Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé (de groupe et niveau HP-03) réclame des primes de poste et de fin de semaine après avoir effectué deux postes en heures supplémentaires - les heures de travail normales du fonctionnaire s’estimant lésé sont du lundi au vendredi, de 7 h 30 à 16 h - il a reçu un appel à deux occasions la fin de semaine (dimanches 9 juin et 4 août) pour remplacer un employé malade qui devait travailler un poste de 12 heures prévu à son horaire de travail - le fonctionnaire s’estimant lésé a été rémunéré au taux des heures supplémentaires pour ces heures de travail - la question est de savoir si le fonctionnaire s’estimant lésé a droit à une prime de poste et à une prime de fin de semaine en sus - l’arbitre a statué que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas effectué ces deux postes à titre de travailleur par postes - bien que le fonctionnaire s’estimant lésé ait travaillé un poste de 12 heures, il n’est pas un << employé qui travaille par postes de 12 heures >> et ne satisfait pas à la condition pour avoir droit au paiement des primes de poste et de fin de semaine en vertu de la convention collective. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-04-13
  • Dossier:  166-2-33079
  • Référence:  2005 CRTFP 34

Devant un arbitre de grief



ENTRE

TERRENCE PALMER

fonctionnaire s’estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Défense nationale)

employeur

 

Répertorié
Palmer c. Conseil du Trésor

 

Affaire concernant un grief renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique , L.R.C. (1985), ch. P-35

 

Motifs de décision

Devant : Joseph W. Potter, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Sherrill Robinson-Wilson, Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC)

Pour l’employeur : Neil McGraw, avocat


Affaire entendue à Toronto (Ontario),
le 15 mars 2005.


Grief renvoyé à l’arbitrage

[1]   La présente porte sur un renvoi en arbitrage par Terrence Palmer, membre de niveau HP-3 du groupe Services de l’exploitation. M. Palmer demande des primes de poste et de fin de semaine pour avoir travaillé deux postes en heures supplémentaires.

[2]   Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, je demeure saisi de ce renvoi à l’arbitrage de grief, sur lequel je dois statuer conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C, 1985, ch. P-35 (l’« ancienne Loi »).

Résumé de la preuve

[3]   Les parties ont présenté un exposé conjoint des faits, ainsi que deux extraits de la convention collective du groupe Services de l’exploitation (Date d’expiration : le 4 août 2003).

[4]   L’exposé conjoint des faits est libellé comme suit :

[Traduction]

  1. Le fonctionnaire s’estimant lésé, Terrence Palmer, est un employé du ministère de la Défense nationale.
  2. Il travaille à la Base des Forces canadiennes Borden.
  3. Au moment du dépôt du présent grief, le fonctionnaire s’estimant lésé était régi par la convention collective du groupe Services de l’exploitation conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada ayant comme date d’expiration le 4 août 2003.
  4. Au moment du dépôt du présent grief, le fonctionnaire s’estimant lésé était classifié au niveau HP-3.
  5. Au moment du dépôt du présent grief, le fonctionnaire s’estimant lésé travaillait comme superviseur.
  6. L’horaire de travail normal du fonctionnaire s’estimant lésé est de 7 h 30 à 16 h, du lundi au vendredi.
  7. Le dimanche 9 juin 2002, le fonctionnaire s’estimant lésé a été appelé au travail pour remplacer un employé malade qui devait effectuer un poste de travail de 12 heures ce jour-là. Le fonctionnaire s’estimant lésé a accepté de travailler pendant ce poste de travail parce qu’aucun autre employé n’était disponible.
  8. Le 9 juin 2002, le fonctionnaire s’estimant lésé s’est présenté au travail et a effectué un poste de 12 heures, de 7 h30 à 19 h30.
  9. Le fonctionnaire s’estimant lésé a de nouveau dû remplacer un employé malade qui ne pouvait pas effectuer son poste de 12 heures le lundi 5 août 2002. Encore une fois, le fonctionnaire s’estimant lésé a accepté d’effectuer ce poste parce qu’aucun autre employé n’était disponible.
  10. En réalité, le poste du lundi 5 août commençait à 19 h 30 le dimanche 4 août et se terminait à 7 h 30 le lundi 5 août. Le fonctionnaire s’estimant lésé s’est présenté au travail le dimanche 4 août à 19  h 30 et a travaillé pendant 12 heures, soit jusqu’à 7 h 30 le lundi matin.
  11. Le fonctionnaire s’estimant lésé a été rémunéré au tarif des heures supplémentaires pour les deux jours en question.
  12. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas touché de prime de poste pour toutes les heures travaillées, notamment les heures supplémentaires, entre 16 h et 8 h le dimanche 9 juin et entre 16 h et 8 h le lundi 5 août 2002.
  13. Il n’a pas touché de prime de fin de semaine pour toutes les heures travaillées, notamment les heures supplémentaires, le dimanche 9 juin et le dimanche 4 août 2002.
  14. Le fonctionnaire s’estimant lésé demande qu’on lui verse des primes de poste et de fin de semaine pour les deux jours en question.
  15. Il demande plus particulièrement le paiement d’une prime de poste pour les périodes suivantes :
    • Dimanche 9 juin – 16 h 30 à 19 h 30 (3,5 heures)
    • Lundi 5 août – 19 h 30 à 7 h 30 (12 heures)

      (Dimanche) (Lundi)

      (poste commençant le dimanche 4 août)

    et il demande le paiement d’une prime de fin de semaine pour les périodes suivantes :
    • Dimanche 9 juin – 7 h 30 à 19 h 30 (12 heures)
    • Dimanche 4 août – 19 h 30 à minuit (4,5 heures)

Résumé de l’argumentation

Argumentation du fonctionnaire s’estimant lésé

[5]   En ce qui concerne le droit à une prime de poste, la clause 6.01 de l’annexe D de la convention collective du groupe Services de l’exploitation s’applique. Cette clause est libellée comme suit (pièce G-1) :

Prime de poste

6.01 L'employé-e qui travaille par postes de douze (12) heures recevra une prime de poste d'un dollar soixante-quinze (1,75 $) l'heure pour toutes les heures effectuées entre 16 h et 8 h. La prime de poste ne s'applique pas aux heures de travail se situant entre 8 h et 16 h.

À compter du 5 août 2002 :

L'employé-e qui travaille par postes de douze (12) heures recevra une prime de poste de deux dollars (2 $) l'heure pour toutes les heures effectuées entre 16 h et 8 h. La prime de poste ne s'applique pas aux heures de travail se situant entre 8 h et 16 h

[6]   M. Palmer est un employé et a travaillé les postes prévus à la convention collective. À deux occasions, à savoir le 9 juin et le 5 août 2002, il a effectué un poste de 12 heures, et il a droit à une prime de poste pour chacun de ces postes. Il satisfait clairement à la définition d’employé au sens de la clause 2.01 de la convention collective.

[7]   Dans Ilkanic c. Conseil du Trésor (Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada), dossier de la CRTFP 166-2-14259 (1984), le paragraphe 18 se lit en partie comme suit :

[…]

La clause 31.01b) ne fait pas allusion à un travailleur par postes, mais plutôt à "un employé", ce qui, d'après moi, signifie "tout employé". M me Ilkanic satisfait à la définition d'un employé.

[…]

[8]   Cela est également vrai en l’espèce. M. Palmer est un travailleur effectuant des postes de 12 heures qui a remplacé un autre employé qui devait travailler selon un poste de 12 heures.

[9]   Comme mentionné dans Barnes et Solowich c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), documents de la CRTFP 166-2-1828 et 166-2-1829 (1975), à la page 7 :

[…]

[...] dans le secteur industriel, il ne fait aucun doute que le mot "poste" signifie généralement les périodes régulières d'une journée au cours d'une semaine quelconque durant lesquelles un employé (ou des employés) est (sont) tenu (s) de travailler. Comme l'indique le titre de la clause 31.01, cette prime s'applique à des périodes de ce genre et non aux heures de travail particulières d'un employé. Rien dans la clause 31.01 ne laisse croire que le mot poste doit avoir une acception propre à un employé.

[…]

[10]   La même situation s’applique à M. Palmer. Le travailleur qui effectue le poste de 12 heures prévu à l’horaire est visé par les dispositions de la clause 6.01 de l’annexe D de la convention collective et a le droit de toucher une prime de poste.

[11]   Le fait que M. Palmer reçoit un paiement d’heures supplémentaires pour avoir effectué ces deux postes ne signifie pas qu’il n’a pas le droit de toucher une prime de poste. Dans Cox c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et Accise), document de la CRTFP 166-2-15399 (1987) à la page 7, la décision se lit comme suit :

[…]

[...] lorsque la période de travail d'un employé excède la durée du poste normalement prévu à son horaire, il a droit à une prime si le poste normal auquel les heures supplémentaires sont accolées commande le versement d'une telle prime.

[…]

[12]   La décision Létourneau et autres c. Agence des douanes et du revenu Canada, 2003 CRTFP 81, va dans le même sens au paragraphe 26 :

[Traduction]

[…]

[…] suivant le principe élaboré dans la décision R. Barnes et G. Solowich ( supra ), les parties avaient l'intention d'inclure l'expression placée entre virgules, comme mise au point afin d'assurer que les employés aient droit à la prime de poste en plus du taux de rémunération des heures supplémentaires pour les quarts de travail ouvrant droit à la prime de poste.

[…]

[13]   Quant au droit à la prime de fin de semaine, il est prévu à la clause 27.02 de la convention collective (pièce G-1) comme suit :

Prime de fin de semaine

L'employé-e qui travaille par postes reçoit une prime supplémentaire d'un dollar soixante-quinze (1,75 $) l'heure pour toutes les heures de travail, y compris les heures supplémentaires, effectuées le samedi et/ou le dimanche.

À compter du 5 août 2002

L'employé-e qui travail (sic) par postes reçoit une prime supplémentaire de deux dollars (2 $) l'heure pour toutes les heures de travail, y compris les heures supplémentaires, effectuées le samedi et/ou le dimanche.

[14]   Encore une fois, M. Palmer est un employé qui a effectué deux postes. La prime de fin de semaine est rattachée aux deux postes, et cette prime devrait s’ajouter à la prime d’heures supplémentaires.

[15]   Subsidiairement, M. Palmer est un travailleur par postes du fait qu’il travaille du lundi au vendredi, de 7  h 30 à 16 h. Ce sont ses postes et il est donc un travailleur par postes. Tous les employés de niveau HP-1 devraient être considérés comme des travailleurs par postes.

Argumentation de l’employeur

[16]   La jurisprudence invoquée par l’agent négociateur porte sur des dispositions de conventions collectives qui sont différentes de celles de la convention collective s’appliquant en l’espèce. Un élément est ajouté au libellé de la convention collective du groupe Services de l’exploitation; le terme « postes » est au pluriel.

[17]   La convention collective renvoie à un travailleur par postes et, bien que ce terme ne soit pas défini, on reconnaît généralement qu’un travailleur de jour est différent d’un travailleur par postes. La décision de la CRTFP Freitag et autres c. Conseil du trésor (ministère de l’Agriculture), dossiers de la CRTFP 166-2-8086 à 8090 (1980) confirme la thèse selon laquelle le seul autre genre de travail possible, à part le travail de jour, est le travail par postes. M. Palmer est un travailleur de jour.

[18]   Les employés du groupe HP ne sont pas tous des travailleurs par postes. Le cas échéant, il serait inutile de préciser que tous les travailleurs par postes ont droit à la prime puisqu’elle s’appliquerait simplement à tous.

[19]   Comme on a pu le voir dans Barnes, supra, une prime de postes est une récompense pour les employés qui, de manière régulière, ont des heures de travail irrégulières. Elle vise à offrir un paiement régulier à des employés qui effectuent régulièrement ces heures de travail, ce qui n’est pas le cas de M. Palmer. Il a remplacé quelqu’un dont le poste de travail régulier est de 12 heures.

[20]   Si la convention collective prévoyait simplement le paiement du travail effectué au cours d’un poste de 12 heures, M. Palmer y aurait droit. Cependant, la convention collective précise que le paiement est versé à un travailleur par postes de 12 heures. M. Palmer n’est pas un travailleur par postes de 12 heures.

[21]   Les règles d’interprétation requièrent que l’on donne un sens ordinaire aux mots. Le travail par postes de 12 heures s’inscrit dans les conditions de travail générales de l’employé et ne vise pas les postes pris individuellement.

[22]   La clause 25.02 de la convention collective envisage un concept distinct pour deux types de travailleurs; un type travaille cinq jours consécutifs sur une base régulière et l’autre travaille par roulement (pièce E-1).

25.02

a) Pour les employé-e-s qui travaillent cinq (5) jours consécutifs par semaine, sur une base régulière et non par roulement, l'Employeur établit l'horaire de travail de sorte que ces employé-e-s travaillent selon l'horaire de travail hebdomadaire normal précisé à l'appendice particulière au groupe visé.

b) Quand la durée du travail est répartie par roulement ou de façon irrégulière, l'Employeur établit l'horaire de sorte que les employé-e-s travaillent en moyenne le nombre d'heures précisées à l'appendice particulière au groupe visé.

[23]   L’annexe D de la convention renvoie également à ces deux mêmes types d’employés en déclarant ce qui suit (pièce G-1) :

3.03Lorsque l’horaire de travail prévoit des heures régulières, il doit être tel que les employé-e-s travaillent :
  1. chaque semaine, quarante (40) heures de travail en cinq (5) jours,

    et

  2. chaque jour, huit (8) heures de travail.
3.04Lorsque, en raison des nécessités du service, l'horaire de travail prévoit des heures irrégulières ou par roulement :
  1. il doit être tel que les employé-e-s effectuent :
    1. chaque semaine, une moyenne de quarante (40) heures de travail et une moyenne de cinq (5) jours par semaine,

      et

    2. chaque jour, huit (8) heures de travail;

[24]   Il ne fait aucun doute que M. Palmer a effectué un poste de 12 heures. Cependant, comme il n’est pas un travailleur par postes de 12 heures, il n’a pas droit aux primes demandées.

Motifs

[25]   La présente affaire porte essentiellement sur l’interprétation de la clause 6.01 de l’annexe D, Prime de postes, et de la clause 27.02, Prime de fin de semaine.

[26]   Quand il s’agit d’interpréter le libellé d’une convention collective, la règle commune veut que l’on donne aux mots leur sens ordinaire et propre.

[27]   La clause 27.02, Prime de fin de semaine, se lit comme suit :

[…]

27.02 Prime de fin de semaine

L'employé-e qui travaille par postes reçoit une prime supplémentaire d'un dollar soixante-quinze (1,75 $) l'heure pour toutes les heures de travail, y compris les heures supplémentaires, effectuées le samedi et/ou le dimanche.

À compter du 5 août 2002

L'employé-e qui travail (sic) par postes reçoit une prime supplémentaire de deux dollars (2 $) l'heure pour toutes les heures de travail, y compris les heures supplémentaires, effectuées le samedi et/ou le dimanche.

[28]   L’exposé conjoint des faits indique que M. Palmer a effectué un poste de travail, le dimanche 9 juin 2002, et qu’il en a effectué un autre le dimanche 4 août 2002, celui-ci se terminant le lundi.

[29]   Pour une raison quelconque, les parties ont convenu qu’une prime de fin de semaine serait versée à l’employé travaillant par postes (pluriel). Ce qui s’appliquerait à plus d’un poste. Il y est précisé que la prime s’applique au travail effectué le samedi et/ou le dimanche. En l’espèce, je conclus que le 9 juin serait inclus dans « le samedi et/ou le dimanche » et que M. Palmer n’a effectué qu’un poste. Par conséquent, il ne serait pas admissible à une prime de fin de semaine. De même, le 4 août serait compris dans « le samedi et/ou le dimanche » et, encore une fois, M. Palmer n’a effectué qu’un seul poste. Il ne serait donc pas admissible à une prime de fin de semaine.

[30]   La prime de postes récompense le travailleur par postes de 12 heures. L’employé n’a pas à travailler le samedi et/ou le dimanche pour avoir droit à cette prime, mais elle est versée pour les heures de travail effectuées entre 16 h et 8 h. Pour avoir droit à cette prime, le travailleur doit effectuer des postes de 12 heures. M. Palmer a effectué un poste de 12 heures. Cependant, il n’était pas un travailleur par postes de 12 heures. L’exposé conjoint des faits indique au paragraphe 6 que :

[Traduction]

L’horaire de travail normal du fonctionnaire s’estimant lésé est de 7 h 30 à 16 h, du lundi au vendredi.

[31]   Le fait que M. Palmer a effectué un poste de 12 heures ne lui donne pas droit à une prime de poste. Il doit être un travailleur par postes de 12 heures pour y avoir droit, ce qu’il n’est pas.

[32]   Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[33]   Le grief est rejeté.

Le 13 avril 2005.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Joseph W. Potter,
arbitre de grief

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