Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’agent négociateur prétendait que l’employeur avait enfreint la disposition sur le gel des conditions d’emploi prévu à l’article 52 de la LRTFP en annulant le paiement de l’indemnité provisoire destinée aux membres du groupe CS - l’agent négociateur estimait qu’il s’agissait d’une condition d’emploi qui existait au moment où l’avis de négocier avait été signifié - l’employeur a répondu que l'intention des parties était que l'indemnité provisoire soit traitée différemment des autres dispositions de la convention collective comme en témoigne la date d'expiration expressément énoncée dans le protocole d'entente - l’employeur a mis fin au paiement de l’indemnité provisoire à la date prévue dans le protocole d’entente - selon l’employeur, pour préserver et maintenir l’effet de la convention entre les parties, il fallait rendre exécutoire la date d’expiration - avant cette ronde de négociations, le paiement de l’indemnité provisoire n’avait jamais été interrompu, que ce soit pendant la durée de la convention collective ou pendant les négociations d’une nouvelle convention - la Commission des relations de travail dans la fonction publique a statué que la disposition sur l’indemnité provisoire ne devrait pas être soustraite à l’application de l’article 52 - il ne faudrait pas donner à cette disposition une interprétation rigide qui lui ferait échec - l’article 52 a pour objet de maintenir le statu quo pour ce qui est des conditions d’emploi pendant que les parties entreprennent la négociation d’une convention - les parties avaient l’intention de négocier ce point - le protocole d’entente devrait contenir une disposition l’exonérant expressément de l’application de l’article 52 - il n’existe pas d’ambiguïté et il n’est pas nécessaire de pousser l’étude de l’historique de la négociation - l’employeur a été enjoint de rétablir le paiement de l’indemnité provisoire aux membres de l’unité de négociation CS, avec effet rétroactif. Demande accueillie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique
édictée par l'article 2 de la Loi
sur la modernisation de la
fonction publique, L.C.2003, ch. 22

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-04-18
  • Dossier:  148-2-391
  • Référence:  2005 CRTFP 36

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

demandeur

et

CONSEIL DU TRÉSOR

intimé

 

Répertorié
Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor

Demande fondée sur l'article 21 de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35, faisant état d'un manquement à l'article 52

 

MOTIFS DE DÉCISION

 

Devant : Joseph W. Potter, vice-président

Pour demandeur : Dougald E. Brown, avocat

Pour l’intimé : Richard E. Fader, avocat


Décision fondée sur les observations écrites.


[1]   La présente décision porte sur une demande déposée auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, le 15 décembre 2004, conformément à l’article 21 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (l’ancienne Loi), alléguant un manquement à l’article 52 de l’ancienne Loi.

La plainte

[2]   Le 1er avril 2005, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la nouvelle Loi) édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, est entrée en vigueur. Conformément à l’article 39 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, la nouvelle Commission des relations de travail dans la fonction publique demeure saisie de la demande et en dispose selon la nouvelle Loi.

Résumé de la preuve

[3]   La demande déposée par l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’Institut) allègue que le Conseil du Trésor (l’employeur) a contrevenu à la disposition sur le gel énoncée à l’article 52 de l’ancienne Loi en annulant le paiement de l’indemnité provisoire; une condition d’emploi qui existait au moment de la signification de l’avis de négocier, le 23 septembre 2004.

[4]   Le 21 décembre 2004, l’employeur a répliqué ce qui suit :

[Traduction]

De l’avis de l’employeur, l’intention des parties était que l’indemnité provisoire soit traitée différemment des autres dispositions de la convention collective comme en témoigne la date d’expiration expressément énoncée dans le protocole d’entente. Par conséquent, afin de préserver et de maintenir l’effet de la convention entre les parties, il faut rendre exécutoire la date d’expiration désignée par les parties pour l’indemnité provisoire, à savoir le 21 décembre 2004.

[5]   Le 5 janvier 2005, les parties ont appris que l’affaire serait tranchée en se fondant sur les observations écrites. L’Institut a présenté sa position le 28 janvier 2005; l’intégralité de ses observations a été versée au dossier de la nouvelle Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission). L’employeur a transmis ses observations par écrit, le 9 février 2005, et elles sont également conservées dans le dossier de la Commission. Le 18 février 2005, l’Institut a répondu par écrit aux observations de l’employeur, et ces observations ont été versées au dossier de la Commission. Le style et la longueur des observations écrites ci-après ont été modifiés.

Observations écrites du demandeur

[6]   La présente plainte concerne la décision de l’employeur de cesser le paiement de l’indemnité provisoire destinée aux membres de l’unité de négociation Systèmes d’ordinateurs (CS), après décembre 2004. Le demandeur allègue que la mesure prise par l’employeur va à l’encontre de l’article 54 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

[7]   La convention collective pertinente prévoit un paiement mensuel appelé l’indemnité provisoire aux membres du groupe CS. Le montant de cette indemnité provisoire et les conditions relatives à son paiement sont énoncés à l’appendice E de la convention collective.

[8]   Le 23 septembre 2004, le demandeur a signifié un avis de négocier conformément à l’article 50 de l’ancienne Loi.

[9]   Dès le début de la négociation en vue du conclure une nouvelle convention, l’employeur a présenté au demandeur un protocole d’entente proposant l’expiration du paiement de l’indemnité provisoire le 21 juin 2005 ou à la date de signature de la nouvelle convention collective, selon la première de ces éventualités. Le demandeur a rejeté la proposition de l’employeur.

[10]   Le 13 décembre 2004, l’employeur a émis une note de service au personnel des Ressources humaines de tous les ministères afin de les aviser de sa position :

[Traduction]

La présente lettre vise à vous informer que l’indemnité provisoire destinée au Groupe Systèmes d’ordinateurs (CS) prendra fin le 21 décembre 2004.

Dans le contexte de la négociation collective, l’employeur a proposé de proroger l’indemnité provisoire pour une période de six mois. Malheureusement, l’unité de négociation a rejeté notre offre. Le ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada cessera le paiement de l’indemnité à compter du 1 er janvier 2005. Advenant que le groupe CS accepte, avant le 21 décembre 2004, l’offre de prorogation de l’indemnité provisoire, l’employeur demandera à TPSGC de réactiver le paiement de l’indemnité pour une période de six mois...

[11]   L’employeur a cessé le paiement de l’indemnité provisoire aux employés du groupe CS.

[12]   Avant janvier 2005, le paiement de l’indemnité provisoire n’avait jamais été interrompu que ce soit pendant la durée de la convention collective ou pendant les négociations d’une nouvelle convention.

[13]   L’article 52 de l’ancienne Loi est libellé comme suit :

Sauf entente à l’effet contraire entre l’employeur et l’agent négociateur, toute condition d’emploi pouvant figurer dans une convention collective et encore en vigueur au moment où l’avis de négocier a été donné continue de lier les parties aux négociations, y compris les fonctionnaires de l’unité de négociation :

b) dans le cas d’une unité de négociation pour laquelle le mode de règlement des différends est le renvoi à la conciliation,

(i) soit jusqu’à la conclusion d’une convention collective par les parties,

(ii)   soit, une fois établi un bureau de conciliation ou une fois nommé un commissaire-conciliateur, en conformité avec la présente loi, jusqu’à ce que sept jours se soient écoulés depuis la réception, par le président, du rapport de l’un ou l’autre de ceux-ci,

(iii) soit jusqu’à ce que sept jours se soient écoulés depuis que le président ait avisé les parties, comme le prévoient les paragraphes 77(2) ou 77.1(4), de son intention de ne pas établir de bureau de conciliation ou de ne pas nommer de commissaire-conciliateur, selon le cas.

[14]   En l’espèce, le paiement de l’indemnité provisoire est une condition d’emploi expresse qui était contenue dans la convention collective des CS et était en vigueur le jour où l’agent négociateur a signifié l’avis de négocier. Par conséquent, l’indemnité provisoire s’inscrit nettement dans les exigences prévues à l’article 52 de l’ancienne Loi.

[15]   Le fait que la date d’expiration de l’entente prévoyant le paiement de l’indemnité provisoire est le 21 décembre 2004 n’autorise pas l’employeur à contourner l’application de la disposition sur le gel. Comme la Cour d’appel fédérale l’a conclu dans Sa Majesté la Reine du Chef du Canada c. Association canadienne du contrôle du trafic aérien, [1982] 2 C.F. 80, il n’est pas pertinent de savoir si l’employeur peut mettre fin à une condition d’emploi. L’article 52 de l’ancienne Loi prévoit le gel des conditions d’emploi à la date de la signification de l’avis de négocier. Le fait que le terme « provisoire » est rattaché à cette indemnité n’a aucune importance aux fins de l’application de l’article 52 et ne permet pas à l’employeur de modifier le statu quo et d’éviter le gel prévu dans la Loi. Toutes les conventions collectives ont une date d’expiration. Cela ne permet pas pour autant à l’employeur de modifier les conditions d’emploi qui sont contenues dans la convention après sa date d’expiration.

[16]   Le demandeur souhaite que la Commission accorde les redressements suivants :

a)    une déclaration que l’employeur contrevient à l’article 52 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ;

b)    une ordonnance enjoignant l’employeur à rétablir immédiatement le paiement de l’indemnité provisoire aux employés du groupe CS, avec effet rétroactif au 21 décembre 2004;

c)   une ordonnance enjoignant l’employeur à payer toute indemnité provisoire rétroactive due aux employés de l’unité de négociation dans une période de 30 jours suivant la décision de la Commission;

d)   une ordonnance enjoignant l’employeur à annuler la note de service envoyée le 13 décembre 2004 aux responsables des Ressources humaines et aux directeurs des Relations de travail de la fonction publique;

e)    une ordonnance enjoignant l’employeur à afficher un avis approuvé par la Commission dans tous les lieux de travail où se trouvent des CS afin de les informer des redressements imposés par la Commission.

 

Observations écrites de l’intimé

[17]   Le demandeur se fonde sur deux observations pour prétendre que l’employeur a enfreint l’article 52 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (l’ancienne Loi) :

  • L’indemnité provisoire fait partie de la convention collective du groupe Systèmes d’ordinateurs (CS);
  • L’expiration de l’indemnité ne s’inscrit pas dans la doctrine de la pratique courante des affaires/du maintien du statu quo (s’inspirant largement de la jurisprudence du secteur privé).

[18]   L’employeur ne conteste pas le fait que l’indemnité fait partie de la convention collective et ne prétend pas que l’expiration de l’indemnité provisoire fait partie de la pratique courante des affaires.  

[19]   L’employeur est cependant d’avis que l’expiration de l’indemnité provisoire ne contrevient pas à l’article 52 de l’ancienne Loi parce qu’elle est visée par l’exception prévue à l’article 52, plus particulièrement que toute condition d’emploi : «... continue de lier ... Sauf entente à l'effet contraire entre l'employeur et l'agent négociateur... » [C’est nous qui soulignons]. 

[20]   Le demandeur suggère maintenant que l’employeur utilisait l’expiration de l’indemnité provisoire comme « menace » et qu’avant la ronde de négociation collective, le paiement de l’indemnité n’avait jamais été interrompu.

[21]   Le demandeur oublie toutefois de mentionner que la prorogation de l’indemnité provisoire a constitué par le passé une étape préliminaire aux négociations, avant l’expiration de l’indemnité provisoire et habituellement au moment de l’échange des propositions. L’agent négociateur ferait cette demande pour s’assurer que les employés continuent de recevoir leur indemnité provisoire pendant la négociation collective.   La pratique antérieure démontre clairement que les parties ont traité l’indemnité provisoire comme si l’exception prévue à l’article 52 s’appliquait. La présomption que l’indemnité provisoire prendrait fin indique sans contredit que les deux parties ont convenu que l’indemnité provisoire ne demeurerait pas en application après la date d’expiration.

[22]   Cette ronde de négociation est marquée par le fait unique que l’employeur a déposé une proposition en vue de supprimer l’indemnité provisoire pour la première fois depuis sa création. L’indemnité provisoire a été créée dans le but précis de s’attaquer aux problèmes de recrutement et de maintien en poste dans le groupe CS. La conjoncture actuelle du milieu du travail ne justifie plus l’existence de cette indemnité.

[23]   Le demandeur a fait abstraction du libellé exprès de l’article 52 de l’ancienne Loi et de l’exception unique qu’il contient :

52. Sauf entente à l’effet contraire entre l’employeur et l’agent négociateur, toute condition d’emploi pouvant figurer dans une convention collective et encore en vigueur au moment où l’avis de négocier a été donné continue de lier les parties aux négociations, y compris les fonctionnaires de l’unité de négociation ..   [C’est nous qui soulignons]

[24]   Dans ses observations, le demandeur ne tient pas compte de la phrase « Sauf entente à l’effet contraire entre l’employeur et l’agent négociateur ». La Commission doit donner à cette phrase son sens ordinaire.

[25]   Le sens ordinaire de cette phrase est que les parties sont libres de prévoir dans une convention qu’une condition d’emploi particulière ne devrait pas demeurer en vigueur après une date donnée conformément à l’exception prévue à l’article 52.

[26]   La seule question est de savoir si l’appendice E portant sur l’indemnité provisoire s’inscrit dans l’exception prévue à l’article 52. Rien dans la jurisprudence invoquée par le demandeur ne traite de cette question. Aucun tribunal ne s’est jamais prononcé sur l’application de cette portion de l’article 52.

[27]   L’examen de l’ensemble de la convention collective soulève les points suivants :

  • La convention collective contient une clause générale sur la durée, l’article 49 « Durée de la convention ». Cette clause se lit comme suit : « 49.01 La présente convention collective est conclue pour une durée allant du jour de sa signature au 21 décembre 2004. »
  • Six appendices sont rattachés à la convention, notamment l’appendice E portant sur l’indemnité provisoire;
  • Seul l’appendice E sur l’indemnité provisoire prévoit une date d’expiration expresse : « Ce protocole d’entente prend fin le 21 décembre 2004 »;
  • La clause générale sur la durée, la clause 49.01, régit la durée de tous les autres appendices;
  • Par ailleurs, l’indemnité est qualifiée d’« indemnité provisoire ».

[28]   Si les parties avaient simplement voulu que la clause générale sur la durée de la convention collective s’applique à l’indemnité provisoire, elles n’auraient pas précisé la date d’expiration à l’appendice E. La question devient donc de savoir pourquoi les parties ont négocié une date d’expiration expresse pour l’indemnité provisoire.

[29]   Il est intéressant de noter que la clause générale utilise le terme « durée », alors que l’appendice E utilise le terme « expiration ». Il est respectueusement soumis que l’utilisation de termes différents témoigne d’une volonté des parties d’obtenir un résultat différent. Le résultat voulu est que l’indemnité provisoire prenne fin, conformément à l’exception prévue à l’article 52.

[30]   Il est également intéressant de noter que la clause sur la durée et la disposition sur l’expiration portent la même date (21 décembre 2004). Il faut donner une signification à l’inclusion d’une date d’expiration expresse et autonome pour l’indemnité provisoire. Dans le cadre normal de la construction d’une convention collective, il faut présumer que les parties visaient un résultat particulier en incluant une date d’expiration dans l’appendice sur l’indemnité provisoire, alors qu’aucune date d’expiration n’apparaît dans les autres appendices.

[31]   Nous soutenons respectueusement que le demandeur ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de démontrer que l’employeur avait enfreint l’article 52 de l’ancienne Loi et que la présente demande devrait être entièrement rejetée.

[32]   Subsidiairement, si la Commission concluait que l’appendice E est ambigu et qu’une preuve extrinsèque s’impose, l’employeur demande qu’une audience soit tenue pour entendre l’affaire. L’employeur prétend que des déclarations contraires sur l’historique des négociations ou la pratique antérieure (comme mentionné précédemment) sont des questions qui, conformément aux règles de l’équité procédurale, ne peuvent être tranchées que par la présentation de preuves testimoniales.

Réponse écrite soumise par le demandeur

[33]   L’article 52 de l’ancienne Loi témoigne d’une forte position du législateur en faveur du maintien du statu quo après la signification de l’avis de négocier. Lorsqu’il est suggéré que des parties ont conclu une entente ayant pour effet d’éviter le gel des conditions d’emploi, cette entente devrait énoncer clairement l’intention des parties d’éviter l’application de la Loi.

[34]   Une clause dans une convention collective qui précise simplement une date d’expiration ou la durée de la convention ne peut pas être considérée comme une entente visant à se soustraire au gel prévu par la Loi, ce qui rendrait vide de sens le gel. Les conventions collectives sont négociées pour une durée particulière et n’ont pas un effet perpétuel. Par conséquent, toutes les dispositions d’une convention collective sont limitées dans le temps. Cependant, le fait que les dispositions soient limitées dans le temps ne signifie pas que les parties avaient l’intention pour autant de se soustraire au gel prévu par la Loi.

[35]   L’appendice E a la même date de début et la même date d’expiration que toutes les autres dispositions de la convention collective. Ceci témoigne de l’intention des parties de rattacher l’indemnité provisoire à la convention collective et ne va pas dans le sens de la thèse de l’employeur selon laquelle l’indemnité provisoire devait s’appliquer indépendamment des autres dispositions de la convention collective.

[36]   Selon l’employeur, une conclusion peut être tirée de l’interprétation de la terminologie différente utilisée dans l’article 49 de la convention collective et l’article 4 de l’appendice E; l’article 49 parlant de « durée » et l’appendice de « prendre fin ». Cependant, la première page de la convention collective utilise le terme « date d’expiration ». Ceci indique que la terminologie est interchangeable. Une clause qui définit la longueur de la vie d’une convention collective en parlant de « durée » n’est pas assimilable à une entente de se soustraire à un gel prévu par la Loi; une clause qui exprime le même concept par une date d’expiration expresse n’est pas non plus une entente de se soustraire à un gel prévu par la Loi.

Motifs

[37]   Dans Sa Majesté la Reine du Chef du Canada c. Association canadienne du contrôle du trafic aérien (précitée), la Cour d’appel fédérale a examiné l’article 51 (dans sa version à l’époque) de l’ancienne Loi et a déclaré ce qui suit au paragraphe 24 :

L’article 51 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique vise à maintenir le statu quo pour ce qui est des conditions d’emploi pendant que les parties entreprennent la négociation d’une convention. Il s’agit là d’une version particulière d’une disposition qu’on trouve généralement dans la législation ouvrière, destinée à promouvoir une négociation collective ordonnée et équitable. Il faut qu’il y ait un cadre de référence constant et stable servant de point de départ pour la négociation. Il ne faut donc pas donner de cette disposition une interprétation rigide qui lui ferait échec.

[38]   L’employeur soutient essentiellement que l’article 52 prévoit le maintien des conditions d’emploi à moins d’une entente à l’effet contraire. En l’espèce, l’employeur affirme que la disposition suivante de l’appendice sur l’indemnité provisoire l’exonère de l’application de l’article 52 :

« Le présent protocole d’entente prend fin le 21 décembre 2004. »

[39]   Après avoir examiné les observations des parties, je dois conclure que le fait que l’appendice contienne le terme « prend fin » ne signifie pas que la condition d’emploi cesse de s’appliquer. Comme le demandeur l’a souligné, la page couverture de la convention collective du groupe Systèmes d’ordinateurs porte la mention « Date d’expiration : le 21 décembre 2004 ». Cela ne signifie pas que chaque disposition de la convention collective prend fin le 21 décembre 2004, sans égard à l’article 52. Cet article prévoit plutôt le maintien de ces conditions d’emploi jusqu’à la conclusion d’une nouvelle convention ou jusqu’à ce que le groupe soit en situation de grève légale.

[40]   Selon l’employeur, il faut présumer que les parties visaient un résultat particulier en incluant une date d’expiration dans l’appendice sur l’indemnité provisoire, alors qu’aucune date d’expiration n’apparaissait dans les autres appendices. Exception faite de l’observation susmentionnée selon laquelle l’intégralité de la convention collective est visée par une « date d’expiration », comme en témoigne la page couverture de la convention, un résultat particulier peut effectivement découler de l’inclusion d’une date d’expiration dans un appendice. Si un avis de négocier n’est pas signifié avant l’expiration de la convention collective, il peut être possible qu’une condition d’emploi prévue dans la convention prenne fin. Cependant, lorsque l’avis de négocier est signifié, une date d’expiration comme celle indiquée dans l’appendice sur l’indemnité provisoire peut convaincre un bureau de conciliation ou un conseil d’arbitrage (selon le cas) de modifier la disposition si l’une des parties présente des arguments valables. Il semble que les parties aient reconnu la nécessité de modifier ou d’éliminer éventuellement cette indemnité. L’inclusion d’une date d’expiration dans l’appendice pourrait, à mon avis, étayer l’argument pendant les négociations en vue d’éliminer l’indemnité.

[41]   Il s’agit d’une question intéressante, et l’employeur soutient qu’elle n’a jamais fait l’objet d’un examen devant les tribunaux. Cependant, l’orientation fournie par la Cour d’appel fédérale dans Sa Majesté la Reine du Chef du Canada c. Association canadienne du contrôle du trafic aérien (précitée) est utile : « Il ne faut donc pas donner de cette disposition une interprétation rigide qui lui ferait échec ».   Quel est l’objet de l’article 52? Selon la Cour d’appel fédérale, l’article 52 a pour objet de « maintenir le statu quo pour ce qui est des conditions d’emploi pendant que les parties entreprennent la négociation d’une convention » [C’est nous qui soulignons]. 

[42]   Les observations écrites de l’agent négociateur affirment que, dès le début des négociations, l’employeur a présenté au demandeur un protocole d’entente proposant l’expiration du paiement de l’indemnité provisoire le 21 juin 2005 ou à la date de signature de la nouvelle convention collective, selon la première de ces éventualités. Il s’agissait clairement d’un point visé par la négociation.

[43]   Pourquoi l’employeur présenterait-il une proposition en vue de supprimer l’indemnité provisoire s’il avait le droit, comme il le prétend maintenant, d’y mettre simplement fin le 21 décembre 2004? Le fait même que l’employeur ait présenté une proposition visant à supprimer l’indemnité provisoire en juin 2005 me porte à croire que l’indemnité provisoire était un point que les parties avaient l’intention de négocier et de modifier si une entente était conclue. À mon avis, l’article 52 de l’ancienne Loi est conçue de sorte à ce que l’employeur demeure lié par les dispositions telles que celles portant sur l’indemnité provisoire.

[44]   L’employeur insiste beaucoup sur le fait que le protocole d’entente portant sur l’indemnité provisoire contient les mots « ... prend fin le 21 décembre 2004 ». Compte tenu des circonstances en l’espèce, j’estime que le protocole d’entente devrait contenir une disposition l’exonérant expressément de l’application de l’article 52 de l’ancienne Loi, si les parties avaient eu l’intention que tel soit le cas.

[45]   L’employeur prétend que la pratique antérieure démontre que les parties ont traité de l’indemnité provisoire comme s’il s’agissait d’une exception visée par l’article 52. Je ne suis pas d’accord compte tenu des observations soumises par les parties. Encore une fois, je crois qu’il faudrait des discussions entre les parties afin d’établir clairement que la question de l’indemnité provisoire a été traitée au début des négociations afin d’éviter qu’elle prenne fin en vertu de l’article 52. Je n’ai pas été informé de la tenue de discussions de cet ordre lors des séances de négociation antérieures. La question a bel et bien été négociée. À mon avis, il n’existe pas d’ambiguïté et il n’est pas nécessaire de pousser l’étude de l’historique de la négociation au-delà de ce qui est produit dans les observations écrites.

[46]   Pour les motifs énoncés précédemment, la Commission ordonne ce qui suit :


Ordonnance

[47]   Pour ces motifs, j’accueille la demande et je déclare que l’employeur a enfreint l’article 52 de l’ancienne Loi. Ordre est donné à l’employeur, par la présente, de rétablir le paiement de l’indemnité provisoire aux membres de l’unité de négociation CS, avec effet rétroactif au 21 décembre 2004, et de dédommager toutes les personnes admissibles à cette indemnité en conséquence.

[48]   Je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’afficher la présente ordonnance étant donné que le document devient du domaine public lorsque la décision est rendue. En ce qui concerne la demande d’un délai de 30 jours pour le paiement, je me contenterai de déclarer que l’employeur doit exécuter la décision le plus rapidement possible. S’il lui est impossible de respecter un délai de 30 jours, l’employeur devra rencontrer le demandeur pour l’informer de la date prévue du paiement.

Le 18 avril 2005.

Joseph W. Potter,
vice-président.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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