Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Trois des plaignants avaient présenté des griefs de classification - le quatrième plaignant les représentait à l’égard de leurs griefs - l’employeur a mis à jour la description de tâches des postes en question et réévalué leur classification - il en a par la suite informé directement les auteurs des griefs, omettant de transiger avec leur représentant désigné - la Commission a conclu que les gestes reprochés à l’employeur ne suggèrent aucune intimidation, menace ou représailles et qu’ils ne peuvent être considérés comme des pratiques de travail interdites par la Loi. Plaintes rejetées.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction
publique édictée par l'article 2 de la Loi sur la
modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-12-06
  • Dossiers:  161-02-1290 à 1293
  • Référence:  2005 CRTFP 171

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

ROGER GROULX, ROCK PERREAULT,
ROBERT VALLÉE ET DELPHIS DUBÉ

plaignants

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Anciens Combattants)

défendeur

Répertorié
Groulx et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Anciens Combattants)

Affaire concernant des plaintes logées en vertu de l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant : Jean-Pierre Tessier, commissaire

Pour les plaignants : Roger Groulx

Pour le défendeur : Stéphane Hould, avocat


Affaire entendue à Montréal (Québec),
le 14 mars 2005.


Plaintes devant la Commission

[1]   Roger Groulx, Rock Perreault, Robert Vallée et Delphis Dubé, les plaignants, travaillent au ministère des Anciens Combattants et leur lieu de travail est l’hôpital Ste‑Anne, à Ste-Anne-de-Bellevue, Québec.

[2]   À l’automne 2003, l’employeur procède à une réévaluation des postes occupés par MM. Perreault, Vallée et Dubé, et leur indique que les groupe et niveau de leurs postes demeurent inchangés (GL-WOW-09). Le 12 décembre 2003, MM. Perreault, Vallée et Dubé déposent chacun un grief pour contester la classification de leurs postes et désignent M. Groulx comme leur représentant.   L’employeur répond directement à MM. Perreault, Vallée et Dubé que la description de tâches de leurs postes a été mise a jour et réévaluée, sans en aviser leur représentant.

[3]   Le 3 février 2004, les plaignants déposent chacun une plainte pour pratique déloyale de travail en vertu de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P‑35, alléguant notamment que l’employeur a ignoré le représentant de MM. Perreault, Vallée et Dubé lors du traitement de leurs griefs.

[4]   La plainte de M. Groulx est rédigée comme suit :

[…]

J’ai accepté, après discussion et entente, de représenter des employés qui ont déposés des griefs de classification le 12 Décembre 2003 concernant l’évaluation de leur postes.   Lorsque j’ai pris connaissance du gel de reclassification du gouvernement fédéral, j’ai envoyé un courriel (18 Décembre 2003) au Chef des Relations de Travail, M. Jean Lajeunesse, lui demandant la position de l’employeur sur le gel et comment nous entendre pour les procédures.Jusqu’à cette date je n’ai toujours pas reçu de réponse à mon courriel.

Lundi le 17 Janvier 2004, l’un des employés que je représente, m’apporte une copie de documents, en date du 14 Janvier 2004, qu’il a reçu de son Contremaître, M. Claude Deschamps.   Ces documents informaient l’employé qu’une nouvelle mise à jour de sa description de tâches ainsi qu’une réévaluation de son poste avaient été effectué nonobstant le grief déposé le mois précédant.   L’évaluateur, M. Denis Cadotte, tout en reconnaissant les griefs déposés, a ignoré totalement ma représentativité au dossier.

Le 22 Janvier 2004, un des employés que je représente, a reçu une note de son Directeur de Service, M. Jacques Morel, l’informant qu’une mise à jour et une réévaluation de son poste avaient été effectuée et qu’il pouvait déposer un grief si il était en désaccord avec la réévaluation.

L’employeur, ou toute personne agissant à son compte, semble vouloir m’ ignorer en ce qui à trait aux griefs de classification déposés en Décembre 2003 et ne pas reconnaitre le choix de représentation des employés tel que décrit dans les Procédures du règlement des Griefs de Classification du Secrétariat du Conseil du Trésor.

Je considère ces distinctions injustes et malveillantes envers moi et les employés que j’ai accepté de représenter tel que signifié aux griefs déposés et portent atteintes aux droits que me confère la Loi et la Procédure en vigueur.

[…]

[ Sic pour l’ensemble de la citation]

[5]   Dans sa plainte, M. Perreault allègue ce qui suit :

[…]

Le 22 Janvier 2004, j’ai reçu de mon Contremaître, M. Claude Deschamps, une note de mon Directeur de Service, M. Jacques Morel, indiquant qu’une mise à jour et une réévaluation de mon poste avaient été effectuée et que je peus déposer un grief de classification si je suis en désaccord.Cette réévaluation a été approuvée par mon Chef de Service, M. Daniel Boisvert, le 07 Janvier 2004 par suite “ à ma demande “ ce dont je n’ai jamais demandé ni même discuté ayant déposé un grief de classification le mois précédant.

Toute cette démarche a été faite sans que moi et/ou mon représentant en soyont avisés et/ou informés.L’employeur, ou toute personne agissant pour son compte, semble ne pas vouloir reconnaître les procédures d’examen de mon grief de classification en dépit qu’il porte sur l’évaluation octroyé à mon poste et non sur le contenu de ma description de tâches.

L’employeur, ou toute personne agissant pour son compte, semble ne pas vouloir reconnaitre la personne que j’ai choisi en tant que représentant pour mon grief de classification.

Je considère ces distinctions injustes et malveillantes envers moi et mon représentant sur l’exercice de mes droits que m’accorde la Loi et la Procédure […]

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[6]   Pour sa part, M. Vallée se plaint de ce qui suit :

[…]

Le 15 Janvier 2004, j’ai reçu de mon Contremaître, M. Claude Deschamps, une nouvelle description de tâches et une note indiquant une mise à jour et une réévaluation avait été effectuée “.....à la demande des titulaires…” ce dont je n’ai jamais demandé ni même discuté ayant déposé un grief le mois précédant.   Un texte a été ajouté à cette nouvelle description de tâches et une réévaluation a été approuvée par mon Chef de Service, M. Daniel Boisvert, le 07 janvier 2004.

Dans sa note de présentation sur la nouvelle description, l’évaluateur, M. Denis Cadotte, souligne le point que “…un nouveau grief devrait être possiblement déposé et l’ancien retiré…” même si celui-ci reconnait que j’ai, en ce moment, un grief de classification en traitement.

Toute cette démarche a été faite sans que moi et/ou mon représentant en soyont avisés et/ou informés.L’employeur, ou toute personne agissant pour son compte, semble ne pas vouloir reconnaître les procédures d’examen de mon grief de classification malgré que le dit grief porte sur l’évaluation octroyé à mon poste et non sur le contenu de ma description de tâches.

L’employeur, ou toute personne agissant pour son compte, semble ne pas vouloir reconnaitre la personne que j’ai choisi en tant que représentant pour mon grief de classification.

Je considère ces distinctions injustes et malveillantes envers moi et mon représentant sur l’exercice de mes droits que m’accorde la Loi et la Procédure […]

 […]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[7]   Enfin, M. Dubé avance ce qui suit :

[… ]

Le 26 Janvier 2004, j’ai recu un avis de mon Directeur de Service,M. Jacques Morel, indiquant qu’une nouvelle description de tâches et une réévaluation de mon poste ont été effectuées.   Je n’ai pas reçu ma nouvelle description à cette date.   Cette réévaluation a été approuvée par mon Chef de Service, M. Daniel Boisvert, le 07 Janvier 2004 par suite à “ ma demande “ ce dont je n’ai jamais demandé ni même discuté ayant déposé un grief de classification le mois précédant.

Toute cette démarche a été faite sans que moi et/ou mon représentant en soyont avisés et/ou informés.L’employeur, ou toute personne agissant pour son compte, semble ne pas vouloir reconnaître les procédures d’examen de mon grief de classification malgré qu’il porte sur l’évaluation octroyé à mon poste et non sur le contenu de ma description de tâches.

L’employeur, ou toute personne agissant pour son compte, ne reconnait pas la personne que j’ai choisi en tant que représentant pour mon grief de classification et l’ignore complètement.

Je considère ces distinctions injustes et malveillantes envers moi et mon représentant sur l’exercice de mes droits que m’accorde la Loi et la Procédure […]

[…]

[ Sic pour l’ensemble de la citation]

[8]   Les plaignants demandent à la Commission d’ordonner que :

1) les griefs de classification de MM. Perreault, Vallée et Dubé soient traités selon « les procédures en vigueur »;

2) la mise en application de la nouvelle description de tâches des postes occupés par MM. Perreault, Vallée et Dubé soit suspendue jusqu’à la résolution finale de leurs griefs de classification;

3) l’employeur reconnaisse M. Groulx comme représentant de MM. Perreault, Vallée et Dubé et qu’il transige sérieusement avec lui dans le traitement de leurs griefs.

[9]   L’audience de ces plaintes a lieu le 14 mars 2005, à Montréal, Québec.   En début d’audience, l’employeur s’oppose à la recevabilité des plaintes.   Il est alors convenu que je rende une décision sur cette objection avant d’aller plus loin dans cette affaire.

[10]   Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, est proclamée en vigueur.   En vertu de l’article 39 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, la Commission demeure saisie de ces plaintes.

Résumé de l’argumentation

[11]   L’employeur soutient que les plaignants n’allèguent aucune pratique de travail interdite par la Loi.   L’employeur souligne que les dispositions pertinentes de la Loi portent sur des questions relatives au refus d’emploi, à l’intimidation et à des menaces de sanction pécuniaire ou disciplinaire.

[12]   Dans la présente affaire, les plaignants contestent le traitement des griefs de classification présentés par MM. Perreault, Vallée et Dubé et allèguent que l’employeur a ignoré que M. Groulx les représentait.   Ils n’allèguent aucune pratique déloyale de travail spécifique de la part de l’employeur.

[13]   Les plaignants réfèrent aux documents déposés en annexe de leurs plaintes, notamment ceux joints à celle de M. Groulx.   Ce dernier prétend que, en tant que représentant de MM. Perreault, Vall ée et Dubé , il n’a pas reçu de l’employeur les réponses à leurs griefs de classification.   M. Groulx soutient que, en omettant de transiger avec lui à titre de représentant de MM. Perreault, Vallée et Dubé, l’employeur cherchait à intimider ces derniers dans l’exercice de leurs droits, notamment celui d’exercer des recours en matière de classification.

[14]   En conclusion, M. Groulx souligne que l’employeur savait qu’il représentait MM. Perreault, Vallée et Dubé dans leurs griefs de classification puisque ces derniers l’ont identifié comme représentant sur leurs formules de présentation de grief.   M. Groulx représente aussi MM. Perreault, Vallée et Dubé dans leurs plaintes et a d’ailleurs confirmé ce fait à la Commission le 6 avril 2004.

[15]   En réplique, l’employeur fait remarquer que le litige porte sur une question de classification et que la Commission n’a pas compétence pour traiter d’une telle question.   Les reproches formulés par les plaignants et l’ordonnance qu’ils recherchent ont essentiellement trait au processus de classification.

[16]   Selon l’employeur, les faits allégués par les plaignants ne portent pas sur l’une ou l’autre des pratiques de travail interdites par la Loi et ne peuvent faire l’objet d’une plainte.

Motifs

[17]   Les pratiques déloyales de travail alléguées sont-elles visées par les interdictions mentionnées dans la Loi ?  En énumérant quelles pratiques de travail sont interdites, le législateur a limité la portée de la Loi à cette énumération. La Loi parle de refus d’emploi, de discrimination, d’intimidation, de menaces, etc. Il s’agit-là de termes génériques laissant place à l’interprétation de la Commission, mais encadrant aussi le champ de sa compétence.

[18]   Il ne fait aucun doute que les gestes que les plaignants reprochent à l’employeur s’inscrivent dans le cadre de la procédure relative aux griefs de classification.   Les faits allégués dans les plaintes sont les suivants :

  1. avoir informé directement MM. Perreault, Vallée et Dubé que la description de tâches de leurs postes avait été mise à jour et réévaluée;
  2. ne pas avoir donné la même information à M. Groulx, qui agissait à titre de représentant pour leurs griefs de classification;
  3. dans le cas de M. Vallée, avoir indiqué qu’un nouveau grief devrait possiblement être déposé.

[19]   Même en acceptant que les plaignants puissent se sentir intimidés par la façon de l’employeur de traiter leurs griefs de classification, les gestes de l’employeur ne laissent suggérer aucune intimidation, menace, etc., au sens où l’entend la Loi.   De façon objective, les gestes de l’employeur ne peuvent pas être considérés comme des pratiques de travail interdites par la Loi.   En effet, rien ne laisse entendre que l’employeur aurait agi ainsi en représailles du fait que MM. Perreault, Vallée et Dubé ont présenté des griefs de classification ou parce que les plaignants appartiennent à une organisation syndicale.

[20]   Les gestes que l’employeur a posés à la suite de la présentation des griefs de MM. Perreault, Vallée et Dubé en janvier 2004 semblent s’inscrire dans le traitement des griefs de classification.   J’accepte l’argument de l’employeur voulant que ces gestes sont légitimes.

[21]   Finalement, M. Groulx indique que l’employeur l’a ignoré.   Il est possible qu’il ait eu des difficultés à se faire entendre par l’employeur.   Cependant, au moment où les plaintes sont logées, le seul manquement de l’employeur serait de ne pas avoir transmis à M. Groulx une copie des lettres envoyées aux fonctionnaires qu’il représente.   Bien que cette omission soit regrettable, elle ne constitue pas une pratique de travail interdite par la Loi.   Ici encore, rien ne démontre que l’employeur ait agi ainsi en représailles du fait que MM. Perreault, Vallée et Dubé ont présenté des griefs ou parce que les plaignants appartiennent à une organisation syndicale.

[22]   Les plaignants sont liés par les faits allégués dans leurs plaintes.   Telles que formulées, leurs plaintes ne portent pas sur des pratiques déloyales de travail au sens de la Loi .   De plus, l’ordonnance qu’ils demandent suggère plutôt qu’ils recherchent la reclassication de leurs postes.   Si les plaignants veulent se plaindre de la classification de leurs postes, ils doivent le faire dans le cadre de nouveaux griefs de classification.

[23]   Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[24]   Les plaintes sont rejetées.

Le 6 décembre 2005.

Jean-Pierre Tessier,
commissaire

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