Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a été congédié de son poste à l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) pour inconduite - son grief contestant son congédiement a été rejeté à l’arbitrage - le fonctionnaire s’estimant lésé a aussi déposé un grief dans lequel il faisait valoir qu’il avait droit à une indemnité de départ - lors de son congédiement, le fonctionnaire s’estimant lésé était admissible à une rente mensuelle en vertu de la LPFP, rente qu’il a commencé à recevoir subséquemment - le fonctionnaire s’estimant lésé a affirmé qu’il avait droit à une indemnité de départ, étant donné que la convention collective prévoyait le paiement d’une indemnité de départ quand, au moment de sa retraite, un employé avait droit à une pension en vertu de la LPFP - l’arbitre de grief a conclu que les dispositions de la convention collective relatives à l’indemnité de départ sont intégrées et exhaustives, et que l’indemnité de départ ne figure pas dans la liste des situations donnant lieu au paiement - le fonctionnaire s’estimant lésé a été congédié pour inconduite et n’a pas pris sa retraite - son admissibilité à une pension en vertu de la LPFP n’était pas justifiée - le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas satisfait aux exigences stipulées dans la convention collective, selon lesquelles un employé doit à la fois prendre sa retraite et avoir droit à une allocation à jouissance immédiate - le fait que le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas admissible à une indemnité de départ ne constitue pas une double sanction pour le même incident - la perte d’un droit prévu dans la convention collective était une conséquence du congédiement, et non une deuxième sanction - le fait que l’indemnité de départ puisse ou non être définie comme un avantage acquis n’avait aucune pertinence, étant donné que la convention collective énonçait clairement que l’indemnité de départ ne pouvait être versée dans les cas de congédiement pour inconduite - l’arbitre de grief a conclu qu’il n’avait pas compétence pour ordonner un paiement ex gratia et ne voyait aucune circonstance atténuante justifiant une telle recommandation.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-12-05
  • Dossier:  166-34-34651
  • Référence:  2005 CRTFP 170

Devant un arbitre de grief



ENTRE

HOWARD YARMOLINSKY

fonctionnaire s’estimant lésé

et

AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Yarmolinsky c. Agence des douanes et du revenu du Canada

Affaire concernant un grief renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P–35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant : Ian R. Mackenzie, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Steve Eadie, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l’employeur : Caroline Engmann, avocate


(Décision fondée sur les observations écrites.)

Grief renvoyé à l’arbitrage

[1]    Il a été mis fin à l’emploi de Howard Yarmolinsky à l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) le 12 décembre 2003. Par suite du remaniement de l’administration publique fédérale annoncée le même jour, l’ADRC est devenue l’Agence du revenu du Canada (ARC). Le grief déposé par M. Yarmolinsky pour contester son licenciement a été rejeté par un arbitre de grief de la Commission (2005 CRTFP 6). M. Yarmolinsky a demandé le contrôle judiciaire de la décision en Cour fédérale. Il a également déposé un grief dans lequel il faisait valoir qu’il avait droit à une indemnité de départ. Le présent grief a été mis en attente jusqu’à ce qu’une décision soit rendue relativement au grief contestant la cessation d’emploi.

[2]    Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l’arbitrage de grief doit être décidé conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P–35, (l’ « ancienne Loi »).

[3]    L’avocate de l’employeur a demandé que le présent grief soit traité par voie d’observations écrites, ce à quoi le fonctionnaire s’estimant lésé a acquiescé. Le 9 septembre 2005, la Commission a demandé aux parties de présenter des observations écrites en réponse à la question suivante :

Les paragraphes 39.16, 39.17 ou 19.01 de la convention collective autorise–t–ils le fonctionnaire s’estimant lésé à recevoir une indemnité de cessation d’emploi dans l’affaire précitée?

Contexte

[4]    Il a été mis fin à l’emploi de M. Yarmolinsky le 12 décembre 2003 pour cause d’inconduite, conformément à l’alinéa 51(1)f) de la Loi sur l’Agence des douanes et du revenu du Canada.  Il avait accumulé 27 années de service au gouvernement fédéral.

[5]    M. Yarmolinsky était vérificateur, et il était assujetti à la convention collective entre l’ADRC et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) visant le groupe de la vérification et du personnel financier et scientifique (échéant le 21 décembre 2003).

[6]    Le 9 janvier 2004, M. Yarmolinsky a déposé un grief du fait qu’il n’avait pas reçu d’indemnité de départ, ce qu’il prétendait contraire aux paragraphes 39.16, 39.17 et 19.01 de la convention collective. L’agent négociateur limite ses observations au paragraphe 19.01 (« Indemnité de départ »).

[7]    En réponse au grief, D.G.J. Tucker, commissaire adjoint, Direction générale des ressources humaines, a déclaré que la convention collective ne prévoit pas le versement d’indemnités de départ aux employés licenciés pour des motifs disciplinaires.

[8]    Au moment de son licenciement, M. Yarmolinsky était admissible à une pension aux termes de la Loi sur la pension de la fonction publique(LPFP), et il reçoit actuellement une rente mensuelle.

Résumé de l’argumentation

[9]    L’argumentation écrite des parties a été mise en forme et reproduite ci–dessous. La version intégrale a été déposée auprès de la Commission.

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

La convention collective n’interdit pas formellement le versement d’une indemnité de départ à un employé licencié pour cause d’inconduite. Certaines conventions collectives en vigueur dans le secteur privé le font, mais ce n’est pas le cas de celle dont relève M. Yarmolinsky. Si les parties avaient choisi d’interdire le versement d’indemnités de départ dans les cas d’inconduite, elles auraient déclaré leur intention, ce qu’elles n’ont pas fait.

La convention collective pertinente ne traite que de licenciement motivé pour incapacité ou incompétence. Or, les paragraphes en question ne visent pas M. Yarmolinsky, puisqu’il a été licencié par l’employeur aux termes de l’alinéa 51(1)f), et non 51(1)g), de la Loi sur l’Agence des douanes et du revenu duCanada.

Toutefois, la convention collective précise qu’un employé reçoit une indemnité de départ dans certaines circonstances.

L’article 19 (« Indemnité de départ ») se lit en partie comme il suit :

19.01  Dans les cas suivants et sous réserve du paragraphe 19.02, l’employé bénéficie d’une indemnité de départ calculée selon son taux de rémunération hebdomadaire.

L’un des cas cités est celui de la retraite, dont traite l’alinéa 19.01d) :

d) Retraite

Lors de la retraite, lorsque l’employé a droit à une pension à jouissance immédiate ou qu’il a droit à une allocation annuelle à jouissance immédiate, aux termes de la Loi sur la pension de la fonction publique , une indemnité de départ à l’égard de la période complète d’emploi continu de l’employé, à raison d’une (1) semaine de rémunération pour chaque année complète d’emploi continu et, dans le cas d’une année partielle d’emploi continu, une (1) semaine de rémunération multipliée par le nombre de jours d’emploi continu et divisée par trois cent soixante–cinq (365), jusqu’à concurrence de trente (30) semaines de rémunération. (C’est moi qui souligne.)

Dans le cas précité, l’employé concerné touche une indemnité de départ.

La convention collective ne définit pas explicitement la retraite. Le seul passage qui s’apparente à une définition est la condition suivante : «  [...]  lorsque l’employé a droit à une pension à jouissance immédiate ou qu’il a droit à une allocation annuelle à jouissance immédiate, aux termes de la Loi sur la pension de la fonction publique  [...] ».  

 M. Yarmolinsky répondait à la seule définition de la retraite que contient la convention collective, car il avait droit à une « allocation annuelle à jouissance immédiate » aux termes de la Loi sur la pension de la fonction publique. Par conséquent, il était admissible à une indemnité de départ.

Le licenciement de M. Yarmolinsky de l’ADRC ne cadre peut–être pas avec l’image classique d’une digne personne âgée qui passe sereinement de la vie professionnelle à l’oisiveté de la retraite et qui est heureuse de toucher sa rente par la suite. Toutefois, il remplit les seules conditions d’admissibilité à une retraite et à une indemnité de départ que contient la convention collective.

Le Canadian Oxford Dictionary définit le verbe anglais retire (prendre une retraite) comme il suit :

[Traduction]

a) quitter une fonction ou un emploi, surtout en raison de l’âge, b) faire en sorte qu’une personne quitte le marché du travail, c) cesser d’employer ou d’utiliser (quelque chose) ou le retirer du service.

On ne peut affirmer que la retraite est toujours volontaire. Elle est souvent imposée par l’application de dispositions prescrivant un âge obligatoire de départ à la retraite. Ainsi, si la retraite consiste à se retirer ou à quitter un milieu, elle n’est pas toujours décidée de gré à gré ni volontaire.

M. Yarmolinsky soutient qu’il s’est effectivement retiré de l’ADRC, même si sa retraite était involontaire et qu’il ne la souhaitait pas.

Selon le relevé de pension délivré en vertu de la Loi sur la pension de la fonction publique, la date de départ à la retraite de M. Yarmolinsky est le 13 décembre 2003. Le même document précise son droit de recevoir une allocation mensuelle (l’option qu’il a choisie) à compter du 20 janvier 2005.

Si la Commission décidait de ne pas lui accorder d’indemnité de départ, M. Yarmolinsky prie l’arbitre de grief de recommander à l’employeur d’envisager de lui verser un paiement ex gratia pour des raisons humanitaires.

Les points de vue divergent grandement sur l’objet de l’indemnité de départ. Selon M. Yarmolinsky, elle est de nature rétrospective et a pour objet de reconnaître les longs états de service auprès d’un employeur et la contribution de l’employé à l’entreprise de celui–ci. Dans cette perspective, l’indemnité de départ est un avantage acquis, et il serait donc inéquitable de ne rien verser à M.  Yarmolinsky après 27 années de service.

M. Yarmolinsky a commis une grave erreur de jugement et un acte répréhensible dont il reconnaît l’entière responsabilité. Il a payé pour son erreur de nombreuses façons, dont son licenciement.

M.  Yarmolinsky exhorte la Commission à considérer ses 27 années de loyaux services, au cours desquelles il s’est montré à maintes reprises digne de la confiance et du respect de l’employeur.

Il prie la Commission de ne pas s’arrêter à son acte répugnant, qui a conduit à son renvoi, et d’envisager ses années d’emploi exemplaires.

Dire qu’un seul acte a rompu le lien de confiance irréparablement et écarté la possibilité de l’emploi continu d’un employé ou que l’employeur n’aura pas confiance en l’employé à l’avenir est autrement différent que de dire que l’employé n’a pas droit rétroactivement aux fruits de ses années de loyaux services.

M. Yarmolinsky soutient qu’il remplit les conditions nécessaires pour toucher une indemnité de départ aux termes de l’alinéa 19.01d) de sa convention collective pour les raisons décrites ci–dessus et estime l’avoir gagnée pendant ses années de service.

Par contre, si la Commission décide qu’il n’a pas droit à une indemnité de départ aux termes de la convention collective, il prie respectueusement l’arbitre de grief de recommander à l’employeur d’envisager de lui verser un paiement ex gratia.

Pour l’employeur

L’employeur reconnaît que le fonctionnaire s’estimant lésé a accumulé 27 années de service à l’ADRC. Toutefois, la Commission n’est saisie d’aucune preuve des antécédents de service du fonctionnaire s’estimant lésé au cours des 27 années et estime que pareils renseignements ne sont pas pertinents relativement aux décisions à prendre sur les questions soulevées par le grief.

Le droit du fonctionnaire s’estimant lésé à des prestations de retraite n’a aucun rapport avec les questions soulevées par le présent grief, puisque les circonstances décrites au paragraphe 19.01 de la convention collective ne s’appliquent pas à lui. Qui plus est, la Direction des pensions de retraite administre les prestations de retraite, et le droit à ces dernières est soumis à des règles propres à la retraite.

Questions

Analyse et argumentation

Interprétation des conventions collectives

MM. Brown et Beatty affirment, dans Canadian Labour Arbitration, troisième édition, que l’interprétation des dispositions d’une convention collective est essentiellement fonction de l’intention des parties. Il est supposé que ce qui est déclaré expressément dans la convention traduit leur intention.

Le principe par excellence qui préside au dégagement de l’intention des parties de dispositions particulières d’une convention collective est la « règle du sens clair et ordinaire ». Les arbitres doivent retenir le sens normal ou courant du libellé de la convention, sauf si cette façon de faire débouche sur une interprétation absurde ou incohérente par rapport aux autres dispositions (Canadian Labour Arbitration (supra)).

Parmi les autres principes directeurs sur lesquels fonder la confirmation de l’intention des parties à une convention collective figurent : a) les facteurs contextuels pertinents; b) la correspondance au cadre de la convention et la cohérence par rapport à celui–ci; c) le caractère raisonnable (voir Public Service Alliance of Canada v. Alliance Employees’ Union (2002), 111 L.A.C. (4th) 402).

Les arbitres doivent se garder d’ajouter des avantages pécuniaires à une convention collective, sauf si l’intention des deux parties est claire et sans équivoque (voir Vancouver Hospital and Health Sciences Centre v. Hospital Employees’ Union, Local 180 (1996), 54 L.A.C. (4th) 35 et Brandon General Hospital v. Manitoba Nurses Union, Local 4 (1996), 56 L.A.C. (4 th) 174).

Première question – Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas droit à une indemnité de départ aux termes de la convention collective

Le fonctionnaire s’estimant lésé, ancien employé de l’ADRC, n’est pas « parti à la retraite ».

Selon l’article 4 de la Loi sur la pension de la fonction publique :

4(1)    Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, une pension ou autre prestation spécifiée dans la présente partie doit être versée à toute personne qui, étant tenue de contribuer au compte de pension de retraite ou à la Caisse de retraite de la fonction publique d’après la présente partie, décède ou cesse d’être employée dans la fonction publique, ou relativement à cette personne; sous réserve des autres dispositions de la présente partie, cette pension ou prestation est basée sur le nombre d’années de service ouvrant droit à pension au crédit de cette personne.    

Ni la Loi sur la pension de la fonction publique ni la convention collective ne définissent la « retraite ». Toutefois, selon la politique de cessation d’emploi du Secrétariat du Conseil du Trésor, adoptée par l’ADRC lorsqu’elle est devenue une agence, « retraite » s’entend de la cessation d’emploi volontaire pour cause d’âge ou pour des raisons de santé.

Les définitions de retirement tirées du dictionnaire et que mentionne le fonctionnaire s’estimant lésé laissent supposer l’existence d’une raison sous–jacente non blâmable de [traduction] « quitter une fonction ou un emploi », et le motif invoqué, [traduction] « en raison de l’âge », est conforme à la définition du Conseil du Trésor. Ainsi, la raison pour laquelle il est mis fin au service d’une personne est un facteur central à considérer dans les circonstances.

Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas quitté l’ADRC en partant à la retraite au sens de la convention collective. La cessation de son emploi n’était pas volontaire ni motivée par l’âge ou des raisons de santé : il a été renvoyé pour inconduite grave.

Le droit à pension ne déclenche pas la clause de l’indemnité de départ de la convention collective

Il semble que deux conditions préalables doivent être remplies pour que les dispositions de la LPFP s’appliquent : a) une personne doit avoir été tenue de contribuer à la caisse; b) une personne doit mourir ou cesser d’être employée dans la fonction publique. Une fois de plus, les critères ne font intervenir aucun élément de culpabilité.

Il semble que le fonctionnaire s’estimant lésé ait rempli les deux conditions et ait donc été admissible à des prestations de retraite. La situation est administrée distinctement par la Direction des pensions de retraite et n’est pas visée par les dispositions de la convention collective.

Les circonstances de l’affaire ne font pas intervenir l’alinéa 19.01d) de la convention collective

La convention collective stipule expressément les cas dans lesquels un employé peut bénéficier d’une indemnité de départ : la mise en disponibilité, la démission, le renvoi en cours de stage, la retraite, le décès, le licenciement motivé pour incapacité ou incompétence. Elle ne fait aucune mention du licenciement pour inconduite.

Les dispositions précitées sont sans équivoque. Là où le sens des dispositions de la convention n’est pas ambigu ou flou, leur application est obligatoire, même s’il en résulte une injustice apparente (voir Cardinal Transportation B.C. Inc. v. Canadian Union of Public Employees, Local 561 (1997), 62 L.A.C. (4th) 230). Les parties n’avaient pas l’intention de verser des indemnités de départ à tous les employés licenciés pour des motifs disciplinaires.

Un employé licencié pour des motifs disciplinaires n’a pas droit à une indemnité de départ. Dans Treasury Board (National Defence) v. Foster (1996), 58 L.A.C. (4th) 325, le fonctionnaire s’estimant lésé avait accumulé 28 années de service au moment où il a été reconnu coupable d’un acte criminel qui a donné lieu à son licenciement aux termes de l’article 748 du Code criminel. Il a déposé un grief face au refus de son employeur de lui verser une indemnité de départ, grief qui a été rejeté. Dans sa décision, l’arbitre de grief Turner a déploré que [traduction] « [s]i regrettable que soit la situation de M. Foster, ce dernier “  reste le bec dans l’eau  ”  […] même s’il a été au service de la fonction publique depuis plus de dix ans ».

Comme le fonctionnaire s’estimant lésé n’est pas parti à la retraite en tant qu’employé de l’ADRC mais a plutôt été renvoyé pour inconduite grave, il n’a pas droit à une indemnité de départ aux termes de la convention collective. L’interprétation proposée par le fonctionnaire s’estimant lésé porterait atteinte au libellé et à l’intention de la convention.

Deuxième question – Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas droit à un paiement ex gratia

La politique de l’employeur sur le versement de paiements ex gratia est annexée aux présentes observations (politique, lignes directrices et procédures de l’ADRC sur les réclamations faites par l’État ou contre l’État et les paiements ex gratia). Les dispositions de la politique révèlent  que rien ne justifie le versement d’un paiement ex gratia au fonctionnaire s’estimant lésé ni que la Commission a compétence pour ordonner à l’employeur d’effectuer un tel paiement.

Conclusion

L’employeur demande respectueusement que le grief soit rejeté.

Réplique pour le fonctionnaire s’estimant lésé

L’employeur a discuté des principes directeurs servant à confirmer les intentions des parties. Nous soutenons qu’il est tout à fait raisonnable d’accorder une indemnité de départ dans les circonstances. Cela n’est pas contraire à l’harmonie de la convention collective. En fait, le versement d’une indemnité de départ est tout à fait conforme à l’esprit et à l’intention de la convention collective.

Contrairement aux inquiétudes exprimées par l’employeur, une décision qui autoriserait une indemnité n’ajouterait pas d’avantage pécuniaire à la convention collective, car pareille indemnité aurait été calculée et portée au budget après les dix années de service de M. Yarmolinsky. Voilà ce que prévoit la convention collective. Il s’agit d’un avantage acquis que l’employeur prévoyait verser à M. Yarmolinsky et à d’autres employés à mesure qu’ils y avaient droit en fonction de leurs états de service.

De plus, dans l’esprit de la convention collective, le fait de ne pas accorder d’indemnité de départ à M. Yarmolinsky alors qu’une telle indemnité était prévue équivaudrait à l’ajout d’une sanction supplémentaire au licenciement.

L’employeur invoque la politique de cessation d’emploi du Conseil du Trésor afin de pouvoir offrir une définition de la « retraite ». Or, l’ADRC n’est pas un employeur qui relève du Conseil du Trésor. C’est un employeur distinct qui a adopté certaines des politiques du Conseil du Trésor. Toutefois, en l’absence de toute preuve qui confirmerait que la politique susmentionnée figure parmi celles que l’ADRC a adoptées, la définition n’a que le poids qui serait accordé à toute autre définition de source externe.

L’employeur conteste la définition de la retraite offerte par le fonctionnaire s’estimant lésé et affirme qu’elle [traduction] « laisse entendre a priori l’existence d’un motif sous–jacent non blâmable » sans pour autant expliquer pourquoi il est de cet avis. La définition fournie signifie [traduction] « b) faire en sorte qu’une personne quitte le marché du travail, c) cesser d’employer ou d’utiliser (quelque chose) ou le retirer du service ». Il est vrai que nous considérons généralement la retraite comme un acte passif, mais elle peut comporter un élément actif ou une contrainte, comme il est montré ci–dessus.

L’employeur tire la conclusion suivante : [traduction] « Ainsi, la raison pour laquelle une personne est retirée du service est un facteur capital à considérer dans les circonstances. » Cette conclusion ne peut être tirée logiquement de la définition offerte. Cependant, est–elle valable, même si elle est considérée indépendamment? Non, car dans un cas au moins – la démission, que l’employeur juge un motif valable pour verser une indemnité de départ – l’inconduite peut très bien être un facteur. L’inconduite peut très bien être un facteur qui conduit à la retraite également. De plus, le facteur déterminant du droit à une indemnité de départ, selon la convention collective, serait le suivant : «  [...]   l’employé a droit à une pension à jouissance immédiate ou [...]  à une allocation annuelle à jouissance immédiate, aux termes de la Loi sur la pension de la fonction publique [...]  ».

À la simple lecture, à la lueur des principes mentionnés dans Canadian Labour Arbitration (supra), il semblerait que les parties n’aient jamais eu l’intention de refuser l’indemnité de départ aux personnes coupables d’actes blâmables ou d’inconduite. Elles ne déclarent pas expressément par écrit leur intention en ce sens, et on ne peut conclure par inférence que telle était leur intention. La chose s’apparente plutôt à du savoir reçu.

L’avocate de l’employeur déclare ceci : [traduction] « Il n’a jamais été prévu de verser une indemnité de départ à tous les employés licenciés pour des motifs disciplinaires. » Cela est vrai. Ce ne sont pas tous les employés licenciés pour des motifs disciplinaires qui toucheront une indemnité de départ, seulement ceux qui l’ont gagnée aux termes du paragraphe 19.02.

L’affaire Foster (supra) est invoquée pour établir que les employés renvoyés pour des motifs disciplinaires n’ont pas droit à une indemnité de départ. Si la cause est fascinante, elle n’a pas moins débouché sur une décision sur l’abandon forcé d’un poste en vertu de l’article 748 du Code criminel. Il s’agissait d’un renvoi automatique « par action d’une loi ». Les arguments mis de l’avant avaient trait à ce qui constituait l’« incapacité ». La décision n’exclut pas le droit d’un employé renvoyé pour des raisons disciplinaires à une indemnité de départ.

Néanmoins, l’affaire Foster est intéressante pour une autre raison. M. Tynes, représentant du syndicat, semblait vouloir tirer au clair le sens d’« incapacité ». À son avis, l’interprétation du terme devait être élargie, et la notion s’appliquait dans différentes circonstances. Malheureusement, l’arbitre de grief estimait que M. Tynes l’invitait à intégrer un sens nouveau à la convention collective, alors que, à mon avis, il lui demandait simplement de jeter un regard nouveau sur les circonstances dans lesquelles l’« incapacité » pouvait s’appliquer. Sauf votre respect, lorsque je vous dis que M. Yarmolinsky a été mis à la retraite, je ne vous demande pas d’intégrer un sens nouveau à la convention collective, de la modifier ou de l’élargir, mais plutôt de constater si, de fait, la retraite peut–être involontaire.

À la lecture de la politique de l’employeur sur les paiements ex gratia, je ne constate rien qui interdirait cette forme de paiement. L’employeur ne nous a signalé aucun article particulier dont il croit qu’elle proscrirait un paiement ex gratia dans les circonstances.

Le fonctionnaire s’estimant lésé comprend que la Commission ne peux prescrire le versement d’un paiement ex gratia. D’ailleurs, il ne lui a jamais demandé d’imposer le versement d’un tel paiement, il a seulement prié la Commission de recommander à l’employeur d’envisager son versement, compte tenu des longs états de service de M. Yarmolinsky. L’arbitre de grief Turner a fait une recommandation de ce genre dans l’affaire Foster (supra).

Conclusion

En refusant de verser à M. Yarmolinsky une indemnité de départ, l’employeur lui impose en réalité deux sanctions pour la même raison.

Comme nulle disposition de la convention collective n’interdit le versement d’une indemnité et comme le fonctionnaire s’estimant lésé répond à la définition de la retraite que donne la convention collective, il est simplement juste et équitable de lui permettre de bénéficier du droit acquis à l’argent que l’employeur a mis en réserve en prévision du moment où il quitterait son emploi.

Par ailleurs, nous estimons que la Commission pourrait inviter l’employeur à envisager le versement d’un paiement ex gratia.

Motifs

[10]   La convention collective reconnaît le droit d’un employé à une indemnité de départ dans les circonstances suivantes : la mise en disponibilité, la démission, le renvoi en cours de stage, la retraite, le décès, le licenciement motivé pour incapacité ou incompétence. M. Yarmolinsky a été licencié pour inconduite. Il soutient que rien n’empêche le versement d’une indemnité de départ en cas d’inconduite. Les dispositions de la convention collective portant sur l’indemnité de départ sont intégrées et exhaustives. Les parties se sont penchées sur le traitement des employés dont l’emploi a pris fin et ont conclu que seuls ceux qui étaient licenciés pour incapacité ou incompétence, et non inconduite, auraient droit à un telle indemnité. Bien que la convention collective ne déclare pas explicitement qu’aucune indemnité de départ ne doit être versée à un employé licencié pour inconduite, je n’estime pas obligatoire une disposition explicite en ce sens, puisque la clause en la matière énumère toutes les situations dans lesquelles une indemnité de départ doit être versée.

[11]   Le représentant de l’agent négociateur, M. Eadie, soutient que M. Yarmolinsky a pris sa retraite en tant qu’employé de l’ADRC puisqu’il reçoit maintenant une pension et a droit, par conséquent, à une indemnité de départ. Je me range à l’avis de M.  Eadie, qui estime que le départ à la retraite n’est pas toujours volontaire au vrai sens du terme. Cependant, la retraite rompt la relation d’emploi et ne constitue pas simplement le droit à un avantage. Dans le cas de M. Yarmolinsky, sa relation d’emploi a été rompue au moment de son licenciement pour inconduite et non pas de son départ à la retraite. Le fait qu’il ait droit à une pension en vertu de la LPFP n’intervient pas, car sa retraite n’a pas rompu la relation d’emploi. Qui plus est, la clause en la matière exige à la fois de l’employé qu’il parte à la retraite et qu’il ait droit à une allocation à jouissance immédiate. Or  M. Yarmolinksy n’a pas rempli les deux conditions.

[12]   M. Eadie a fait valoir que refuser à M. Yarmolinksy une indemnité de départ équivaut à le sanctionner deux fois pour la même raison. La perte d’un droit prévu par une convention collective est une conséquence du licenciement pour inconduite et non une « sanction supplémentaire ». La convention collective prévoit un tel résultat. Voilà la réalité qui attend tous les employés licenciés pour inconduite.

[13]   M. Eadie a soutenu que le droit à une indemnité de départ est un avantage acquis et qu’il serait injuste de priver le fonctionnaire s’estimant lésé de cet avantage acquis. Je n’ai pas à trancher la question de savoir si une indemnité de départ est un avantage acquis ou non. La convention collective stipule clairement qu’aucune indemnité de départ n’est payable en cas de licenciement pour inconduite. Que l’indemnité soit un avantage acquis ou non ne modifie en rien les dispositions explicites de la convention collective.

[14]   M. Eadie a également demandé, comme solution de rechange, que je recommande à l’employeur d’envisager le versement d’un paiement ex gratia pour des raisons humanitaires. À l’appui de sa demande, il mentionne que l’arbitre de grief avait recommandé un tel paiement dans l’affaire Foster (supra). Toutefois, dans cette affaire, M. Foster n’a pas été licencié pour inconduite, mais plutôt parce que l’employeur le jugeait incapable de s’acquitter de ses fonctions en vertu du Code criminel.  Pour reprendre les propos de l’avocat de l’employeur dans cette affaire, « du point de vue de l’équité », le grief n’était « pas sans fondement » puisque le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas été licencié pour des raisons disciplinaires. À la lumière de cela, le commentaire de l’arbitre de grief (selon lequel le Conseil du Trésor « pourrait exercer son pouvoir discrétionnaire en effectuant un paiement ex gratia ») est compréhensible.

[15]   Compte tenu des preuves et de l’argumentation offerte, je ne vois aucune raison de recommander un paiement ex gratia. Aucune circonstance atténuante ne justifierait une telle recommandation.

[16]   En conclusion, M.  Yarmolinsky n’a pas droit à une indemnité de départ parce qu’il ne remplit pas les conditions de l’article 19 de la convention collective. Je ne suis pas habilité à ordonner le versement d’un paiement ex gratia et je n’en recommanderai aucun.

[17]   Pour ces motifs,  je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[18]   Le grief est rejeté.

Le 5 décembre 2005.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Ian R. Mackenzie,
arbitre de grief

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