Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée est une agente de libération conditionnelle principale dont le poste est classifié au groupe et niveau WP05 - ses tâches consistent à superviser le travail des deux agents de libération conditionnelle à son bureau ainsi qu’à traiter les dossiers de délinquants qui lui sont assignés - la charge de travail de la fonctionnaire s’estimant lésée était un peu moins lourde que celle des agents de libération conditionnelle - dans l’exécution des tâches relatives aux dossiers de délinquants qui lui sont assignés, la fonctionnaire s’estimant lésée accomplit toutes les fonctions attribuées à un agent de libération conditionnelle et assume les responsabilités normalement liées à la supervision de délinquants - l’employeur a avisé la fonctionnaire s’estimant lésée qu’à compter du 1er mars 2004, il ne lui verserait plus l’indemnité pour la surveillance des délinquants (ISD) prévue à l’article 60 de la convention collective du groupe WP - il s’agissait de déterminer si, selon la convention collective, le paiement de l’ISD devait être limité aux postes d’agents de libération conditionnelle ou s’il pouvait également être versé aux titulaires de postes d’agents de libération conditionnelle principaux - telle que formulée, la convention collective précise que le terme << titulaire d’un poste d’agent de libération conditionnelle >> se rapporte à un groupe de postes plutôt qu’à un poste précis - le poste de la fonctionnaire s’estimant lésée est assujetti aux risques et aux stress qui devraient être compensés par l’ISD - si l’employeur avait voulu exclure particulièrement les titulaires de postes d’agents de libération conditionnelle principaux de la liste des employés admissibles à l’ISD, il aurait pu l’indiquer explicitement. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-12-14
  • Dossier:  166-2-35747
  • Référence:  2005 CRTFP 175

Devant un arbitre de grief



ENTRE

LYNNE MONTGOMERY

fonctionnaire s’estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Montgomery c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant :  Georges Nadeau, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée : Doug Hill, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur : Renée Roy, avocate


Affaire entendue à Fredericton (Nouveau Brunswick),
le 6 octobre 2005.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Grief renvoyé à l’arbitrage

[1]   Lynne Montgomery travaille pour le Service correctionnel du Canada (SCC) à Fredericton, au Nouveau-Brunswick. Elle est agent de libération conditionnelle principal (WP-05) et membre de l’unité de négociation des Services des programmes et de l’administration.

[2]   La convention collective applicable en l’espèce a été conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour cette unité de négociation; elle a expiré le 20 juin 2003.

[3]   Le 3 mars 2004, Mme Montgomery a déposé un grief pour contester la décision de l’employeur de cesser de lui payer l’indemnité pour la surveillance des délinquants (ISD) à compter du 1er mars 2004, en alléguant que cette décision constituait un manquement à l’article 60 de la convention collective et en réclamant un rétablissement intégral de son ISD.

[4]   Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l’arbitrage de grief doit être décidé conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l’« ancienne Loi »).

[5]   Bien que l’employeur soit tenu par le Règlement de la Commission de fournir des copies de ses réponses au grief, ces documents ne lui ont pas été communiqués. À ma demande, au début de l’audience, l’employeur a fourni des copies de sa réponse au dernier palier à la fonctionnaire s’estimant lésée ainsi qu’à moi-même.

Résumé de la preuve

[6]   La fonctionnaire s’estimant lésée a témoigné pour elle-même. Elle travaille au SCC depuis 1977. Embauchée comme agent de libération conditionnelle, elle a été promue agent de libération conditionnelle principale en mars 2003.

[7]   Le bureau de Fredericton s’occupe du district de York Sunbury; il est chargé des délinquants placés dans la communauté sous une forme ou une autre de libération conditionnelle. Son effectif est actuellement composé de deux agents de libération conditionnelle et d’un agent principal de libération conditionnelle.

[8]   En sa qualité d’agent de libération conditionnelle principal, la fonctionnaire s’estimant lésée supervise le travail des deux agents de libération conditionnelle en plus d’assumer sa propre charge de travail de délinquants. La liste des charges de travail qu’elle a produite en preuve (pièce G-5) révèle qu’elle est chargée de 12 dossiers, tandis que les deux autres agents en ont respectivement 15 et 20. Sa charge de travail à ce titre est un peu moins lourde que celle des deux agents de libération conditionnelle, mais la fonctionnaire s’estimant lésée a témoigné qu’elle les supervise et s’acquitte de toutes les tâches attendues d’un agent de libération conditionnelle en ce qui concerne les délinquants, conformément à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Elle peut aussi intervenir directement auprès de délinquants dont l’un ou l’autre de ses subordonnés est responsable.

[9]   Pour s’acquitter des fonctions d’un agent de libération conditionnelle, elle assume la responsabilité de la supervision régulière des délinquants. La fonctionnaire s’estimant lésée fait un suivi de leur comportement pour vérifier s’il est conforme à leurs conditions de mise en liberté, comme s’abstenir de prendre de la drogue. Elle a un rôle à jouer dans l’évaluation des risques, pour la Commission des libérations conditionnelles. Elle organise aussi des entrevues disciplinaires avec les délinquants qui peuvent aboutir à des mandats et à leur réincarcération.

[10]   L’environnement de travail de l’agent de libération conditionnelle principal, d’après sa description de poste, l’expose à du stress, à des dangers physiques et à des insultes ainsi qu’à une multiplicité de demandes résultant de l’obligation d’avoir à composer avec les détenus en liberté conditionnelle pour une vaste gamme de problèmes et de besoins. La fonctionnaire s’estimant lésée joue un rôle de conseillère tant auprès des détenus en liberté conditionnelle que des victimes et peut être exposée à des maladies transmissibles. Elle subit tous les deux ans un examen de dépistage de la tuberculose.

[11]   Le Rapport d’évaluation du rendement de la fonctionnaire s’estimant lésée a été produit en preuve avec une liste des charges de travail et sa description de poste (pièces G-4, G-5 et G-6).

[12]   L’employer a fait comparaître le directeur du district de la Nouvelle-Écosse, Ron Lawlor.

[13]   M. Lawlor est directeur de district depuis plus de 20 ans; il est responsable du programme de supervision offert aux délinquants et à la communauté ainsi que des activités assurées par le SCC dans le contexte des bureaux de libération conditionnelle et des maisons de transition. Il est le superviseur immédiat des agents de libération conditionnelle principaux de sa région. Il a décrit son travail dans le contexte de ses interactions avec les agents de libération conditionnelle principaux en disant qu’il interprète les politiques, voit aux problèmes de ressources et donne des conseils et des avis dans les cas difficiles.

[14]   M. Lawlor a déclaré que les agents de libération conditionnelle principaux sont responsables des services aux délinquants dans une zone géographique donnée. Le nombre des délinquants peut varier de 30 à 200.

[15]   Les témoins ont revu les activités principales énumérées dans la description de poste d’un agent de libération conditionnelle principal.

[16]   L’agent de libération conditionnelle principal est essentiellement responsable de la répartition des dossiers, du contrôle de la qualité de la gestion des cas et de la supervision des fonctions du programme au sein de l’unité. Il (ou elle) est responsable des programmes spécialisés ainsi que des communications avec les services et les organisations communautaires, en plus de gérer le travail réalisé dans le cadre des marchés d’enquêtes communautaires et de surveillance des libérés conditionnels (ECSLC) et des établissements résidentiels communautaires (ERC).

[17]   Le travail consiste aussi à déterminer s’il y a des besoins de divulgation de renseignements aux victimes ainsi qu’à s’assurer que les services correctionnels leur sont fournis.

[18]   L’agent de libération conditionnelle principal a une petite charge de gestion de dossiers et peut assumer la responsabilité de ceux d’un agent de libération conditionnelle, dans différentes situations, par exemple quand un de ces agents est en congé annuel. Qui plus est, il fait partie de l’équipe de gestion du district.

[19]   M. Lawlor a témoigné sur les activités principales figurant dans la description de poste d’un agent de libération conditionnelle déposée en preuve; elles consistent à gérer la réintégration des délinquants, évaluer, analyser et recommander la pertinence de la mise en liberté, veiller à ce que les exigences juridiques et stratégiques soient remplies ainsi qu’évaluer l’effet des programmes sur la réintégration des délinquants.

[20]   En contre-interrogatoire, M. Lawlor a reconnu que la situation était similaire en Nouvelle-Écosse qu’au Nouveau-Brunswick, que les agents de libération conditionnelle principaux avaient une charge de travail de dossiers de délinquants et qu’ils étaient considérés comme des agents de libération conditionnelle.

[21]   M. Lawlor a confirmé qu’un agent de libération conditionnelle principal responsable d’une charge de dossiers s’acquittait des fonctions d’un agent de libération conditionnelle précisées dans la description de poste d’un tel agent (pièce E-1), en confirmant aussi que la fonctionnaire s’estimant lésée gérait une charge de travail de dossiers de délinquants.

[22]   Enfin, M. Lawlor a confirmé qu’avant mars 2004, tous les agents de libération conditionnelle principaux de la région de l’Atlantique recevaient l’ISD, même si ce n’était pas nécessairement le cas partout au Canada.

Résumé de l’argumentation

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

[23]   Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré qu’il s’agit en l’espèce d’une question d’interprétation de la convention collective, à savoir si, en sa qualité d’agent de libération conditionnelle principal, la fonctionnaire s’estimant lésée répond ou non aux critères du paragraphe 60.01 de la convention collective. Est-elle un agent de libération conditionnelle, travaille-t-elle dans la communauté et assume-t-elle la responsabilité de la supervision régulière de délinquants? Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a fait valoir que la preuve démontre clairement que la réponse à toutes ces questions est qu’elle est un agent de libération conditionnelle travaillant dans la communauté et assumant une charge de travail de dossiers de délinquants.

[24]   Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a soutenu que l’ISD est versée en reconnaissance des dangers et des risques du poste et que la fonctionnaire s’estimant lésée a établi qu’elle s’acquitte de façon continue d’une charge de 12 à 15 dossiers de délinquants. Son travail en gestion de cas est reconnu dans son Rapport d’évaluation du rendement (pièce G-6). La liste des charges de travail (pièce G-5) confirme elle aussi qu’elle supervise des délinquants dont le risque va de faible à élevé, et qui doivent être évalués.

[25]   En contre-interrogatoire, le directeur du district a déclaré être conscient du fait que la fonctionnaire s’estimant lésée avait une charge de travail de dossiers de délinquants et qu’elle assumait les responsabilités d’un agent de libération conditionnelle.

[26]   Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a aussi fait valoir qu’elle avait continué à toucher l’ISD après sa nomination, en mars 2003, et ce jusqu’au moment où il a été décidé qu’elle cesserait de la recevoir. Il a déclaré que le paragraphe 60.03 de la convention collective stipule que l’ISD est réputée faire partie du traitement pour les fins de la pension de retraite, du Régime de pensions du Canada et de l’assurance-emploi (AE), en déclarant que Mme Montgomery comptait sur cet avantage social. Le principe de préclusion devrait empêcher l’employeur de cesser de le verser.

[27]   Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésé a longuement cité Brown and Beatty, sur la doctrine de préclusion, en disant que c’était pour l’employeur une pratique établie que d’autoriser le versement de l’ISD aux agents de libération conditionnelle principaux. Il a cité Molbak c. Conseil du Trésor (Revenu Canada Impôt) , dossier de la CRTFP 166-2-26472 (1995) (QL) : « Lorsque les parties [...] agissent en fonction d’une hypothèse sous-jacente [...] qui a orienté leurs rapports, ni l’une ni l’autre ne peut être autorisée à abandonner cette hypothèse s’il semblerait injuste ou inéquitable de la laisser faire ».

[28]   Il a établi une distinction entre la situation de la fonctionnaire s’estimant lésée et celle des fonctionnaires travaillant dans un pénitencier, comme dans Mailloux c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel Canada), dossier de la CRTFP 166-2-28560 (1999) (QL). Dans cette décision, il est évident que l’indemnité payée était fonction à la fois de la fréquence et du degré de supervision, ce qui n’est pas le cas pour l’ISD.

[29]   Enfin, en se fondant sur Osmack c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada), dossier de la CRTFP 166-2-17218 (1990) (QL), le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée m’a pressé de tenir compte de la situation unique de la fonctionnaire s’estimant lésée pour déterminer si elle satisfait aux critères du paragraphe 60.01 de la convention collective. L’objet de l’ISD consiste à dédommager les agents de libération conditionnelle des risques supplémentaires qu’ils courent dans l’exercice de leurs fonctions. Il m’a demandé de me prononcer en faveur de la fonctionnaire s’estimant lésée et de lui accorder le redressement demandé.

Pour l’employeur

[30]   L’avocate de l’employeur a déclaré que le grief n’est pas fondé et que la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas réussi à établir l’existence d’un manquement à la convention collective.

[31]   En se fondant sur les critères de la clause 60.01 de la convention collective et du paragraphe 4:2120 de la troisième édition de Canadian Labour Arbitration , de Brown et Beatty, ainsi que sur les règles d’interprétation figurant dans la troisième édition de Collective Agreement Arbitration in Canada, de Palmer et Palmer, l’avocate a fait valoir que l’expression « titulaire d’un poste d’agent de libération conditionnelle » doit avoir un sens. Même si, en sa qualité d’agent de libération conditionnelle principal, la fonctionnaire s’estimant lésée est responsable de la surveillance de délinquants dans la communauté, elle n’est pas titulaire d’un poste d’agent de libération conditionnelle.

[32]   L’avocate a souligné que la fonctionnaire s’estimant lésée a répondu être un agent de libération conditionnelle principal lorsqu’on lui a demandé si elle était un agent de libération conditionnelle. Selon elle, les deux témoins ont fait une distinction entre les titulaires de postes d’agents de libération conditionnelle principaux et ceux de postes d’agents de libération conditionnelle.

[33]   L’avocate de l’employeur a invoqué Gunn c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes, Accise et Impôt), dossier de la de la CRTFP 166-2-28657 (1999) (QL), portant sur une décision de refuser de verser une indemnité parce que le fonctionnaire s’estimant lésé était en congé non payé. Dans cette affaire, l’agent négociateur avait fait valoir avec succès que l’intéressé continuait d’être titulaire d’un poste du groupe CS même s’il pouvait s’être acquitté d’autres fonctions. En l’espèce, le fait que la fonctionnaire s’estimant lésée s’acquittait de tâches d’un agent de libération conditionnelle n’en fait pas la titulaire d’un tel poste. L’avocate croyait que la question devrait être mise sur la table de négociation.

[34]   Sur la question de la préclusion promissoire, l’avocate a maintenu qu’il n’y a aucune preuve d’un acte de confiance préjudiciable. Dans son témoignage, la fonctionnaire s’estimant lésée n’a jamais démontré que sa situation financière avait changé en raison de sa conviction qu’elle toucherait l’ISD. L’application du paragraphe 60.03 de la convention collective, qui stipule que l’ISD fait partie intégrante de la rémunération pour les fins de la pension de retraite ou d’autres avantages sociaux, n’exige aucune intervention ni aucune omission de la fonctionnaire s’estimant lésée.

[35]   L’avocate de l’employeur a établi une distinction entre la situation en l’espèce et celle qui prévalait dans les décisions invoquées par le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée, en disant que les faits et les enjeux étaient différents. Elle a précisé que la position de l’employeur consistait à dire qu’il n’y avait pas eu de manquement à la convention collective et elle a réclamé le rejet du grief.

Réplique

[36]   En réplique, le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré qu’un policier promu sergent reste policier. Un capitaine de pompiers est encore un pompier. En sa qualité d’agent de libération conditionnelle principal, la fonctionnaire s’estimant lésée continue d’être un agent de libération conditionnelle s’acquittant des fonctions d’un agent de libération conditionnelle.

[37]   Pour ce qui est de l’acte de confiance préjudiciable, il a fait valoir que la pension de retraite de la fonctionnaire s’estimant lésée se trouverait réduite par suite de la cessation de l’ISD.

Motifs de décision

[38]   L’article 60 de la convention collective se lit comme suit :

ARTICLE 60

INDEMNITÉ POUR LA SURVEILLANCE DES
DÉLINQUANTS

Dispositions exclues

Les employé-e-s qui sont admissibles à l’indemnité de facteurs pénologiques ne sont pas visés par le présent article.

60.01  L’indemnité pour la surveillance des délinquants est utilisée pour accorder une rémunération supplémentaire au titulaire d’un poste d’agent de libération conditionnelle employé dans la communauté et qui, en raison de fonctions exercées en relation avec la libération conditionnelle des délinquants, selon la définition de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition , assume des responsabilités pour la surveillance régulière des délinquants.

**

60.02  La valeur de l’indemnité pour la surveillance des délinquants est de mille six cents dollars (1 600 $) par année. En date du 21 juin 2002, l’indemnité sera de mille sept cent cinquante dollars (1 750 $) par année. Cette indemnité est payée selon les mêmes modalités que celles de la rémunération normale de l’employé-e. L’employé-e a le droit de recevoir cette indemnité pour chaque mois au cours duquel il ou elle touche un minimum de dix (10) jours de rémunération dans un poste auquel s’applique cette indemnité.

60.03  L’indemnité pour la surveillance des délinquants ne fait pas partie intégrante de la rémunération de l’employé-e, sauf aux fins des régimes de prestations suivants :

Loi sur la pension de la fonction publique
Régime d’assurance-invalidité de la fonction publique
Régime de pensions du Canada
Régime des rentes du Québec
Assurance-emploi
Loi sur l’indemnisation des agents de l’État
Règlement sur le paiement d’indemnités dans le cas d’accidents d’aviation

[39]   La preuve ne laisse aucun doute sur le fait que la fonctionnaire s’estimant lésée, employée dans la communauté en raison des fonctions dont elle est chargée, assumait des responsabilités pour la surveillance régulière des délinquants. Même si elle avait peut-être entre la moitié et les deux tiers de la charge de travail de dossiers des autres agents de libération conditionnelle, ce n’est pas pertinent puisque la convention collective n’établit pas de distinction entre une charge de travail complète et une charge de travail partielle. Il suffit de savoir que la surveillance des délinquants représente une grande partie des tâches de la fonctionnaire s’estimant lésée.

[40]   La question que le grief soulève consiste à savoir si la fonctionnaire s’estimant lésée est titulaire d’un poste d’agent de libération conditionnelle. En d’autres termes, la convention collective devrait-elle être interprétée de façon à limiter le versement de l’ISD aux personnes qui occupent des postes d’agent de libération conditionnelle ou doit-elle aussi être versée aux titulaires de postes d’agent de libération conditionnelle principal aussi bien que de postes d’agent de libération conditionnelle, puisque les deux sont des titulaires de postes d’agent de libération conditionnelle?

[41]   L’analyse de la situation révèle clairement que, tant dans sa réponse au dernier palier de la procédure de règlement des griefs que dans le témoignage de M. Lawlor, l’employeur a reconnu avoir versé l’ISD aux agents de libération conditionnelle principaux jusqu’à mars 2004. J’ai aussi constaté, à la lecture de la convention collective elle-même, que le paragraphe 60.01 n’avait pas été modifié par rapport au précédent, comme en témoigne l’absence d’un double astérisque à côté de lui, ce qui indique clairement qu’on peut raisonnablement interpréter la convention collective pour autoriser le paiement de l’ISD aux agents de libération conditionnelle principaux, et c’est d’ailleurs ainsi que l’employeur l’interprétait avant mars 2004.

[42]   Il est intéressant que le passage pertinent du paragraphe 60.01 de la convention collective se lise « au titulaire d’un poste d’agent de libération conditionnelle », car s’il s’était agi du « titulaire du poste d’agent de libération conditionnelle », il aurait été plus clair qu’on visait un poste donné plutôt qu’une classe de postes.

[43]   L’ajout du mot « principal » au titre du poste des employés qui ont des fonctions de supervision en plus des fonctions normales d’un agent de libération conditionnelle ne change pas la nature fondamentale du poste, à mon avis. La fonctionnaire s’estimant lésée est titulaire d’un poste d’agent de libération conditionnelle, au sens générique. Conformément à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, elle assume la surveillance régulière des délinquants. Elle est exposée fondamentalement aux mêmes risques et au même stress, comme on le constate sous la rubrique des conditions de travail des deux descriptions de poste produites en preuve (E-1 et G-4). C’est précisément à ce genre de problème que l’ISD est censée remédier. Bien qu’il ne soit pas expressément précisé dans cet article de la convention collective que c’est sa raison d’être, il est clair, en le lisant, que c’est le cas, et le fait que ceux qui sont admissibles à l’IFP n’ont pas le droit de toucher l’ISD le confirme encore plus clairement.

[44]   Je suis conforté dans mon opinion que l’expression « titulaire d’un poste d’agent de libération conditionnelle » devrait être interprétée au sens générique par le fait que l’employeur le faisait depuis un certain temps en acceptant de verser l’ISD à de nombreux agents de libération conditionnelle principaux.

[45]   Qui plus est, l’employeur a prévu l’exclusion explicite de l’admissibilité à l’ISD des employés qui touchent l’indemnité de facteur pénologique. S’il avait voulu en exclure les agents de libération conditionnelle principaux, il aurait pu le faire aussi.

[46]   Comme j’ai décidé que la fonctionnaire s’estimant lésée a droit à l’ISD, je n’ai pas besoin de me prononcer sur la question de préclusion qu’elle a soulevée.

[47]   Par conséquent, le grief est accueilli.

[48]   Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[49]   J’ordonne que l’employeur verse à la fonctionnaire s’estimant lésée l’indemnité pour la surveillance des délinquants, rétroactivement au 1er mars 2004, y compris tout rajustement de ses avantages sociaux en découlant.

Le 14 décembre 2005.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Georges Nadeau,
arbitre de grief

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