances exceptionnelles, qu’est-ce que ça prend? »

[26]   Me Newman a fait valoir que Mme Zhang avait été avisée relativement à ses choix de carrière lors de la rencontre du 28 août 2003.   Il a déclaré qu’il ne souscrivait pas aux commentaires que M. Fothergill a alors formulés concernant l’examen de possibilités d’emploi au sein d’autres ministères.   Il s’agit peut-être d’une obligation morale, mais pas d’une obligation légale.   L’administrateur général n’est pas autorisé à effectuer des nominations à l’extérieur de son propre ministère.   Peut-être est-il souhaitable d’examiner des postes à l’extérieur du ministère si cela est possible, mais dans ce cas-ci, ce n’était pas le cas.   Me Newman a fait remarquer que, dans une note adressée à M. Himelfarb (pièce E/G-1, Annexe 14), M. Deneault a écrit que le BCP avait envisagé la possibilité de réaffecter ou de nommer Mme Zhang à un poste moins sensible ailleurs au sein du gouvernement du Canada.   Comme l’indique l’exposé conjoint des faits, l’employeur n’a pas cru qu’il pouvait recommander la fonctionnaire s’estimant lésée aux fins d’une nomination à d’autres postes, en raison des doutes que l’on éprouvait au sujet de sa loyauté.   Me Newman a déclaré que je ne pouvais pas remettre en question la conclusion à laquelle M. Warnick en était arrivé, à savoir qu’il s’agissait de circonstances exceptionnelles (pièce E/G-1, Annexe 17).   Rien dans la preuve qui a été mise à ma disposition ne me permet de remettre ainsi en question cette conclusion.   Le rapport du CSARS confirme les doutes exprimés par M. Himelfarb.

[27]   Me Newman a fait valoir que, dans l’affaire Singh c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2000 CRTFP 39, l’arbitre de grief avait reconnu que la recherche d’un autre emploi était restreinte au ministère.   Me Newman a fait remarquer que l’affaire avait été réglée en bout de ligne (Singhc. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2003 CRTFP 25).

[28]   Dans les motifs qu’elle a rédigés dans l’affaire Singh c. Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2001 CFPI 577, la Cour fédérale en est arrivée à la conclusion que l’arbitre de grief ne pouvait ordonner la nomination d’une personne à un autre poste.   La Cour a déterminé également que l’obligation d’effectuer une recherche diligente en vue de trouver un autre emploi ne valait qu’au sein du ministère.

[29]   Me Newman a fait valoir que, même s’il existait une obligation de franchir les limites du ministère, le BCP avait agi de manière raisonnable.   Il s’agissait de circonstances exceptionnelles, voir même extraordinaires.   La sécurité de l’État prime sur à peu près tout, a-t-il fait valoir.

[30]   Me Newman a mentionné que la décision rendue dans l’affaire Sullivan c. Service canadien du renseignement de sécurité, 2003 CRTFP 26, n’était pas pertinente.   Il a fait remarquer que l’arbitre de grief, dans cette affaire, n’avait pas dit que l’employeur était tenu de trouver un autre emploi, mais qu’il avait dit simplement que M me Sullivan pouvait chercher un autre emploi au sein de la fonction publique.   Quoi qu’il en soit, la situation dans l’affaire Sullivan n’était pas aussi grave qu’elle ne l’est en l’espèce, où l’on craint pour des motifs raisonnables que les intérêts de l’État soient en danger.

[31]   En conclusion, Me Newman a-t-il fait valoir, je devrais rejeter le grief.

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

[32]   M. Fisher a déclaré que Mme Zhang jouissait d’une sécurité d’emploi lorsqu’elle travaillait chez Industrie Canada.   Ainsi qu’en fait foi la description de travail du poste en question (pièce E/G-1, Annexe 9), elle n’était pas obligée de détenir une cote de sécurité « Très secret » pour travailler au BCP; seule une cote « Secret » était requise.   La demande en vue de l’obtention de la cote « Très secret » a été faite par suite d’une erreur administrative.   Sa confirmation dans le poste IS-6 n’aurait pas dû dépendre de l’obtention d’une cote « Très secret ».

[33]   M. Fisher a fait remarquer que la lettre de licenciement invoquait l’alinéa 11(2)g) de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP).   Il a admis que cette disposition devait être lue en conjonction avec le paragraphe 11(4) de la LGFP et la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Gannon c. Canada (Conseil du Trésor), 2004 CAF 417.   Cela signifie que Mme Zhang pouvait être congédiée pour cause seulement.   M. Fisher a fait valoir que l’employeur n’avait pas établi l’existence d’un motif valable dans cette affaire.   Il n’a pas respecté ses obligations envers Mme Zhang, et l’arbitre de grief est tout à fait compétent pour la réintégrer dans ses fonctions.

[34]   M. Fisher a fait valoir que, bien qu’il ait été interdit à Mme Zhang de travailler au BCP sur révocation de sa cote de sécurité, l’employeur aurait dû lui accorder un congé payé et respecter son obligation de lui trouver un emploi convenable ailleurs au sein de la fonction publique fédérale.   Mme Zhang était amplement qualifiée pour occuper d’autres postes et sa cote de fiabilité approfondie n’avait été révoquée à aucun moment.   M. Fisher a fait valoir qu’on aurait dû la renvoyer chez Industrie Canada.   Il a fait valoir également qu’empêcher Mme Zhang d’obtenir un emploi au sein de la fonction publique ne satisfaisait pas au critère du motif valable.   Si son licenciement est maintenu, elle aura été privée de son droit fondamental à un licenciement justifié.

[35]   M. Fisher a fait valoir que la lourde charge d’établir l’existence d’un motif valable est exprimée dans les termes suivants dans la Norme sur la sécurité du personnel (pièce E/G-1, Annexe 7) :

Si cette personne est fonctionnaire, on doit envisager une réaffectation ou une nomination à un poste de niveau équivalent, mais moins sensible. Si aucun poste n'est disponible, on doit alors envisager la nomination à un poste d'un niveau inférieur. On peut envisager le congédiement uniquement dans des circonstances exceptionnelles et après avoir épuisé toutes les autres options.

[36]   M. Fisher a souligné que les obligations de l’employeur découlent de ses décisions administratives et qu’elles sont clairement énoncées dans la Norme sur la sécurité du personnel.   L’employeur est tenu d’épuiser les sources internes, puis de chercher un autre poste au sein des autres ministères.   Le ministère a initialement reconnu l’existence de cette obligation au cours d’une rencontre qui a eu lieu avec Mme Zhang le 28 août 2003 (pièce E/G-1, Annexe 11).   Il savait que c’était ce qu’il devait faire, et il ne l’a jamais fait.   M. Fisher a fait valoir que les circonstances de la présente affaire n’équivalent pas à des « circonstances exceptionnelles ».   La Norme sur la sécurité du personnel énonce clairement l’obligation de l’employeur et, dans ce cas-ci, l’employeur n’a pas respecté sa propre politique.   M. Fisher a fait valoir que l’employeur n’avait envisagé aucun autre poste, ni notamment aucun poste d’un niveau inférieur.

[37]   M. Fisher a fait valoir que l’obligation de l’employeur dépassait les limites du ministère.   Le BCP n’est pas une entité juridique distincte.   La Norme sur la sécurité du personnel mentionne le Conseil du Trésor du Canada et la politique s’applique aux ministères qui figurent sur la liste (pièce E/G-1, Annexe 6).   Traiter le BCP comme une entité juridique distincte entre en contradiction avec le libellé de la LGFP et la politique.

[38]   M. Fisher a fait valoir que la manière dont on avait traité Mme Zhang constituait également un manquement à l’équité procédurale.   Comme ce fut le cas pour la personne intéressée dans l’affaire Singh (supra), la fonctionnaire s’estimant lésée dans la présente affaire a été traitée de manière inéquitable.   Elle a été recrutée par le BCP, qui souhaitait à tel point obtenir ses services qu’il a usé d’astuces pour contourner le processus de dotation et la nommer à un poste classé IS-6.   De toute évidence, elle était désirée.   Or, elle se retrouve aujourd’hui sans emploi au sein de la fonction publique et sans possibilité de trouver un autre emploi au sein de cette même fonction publique en l’absence d’une recommandation du BCP.   Son rendement au travail n’a jamais été remis en question.

[39]   M. Fisher a souligné que, dans sa lettre du 3 septembre 2002, l’employeur avait invoqué deux motifs.   Il a indiqué que Mme Zhang n’avait pas l’intention de débattre devant l’arbitre de grief soussigné du bien-fondé des conclusions du CSARS.   Toutefois, le droit de l’employeur de révoquer une cote de sécurité est unilatéral et le critère à cet égard est peu exigeant.   Les seuls motifs invoqués au soutien de la révocation sont que l’employeur n’était plus disposé à accorder une cote de sécurité.   Ces motifs ne devraient pas entraîner le licenciement de Mme Zhang.   Une telle conclusion relativement à sa cote de sécurité n’éteint pas l’obligation de l’employeur de chercher un autre poste, dans un premier temps au sein du ministère puis, dans un deuxième temps, à l’extérieur du ministère.   M. Fisher a fait valoir que les deux motifs mentionnés n’étaient pas suffisants pour établir l’existence d’un motif valable et pour mettre de côté l’obligation, énoncée dans la politique, de chercher un autre emploi.

[40]   M. Fisher a fait valoir que personne n’avait donné à entendre que Mme Zhang avait participé à des activités inappropriées ou qu’elle avait porté atteinte à la sécurité nationale.   Au chapitre de l’équité, quel message envoie-t-on ainsi aux fonctionnaires?   Si le SCRS soulève des doutes au sujet de l’ancienne vie d’une personne et effectue une évaluation insatisfaisante, la personne est congédiée.   La norme du motif valable n’est pas respectée dans la présente affaire.   M. Fisher a fait valoir que, d’après les motifs donnés à l’appui de la révocation de la cote de sécurité, Mme Zhang « pourrait avoir » participé à certaines activités.   On n’a pas établi qu’elle avait effectivement recueilli des renseignements.   Il a fait valoir que cela ne suffisait pas pour satisfaire à l’exigence législative du motif valable.

[41]   M. Fisher a fait valoir que, compte tenu de l’expérience de Mme Zhang, sa grande contribution communautaire, sa maîtrise en administration des affaires et ses trois langues, il était à peu près impossible que l’on ne soit pas arrivé à lui trouver un poste au sein de la fonction publique.

[42]   M. Fisher a fait valoir que, si aucune évaluation en vue de l’obtention de la cote « Très secret » n’avait été effectuée, aucune de ces répercussions ne se serait produite.   Si M. Jorre de St. Jorre l’avait informée des répercussions possibles, peut-être cela ne se serait-il pas produit.   Les détails administratifs entourant la question de la cote de sécurité auraient dû être mis au point avant que la fonctionnaire s’estimant lésée n’accepte le poste que le BCP lui avait offert.

[43]   M. Fisher a convenu qu’il était impossible de trouver un autre poste pour Mme Zhang au sein du BCP.   Dans ce cas-ci, la recherche aurait dû outrepasser les limites du ministère.   Comme dans l’affaire Singh (supra), le BCP aurait dû revoir sa décision par souci de justice et d’équité.   Le BCP n’a fait aucun effort honnête pour trouver un autre emploi à Mme Zhang, qui a déclaré, au cours de son témoignage, ne pas avoir obtenu un poste à l’ADRC, bien que le poste en question n’ait été assorti d’aucune cote de sécurité.

[44]   M. Fisher a fait valoir que le mandat du CSARS ne consistait pas à formuler des recommandations visant à empêcher Mme Zhang d’obtenir un emploi.

[45]   Il a ajouté que le Conseil du Trésor était tenu de chercher avec diligence un autre emploi, ainsi que l’a déclaré la Cour fédérale dans l’affaire Singh (supra).   Dans cette affaire, la Cour a déterminé également que l’on devait recourir au licenciement en dernier recours seulement.   Dans ce cas-ci, on y a recouru en tout premier lieu.   Dans ce cas-ci également, l’omission du Conseil du Trésor de chercher un autre emploi avec diligence constitue un manquement à une obligation qui lui est imposée par la politique.

[46]   M. Fisher a fait valoir que l’on aurait dû envisager de muter Mme Zhang à un autre poste classé IS-5.   Il a signalé qu’elle a maintenu son innocence et sa loyauté envers le Canada.   En outre, elle n’a jamais tenté de cacher quoi que ce soit.

[47]   M. Fisher a fait valoir que, comme dans l’affaire Singh (supra), il s’agit d’une situation qui « requiert un contrôle ».   M. Fisher m’a reporté également à l’affaire Sullivan (supra).

Observations en réplique de l’employeur

[48]   Me Newman a fait valoir que les arguments de M. Fisher suivant lesquels l’évaluation aux fins de l’obtention d’une cote de sécurité n’aurait pas dû être menée sont sans pertinence.   Le fait est que cette évaluation a été menée et que le SCRS a fait les découvertes que l’on connaît.

[49]   Me Newman a remarqué que rien ne donnait à penser qu’il existait des raisons de prendre des mesures disciplinaires.

[50]   Il a fait valoir que l’on ne pouvait s’attendre à ce que le greffier du BCP tente de trouver un autre emploi pour une fonctionnaire qui représente un risque pour la sécurité du pays.   Le greffier et les représentants du BCP ont reconnu la futilité d’un tel exercice.

[51]   Me Newman a fait valoir que le BCP avait pris en considération tous les postes au sein du ministère et qu’il avait même envisagé de chercher à l’extérieur, mais qu’il avait écarté cette option parce qu’il n’était pas disposé à recommander la fonctionnaire s’estimant lésée.   Me Newman a fait valoir que la décision rendue par la Cour fédérale dans l’affaire Singh (supra) permet uniquement de soutenir que le ministère doit examiner tous les emplois, et que la Cour a clairement limité cette obligation au ministère en question.

[52]   Me Newman a signalé qu’au chapitre de l’équité procédurale, le principe énoncé dans l’affaire Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. no 818 (C.A.), s’applique.

[53]   Me Newman a fait valoir que la question de savoir si l’on avait usé de ruse pour attirer Mme Zhang au BCP n’était pas soulevée devant moi.   La fonctionnaire s’estimant lésée a accepté avec empressement de présenter son curriculum vitæ. Me Newman a déclaré que l’employeur ne contestait pas le fait qu’elle était une candidate de choix, mais il a ajouté qu’elle avait cessé de l’être lorsque le ministère a obtenu le rapport d’évaluation du SCRS.

[54]   Me Newman a fait valoir que l’affaire Gannon (supra) n’était pas pertinente au motif qu’en l’espèce, on a établi l’existence d’un motif valable.

[55]   Me Newman a fait valoir que le BCP ne pouvait renvoyer Mme Zhang chez Industrie Canada.   Elle avait quitté ce ministère, et le BCP ne pourrait jamais la recommander aux fins d’un emploi au sein d’Industrie Canada.

Motifs

[56]   Mme Zhang a perdu son emploi au sein de la fonction publique du Canada par suite de la révocation de sa cote de sécurité « Secret ».   Son licenciement n’était pas de nature disciplinaire et il a été effectué conformément à l’alinéa 11(2)g) de la LGFP.   La manière dont la révocation de sa cote de sécurité est survenue excède la portée de ma compétence et la question a déjà été réglée par le CSARS.   Le rôle de l’arbitre de grief dans le cas d’un licenciement par suite de la révocation d’une cote de sécurité est limité, d’après les conclusions auxquelles en est arrivée la Cour fédérale dans l’affaire Singh (supra).   La Cour a conclu que l’employeur devait respecter son obligation de « chercher diligemment » un autre emploi.   La Norme sur la sécurité du personnel du Conseil du Trésor exige elle aussi que l’employeur cherche un autre emploi, à moins qu’il existe des « circonstances exceptionnelles ».   L’employeur fait valoir, dans un premier temps, qu’il n’est assujetti à aucune obligation de chercher un autre emploi à l’extérieur du ministère et, dans un deuxième temps, que dans ce cas-ci, il existe des « circonstances exceptionnelles » qui justifient sa décision de ne pas chercher un autre emploi pour la fonctionnaire s’estimant lésée.

[57]   Les questions en litige sont les suivantes :

  1. Quelle est l’étendue de l’obligation de l’employeur de « chercher diligemment » un autre emploi?
  2. Existe-t-il des « circonstances exceptionnelles » qui justifient la décision de l’employeur de ne pas s’acquitter de cette obligation?
  3. L’employeur s’est-il acquitté de son obligation compte tenu de toutes les circonstances?

L’étendue de l’obligation de l’employeur

[58]   La fonctionnaire s’estimant lésée admet qu’il n’existe aucun autre poste équivalent ou d’un niveau inférieur au sein du BCP.   La question est donc celle de savoir s’il existe une obligation de chercher un emploi à l’extérieur du ministère.

[59]   La Norme sur la sécurité du personnel (pièce E/G-1, Annexe 7) prévoit qu’en cas de révocation d’une cote de sécurité, il faut envisager la réaffectation ou la nomination du fonctionnaire à un poste de niveau équivalent, mais moins sensible, et que si aucun poste n’est disponible, on doit alors envisager sa nomination à un poste d’un niveau inférieur.   La Norme est muette sur la question de savoir si la recherche en vue de trouver un autre poste doit franchir les limites du ministère.   Cependant, il est clair que le pouvoir de l’administrateur général de nommer ou de réaffecter un fonctionnaire ne vaut qu’au sein de son ministère.   L’administrateur général n’est donc pas tenu, par la Norme, de nommer ou réaffecter un fonctionnaire à un autre poste à l’extérieur du ministère.

[60]   La Cour fédérale a déterminé la portée de la compétence d’un arbitre de grief dans les cas où la révocation d’une cote « Secret » entraîne un licenciement.   Bien qu’elle ait convenu qu’un arbitre de grief ne peut ordonner la nomination d’un fonctionnaire s’estimant lésé à un autre poste, la Cour, dans l’affaire Singh (supra), a déclaré ceci :

Cependant, cela ne veut pas dire qu'il n'avait pas compétence pour conclure que l'employeur ne pouvait pas limiter sa recherche d'un autre poste à l'intérieur d'une direction où un tel poste ne pouvait possiblement pas être disponible pour la demanderesse à cause du niveau de sécurité "Secret" qui était obligatoire. 

[61]   La Cour a conclu dans les termes suivants :

À mon avis, l'alinéa 92(1)b)(ii) de la LRTFP et l'alinéa 11(2)g) de la LGFP donnent  à un arbitre la compétence lui permettant d'enquêter afin d'établir si le Conseil du Trésor a diligemment cherché d'autres postes. Le licenciement devrait être le dernier choix. Manifestement, après la révocation d'une attestation de sécurité, des efforts sérieux doivent être déployés par le défendeur pour affecter ou pour nommer l'employé à un autre poste de même niveau à l'intérieur du ministère.

[62]   La Cour déclare clairement que l’obligation de chercher diligemment d’autres postes incombe au Conseil du Trésor, en sa qualité d’employeur, et qu’elle ne se limite pas à l’administrateur général du ministère en cause.    Dans l’affaire Singh (supra), il existait au sein du ministère en cause des postes qui étaient assortis d’une cote de sécurité inférieure à « Secret » et la Cour, se fondant sur les faits, a limité l’obligation de l’employeur au ministère seulement.   Au BCP, la situation est tout à fait différente, car il n’existe aucun poste assorti d’une cote de sécurité inférieure à la cote « Secret ».

[63]   Mme Zhang a été informée, au départ, par M. Fothergill, en présence de M. Laguë, que le BCP était tenu de lui chercher un autre emploi au sein de la fonction publique fédérale.   À mon avis, c’est là l’interprétation juste de la loi.   L’obligation de chercher un autre emploi, telle qu’elle a été énoncée par la Cour fédérale, incombe à l’employeur.   L’analyse, dans l’affaire Singh (supra), s’applique également à la situation en l’espèce.   Dans l’affaire Singh, l’employeur a limité ses recherches en vue de trouver un autre emploi aux seuls postes qui relevaient d’une direction générale au sein de laquelle la cote « Secret » était requise.   La Cour a dit des recherches effectuées par l’employeur qu’elles avaient été faites « pour la forme ».   Dans la présente affaire, si les recherches de l’employeur en vue de trouver un autre emploi ont été limitées au BCP, on peut dire qu’elles aussi ont été effectuées « pour la forme ».

[64]   En conséquence, j’en arrive à la conclusion que l’employeur est tenu de chercher un autre emploi dans les secteurs de la fonction publique où il est l’employeur, à moins qu’il n’existe des circonstances exceptionnelles (question discutée ci-après).

Existe-t-il des « circonstances exceptionnelles »?

[65]   La Norme sur la sécurité du personnel (pièce E/G-1, Annexe 7) prévoit qu’en cas de révocation d’une cote de sécurité, l’on peut envisager le congédiement uniquement dans « des circonstances exceptionnelles et après avoir épuisé toutes les autres options ».   L’employeur a fait valoir qu’il existait des « circonstances exceptionnelles » empêchant le BCP de chercher un autre emploi pour Mme Zhang au sein d’autres ministères.   Les propos tenus par les représentants du BCP auprès de Mme Zhang étaient clairs;   ils ne tenteraient pas de la « vendre » auprès d’autres ministères en raison des doutes qu’ils nourrissaient au sujet de sa loyauté et de sa fiabilité.   Malheureusement, le paragraphe tiré de la note de M. Deneault qui contient les motifs justifiant cette décision a été camouflé (pièce E/G-1, Annexe 14) et l’employeur n’a produit aucune preuve à cet égard.

[66]   Me Newman a fait valoir que le fait que Mme Zhang a été qualifiée de risque potentiel pour la sécurité et que sa loyauté envers le Canada a été mise en doute dénotait l’existence de « circonstances exceptionnelles ».   La conclusion selon laquelle il existe des doutes au sujet de la loyauté d’une personne envers le Canada peut fonder toute décision de révoquer ou de defuser la cote de sécurité « Secret » ou « Très secret ».   Mais en l’absence de toute autre preuve, l’on ne peut en conclure qu’il s’agit de « circonstances exceptionnelles ».   Si les seuls doutes au sujet de la loyauté de la fonctionnaire s’estimant lésée envers le Canada constituaient des circonstances exceptionnelles, l’exigence prévue dans la Norme n’aurait plus aucun sens, puisque toutes les révocations répondraient alors à la définition de « circonstances exceptionnelles ».   Je ne peux souscrire à la prétention de Me Newman selon laquelle je ne peux « remettre en question » la décision du BCP qu’il s’agit de « circonstances exceptionnelles ».   L’employeur doit produire une certaine preuve pour justifier la décision de ne pas chercher un autre emploi, qui a donné lieu au licenciement de Mme Zhang.

[67]   L’employeur a admis que le rendement de Mme Zhang au travail n’avait donné lieu à aucune réserve.   Par conséquent, sa répugnance à chercher un autre emploi reposait uniquement sur les doutes qu’il nourrissait au sujet de sa fiabilité.   Or, rien ne permet de conclure que la cote de fiabilité approfondie de Mme Zhang a à quelque moment que ce soit été révoquée ou annulée.   Le ministère s’est effectivement penché sur cette question, comme le démontre le fait que M. Deneault a écrit dans sa note que la cote de fiabilité de la fonctionnaire s’estimant lésée pouvait être annulée « administrativement » (pièce E/G-1, Annexe 4).   La Norme sur la sécurité du personnel prévoit un recours en cas de révocation d’une cote de fiabilité approfondie, et il n’y a aucune preuve que Mme Zhang a été avisée de son droit à cet égard.   L’employeur a eu la possibilité de produire une preuve en réplique dans le but de contredire le témoignage de Mme Zhang selon lequel sa cote de fiabilité approfondie n’avait pas été révoquée ni annulée.   En conséquence, je dois supposer que cette cote n’a été ni annulée ni révoquée.

[68]   S’il y avait une preuve que la cote de fiabilité approfondie de Mme Zhang a été révoquée, j’accepterais la décision de l’employeur de ne pas chercher un autre emploi avec diligence.   Cependant, d’après la preuve produite, la fonctionnaire s’estimant lésée détenait toujours sa cote de fiabilité approfondie au moment de son licenciement.   Si l’employeur avait éprouvé des doutes au sujet de la fiabilité de Mme Zhang, il aurait pu révoquer sa cote de fiabilité approfondie.   La prise d’une telle mesure aurait probablement éliminé effectivement tous les autres postes possibles.   (Je suppose ici qu’il existe quelques postes seulement, s’il en existe, au sein de la fonction publique, qui sont assortis d’une cote inférieure à la cote de fiabilité approfondie.)   Toutefois, l’employeur ne peut prétendre s’être abstenu de chercher un autre emploi en raison des doutes qu’il nourrissait sur la fiabilité de la fonctionnaire s’estimant lésée s’il n’a pas révoqué la cote de fiabilité approfondie de cette dernière.

L’employeur a-t-il respecté son obligation?

[69]   L’employeur n’a pas cherché un autre emploi d’un niveau équivalent ou inférieur pour Mme Zhang.   Ainsi que je l’ai conclu précédemment, je ne puis, sur le fondement de la preuve produite, en arriver à la conclusion qu’il existait des « circonstances exceptionnelles » justifiant cette omission de l’employeur.   Comme la cote de fiabilité approfondie de Mme Zhang n’a pas été révoquée, il n’y avait aucune raison, compte tenu de la preuve dont j’ai été saisi, de ne pas envisager la nomination de la fonctionnaire s’estimant lésée à un autre poste au sein de la fonction publique.   J’en arrive donc à la conclusion que l’employeur n’a pas satisfait à son obligation.   Le licenciement pour des motifs non disciplinaires doit reposer sur un motif valable.   D’après la Cour fédérale dans l’affaire Singh (supra), l’employeur doit recourir au licenciement en dernier recours, après avoir cherché un autre emploi avec diligence.   L’employeur ayant omis de chercher avec diligence, il n’avait aucune raison de licencier la fonctionnaire s’estimant lésée.

Redressement

[70]   Je dois   maintenant me prononcer sur la mesure de redressement qui convient dans le cas d’un manquement par l’employeur à son obligation de chercher un autre emploi.   La Cour fédérale ne s’est pas penchée sur cette question dans l’affaire Singh (supra).   Dans l’affaire Gannon (supra), la Cour d’appel fédérale a déterminé qu’il fallait réintégrer le fonctionnaire si l’on en arrivait à la conclusion que le licenciement n’était pas justifié.   Cependant, en ce qui concerne la fonctionnaire s’estimant lésée dans la présente affaire, il est impossible en droit de lui redonner son ancien poste au BPC, puisqu’elle ne détient plus la cote de sécurité dont ce poste est assorti.   Ainsi qu’il est indiqué dans l’affaire Singh (supra), je ne peux ordonner sa nomination à un autre poste.

[71]   En revanche, je peux ordonner à l’employeur de chercher diligemment un autre poste à un niveau équivalent (son poste d’attache IS-5) ou à un niveau inférieur pour Mme Zhang.   L’employeur devrait disposer d’un certain délai pour effectuer cette recherche.   Dans les circonstances, deux mois à compter de la date de la présente décision devraient suffire.

[72]   En attendant que l’employeur effectue cette recherche, le congé payé de Mme Zhang devrait être rétabli, à compter du 28 novembre 2003 et jusqu’à ce que l’employeur ait terminé ses recherches en vue de trouver un autre poste.   Lorsque l’employeur aura terminé ses recherches, le congé payé de Mme Zhang prendra fin.   Je demeurerai compétent uniquement pour traiter de toute question se rapportant à la mise en application de la partie de l’ordonnance qui concerne le rétablissement du congé payé de la fonctionnaire s’estimant lésée.

[73]   Dans son grief, Mme Zhang a demandé que la lettre de licenciement et tous les exemplaires de celle-ci soient retirés de son dossier et détruits en sa présence.   Je ne vois pas la nécessité d’une telle ordonnance.   Le licenciement est annulé par la présente décision;   par conséquent, la lettre de licenciement et tout exemplaire de celle-ci sont sans effet.

[74]   Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[75]   Le grief est accueilli en partie.

[76]   J’ordonne à l’employeur de chercher pour la fonctionnaire s’estimant lésée, avec diligence, un autre poste d’un niveau équivalent (IS-5) ou d’un niveau inférieur au sein des secteurs de la fonction publique où il est un employeur, pendant deux mois à compter de la date de la présente décision.

[77]   J’ordonne à l’employeur de rétablir le congé payé de Mme Zhang à compter du 28 novembre 2003, et jusqu’à ce qu’il ait fini de chercher un autre poste.

[78]   Je demeurerai saisi de l’affaire uniquement en ce qui concerne la mise en application du rétablissement du congé payé si les parties éprouvent de la difficulté à appliquer cette partie de l’ordonnance.

Le 8 décembre 2005.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Ian R. Mackenzie,
arbitre de grief

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