Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a été licencié en août 2001 - en 1996, il avait informé l’employeur de son problème d’alcool - l’employeur a dirigé le fonctionnaire s’estimant lésé vers le Programme d’aide aux employés - le fonctionnaire s’estimant lésé s’est absenté à plusieurs reprises de son travail, mais l’employeur n’a pas débité ces absences - le fonctionnaire s’estimant lésé a entrepris une thérapie dans un centre de traitement - l’employeur a fourni au fonctionnaire s’estimant lésé le transport pour se rendre au centre et n’a pas débité ces absences - le fonctionnaire s’estimant lésé était traité par un médecin pour des troubles liés à une substance psychoactive - le fonctionnaire s’estimant lésé a été arrêté pour facultés affaiblies et infraction à l’ordre public - le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé de se faire rembourser des services de taxi à des fins personnelles - le fonctionnaire s’estimant lésé a été arrêté pour conduite sans permis - il a été envoyé en prison et ne s’est pas présenté au travail et n’a pas appelé - il a demandé qu’on lui donne l’occasion de se reprendre - le fonctionnaire s’estimant lésé a offert de travailler le nouveau quart de fin de semaine - l’employeur a accepté, mais le fonctionnaire s’estimant lésé ne s’est pas présenté - il a continué à s’absenter du travail et a été averti que ses absences posaient un problème - le fonctionnaire s’estimant lésé a traité les entrepreneurs de manière abusive - il a continué à s’absenter fréquemment - il a menacé un collègue de travail après ses heures de service ainsi qu’au lieu de travail - il a soumis de faux bons de commande du gouvernement - le médecin du fonctionnaire s’estimant lésé a établi qu’il souffrait d’un trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention - le fonctionnaire s’estimant lésé et l’employeur ont conclu une entente de la dernière chance - le fonctionnaire s’estimant lésé a commencé à suivre un programme de traitement de la toxicomanie - un incident est intervenu avec une ancienne amie et il a été arrêté pour vol - il a été arrêté pour conduite avec facultés affaiblies - il a été accusé de voies de fait contre un chauffeur de taxi - il a été vu par un psychiatre qui a infirmé le diagnostic de trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention et a plutôt établi qu’il souffrait de troubles liés à une substance psychoactive - le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas terminé son programme de désintoxication comme l’exigeait l’entente de la dernière chance - la preuve démontre que, suite à son licenciement, le fonctionnaire s’estimant lésé s’est réhabilité - l’arbitre a jugé que, même s’il fallait seulement qu’un des cinq critères Millhaven s’applique pour justifier la prise de mesures disciplinaires, le fonctionnaire s’estimant lésé satisfaisait à trois de ces critères - l’arbitre a jugé que le comportement du fonctionnaire s’estimant lésé justifiait son licenciement et qu’il n’était pas nécessaire de tenir compte de l’entente de la dernière chance - il a privilégié les témoignages médicaux pour l’employeur au témoignage du médecin du fonctionnaire s’estimant lésé - il a statué qu’il n’existait pas de liens entre la maladie du fonctionnaire s’estimant lésé et les actes criminels qu’il avait commis, et que l’employeur avait tenu compte des besoins du fonctionnaire s’estimant lésé, ce qui représentait une charge onéreuse pour l’employeur - la preuve présentée après le licenciement n’était pas pertinente car elle ne permettait pas de clarifier le caractère raisonnable du licenciement au moment où la décision avait été rendue. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-05-20
  • Dossier:  166-2-32401
  • Référence:  2005 CRTFP 46

Devant un arbitre de grief



ENTRE

RONALD CASEY

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Travaux publics et Services gouvernementaux Canada)

employeur

Répertorié
Casey c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant : Guy Giguère, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé : David Landry, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur : Richard E. Fader, avocat


Affaire entendue à Halifax (Nouvelle Écosse),
du 6 au 8 avril et du 21 au 24 septembre 2004.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)


Grief renvoyé à l'arbitrage

[1]   Le 5 octobre 2001, M. Ronald Casey, magasinier à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), a présenté un grief pour contester son licenciement.   Il indique que la mesure était injuste et non justifiée et qu'il n'a participé d'aucune manière à l'enquête administrative ayant donné lieu à la décision.   À titre de mesure corrective, il demande d'être réintégré dans un poste convenable à TPSGC, comme il avait naguère été prévu.

[2]   L'instruction du grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs s'est tenue le 27 février 2003, car le représentant de l'agent négociateur, M. Robert Kipper, voulait effectuer certaines recherches dans cette affaire et établir une période témoin pour démontrer que le fonctionnaire s'estimant lésé s'était réadapté.

[3]   Le 25 avril  2003, M. Melvern B. Skinner, Sous-ministre adjoint, Ressources humaines, a répondu au grief de M. Casey au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.   Il indique qu'il a pris en considération les arguments présentés par le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé, le 27 février 2003, et qu'il rejette le grief car, à son point de vue, le licenciement était justifié et la décision fondée, compte tenu de l'information disponible.

[4]   Le 6 juin 2003, le grief a été renvoyé à l'arbitrage par l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC). Le 20 octobre 2003, à la demande de l'AFPC, l'affaire a été mise en suspens en attendant une décision de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) relativement à une directive donnée en vertu de l'article 41 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP).

[5]   L'alinéa 41(1)b) de la LCDP est libellé comme suit :

[...] la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu'elle estime celle-ci irrecevable pour un des motifs suivants :

[...] b ) la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures prévues par une autre loi fédérale [...]

[6]   Le 7 janvier 2004, l'AFPC a écrit à la Commission pour lui faire savoir que la CCDP avait décidé que M. Casey devait épuiser les recours prévus dans le cadre de la procédure de règlement des griefs, conformément à l'alinéa 41(1)b) de la LCDP, et lui demander de mettre l'affaire au rôle dans les plus brefs délais.

[7]   Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, je demeure saisi de ce renvoi à l'arbitrage, sur lequel je dois statuer conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C., 1985, ch. P-35 (« l'ancienne Loi  »).

Résumé de la preuve

[8]   M. Casey a commencé sa carrière dans l'administration fédérale en 1988, au ministère des Approvisionnements et Services de l'époque. Il a d'abord été employé comme ouvrier d'entrepôt avant d'être muté, quatre mois plus tard, à un poste de conducteur de matériel. En 1992, il a été nommé magasinier, GS-STS-04, aux Opérations d'impression de Dartmouth.

[9]   M. Rick Grimes, gestionnaire régional des Opérations d'impression, a déclaré avoir été informé, au moment où il est devenu le supérieur de M. Casey en 1995, que c'était un travailleur fiable et très compétent. Or, il dit avoir rapidement constaté des problèmes. Il trouvait M. Casey endormi dans la salle de déchiquetage, le secteur physique dont il avait la responsabilité était désorganisé et M. Casey était souvent absent pour cause de maladie les jeudis et les vendredis. M. Grimes a eu une rencontre avec M. Casey en octobre 1995 pour discuter de ces problèmes.

[10]   M. Grimes a déclaré qu'avant de faire carrière dans l'administration fédérale, il avait travaillé dans une maison de transition pour toxicomanes et alcooliques où il avait fait du counselling auprès des résidents pour les aider à surmonter leurs problèmes. Après sa rencontre avec M. Casey, il l'avait dirigé vers Mme Judy Manchester, du Programme d'aide aux employés (PAE).

[11]   À la mi-novembre 1995, M. Casey a été victime d'un grave accident de voiture, qui l'a forcé à s'absenter du travail jusqu'en janvier 1996. Il s'était endormi et sa voiture avait percuté un lampadaire (pièce G-12, p. 3). Il était en état d'ébriété à ce moment-là, mais aucune accusation n'a été portée contre lui. Il est demeuré dans le coma pendant plusieurs jours et a été absent du travail plusieurs mois, pendant lesquels il a consommé de la drogue. Après son retour au travail, il s'absentait souvent, sans préavis. En février 1996, il a admis à M. Grimes qu'il avait un problème d'alcool et celui-ci l'a dirigé à nouveau vers le PAE.

[12]   Le 4 mars 1996, M. Grimes a reçu un appel au travail. Sur le coup, il n'a pas reconnu la voix de M. Casey, qui était absent du travail depuis un certain temps, sans en avoir avisé l'employeur. M. Grimes lui a expliqué qu'il allait peut-être être obligé de lui infliger une suspension. M. Casey a répondu que cela ne serait peut-être pas nécessaire. M. Grimes lui a demandé pourquoi; il a déclaré que la réponse lui serait donnée avant la fin de la journée.

[13]   Plus tard dans l'après-midi, M. Grimes a reçu un appel de la mère de M. Casey, qui voulait l'informer que la police était venue arrêter son fils. M. Casey était sorti de la maison en brandissant un fusil et la police avait été obligée de le désarmer; le fusil n'était cependant pas chargé. M. Grimes croit se rappeler que ces événements ont été rapportés dans le journal.

[14]   M. Casey a été absent du travail de 8 à 10 jours, mais aucune mention n'en est faite dans son dossier d'absence (pièce E-4). M. Grimes a déclaré que les absences de M. Casey n'étaient pas comptabilisées. Les événements en cause remontaient à plusieurs années et M. Casey n'avait pas suffisamment de crédits de congés à l'époque pour compenser pour ses nombreuses absences; l'employeur avait donc essayé de composer avec sa situation en ne comptabilisant pas ses absences.

[15]   Le 12 mars 1996, M. Grimes a été informé par téléphone que M. Casey avait été admis dans un centre de traitement à Kentville. L'employeur a composé à nouveau avec la situation en demandant à M. Brown, le chef de poste, de le conduire jusqu'au centre de traitement et de ne pas comptabiliser son absence. À la fin de la première semaine, M. Casey a décidé de quitter le centre de traitement. Il est retourné au travail en meilleure forme, mais ses absences ont repris. Le 2 avril 1996, il a appelé M. Grimes pour lui dire qu'il voulait revenir au travail. M. Grimes a répondu que, s'il était abstinent (de drogue ou d'alcool), il pouvait revenir au travail. Il a également informé M. Casey qu'il devait se rendre à Ottawa la semaine suivante et que c'est M. Mike MacIsaac qui serait son superviseur. Comme M. Casey ne voulait pas être supervisé par M. MacIsaac, il a demandé l'autorisation de prendre un congé annuel.   M. Grimes a accédé à sa demande en lui indiquant qu'il devait être sobre à son retour au travail.

[16]   Le 1er mai 1996, M. Grimes a reçu un appel de M. Casey, qui voulait obtenir son aide pour être admis à un programme de désintoxication. M. Grimes a communiqué avec plusieurs personnes pour lui venir en aide, dont M. Mike Lavery, le représentant syndical, qui a accepté de faire des démarches pour le compte de M. Casey.

[17]   Le 5 mai 1996, M. Grimes a reçu un autre appel de M. Casey, qui l'informait qu'il allait bien, mais qu'il se trouvait à l'hôpital et qu'il voulait revenir au travail. M. Grimes lui a conseillé de demander l'avis du conseiller du programme à ce sujet et de ne pas essayer de revenir au travail de sa propre initiative.

[18]   Quelques jours plus tard, M. Casey s'est présenté au bureau de M. Grimes, qui l'a trouvé trop faible pour revenir au travail et lui a conseillé de consulter un médecin.   M. Casey a répondu que son médecin allait juste lui demander quand il voulait retourner au travail. M. Grimes a insisté pour qu'il consulte son médecin et M. Casey a répondu que son médecin allait faire ce qu'il lui demanderait de faire. Il a demandé s'il avait raison de penser qu'il risquait de perdre son emploi à la prochaine incartade et M. Grimes lui a répondu qu'il n'était pas loin de la vérité.

[19]   M. Grimes a téléphoné au Centre de toxicomanie afin de prendre rendez-vous pour M. Casey pour le vendredi suivant. Il s'est entendu pour qu'on l'appelle si M. Casey ne se présentait pas au rendez-vous. Le centre lui a également indiqué que M. Casey allait faire l'objet d'une évaluation en vue de son admission au programme de réadaptation de Kentville. M. Casey a demandé à M. Grimes si l'employeur était disposé à lui venir en aide en continuant de lui verser sa rémunération pendant la durée de sa participation au programme de réadaptation. M. Grimes a répondu qu'il était disposé à en discuter avec lui, pour autant qu'il se présente à l'entrevue préalable. M. Grimes a indiqué à l'audience que M. Casey omettait souvent de se présenter à ce genre de rendez-vous et qu'ils avaient convenu que Grimes devait attendre de recevoir sa fiche de présence avant de prendre un tel engagement.

[20]   M. Grimes a aussi indiqué qu'ils concluaient des ententes analogues chaque fois que M. Casey entreprenait une certaine forme de thérapie pour régler son problème de toxicomanie. L'employeur payait les livres, lui fournissait un moyen de transport et s'abstenait de comptabiliser ses absences lorsqu'il n'avait pas les crédits de congé de maladie nécessaires.

[21]   Le 12 mai 1996, M. Bob Laperrière, conseiller du programme de réadaptation, a appelé M. Grimes pour lui dire que M. Casey voulait retourner au travail. M. Grimes a répondu que chaque fois que M. Casey avait bien mangé et bien dormi, il voulait laisser tomber sa thérapie, mais que ça se soldait toujours par un échec.   À son avis, M. Casey avait besoin d'un encadrement à temps plein.

[22]   Le 13 mai 1996, M. Grimes a reçu un appel de la mère de M. Casey, qui voulait l'informer que M. Casey consommait de la drogue et qu'il faisait encore des bêtises. Elle lui demandait de ne pas donner d'argent à son fils, car il s'en servait pour se procurer de la drogue. Elle avait appelé la police, qui devait venir le chercher l'après-midi même pour le conduire à l'Hôpital de la Nouvelle-Écosse, où il devait être soigné pour maladie mentale.

[23]   À 12 h 30 ce jour-là, M. Casey a appelé M. Grimes pour savoir s'il pouvait avoir   son chèque de paie plus tôt que prévu car il avait un réel besoin d'argent pour payer des factures. M. Grimes a répondu qu'il pouvait dire, à sa voix, que M. Casey avait consommé de la drogue ou de l'alcool et l'a prié de ne pas se présenter au travail avant le lendemain.

[24]   Le 15 mai 1996, M. Grimes a reçu un appel de M. Casey, qui l'informait qu'il avait demandé son admission au programme de réadaptation de Kentville le jour même. M. Grimes a répondu qu'il croyait que M. Casey était admis comme patient à l'Hôpital de la Nouvelle-Écosse. M. Casey a indiqué que ses démarches en ce sens avaient échoué. M. Grimes lui a demandé de l'aviser dès qu'il serait admis au programme de Kentville afin de lui indiquer qui serait la personne-ressource.

[25]   M. Grimes a expliqué à l'audience que, pendant les séjours de M. Casey à l'hôpital, l'employeur continuait de lui verser son salaire, mais que s'il abandonnait le traitement sans l'autorisation d'un médecin, il était alors mis en congé annuel ou en congé non rémunéré.

[26]   M. Casey a demandé de l'argent pour payer ses factures, mais M. Grimes a répondu qu'il allait vérifier auprès de la Section de la rémunération. Plus tard dans l'après-midi, M. Casey a appelé à nouveau pour dire qu'il n'avait ni argent ni moyen de transport pour se rendre à Kentville. Il demandait s'il pouvait prendre un taxi et en imputer les frais au ministère. M. Grimes lui a donné son accord et l'a informé qu'il pouvait récupérer son chèque de paie le lendemain à la Section de la rémunération.

[27]   Le 21 mai 1996, la mère de M. Casey a appelé M. Grimes pour lui dire que son fils avait été arrêté par la police pour avoir troublé la paix publique alors qu'il était en état d'ébriété. Cet incident s'est produit le vendredi 17 mai 1996 et M. Casey a été incarcéré jusqu'au lundi 20 mai 1996. M. Casey a été arrêté à nouveau le mardi 21 mai 1996 parce qu'il avait omis de se conformer à l'une de ses conditions de libération, soit se présenter au centre de traitement de Kentville. La mère de M. Casey a indiqué à M. Grimes que la date de la nouvelle comparution de son fils avait été fixée au mercredi 22 mai 1996 et qu'elle comptait le rappeler pour l'informer de l'issue de l'affaire.

[28]   M. Grimes a indiqué à l'audience qu'à l'époque, M. Casey était très inquiet parce que plusieurs personnes envers lesquelles il avait des dettes de drogue étaient à ses trousses. À un certain moment, M. Grimes a reçu un appel au travail de quelqu'un qui voulait parler à M. Casey. M. Grimes ayant répondu qu'il était absent, l'interlocuteur a laissé comme message que M. Casey était un homme mort s'il le trouvait. M. Grimes a rapporté cet incident aux services de sécurité, qui ont embauché un agent de sécurité pour garder l'entrée principale du lieu de travail.

[29]   Le 21 mai 1996, un chauffeur de taxi de Yellow Cab a appelé M. Grimes pour lui dire qu'il avait conduit M. Casey à Sackville la veille et que celui-ci lui avait laissé sa carte d'identité en guise de garantie de paiement. M. Casey était censé le rencontrer le lendemain matin au bureau pour lui remettre un bon de taxi, mais il lui avait fait faux bond. M. Grimes a répondu que TPSGC n'entendait pas payer les frais de taxi car il s'agissait d'une course personnelle. Plus tard dans l'après-midi, Mme Casey a appelé M. Grimes pour lui dire que son fils avait été condamné à une peine de 60 jours d'incarcération pour l'incident survenu plus tôt.

[30]   Le 26 mai 1996, M. Casey a appelé M. Grimes du centre de détention pour s'informer de sa situation au travail au terme de son incarcération. M. Grimes a répondu qu'il ne voulait pas discuter de cela pour l'instant, mais que si un autre incident se produisait, il entendait recommander son congédiement. M. Casey s'est dit soulagé d'apprendre cela; il a déclaré qu'il ne consommait plus de drogues et d'alcool et qu'il retrouvait progressivement la forme. Il prévoyait être incarcéré pendant une quarantaine de jours, après quoi il entendait vérifier si son admission au centre de réadaptation de Kentville était toujours valable. Il voulait savoir si, dans l'intervalle, il pouvait obtenir un congé annuel ou un congé non rémunéré. M. Grimes a confirmé qu'il allait autoriser un congé non rémunéré et informer la Section des relations de travail des événements.

[31]   Le 2 juillet 1996, M. Casey a commencé à se faire soigner par la Dre Ahmed (pièce G-15). Elle l'a reçu plusieurs fois en consultation en juillet et les mois subséquents. Son diagnostic était qu'il avait un problème de toxicomanie. M. Casey a indiqué à l'audience que la Dre Ahmed, omnipraticienne, était son médecin de famille.   Sa mère, qui était une de ses patientes, la lui avait recommandée. La Dre Ahmed lui a conseillé de consulter la Dre Janet Campbell, omnipraticienne, spécialiste en toxicomanie, et lui a également recommandé de suivre des traitements d'acupuncture.

[32]   M. Casey est revenu au travail en août 1996. M. Grimes a apporté quelques modifications à son poste de 10 h à 18 h pour lui permettre de suivre ses traitements. M. Casey était capable de faire de l'exercice en matinée et de s'absenter pendant une heure, une heure et demie l'après-midi pour suivre ses traitements. L'employeur prenait en charge les frais de taxi aller-retour au centre de traitement.

[33]   Le 13 août 1996, M. Casey est allé voir M. Grimes à son bureau pour lui dire que les traitements ne lui semblaient plus nécessaires et qu'il n'en retirait rien. M. Grimes a répondu que M. Casey se sentait juste trop sûr de lui, qu'il avait fait des progrès seulement pendant sa période d'incarcération et qu'il régressait depuis son retour au travail. Il lui a conseillé de suivre la voie de la guérison, c'est-à-dire de laisser tomber son attitude impertinente et de s'investir dans son groupe et aussi d'écouter son conseiller en gardant l'esprit ouvert. Cela a mis M. Casey très en colère. M. Grimes lui a conseillé d'aller consulter Mme Judy Manchester du PAE.

[34]   Le 16 août 1996, M. Casey s'est rendu une nouvelle fois au bureau de M. Grimes pour lui dire qu'il en avait assez du programme, qu'il n'en retirait aucun bienfait et qu'il voulait recommencer à travailler à temps plein. M. Grimes s'est dit en désaccord avec cette décision et lui a conseillé de poursuivre son traitement.

[35]   Le 12 septembre 1996, la police a appelé M. Grimes pour l'informer que M. Casey avait été arrêté au volant d'une voiture alors qu'il était sous le coup d'une interdiction temporaire de conduire. Il était incarcéré et ne pouvait donc pas se présenter au travail. À l'époque, M. Casey continuait de s'absenter du travail sans en aviser l'employeur.

[36]   Le 13 septembre 1996, Mme Casey a appelé M. Grimes pour lui dire que son fils était complètement saoul et qu'il avait essayé de mettre fin à ses jours.

[37]   Le 19 septembre 1996, M. Casey a eu une rencontre avec M. Grimes. Il s'est confondu en excuses et lui a demandé de lui accorder une nouvelle chance. M. Grimes lui a répondu qu'il avait épuisé toutes ses chances et qu'il allait recevoir un avis disciplinaire assorti d'une suspension.

[38]   Le 20 septembre 1996, M. Casey a eu un autre rencontre avec M. Grimes et lui a demandé de lui laisser la chance de faire ses preuves. Il y avait du travail à effectuer aux Opérations d'impression durant la fin de semaine et M. Casey a demandé l'autorisation de travailler le samedi et le dimanche. M. Grimes a commencé par dire qu'il ne voulait pas que M. Casey travaille les fins de semaines, mais il s'est ravisé et a décidé de lui accorder la possibilité de montrer qu'il avait changé. Or, M. Casey ne s'est pas présenté au travail et M. Grimes a été obligé d'appeler un remplaçant.

[39]   Le lundi 23 septembre 1996, M. Casey a appelé aux Opérations d'impression pour dire qu'il n'entrait pas au travail. Plus tard dans l'après-midi, il a appelé M. Grimes pour l'informer qu'il avait encore commis une incartade. Il a expliqué qu'il avait demandé à son médecin de le faire admettre au programme CORE et qu'il comptait y rester jusqu'à son admission au centre de traitement de Kentville.   M. Grimes a répondu qu'il n'y voyait pas d'objection, mais que ses absences répétées du travail commençaient à causer des problèmes.

[40]   Le 26 septembre 1996, M. Casey a omis de se présenter à une rencontre avec M. Grimes et son représentant syndical. Il a appelé par la suite et laissé un message à l'intention de M. Grimes.   Ce dernier a expliqué que M. Casey avait l'habitude d'appeler tard, souvent à 2 h, pour lui laisser des messages.

[41]   Quelques jours plus tard, M. Casey a appelé M. Grimes et lui a demandé s'il pouvait lui obtenir un forfait de départ. Il y avait un processus de réduction des effectifs en cours à ce moment-là dans l'administration fédérale et les employés touchés pouvaient recevoir un forfait de départ. M. Grimes a informé M. Casey qu'il était contre une telle idée car ce n'était pas dans son intérêt de démissionner, mais il l'a quand même dirigé vers la Section du personnel.

[42]   M. Casey a rappelé dans l'après-midi pour obtenir son chèque de paie.   M. Grimes lui a répondu qu'il avait seulement travaillé un jour ou deux dans les deux dernières semaines. M. Casey s'est informé au sujet de la suspension et M. Grimes lui a indiqué qu'il ne pouvait s'y soustraire. M. Casey a rappelé dans l'après-midi pour demander à nouveau s'il continuerait d'être rémunéré s'il se faisait admettre au programme CORE. M. Grimes lui a répondu que non, étant donné qu'il avait déjà pris plusieurs fois l'engagement de participer à un programme de réadaptation sans y donner suite.

[43]   Le 30 septembre 1996, M. Casey a appelé à nouveau pour avoir son chèque de paie. M. Grimes a répondu qu'il avait reçu trop d'argent dans la dernière période de paie et que la politique était que, pour être rémunéré, il faut avoir travaillé. Comme il n'avait pas rempli sa part du marché, il ne pouvait pas être rémunéré, une situation à laquelle il devait désormais s'habituer.

[44]   M. Grimes a expliqué à l'audience qu'il avait perdu un de ses carnets de notes, pour la période comprise entre la mi-octobre 1996 et janvier 1998, durant un déménagement. Il a déclaré qu'un certain nombre d'événements s'étaient produits durant cette période; M. Casey revenait au travail puis retombait dans ses vieilles habitudes. Il était désagréable avec ses collègues; il les piquait au vif et leur faisait des menaces. Son travail était mal fait. L'inventaire et les fournitures n'étaient pas bien tenus. Les autres employés étaient obligés de compenser pour ses lacunes. Il prenait des taxis et en imputait les frais au ministère.

[45]   M. Grimes a convoqué une réunion avec M. Casey, M. Mike Lavery, représentant syndical, et M. Shawn Brown, superviseur, le 23 décembre 1997, pour discuter de l'utilisation des bons de taxi (pièce E-6). Après avoir examiné les arguments de M. Casey et le registre d'utilisation des bons de taxi, M. Grimes a déterminé que M. Casey en avait fait un usage abusif à des fins personnelles. M. Casey a donc été obligé de rendre les bons inutilisés ainsi que la carte de crédit Mastercard émise à son nom pour les achats des Opérations d'impression. Il a également été obligé de rembourser un montant de 154,65 $ relativement à l'usage abusif des bons de taxi.   Une réprimande écrite (pièce E-6) a aussi été versée à son dossier. On a prévenu M. Casey qu'un nouvel écart de conduite l'exposait à une mesure disciplinaire plus sévère pouvant aller jusqu'au congédiement.

[46]   Le 21 janvier 1998, M. Casey a sollicité une rencontre avec M. Grimes pour discuter de sa prochaine appréciation du rendement. Il voulait savoir si l'incident des bons de taxi allait être pris en considération. M. Grimes lui a répondu que non, puisqu'il y avait déjà eu une sanction disciplinaire.

[47]   M. Casey a demandé où il se situait actuellement eu égard à son rendement et M. Grimes lui a répondu qu'il n'obtenait même pas la cote satisfaisant. Ils ont argumenté quelque peu à ce sujet et M. Casey a fini par admettre que M. Grimes avait probablement raison. Il a demandé ce qu'il pouvait faire pour améliorer son rendement et M. Grimes a répondu que si M. Casey accomplissait son travail et évitait d'avoir des ennuis jusqu'à la fin de mai, il était disposé à lui accorder la cote entièrement satisfaisant.   Il n'y aurait pas de seconde chance et il ne devait pas y avoir d'incident.

[48]   M. Casey s'est informé ensuite de sa classification. M. Grimes a répondu que c'était une question différente, mais qu'il s'interrogeait sur sa capacité de superviser, surtout depuis les incidents où M. Casey s'était montré agressif, belliqueux, hostile et avait affiché une attitude négative. Il devait d'abord s'appliquer à régler ces problèmes avant de pouvoir songer à obtenir un poste de superviseur. M. Grimes a rappelé la fois où M. Casey était occupé à télécharger de l'information à son ordinateur quand un employé lui avait demandé une enveloppe. M. Casey avait tardé à répondre et l'employé s'était plaint. M. Casey avait alors menacé de lui régler son compte.   M. Grimes a expliqué à M. Casey de quelle manière il aurait dû réagir, sans user de menaces.

[49]   En contre-interrogatoire, M. Grimes a indiqué qu'il n'était pas présent quand cet incident s'est produit et que M. Casey n'avait pas fait l'objet d'une mesure disciplinaire. Lorsqu'il lui avait fait la lecture de la description de l'incident, M. Casey n'avait pas protesté.

[50]   Le 26 mars 1998, M. Grimes a rencontré M. Casey, qui venait d'être accusé de possession de cocaïne, et l'a avisé qu'il ne pouvait plus conduire le véhicule du ministère. M. Grimes a précisé à l'audience qu'il ne s'agissait pas d'une réunion disciplinaire.

[51]   M. Grimes a rencontré à nouveau M. Casey les 27 et 28 mars 1998. M. Casey l'a informé que les accusations qui pesaient contre lui allaient probablement être rejetées car il s'agissait d'un malentendu. Il a indiqué qu'il prenait des médicaments pour contrôler son besoin de cocaïne, puis il a demandé l'autorisation de prendre un congé pour suivre un traitement médical. M. Grimes s'est dit disposé à lui accorder n'importe quel congé pour l'aider à régler son problème. M. Casey a proposé de se soumettre à un test de dépistage de la drogue. Si le test était positif, il était prêt à quitter le lieu de travail et à prendre un congé non rémunéré. M. Grimes a décidé de ne pas accepter cette proposition, mais lui a offert, en échange, de cesser de prendre des notes, de tirer un trait sur l'affaire.

[52]   L'appréciation du rendement de M. Casey a été produite en preuve en contre-interrogatoire (pièce G-1). Elle porte la signature des superviseurs immédiats de M. Casey, soit MM. Shawn Brown et Ian Gosse, et vise la période du 1er avril 1997 au 30 mars 1998. M. Grimes a indiqué que ce document avait été préparé dans le but de soutenir et d'encourager M. Casey. L'entente intervenue avec M. Casey était qu'il devait s'appliquer au travail jusqu'en mai 1998 pour obtenir la cote entièrement satisfaisant.   M. Casey a témoigné que, par la suite, il avait reçu des félicitations de ses superviseurs immédiats dans son rapport d'appréciation.

[53]   En décembre 1998, M. Grimes a décidé de revenir sur sa décision et de documenter le rendement de M. Casey car, au cours des derniers mois, il s'était produit plusieurs incidents où M. Casey avait manqué de jugement. Il était grossier envers les entrepreneurs; il se querellait avec ses collègues et il avait omis de produire les rapports d'inventaire deux mois de suite. Il s'agissait de graves rechutes et M. Grimes avait fait part de ses préoccupations à M. Casey. Ses absences étaient fréquentes et il avait omis de se présenter à une conférence sur la toxicomanie à Fredericton (Nouveau-Brunswick), pour laquelle le ministère avait pris en charge ses frais d'hébergement, d'inscription et de transport et lui avait même remis une avance pour ses frais.

[54]   Le 22 décembre 1998, M. Grimes a convoqué une réunion avec M. Casey, son représentant syndical et un conseiller en relations de travail pour discuter des fréquentes absences de M. Casey et de son omission d'en aviser son superviseur (pièce E-7). M. Grimes a informé M. Casey qu'il lui imposait une suspension d'une journée à titre de mesure disciplinaire.

[55]   M. Lee Allen Bushell, un ancien collègue de M. Casey, a expliqué qu'il avait reçu une assignation à comparaître de l'employeur, mais qu'il aurait préféré ne pas avoir à témoigner. Il a relaté un incident survenu après   le travail, alors que les employés s'étaient rassemblés dans un bar (le Rodeo Lounge), en 1999, si ces souvenirs étaient bons. Il pense avoir taquiné M. Casey au sujet de la perte de sa maison; ni l'un ni l'autre n'était en état d'ébriété à ce moment-là. Toujours est-il qu'un peu plus tard, dans les toilettes, M. Casey a voulu en venir aux coups. Le lendemain, M. Casey l'a appelé chez lui pour lui dire qu'il allait le frapper la prochaine fois qu'il le verrait. M. Bushell a alors décidé de porter plainte à la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Après cet incident, il s'est efforcé d'éviter tout contact avec M. Casey. Cela n'a toutefois pas empêché M. Casey de lui faire des menaces par la suite au travail. Alors qu'ils marchaient en direction des Opérations d'impression, M. Casey, qui était contrarié, lui a déclaré qu'il finirait bien par l'avoir.

[56]   Le 18 janvier 1999, M. Casey a sollicité une rencontre avec M. Grimes. Il était dans tous ses états et peinait à retenir ses larmes. Il a indiqué à M. Grimes qu'il avait obtenu son admission au programme de Kentville à compter du 22 janvier 1999, mais qu'il ne lui restait plus de crédits de congé de maladie. Il voulait savoir si l'employeur pouvait lui en avancer. M. Grimes lui a répondu que oui, mais seulement s'il prenait part au programme et que son assiduité était confirmée. S'il omettait de faire acte de présence, il serait considéré comme en congé non rémunéré. Le 20 janvier 1999, M. Casey a informé M. Grimes qu'il avait rendez-vous avec un médecin pour obtenir son admission au programme CORE.

[57]   Le 21 janvier 1999, M. Grimes a reçu un appel du gérant d'un magasin Canadian Tire, qui lui a expliqué que   M. Casey avait utilisé, le 16 janvier 1998, un bon de commande du gouvernement pour acheter une console Sony et des jeux. Il avait retourné la console et payé les jeux comptant le 18 janvier 1999. Il était retourné au magasin le 21 janvier 1999 muni d'un autre bon de commande pour acheter un magnétoscope à cassettes. M. Grimes a informé le gérant que ces achats n'avaient pas été autorisés et lui a demandé de ne plus accepter de commande d'achat de M. Casey.

[58]   M. Casey ne s'est pas présenté au travail ce jour-là ni le lendemain; il n'a pas non plus avisé l'employeur de son absence. M. Grimes a donc décidé de lui infliger une suspension. Par mesure de sécurité, il a fait annuler l'accès électronique de M. Casey et changer les serrures de l'immeuble ainsi que la combinaison du coffre-fort, où étaient conservés les chèques. Il a aussi demandé une vérification de tous les achats effectués par M. Casey dans les six derniers mois et fait des démarches auprès de la Section du personnel pour que M. Casey soit muté à un autre poste à l'extérieur des Opérations d'impression.

[59]   Le 25 janvier 1999, M. Casey a appelé M. Grimes pour obtenir un congé annuel et prendre des dispositions en vue de son admission au programme CORE. M. Grimes l'a informé qu'il faisait face à une suspension de trois jours pour ses absences et son omission d'en aviser qui que ce soit. M. Casey a admis que c'était une sanction juste.   M. Grimes l'a interrogé au sujet des achats effectués au Canadian Tire à l'aide des bons de commande. M. Casey s'est dit surpris d'apprendre que M. Grimes était au courant de ces achats et lui a demandé s'il allait être congédié. M. Grimes a répondu que c'était certainement une possibilité et que des accusations criminelles étaient aussi susceptibles d'être portées contre lui. Il lui a en outre conseillé de communiquer avec son syndicat.

[60]   Peu de temps après, M. Grimes a reçu un appel de la Dre Tahira S. Ahmed, que M. Casey et sa mère avaient consultée. Elle voulait savoir si M. Grimes pouvait faire quelque chose vu que c'était la première infraction de M. Casey. M. Grimes a répondu que c'était loin d'être sa première infraction. Il y avait eu l'usage abusif des bons de taxi en 1997, ainsi que la perte ou le vol, la même année, de la carte crédit émise à son nom. Soupçonnant que M. Grimes avait quelque chose à voir dans ce dernier incident, il lui avait demandé de rendre la carte de crédit. M. Casey avait un dossier peu reluisant pour les trois dernières années et il avait abusé de la confiance de M. Grimes.

[61]   M. Casey a appelé par la suite pour obtenir quatre jours de congé annuel, qui lui ont été accordés. Il a aussi demandé à M. Grimes d'appeler la Dre Ahmed et Mme Judy Manchester, du PAE, car il voulait être certain de ne pas être congédié.

[62]   Plus tard, M. Grimes a reçu un appel du magasin Radio Shack, qui voulait l'informer que M. Casey avait acheté un téléviseur avec magnétoscope intégré d'une valeur de 600 $ à l'aide d'un bon de commande. M. Grimes a témoigné qu'il recevait constamment des factures pour l'achat de magnétoscopes, de téléviseurs et de matériel électronique depuis l'appel du gérant du Canadian Tire, le 21 janvier 1999.

[63]   Le 28 janvier 1999, M. Grimes a écrit à M. Casey (pièce E-7). Il lui indiquait que la lettre visait initialement à confirmer la date de la suspension d'une journée qui lui avait été infligée pour avoir omis d'aviser son superviseur de ses absences en novembre et décembre 1998. Cependant, après avoir été mis au courant, le matin même, des achats non autorisés effectués à l'aide de bons de commande, il avait décidé de suspendre M. Casey de ses fonctions en attendant les résultats d'une enquête.

[64]   La Dre Ahmed, qui a témoigné à titre d'expert, a expliqué qu'elle avait commencé à soigner M. Casey en juillet 1996 (pièce G-15), à l'époque, pour toxicomanie et pour des problèmes occasionnels de dépression. Cependant, en janvier 1999, elle a posé un diagnostic de trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention (THADA) après avoir entendu le récit des troubles intellectuels et des autres problèmes que M. Casey avait éprouvés dans sa jeunesse.

[65]   La Dre Ahmed a expliqué comment on pose un diagnostic de THADA chez un adulte. Ce trouble se caractérise principalement par l'incapacité d'ordonner l'information : [traduction] « Il est impossible de poser un diagnostic de THADA tant que les patients n'expliquent pas qu'ils ont eu des problèmes à l'école, dans la société et dans leurs relations interpersonnelles quand ils étaient jeunes. »   Puisque M. Casey avait participé au programme CORE à l'Hôpital de la Nouvelle-Écosse sans réussir à mettre un terme à sa toxicomanie, elle était d'avis, à l'époque (pièce G-15, p. 3), que les symptômes qu'il décrivait coïncidaient davantage avec ceux du THADA.   Elle l'a soumis à un test utilisé par les spécialistes du THADA comme elle. Le test, qui dure un minimum de sept heures, n'est pas utilisé par les psychiatres. La situation décrite par M. Casey était sans équivoque, d'où le nouveau diagnostic de THADA primaire avec toxicomanie et troubles de l'humeur secondaires.

[66]   La Dre Ahmed a expliqué que les personnes souffrant du THADA qui n'ont pas été traitées dans leur enfance sont très susceptibles d'abuser de certaines substances, que ce soit le café, la cigarette, l'alcool ou la drogue. Elle a indiqué que les personnes atteintes du THADA ont fréquemment des démêlés avec la justice.

[67]   La Dre Ahmed a commencé à traiter M. Casey pour le THADA le 8 février 1999. Elle lui avait prescrit un antidépresseur dans le passé, mais après le diagnostic de THADA, son premier traitement avait été de lui prescrire un stimulant; M. Casey a reçu de l'information sur sa déficience et a bénéficié de séances de counselling pour apprendre à modifier son comportement.

[68]   Le 18 février 1999, une réunion a été convoquée avec M. Casey, son représentant syndical, M. Grimes et d'autres représentants de l'employeur.   M. Casey a présenté des excuses; il a déclaré que cela faisait un certain temps qu'il utilisait les bons de commande pour s'acheter du matériel électronique afin de se procurer la cocaïne épurée dont il avait besoin.

[69]   M. Casey achetait du matériel électronique à l'aide des bons de commande gouvernementaux et le revendait ensuite pour s'acheter de la drogue. Au début, il retournait au magasin quand il avait de l'argent et payait le matériel acheté en même temps qu'il récupérait les bons de commande. Par la suite, il avait perdu le contrôle de la situation. Il ne se rappelait pas combien d'achats du genre il avait effectué.

[70]   À l'issue de cette réunion, M. Grimes est allé consulter les conseillers en relations de travail car, à son point de vue, il s'agissait d'abus de confiance graves de la part de M. Casey; par mesure de sécurité, il voulait le tenir éloigné des Opérations d'impression. Il a demandé aux conseillers s'il y avait matière à congédiement. Ils lui a répondu que oui, probablement, mais que, dans les circonstances, peut-être y aurait-il lieu de conclure une entente de la dernière chance.

[71]   Le 12 mars 1999, M. Casey et TPSGC ont conclu une entente dite de la dernière chance (pièce E-9), dont le texte est reproduit ci-dessous :

[Traduction]

Les parties à la présente entente, sous réserve de toute position qu'elles pourraient faire valoir dans des affaires futures supposant des circonstances analogues ou identiques, acceptent, par les présentes, les conditions obligatoires suivantes :

1.        M. Casey convient de régler toutes les factures impayées relatives à des achats non autorisés d'une valeur de 2 417,80$, à raison de 100 $ par période de paie, jusqu'au remboursement complet de la dette.

2.        Une suspension de trente (30) jours est infligée à M. Casey pour inconduite.   La peine doit être purgée à son retour au travail au terme de son congé de maladie autorisé sans rémunération.

3.        M. Casey et son représentant syndical conviennent de ne pas présenter de grief relativement à la suspension et de retirer le grief daté du 12 février 1999.

4.        M. Casey et son représentant syndical consentent à ce que le fonctionnaire soit muté à un poste acceptable dans un groupe et à un niveau comparables, sans perte de salaire ni d'avantages.

5.        M. Casey convient de suivre un programme de réadaptation dans un établissement reconnu d'aide aux toxicomanes et de continuer à participer ultérieurement aux séances de counselling jugées nécessaires par cet établissement.

6.        M. Casey doit fournir à TPSGC des preuves de sa participation assidue au programme de réadaptation dans un établissement reconnu.

7.        M. Casey convient de se prévaloir des services fournis par le Programme d'aide aux employés.

8.        Les conditions décrites ci-dessus sont imposées en vertu du principe d'une « entente de la dernière chance ».   Cette entente constitue le dernier effort de la direction pour composer avec la situation de M. Casey au travail pour autant que les conditions décrites soient respectées à la lettre.

9.        La violation de l'une des conditions décrites ci-dessus ou l'omission de s'y conformer peut entraîner la prise de mesures immédiates de licenciement par la direction.

La présente entente ne peut être rendue publique ni n'est réputée constituer un précédent.

[72]   Dans une lettre (pièce E-8) en date du même jour adressée à M. Casey, M. Norm Boudreau, Directeur régional, Services gouvernementaux de télécommunications et d'informatique pour la région de l'Atlantique, indique que les 17 jours où M. Casey a été suspendu de ses fonctions, du 28 janvier au 19 février 1999, en attendant les résultats de l'enquête, étaient pris en considération aux fins de la suspension imposée. Le solde, soit 13 jours, devait être purgé après le retour au travail de M. Casey au terme de son congé de maladie sans rémunération.

[73]   M. Grimes a témoigné que ce qui avait été convenu à la réunion, tel qu'il est indiqué à l'article 5 de l'entente de la dernière chance, était que M. Casey mène à terme un programme de 28 jours semblable à celui offert à Kentville. Il avait aussi été convenu que M. Casey participerait ensuite à un programme de suivi analogue au programme de réadaptation CORE. M. Casey devait s'abstenir de se présenter au travail. Il devait communiquer uniquement avec le personnel du PAE afin de fournir la preuve de sa participation assidue aux divers programmes. Il continuait de relever de M. Grimes jusqu'à ce qu'on lui trouve un autre poste.

[74]   M. Casey a indiqué à l'audience qu'il n'était jamais retourné au travail après cela. Il avait accepté d'être muté à un autre poste, mais, dans l'intervalle, il se faisait soigner pour son problème de toxicomanie. Il a présenté une demande d'assurance-invalidité à la Sun Life et participé aux rencontres de divers groupes d'entraide et des Alcooliques Anonymes (AA). Il a continué d'entretenir des contacts ou d'avoir des rencontres avec Mme Judy Manchester, du PAE (pièce G-22), une fois par semaine, au début, jusqu'à la fin de septembre 1999, puis toutes les deux semaines par la suite, jusqu'en janvier 2000. Il a participé à des programmes quotidiens, où il faisait signer sa fiche de présence (pièce G-24), qu'il remettait ensuite à Mme Manchester ou à quelqu'un d'autre, selon le cas. Il a aussi consulté de nombreux médecins et psychologues durant cette période.

[75]   Le 15 avril 1999, la Dre Ahmed a écrit à Mme Rose Toteda, spécialiste des demandes de règlement à la Sun Life (pièce E-25), pour lui indiquer qu'elle voyait M. Casey toutes les semaines depuis le 21 janvier 1999 relativement au diagnostic de toxicomanie et de troubles de l'humeur. Elle précisait que M. Casey avait surtout un problème d'alcoolisme et de dépendance. Comme traitement, elle lui prescrivait du Revia, mais il ne prenait pas toujours le médicament comme il se devait et recommençait alors à boire. Il était censé être admis au Centre Crosbie le 15 mars 1999, mais à cause de problèmes au travail, il s'était remis à boire, ce qui avait retardé son admission au programme. La Dre Ahmed indiquait aussi qu'il n'avait pas consommé d'alcool ou de drogues illicites depuis quatre semaines au moins.

[76]   M. Casey était également suivi par la Dre Campbell, médecin généraliste spécialiste de l'alcoolisme et de la toxicomanie, qui lui a prescrit de nouveaux médicaments - Sentraline, Naltrexone, Wellbutrin, Clonidine et Methylphenidate (Ritalin) - vers la fin de mars 1999, après qu'un second diagnostic eut révélé qu'il était atteint du THADA (pièce E-25). M. Casey a expliqué, à l'audience, que ce diagnostic avait été posé par la Dre Ahmed et que la Dre Campbell lui avait prescrit du Ritalin, un médicament qui se révélait efficace dans le traitement des patients atteints du THADA ayant un problème de dépendance à la cocaïne. M. Casey prenait désormais ce médicament et faisait l'objet d'un suivi chaque semaine.

[77]   M. Casey participait au programme CORE d'aide aux toxicomanes et aux réunions des groupes d'entraide des AA (Alcooliques Anonymes), en plus de fréquenter la clinique du THADA de la Dre Ahmed. Cette dernière estimait que le prognostic de rétablissement était excellent pour autant que M. Casey suive assidûment le programme de traitement (pièce E-25) et prenne régulièrement ses médicaments.

[78]   Mme Edith Short, travailleuse en service social au bureau régional du centre de services de santé de la Nouvelle-Écosse, assurait un suivi périodique auprès de M. Casey et faisait rapport à Mme Manchester, du PAE (pièces G-6, G-7, G-8, G-9 et G-10).

[79]   Un incident est survenu en mai 1999, après que M. Casey eut rompu avec sa petite amie, Mme Vanessa Burgess (pièce E-14). Il est retourné à son appartement, lui criant de le laisser entrer car elle avait prétendument en sa possession des articles lui appartenant. Vers 6 h 30, il s'est introduit dans l'appartement par le balcon (pièce E-14) et s'est emparé d'un porte-clefs et d'un sac noir rempli d'accessoires de coiffure appartenant à Mme Burgess, qui exerce le métier de coiffeuse.   Plus tard dans la journée, il a été arrêté et accusé de vol.

[80]   En juin 1999, la Dre Ahmed a eu un entretien avec la Dre Campbell (pièce G-15, p. 4), qui offrait du counselling à M. Casey relativement à son problème de toxicomanie. Elle a noté que la Dre Campbell n'approuvait pas l'idée de lui prescrire un stimulant.

[81]   Le 18 juillet 1999, M. Casey a téléphoné à Mme Burgess pour lui dire qu'il était incarcéré et que c'était de sa faute à elle. À l'époque, il s'était engagé à ne pas s'approcher de chez elle et à s'abstenir d'avoir des contacts ou de communiquer avec elle. Il a eu des contacts avec elle par la suite, dans certains cas avec son accord.   Cependant, le 29 juillet 1999, Mme Burgess a indiqué qu'elle voulait mettre un terme à la relation. M. Casey, qui se trouvait chez elle, lui a demandé de retirer ses accusations, sinon les fenêtres de son appartement allaient voler en éclats (pièce E-16, p. 4). Il lui a dit qu'elle avait intérêt à retirer ses accusations le jour même, à défaut de quoi il allait venir lui régler son compte ou payer quelqu'un pour le faire à sa place. Il a ensuite quitté l'appartement, sans cesser pour autant de la harceler au téléphone pour qu'elle retire ses accusations. M. Casey a été assujetti à une ordonnance de probation d'une durée d'un an avec interdiction d'avoir des contacts ou de communiquer avec Mme Burgess, sauf lors de rencontres des AA ou des Narcotiques Anonymes (NA).

[82]   Le 19 janvier 2000, M. Casey a plaidé coupable à l'accusation de vol des biens de Mme Burgess en mai 1999 (pièce E-14).

[83]   En février 2000, M. Casey a recommencé à consulter la Dre Ahmed (pièce G-5).   La Dre Campbell ayant insisté pour qu'elle cesse de lui prescrire du Ritalin (pièce G-15, p. 5), elle estimait ne pas avoir d'autre choix. Elle a observé que M. Casey avait recommencé à consommer de la cocaïne et qu'il ne prenait pas le Revia pour contrôler son besoin d'alcool. La Dre Ahmed a témoigné que M. Casey avait cessé de prendre des stimulants vu que la Dre Campbell s'opposait à ce traitement, mais qu'elle avait décidé de lui en prescrire à nouveau en mai 2000.

[84]   Le 2 mai 2000, la Dre Ahmed a examiné M. Casey et posé un diagnostic de toxicomanie et de THADA (pièce G-13).

[85]   Le 2 juin 2000, M. Casey a téléphoné cinq fois à Mme Burgess, en violation de l'ordonnance en date du 19 janvier 2000 (pièces E-23 et E-16, page 4).

[86]   Le 7 juin 2000, la Dre Ahmed a reçu M. Casey en consultation. Il l'a informée qu'il participait assidûment au programme CORE et qu'il avait entrepris une cure de désintoxication de 10 jours à titre externe (pièce G-13). Elle l'a encouragé à persévérer et l'a soumis à nouveau à un traitement au Ritalin dans un cadre contrôlé.

[87]   Le 9 juin 2000 (pièce E-16, page 4, et pièce E-24), M. Casey conduisait un véhicule alors qu'il avait les facultés affaiblies. À une intersection, le véhicule a fait une embardée sur un îlot séparateur, évitant de justesse un véhicule et un groupe de piétons. M. Casey a continué à conduire son véhicule, qui allait dans tous les sens avec deux crevaisons à l'avant, jusqu'au domicile de ses parents. À l'arrivée de la police, il dégageait une forte odeur d'alcool. Il s'est querellé avec la police et a refusé de souffler dans l'ivressomètre, qu'il a fini par abîmer. À l'époque, il était sous le coup d'un engagement de ne pas consommer ni d'avoir en sa possession de l'alcool ou d'autres substances toxiques.

[88]   M. Casey a été arrêté et accusé, en vertu du paragraphe 253a) du Code criminel, de conduite avec facultés affaiblies, en vertu de l'alinéa 249(1)a), de conduite dangereuse, en vertu du paragraphe 254(5), d'avoir refusé de fournir un échantillon d'haleine aux fins d'un alcootest et, en vertu du paragraphe 430(4), d'avoir abîmé l'ivressomètre. Il a également été accusé d'avoir omis de se conformer à l'engagement contracté devant un juge de paix, le 5 juin 2000, ainsi que de possession et de consommation d'alcool ou d'autre substance toxique, en violation du paragraphe 145(3) du Code criminel (pièce E-24).

[89]    Le 15 juin 2000, la Dre Ahmed a écrit à Mme Toteda, de la Sun Life (pièce G-5), pour l'informer qu'elle avait recommencé à soigner M. Casey en février 2000. Elle indiquait que M. Casey participait au programme CORE depuis quelques semaines et qu'il était inscrit sur la liste d'attente pour être admis à un programme en établissement. Elle réitérait que le THADA non diagnostiqué était à l'origine de son problème de toxicomanie et indiquait que M. Casey devrait être apte à reprendre son travail une fois qu'il aurait pris part à des séances de modification comportementale et appris à contrôler les symptômes du THADA, dont la toxicomanie est l'un des plus importants.

[90]   Le 16 juin 2000, M. Casey a pris un taxi pour se rendre chez ses parents, mais il n'avait pas d'argent pour payer la course. Donc, pendant que le chauffeur attendait, il est entré dans la maison et en est ressorti une machette à la main, qu'il agitait en l'air, à une quinzaine de pieds du taxi. Craignant pour sa vie (pièce E-15, page 1), le chauffeur s'est empressé de quitter les lieux pour éviter tout problème et a ensuite appelé la police, qui a retrouvé la machette dans la maison. M. Casey, qui était fortement intoxiqué, a été incarcéré. Il a été accusé d'agression armée en vertu du paragraphe 267a) du Code criminel, de possession illégale d'une arme en vertu de l'article 88 et d'omission de se conformer à l'engagement, contracté le 5 juin 2000, de ne pas troubler l'ordre public et d'avoir une bonne conduite.

[91]   Le 12 juillet 2000, la Dre Ahmed a reçu M. Casey en consultation; elle a noté qu'il était anxieux et posé à nouveau un diagnostic de toxicomanie et de trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention (pièce G-13). Elle lui a aussi conseillé d'augmenter la dose d'Ativan pendant qu'il participait au programme CORE. Elle a témoigné qu'il devenait très anxieux quand il comparaissait devant un tribunal.

[92]   Le 20 juillet 2000, M. Casey s'est rendu à la Société des alcools situé sur le chemin Bayers à Halifax et y a volé trois 40 onces de vodka. Il a été accusé de vol, en vertu du paragraphe 334b) du Code criminel, et d'omission de se conformer à une condition de l'engagement contracté, en vertu du paragraphe 145(3) du Code criminel (pièce E-16, page 5).

[93]   Le 27 juillet 2000, M. Casey s'est rendu au cabinet du Dr Edwin Rosenburg, psychiatre. Le Dr Rosenburg a témoigné à l'audience, à titre de témoin expert de l'employeur. Il a rencontré M. Casey afin d'examiner son dossier et de fournir une évaluation psychologique impartiale à la Sun Life. Cette évaluation a été envoyée à Mme Toteda, de la Sun Life, le 1er août 2000 (pièce G-12).

[94]   M. Casey a indiqué au Dr Rosenburg que sa mère lui avait recommandé de consulter son médecin de famille, la Dre Ahmed, laquelle avait posé un diagnostic de dépression aiguë, de toxicomanie et de trouble déficitaire de l'attention.

[95]   M. Casey a indiqué au Dr Rosenburg qu'il ne consommait plus d'alcool depuis une trentaine de jours et de cocaïne depuis plusieurs mois. Il a précisé qu'il était censé entreprendre un programme de 28 jours en établissement à Kentville (Nouvelle-Écosse), mais qu'il n'avait pas été admis quand un test de routine préalable à l'admission avait révélé la présence de cocaïne. Il a vaguement fait mention de fréquents démêlés avec la justice et a admis avec réticence qu'il allait probablement être accusé de vol, car une semaine plus tôt il avait été appréhendé dans un magasin d'alcools, avec un ami, qui avait apparemment volé de l'alcool.

[96]   Le Dr Rosenburg a passé 75 minutes avec M. Casey et l'a soumis à une évaluation multiaxiale des difficultés psychiatriques (pièce G-12, page 5) sans établir de manière concluante qu'il souffrait de THADA ou de troubles de l'humeur. Le Dr Rosenburg a expliqué à l'audience qu'on ne peut pas développer le THADA à l'âge adulte, car c'est un trouble qui est présent à l'enfance ou à l'adolescence. En général, un enfant aura éprouvé des problèmes d'attention, de comportement, d'hyperactivité et d'agressivité. D'après les renseignements fournis par M. Casey, celui-ci avait poursuivi ses études jusqu'en 11 e année sans jamais redoubler de classe. Il avait abandonné ses études en 12 e année et s'était mis à consommer de l'alcool. Le Dr Rosenburg n'a trouvé aucune preuve que M. Casey avait souffert ou qu'il souffrait des symptômes caractéristiques du THADA. Il a examiné le rapport de la Dre Ahmed et noté qu'aucun des symptômes caractéristiques du THADA n'y était mentionné.

[97]   Le Dr Rosenburg a écrit dans son rapport (pièce G-2) que pour confirmer le diagnostic de THADA ou de troubles de l'humeur, il faudrait que M. Casey se soit abstenu de consommer toutes les substances dont il faisait une utilisation abusive et qu'un professionnel de la santé mentale l'observe pendant une période de 30 à 60 jours au moins.

[98]   Le Dr Rosenburg a précisé que pour bien évaluer les symptômes d'une dépression grave, il faut que le sujet se soit abstenu de consommer de la drogue ou de l'alcool avant d'être examiné par un médecin. Il a expliqué que la consommation abusive d'alcool ou de drogue favorise l'apparition de symptômes de la dépression. L'alcool est un dépresseur lorsqu'il est consommé en quantité excessive. La consommation de cocaïne en grandes quantités perturbe le processus cognitif, provoquant une paranoïa délirante chez le sujet. Le Dr Rosenburg a déclaré qu'il était impossible de poser un diagnostic précis de dépression ou de THADA si le sujet continuait de consommer de l'alcool ou de la cocaïne.

[99]   M. Casey a indiqué au Dr Rosenburg qu'il prenait du Ritalin pour le THADA, de même que du Paxil et du Revia. Le Dr Rosenburg a noté dans son rapport (pièce G-12, page 6) que le Ritalin était parfois une drogue utilisée par les toxicomanes et qu'en l'absence de preuve irréfutable que M. Casey était atteint du THADA, il était préférable de ne plus lui prescrire ce médicament. Il conseillait également de lui retirer progressivement le Paxil étant donné, fait-il observer dans son rapport, que M. Casey était abstinent depuis peu de temps et tirerait davantage de bienfaits d'un programme encadré de réadaptation, de préférence en établissement, avant de retourner au travail.

[100]   Le Dr Rosenberg a soumis M. Casey à une évaluation globale de fonctionnement (ÉGF), lui a attribué 60 selon le barème établi. L'ÉGF est une échelle d'évaluation psychiatrique, de 0 à 100, qui mesure de façon globale le comportement psychologique et social des sujets. Le Dr Rosenberg a indiqué dans son rapport (pièce G-12, p. 5) que l'ÉGF de M. Casey révélait qu'il présentait des symptômes modérés de toxicomanie, avec rémission récente seulement, accompagnés de difficultés modérées sur les plans professionnel et social.

[101]   Le 28 juillet 2000, la Dre Ahmed a reçu M. Casey en consultation et lui a remis une ordonnance de Paxil et de Ritalin (pièce G-13).

[102]   Le 31 juillet 2000, la Dre Ahmed a écrit à M. Grimes (pièce G-2) pour l'informer des progrès réalisés par M. Casey dans le cadre de son programme de réadaptation. Elle indiquait que, depuis un an environ, M. Casey était suivi par la Dre Campbell, spécialiste en toxicomanie. Elle ajoutait qu'elle avait fait admettre M. Casey à un programme CORE de 28 jours en établissement, le 26 juin 2000, mais qu'en raison de sa comparution pour bris de probation et de son incarcération ultérieure, son inscription avait dû être annulée. Elle indiquait également qu'à cause de sa nature impulsive et de ses longs antécédents de THADA, M. Casey était traité avec du Ritalin à libération prolongée. À son point de vue, c'est pendant le période de cinq mois où M. Casey avait pris du Ritalin qu'il avait le mieux réussi à éviter les comportements compulsifs et l'abus d'alcool et de drogues. Elle terminait en disant que M. Casey pourrait retourner au travail dans les deux prochaines semaines, à temps partiel d'abord, puis à temps plein, à mesure que son état s'améliorait.

[103]   Le 7 août 2000, M. Grimes a rencontré M. Casey pour faire le point avec lui (pièce G-13, p. 2). M. Casey avait l'air très en forme et il était très calme; il a produit une liasse de documents pour prouver qu'il participait aux rencontres de divers groupes d'entraide et à des programmes CORE. Il a expliqué à M. Grimes qu'il n'avait pas pu participer au programme de 28 jours étant donné qu'il ne pouvait pas être hospitalisé pendant qu'il prenait les médicaments prescrits par son médecin.

[104]   Le 14 août 2000, M. Casey a été admis à l'hôpital comme patient inscrit au programme CORE. Il a expliqué que ce programme était désormais d'une durée de trois semaines et qu'il l'avait mené à terme. Cependant, étant donné que M. Grimes voulait qu'il participe à un programme de quatre semaines, tel qu'il était prévu dans l'entente de la dernière chance, il avait prolongé son séjour d'une semaine.

[105]   Or, le 6 septembre 2000, durant sa quatrième semaine, un nouveau patient, M. James Borden, est arrivé. Il avait commencé à lui demander de l'argent à cause des dettes de drogue que M. Casey avait envers lui. M. Casey a expliqué, à l'audience, qu'il avait répondu à M. Borden que celui-ci avait juste à venir dehors si c'était une bagarre qu'il voulait et qu'il (M. Casey) allait lui régler son compte une fois pour toutes. Un conseiller a entendu ces propos et a appelé la police; M. Casey a alors été renvoyé du programme CORE (pièces E-10 et G-21). Il a été accusé d'avoir proféré des menaces de mort, en vertu de l'alinéa 264.1(1)a) du Code criminel (pièce E-28), et d'avoir omis de se conformer à une condition de l'ordonnance de probation, prononcée le 26 juillet 2000, de ne pas troubler l'ordre public et de bien se conduire, en vertu de l'alinéa 733.1(1)a) du Code criminel (pièce E-29).

[106]   Le lendemain, c'est-à-dire le 7 septembre 2000, M. Casey s'est rendu chez Mme Cheryl Johnson, une ex-petite amie, pour lui demander d'essayer de convaincre Mme Burgess de retirer ses accusations (pièce E-16, page 6). Mme Johnson a fini par trouver sa démarche insultante et lui a demandé de partir. Elle l'a poussé hors de chez elle et une altercation s'est ensuivie dans le corridor avec Jesse, un invité de Mme Johnson. M. Casey assenait des coups de pied à Jesse, qui était par terre dans le corridor.   Mme Johnson a saisi une perche pour attaquer M. Casey, mais il a réussi à la lui enlever; il l'a ensuite poussée par terre et lui a assené un coup de pied au côté gauche de la tête. Mme Johnson est parvenue à se libérer et a composé le 911. M. Casey a été arrêté (pièce E-20) et accusé de voies de fait en vertu du paragraphe 266a) du Code criminel.

[107]   Le 13 septembre 2000, M. Casey a rencontré le Dr Maynes. La Dre Ahmed lui avait recommandé de prendre rendez-vous avec ce médecin afin de subir une évaluation psychiatrique pour ses troubles graves de l'humeur et sa toxicomanie (pièce G-2). Le Dr Maynes a confirmé le diagnostic de toxicomanie posé par la Dre Ahmed (pièce G-13), mais non celui de THADA.

[108]   M. Grimes a appelé M. Casey en septembre 2000 pour fixer une rencontre, mais il ne s'y est pas présenté. M. Grimes l'a appelé à nouveau et M. Casey a alors prétendu qu'il avait un autre engagement ce jour-là. Ils ont convenu d'une autre date, mais M. Casey lui a encore une fois fait faux bond. Une note de service a été envoyée à son domicile lui demandant de communiquer avec Mme Bonnie Whyte, des Opérations d'impression, pour prendre rendez-vous.

[109]   Le 29 septembre 2000, la Dre Ahmed a écrit à Mme Denise Bird, de la Sun Life du Canada, pour l'informer des progrès réalisés par M. Casey (pièce G-13). Elle indiquait qu'il projetait de retourner au travail le 1er novembre 2000 et qu'elle-même et le Dr Maynes estimaient qu'il était apte à remplir à nouveau ses fonctions à cette date.

[110]   Quelques semaines après avoir reçu une note de service l'avisant de fixer une rencontre, M. Casey a eu une réunion avec M. Grimes et Mme Whyte.   M. Grimes a précisé que cette réunion avait eu lieu en octobre 2000 et que M. Casey n'était pas très en forme; il n'était pas rasé, ses cheveux étaient sales et il parlait d'une voix râpeuse.   M. Grimes a soupçonné qu'il était en état de sevrage ou qu'il avait consommé de la drogue ou de l'alcool. M. Casey a déclaré qu'il n'avait pas consommé de cocaïne depuis un mois, mais qu'il avait pris quelques bières deux semaines plus tôt et qu'il s'était enivré.

[111]   Mme Bonnie Whyte a interrogé M. Casey au sujet de sa déclaration selon laquelle il s'était enivré, en lui disant que cela constituait une violation de l'entente de la dernière chance. M. Casey a alors tenu des propos menaçants. Prié d'expliquer pourquoi il faisait des menaces, il a répondu que c'était juste une plaisanterie, qu'il cherchait à se payer leur tête.

[112]   M. Casey avait apporté des documents avec lui, soit son journal personnel et ses fiches de présence aux réunions de divers groupes d'entraide. Il a aussi montré à M. Grimes une note de service (pièce E-10) du programme CORE indiquant qu'il avait participé au programme à titre de patient interne inscrit, du 14 août au 7 septembre 2000. La note indiquait également que M. Casey avait été renvoyé pour inconduite et qu'il avait persisté par la suite dans ce comportement inacceptable de sorte que, sauf avis contraire, il lui était désormais interdit de se prévaloir des services de ce programme. M. Grimes et Mme Whyte ont abordé avec M. Casey la question de son renvoi du programme. M. Casey a répondu que pour être admis au programme à Toronto, il devait s'assurer que la Nouvelle-Écosse ne pouvait pas lui offrir un autre programme. C'est de cette manière qu'il comptait s'assurer de son admissibilité au programme de Toronto.

[113]   M. Grimes a rappelé à M. Casey qu'il lui était interdit, en vertu de l'entente de la dernière chance, de se présenter aux bureaux des Opérations de production; or, à deux occasions au moins, il avait transgressé cet interdit. Dans un cas, c'était pour obtenir son chèque de TPS. Il avait commencé à harceler les commis au courrier; on l'avait prié de quitter les lieux et il avait obtempéré. M. Grimes a expliqué à l'audience que les chèques sont imprimés aux Opérations d'impression, mais qu'ils ne sont jamais remis en mains propres, quelles que soient les circonstances.

[114]   Une autre fois, M. Casey avait vendu ses bâtons de golf à un employé et voulait se faire payer. Il s'était présenté aux Opérations de production et avait commencé à intimider un des conducteurs. M. Casey a alors éclaté de rire et déclaré à Mme White et à M. Grimes qu'il voulait que cet employé, qu'il n'aimait pas, sache qu'il était là et qu'il allait revenir. Il a déclaré à M. Grimes que, parfois, la drogue faisait faire des choses insensées. M. Grimes a répondu que M. Casey n'était pas autorisé à venir dans les locaux de l'employeur.

[115]   M. Grimes a expliqué, en contre-interrogatoire, que M. Casey lui avait indiqué, lors de la réunion d'octobre 2000, qu'il voulait revenir au travail. Ses indemnités d'assurance-invalidité étaient sur le point de prendre fin; ses médecins lui disaient en outre que le moment était venu pour lui de réintégrer le marché du travail. M. Grimes a répondu qu'il devait être évalué par Santé Canada avant de pouvoir revenir au travail.

[116]   Le 16 octobre 2000, M. Casey était chez une femme qu'il avait rencontrée lors d'une séance de clavardage (pièce E-16, page 6). La nièce de cette femme, une jeune fille de 18 ans, était également présente. Vers 3 h, un incident s'est produit entre la nièce et M. Casey. La nièce a été réveillée par M. Casey, qui lui secouait le bras. Elle lui a dit d'arrêter et s'est rendormie, mais elle a de nouveau été réveillée de la même manière. Contrariée, elle s'est enfuie dans une autre pièce. La police a été appelée et M. Casey a été accusé d'agression sexuelle (pièce E-16). Cette accusation a par la suite été ramenée à un premier chef de voies de fait, en vertu du paragraphe 266b) du Code criminel. M. Casey a aussi été accusé d'avoir omis de se conformer à plusieurs ordonnances de probation, en violation des paragraphes 145(3) et 733.1(1) du Code criminel.

[117]   La Dre Karen MacDonald, de Santé Canada, a rencontré M. Casey le 10 novembre 2000 pour déterminer s'il était apte à retourner au travail (pièce E-26). Elle a témoigné qu'elle n'avait pas été capable de présenter un rapport d'évaluation parce que le Dr Maynes, le psychiatre traitant, ne lui avait pas fourni les renseignements demandés. M. Casey lui avait dit qu'il avait consulté le Dr Maynes deux ou trois fois dans les deux derniers mois. Elle avait reçu de M. Grimes deux rapports préparés par la Dre Ahmed à l'intention de la Sun Life (15 juin 2000, pièce G-5, et 15 avril 1999, pièce E-25). Le Dr MacDonald a expliqué que cela n'était pas suffisant vu que M. Casey était aussi traité par un spécialiste, le Dr Maynes, et que son rapport était nécessaire. M. Casey lui a mentionné que le Dr Maynes était d'avis que son principal problème était l'abus d'alcool et de drogues et qu'il avait des doutes quant au diagnostic de THADA. Le Dr Maynes lui avait conseillé de cesser de prendre du Ritalin.   M. Casey a indiqué au Dr MacDonald qu'il avait suivi son conseil et qu'il se sentait mieux depuis. Il a aussi mentionné qu'il avait l'impression que le Ritalin le rendait plus agité et très maussade. Le Dr MacDonald a écrit au Dr Maynes le 23 novembre 2000 et le 8 janvier  2001 pour obtenir son rapport, mais il n'a jamais obtenu de réponse.

[118]   M. Casey a indiqué au Dr MacDonald qu'il n'avait pas pris une seule goutte d'alcool depuis trois mois et n'avait pas consommé de cocaïne depuis sept mois. Il a également indiqué que son médecin de famille et le Dr Maynes croyaient qu'il était apte et motivé à retourner au travail. Il a informé le Dr MacDonald qu'il était sous le coup d'un certain nombre d'accusations criminelles, mais qu'elles se rapportaient pour la plupart à diverses violations telles qu'avoir consommé de l'alcool ou avoir eu des contacts avec son ex-petite amie.

[119]   Le 15 novembre 2000, M. Casey, qui était en état d'ébriété, a abordé des travailleurs qui s'affairaient à installer des câbles téléphoniques. Il voulait utiliser leur téléphone pour appeler les Hell's Angels. Les travailleurs, perturbés par une telle demande, ont appelé la police. Au domicile de M. Casey, les agents de police ont constaté qu'il sentait l'alcool. Ils l'ont arrêté pour avoir quitté son domicile alors qu'il était sous le coup d'une assignation à résidence, et avoir omis de se conformer à l'engagement de ne pas consommer d'alcool. M. Casey s'est débattu violemment et a essayé de s'échapper. Il a ensuite été emmené dans une voiture de police, où il a essayé de fracasser la vitre arrière droite à coups de pied et a craché au visage de l'agent de police. Pendant toute la durée de l'incident, il a proféré des menaces contre les deux agents de police, menaces qu'il a continuées au poste de police.

[120]   M. Casey a été accusé de voies de fait contre un agent de police, en violation de l'alinéa 270(1)a) du Code criminel, de menaces de mort contre l'agent de police et sa famille, en violation de l'alinéa 264.1(1)a), d'avoir omis de se conformer à deux ordonnances de probation (assignation à résidence et ne pas troubler l'ordre public), en violation du paragraphe 145(3), et à une autre ordonnance de probation, en violation de l'alinéa 733.1(1)a). Il a été incarcéré du 15 novembre 2000 jusqu'à la tenue de l'audience.

[121]   Entre le 6 et le 12 décembre 2000, M. Grimes était en voyage d'affaire à Winnipeg. Alors qu'il s'apprêtait à changer d'avion à Toronto, il a reçu un appel de M. Casey à son téléphone cellulaire. M. Casey voulait l'informer qu'il avait à nouveau été incarcéré à la suite de diverses infractions. À l'audience, M. Grimes a expliqué que Mme Bonnie Whyte avait appris plus tôt que M. Casey avait été incarcéré et qu'il ne pouvait pas être libéré avant sa comparution en mars 2001.

[122]   Le 18 décembre 2000, le Dr Maynes a écrit à l'employeur (pièce E-12) pour l'informer que M.  Casey était absent du travail et qu'il ne serait pas en mesure de travailler de décembre 2000 à juin 2001, à cause de problèmes liés à son diagnostic médical.

[123]   Le 21 décembre 2000, la Dre Ahmed a écrit à M. Grimes (pièce E-11) pour l'informer que M. Casey souffrait d'un surcroît de stress et qu'elle avait entrepris des démarches pour le faire admettre à un programme de désintoxication en Ontario. Elle indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[...]

Je crois qu'il y aurait lieu d'autoriser Ron à s'absenter du travail de 10 à 12 semaines pour faire le point ainsi que pour remplir toutes les formalités nécessaires en vue de son admission à ce programme en Ontario.   Je demande qu'on l'autorise à s'absenter de 10 à 12 semaines environ.

[...]

[124]   M. Casey a témoigné qu'il avait demandé à sa mère de prendre rendez-vous avec le Dr Maynes pour l'informer qu'il avait fait une rechute et qu'il se trouvait en prison.   La mère a convaincu le Dr Maynes d'écrire à M. Grimes. M. Casey a expliqué qu'il s'était entretenu directement au téléphone avec la Dre Ahmed et qu'il l'avait convaincue d'envoyer la lettre à M. Grimes.

[125]   M. Grimes a répondu aux deux médecins qu'il était inacceptable d'accorder un congé de maladie à M. Casey puisqu'il se trouvait en prison.

[126]   Le 19 février 2001, M. Grimes a écrit à M. Casey (pièce E-13) pour lui faire savoir qu'il rejetait sa demande de congé de maladie non rémunéré et qu'il le mettait en congé non rémunéré en attendant l'issue de ses accusations criminelles, après quoi, une décision serait prise à son sujet.

[127]   M. Grimes et Mme Whyte ont assisté à l'audience de M. Casey, le 1er mars 2001, au terme de laquelle il a été condamné à 18 mois d'incarcération relativement aux diverses accusations qui pesaient contre lui. M. Grimes a expliqué qu'il était difficile de comprendre, à l'audience, de quoi discutaient les procureurs et le juge. Le voile s'est toutefois levé quand il a reçu copie de la décision du tribunal. Après en avoir pris connaissance, il a commencé à s'inquiéter pour ses opérations et s'est rendu compte que M. Casey ne contrôlait plus ses actes.

[128]   M. Grimes s'est alors rendu chez son directeur, M. Norm Boudreau, pour lui faire part de ses inquiétudes. M. Casey n'avait pas respecté les conditions de l'entente de la dernière chance; il était en outre une source d'embarras pour le ministère. M. Grimes se préoccupait aussi de l'impact de cette situation sur l'autorité du ministère car un employé avait fait observer que si M. Casey pouvait abuser de la sorte, on pouvait donc abuser de n'importe quelle situation. M. Grimes a recommandé que M. Casey soit congédié. Il s'était montré agressif dans le passé envers le personnel et M. Grimes craignait maintenant une escalade de la violence. Il ne voulait pas que quiconque soit victime de voies de fait au travail.

[129]   Pendant son incarcération, M. Casey a écrit à M. Grimes et à Mme Whyte, le 25 juin 2001 (pièce G-4). Il disait reconnaître que son comportement en société et au travail était totalement inacceptable. Il leur demandait de lui accorder une chance de se racheter au travail et renvoyait à l'entente de la dernière chance.

[130]   Le 16 août 2001, M. Grimes a écrit à M. Casey (pièce G-26) pour l'informer qu'il recommandait son licenciement. Il expliquait qu'à cause de ses actes, M. Casey avait fondamentalement et irrémédiablement provoqué la rupture de la relation de confiance qui existait avec l'employeur. M. Casey a recouvré sa liberté à la fin d'août 2001 et a ensuite été admis dans une maison de transition au Cap-Breton. En septembre 2001, il a reçu une lettre de Mme Janice Cochrane, Sous-ministre à TPSGC, l'informant qu'il était licencié. Cette lettre (pièce E-3) est reproduite ci-dessous :

[Traduction]

          La présente fait suite à l'examen administratif de la situation actuelle concernant votre emploi au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada.

          Lors de votre dernière réunion avec la direction, en octobre 2000, la discussion a porté sur vos efforts de réadaptation et vous avez fourni la confirmation écrite que vous aviez été renvoyé des Services de toxicomanie, en septembre 2000, pour inconduite.   Nous avons appris par la suite que vous aviez été incarcéré en novembre 2000 jusqu'à votre comparution devant un tribunal pénal en mars 2001, où vous avez été déclaré coupable de nombreux actes criminels commis au cours de l'année 2000.   De plus, nous avons découvert que, durant la période de congé de maladie non rémunéré qui vous avait été accordée pour poursuivre vos efforts de réadaptation, vous avez également été déclaré coupable d'autres infractions le 19 janvier et le 23 juin 2000, sans jamais en informer la direction.   Vos condamnations criminelles résultent principalement d'une conduite irréfléchie alors que vous étiez intoxiqué et concernent des vols, la conduite dangereuse d'un véhicule, l'omission de vous conformer à un engagement de ne pas consommer de substances toxiques, l'entrave à la justice, des menaces, ainsi que des voies de fait contre des particuliers et un agent de la paix.

          Votre conduite constitue une violation de l'entente de la dernière chance conclue le 12 mars 1999, en dernier recours, dans le but de vous venir en aide.   L'examen de votre dossier montre que la direction a investi énormément de temps et d'énergie, depuis 1996, en vue de faciliter votre réadaptation.   Or, en dépit de tous ces efforts, rien dans votre conduite n'a changé.   Il s'agit donc d'un incident déterminant qui fait en sorte que la direction a perdu toute confiance dans votre capacité de réadaptation.   En outre, votre conduite, pendant et après les heures de travail, a eu une incidence négative sur le ministère et vous a rendu inapte à remplir vos fonctions.

          Par conséquent, en vertu de l'alinéa 11(2) f ) de la Loi sur la gestion des finances publiques, vous êtes par les présentes licencié pour un motif valable, à compter de la fermeture des bureaux le 5 septembre 2001.

[131]   Cinq jours environ après avoir reçu l'avis de licenciement, M. Casey s'est rendu dans une taverne, où il a consommé quelques bières. De retour à la maison de transition, il en a informé les conseillers, qui se sont montrés compréhensifs car il est normal, dans le cadre du processus de réadaptation, qu'une personne qui abuse de substances toxiques ait une rechute. M. Casey a déclaré à l'audience que c'était la dernière fois qu'il avait consommé de l'alcool.

[132]   À la suggestion de la Dre Ahmed, M. Casey s'est fait transférer dans une maison de transition de Dartmouth afin qu'elle puisse le traiter pour le THADA. Le traitement consistait en des séances en classe toutes les deux semaines et des séances individuelles de counselling l'autre semaine.

[133]   M. Casey a témoigné qu'il ne prenait plus de médicaments, ni même du Ritalin, depuis novembre 2001. Il continue toutefois de prendre du Revia pour contrôler son envie d'alcool.

[134]   Il travaille à temps plein et il a occupé plusieurs emplois depuis son incarcération. N'empêche que ces emplois ne lui procurent pas la stabilité et le revenu dont il bénéficiait aux Opérations d'impression.

[135]   M. Paul Cashman a témoigné à titre d'expert en toxicomanie. M. Casey est devenu son patient en novembre 2001 car une des conditions de sa probation était qu'il suive une thérapie pour vaincre sa toxicomanie. Il est demeuré son patient jusqu'en février 2002. M. Cashman l'a revu en mars et en septembre 2004 car M. Landry lui avait demandé une évaluation de M. Casey. M. Cashman est d'avis que M. Casey a de fortes chances de rester sobre s'il ne change rien à son style de vie actuel. Ses chances seraient encore meilleures s'il suivait un traitement.

[136]   Les rapports de laboratoire, pour la période d'octobre 2001 à février 2002, ont été déposés en preuve (pièces G-27, G-28, G-29, G-30, G-31, G-32, G-34, G-36 et G-37). M. Casey a expliqué qu'il s'agissait de tests aléatoires qui avaient été effectués pendant sa période de probation. Ils faisaient état de résultats négatifs pour ce qui touche la consommation de drogues et d'alcool. M. Casey a témoigné qu'il avait réussi sa réadaptation et qu'il ne consommait plus de drogue ni d'alcool.

Résumé de l'argumentation

Pour l'employeur

[137]   Me Fader affirme que le licenciement de M. Casey était justifié, tel qu'il est indiqué dans la lettre de l'employeur datée du 5 septembre 2001 (pièce 3), soit parce que sa conduite hors du lieu de travail était incompatible avec son maintien en fonction, soit parce qu'il avait omis de se conformer à l'entente de la dernière chance.

[138]   Me Fader renvoie aux critères (les critères de Millhaven) énoncés par l'arbitre de grief Anderson dans Millhaven Fibres Ltd. Millhaven Works, and Oil, Chemical and Atomic Workers Int'l. Union, Local 9-670 (1967), 1 (A) Union-Management Arbitration Cases 328, et cités dans la décision Jalal c. Conseil du Trésor(Solliciteur général - Service correctionnel du Canada), dossier de la CRTFPP 166-2-27992 (1999) :

[...]

[...] pour que le congédiement puisse découler de la conduite de l'employé hors du lieu de travail, la direction a la charge de prouver :

que la conduite de l'employé en cause fait du tort à l'entreprise ou à ses produits;

que la conduite de l'employé le rend inapte à remplir ses fonctions convenablement;

que la conduite de l'employé amène ses compagnons de travail à refuser de travailler avec lui ou les rend réticents à le faire ou incapables de le faire;

que l'employé a été reconnu coupable d'une grave infraction au Code criminel portant atteinte à la réputation de l'entreprise et à celle de ses employés;

que la conduite de l'employé nuit à la gestion des opérations et du personnel de l'entreprise.

[139]   Me Fader soutient qu'il suffit qu'un seul critère soit rempli pour que le licenciement soit justifié. Or, la conduite de M. Casey concorde avec les cinq critères de Millhaven. Me Fader présente un argument relativement à chacun des critères correspondants :

1.    Une personne raisonnable considérerait que la conduite de M. Casey a fait du tort à l'employeur. Qui plus est, M. Grimes a témoigné que les actes du fonctionnaire s'estimant lésé avaient porté atteinte à la réputation de l'employeur.

2.   M. Casey est inapte à travailler en équipe avec les autres employés, et ses nombreuses omissions de se conformer à des ordonnances de probation témoignent de son incapacité à obéir à des directives.

3.   Il a été établi hors de tout doute que les autres employés refuseraient de travailler avec M. Casey ou seraient réticents à le faire en vertu de ce critère.

4.   M. Casey a été déclaré coupable de graves infractions au Code criminel portant atteinte à la réputation de l'employeur.

5.   Les collègues de travail seraient réticents à travailler avec M. Casey ou refuseraient de le faire, ce qui nuirait à la gestion des opérations.

[140]   Me Fader indique qu'il existe un lien irréfutable entre la conduite de M. Casey hors du lieu de travail et sa conduite au travail. Il est tout à fait raisonnable que M. Grimes s'inquiète de la santé et la sécurité au travail si M. Casey est réintégré dans ses fonctions. M. Grimes a témoigné que beaucoup d'employés refuseraient de travailler avec M. Casey s'il revenait.

[141]   Il a en outre été établi de manière irréfutable que M. Casey était violent et dangereux au travail. Rappelons l'incident du 21 mai 1996, où M. Grimes a reçu un appel d'une personne qui menaçait de s'en prendre à M. Casey, ce qui l'a obligé à installer un agent de sécurité à l'entrée de l'immeuble. M. Bushell a témoigné que M. Casey lui avait fait des menaces au travail et à l'extérieur du lieu de travail. Durant sa suspension en 1999, il s'était engagé, en vertu de l'entente de la dernière chance, à ne pas s'approcher du lieu de travail; or, il y est revenu à deux occasions pour harceler les employés et même faire des menaces à un conducteur. À l'automne 2000, lors de la réunion avec M. Grimes et Mme White, il est devenu contrarié et a proféré des menaces.

[142]   Me Fader soutient de plus que l'omission de se conformer aux conditions de l'entente de la dernière chance justifiait la mesure de licenciement. Cette entente stipulait qu'il devait participer à un programme de réadaptation. Son renvoi du programme (pièce E-10) constitue clairement une omission de se conformer aux conditions de l'entente de la dernière chance selon le témoignage de M. Grimes.

[143]   Me Fader précise qu'en vertu du paragraphe 41.1b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, la plainte de M. Casey selon laquelle le licenciement constituait une distinction illicite à son égard fondée sur sa déficience a été renvoyée à la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Le fardeau d'établir une défense médicale incombe au fonctionnaire s'estimant lésé. M. Casey a fait l'objet d'une seule évaluation impartiale, soit celle effectuée par les Dr Rosenburg et Maynes, lesquels ont conclu qu'il ne souffrait pas du THADA. La défense médicale de M. Casey n'est pas qu'il a un problème de toxicomanie et d'alcool, mais que le THADA est la cause de ce problème. Or, il n'a pas été établi que les personnes atteintes du THADA et celles qui font une consommation abusive d'alcool ou de drogues commettent des infractions criminelles.

[144]   Me Fader indique que le critère à appliquer est le suivant : M. Casey était-il capable de comprendre la nature et les conséquences de ses actes et était-il capable de faire la différence entre le bien et le mal? Il a été établi de manière irréfutable qu'a l'époque où les infractions ont été commises, c'est-à-dire à l'automne 2000, le fonctionnaire s'estimant lésé était traité pour le THADA.   Me Fader soutient que les personnes souffrant de toxicomanie, d'alcoolisme et du THADA ne commettent pas toutes des actes criminels. La Dre Ahmed a témoigné qu'au moment de l'incident déterminant à l'automne 2000, le fonctionnaire s'estimant lésé était capable de faire la différence entre le bien et le mal. Il a été tenu responsable de ses actes en vertu du droit criminel; il devrait également être tenu responsable de ses actes dans le cadre de la relation de travail. L'obligation de prendre des mesures d'adaptation ne va pas jusqu'à englober ce genre de conduite.   Par ailleurs, l'employeur a composé avec la situation du fonctionnaire s'estimant lésé au-delà de la limite de la contrainte excessive.   Me Fader termine en disant que rien ne permettait d'établir, au moment du licenciement, que le fonctionnaire s'estimant lésé s'était réadapté. Il s'agit de déterminer s'il existait un motif valable de congédier le fonctionnaire s'estimant lésé à l'époque pertinente.

[145]   Au soutien de son argumentation, Me Fader s'appuie sur les affaires suivantes : Faryna v.Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 (C.A.C.-B.); Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. n o 818 (C.A.) (QL); Batiot c. Conseil du Trésor (Justice Canada), dossier de la CRTFP 166-2-28540 (1999); Canadian Postmasters and Assistants Assn. v. Canada Post Corp. (2001), 102 L.A.C. (4 th) 97; Re: Canada Safeway Ltd. v. B.C.T., Loc 252 (2002), 113 L.A.C.(4 th) 385; Re: Canada Safeway Ltd. v. U.F.C.W., Loc. 401 (2000), 94 L.A.C. (4 th) 86; NewTel Communications v. Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 410(Stockley) (Re) (1998), 71 L.A.C. (4 th) 73; Toronto Transit Commission v. Amalgamated Transit Union, (Geobey) (Re) (1997), 72 L.A.C. (4 th) 109; Cie minière Québec Cartier c. Québec, [1995] 2 R.C.S. 1095; Funnell c.leConseil du Trésor (ministère de la Justice), dossier de la CRTFP 166-2-25762 (1995); Gannon c. Conseil du Trésor (Défense nationale), 2002 CRTFP 32; Toronto (Ville) c. SCFP, section locale 79, 2003 CSC 63; Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. B.C.G.S.E.U., [1999] 3 R.C.S. 3; Slocan Group - Mackenzie Operations and Pulp and Paper Woodworkers of Canada, Local 18 (Pavelko) (Re) (2001), 97 L.A.C. (4 th) 387; Ottawa-Carleton (Regional Municipality) v. Ottawa-Carleton PublicEmployees Union, Loc. 503 (Lance) (Re) (2000), 89 L.A.C. (4 th) 412; Brewery, Beverage& Soft Drink Workers, Local 250 v. Labatt's Alberta Brewery, a division of Labatt's Brewing Co., [1996] A.J. n o 339 (QL); Toronto District School Board and Canadian Union of Public Employees (G.(P.)) (Re) (1999), 79 L.A.C. (4 th) 365; Alcan Rolled Products Co. (Kingston Works) v. United Steelworkers of America, Loc. 343, Re (1996), 56 L.A.C. (4 th) 187; National Steel Car Ltd. v. United Steelworkers of America, Local 7135 (Demedeiros Grievance), [1999] O.L.A.A. n o 182 (QL); Jalal c.Conseil du Trésor (Solliciteur général - Service correctionnel du Canada), supra; Re Corporation of theCity of Calgary v. Amalgamated Transit Union, Local 583 (1981), 4 L.A.C. (3d) 50; Re Government of the Province of British Columbia v. British Columbia Government Employees' Union (1984), 15 L.A.C. (3d) 329; Re Bundy of Canada Ltd., Sinterings Division v. United Steelworkers Local 6012 (1975), 9 L.A.C. (2d) 141; Spawn c. Agence Parcs Canada, 2004 CRTFP 25; Douglas c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2004 CRTFP 60 et Toronto District School Board v. C.U.P.E. (G.(P.)) (Re) (1999), 79 L.A.C. (4 th) 365.

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé

[146]   M. Landry passe d'abord en revue la preuve et l'argumentation de l'employeur. Il présente ensuite un argument relativement à chacun des cinq critères de Millhaven correspondants :

1.      Rien ne prouve que la conduite de M. Casey hors du lieu de travail a fait du tort à TPSGC. De plus, le fonctionnaire s'estimant lésé a été licencié deux ans après son dernier jour de travail.

2.      L'entente de la dernière chance prévoyait que M. Casey serait muté à un autre poste, or, cela ne s'est jamais produit. Par conséquent, rien ne prouve que le fonctionnaire s'estimant lésé est inapte à remplir ses fonctions puisqu'on ne lui en a jamais attribué d'autres.

3.      Lorsqu'on a demandé aux employés s'ils étaient disposés à travailler avec M. Casey maintenant qu'ils savaient qu'il souffrait d'un trouble mental et qu'il avait changé, les trois ont pris note du fait qu'il était atteint d'un trouble mental.

4.      Le fonctionnaire s'estimant lésé a certes été déclaré coupable d'infractions au Code criminel, mais il ne s'agissait pas d'infractions graves, tel un meurtre, ou d'infractions impliquant l'utilisation d'armes à feu.

5.      Rien ne prouve que la conduite de M. Casey hors du lieu de travail a nui à la gestion des opérations de l'employeur.

[147]   M. Landry affirme aussi que l'entente de la dernière chance avait pour but de donner à M. Casey la possibilité de se réadapter et qu'aucun délai n'avait été fixé à cet égard. Ayant mené sa réadaptation à terme, il devrait assumer de nouvelles responsabilités, tel qu'il est prévu dans l'entente de la dernière chance. M. Casey a achevé avec succès trois semaines de traitement dans le cadre du programme en établissement de Kentville (pièce E-10). La preuve indique que le programme est d'une durée de trois semaines et que M. Casey a demandé à prolonger son séjour d'une semaine. La lettre de licenciement ne précise pas à laquelle des conditions de l'entente de la dernière chance M. Casey a omis de se conformer.

[148]   M. Landry affirme que n'eût été le problème de toxicomanie et le THADA, rien de tout cela ne serait arrivé. Il passe en revue les quatre éléments qui doivent être prouvés selon l'arbitre de grief Ish avant d'envisager la réintégration d'un employé, dans Canada Safeway v. RWDSU (MacNeil) (Re) (1999), 82 L.A.C. (4 th) 1. Cette affaire concerne un congédiement pour une grave faute de conduite qui a été attribuée à la maladie.

[149]   M. Landry soutient que ces quatre éléments sont présents en l'espèce. Il a été établi que le fonctionnaire s'estimant lésé souffrait d'un problème médical, le THADA, qui a fait l'objet d'un diagnostic, et de toxicomanie. Il existe un lien irréfutable entre le THADA et la toxicomanie dans la conduite aberrante de M. Casey. Le fonctionnaire s'estimant lésé a suivi avec succès un programme de réadaptation et sa conduite passée a cessé; on ne pouvait donc retenir sa conduite passée hors du lieu de travail contre lui. Le diagnostic de toxicomanie n'est pas contesté en l'espèce; c'est seulement le diagnostic de THADA qui est remis en cause. Or, le Dr Rosenburg a témoigné qu'il avait une expérience très limitée concernant le THADA. Il a aussi admis que, pour établir un bon diagnostic de THADA, il faudrait que M. Casey se soit abstenu de consommer de l'alcool et de la drogue et qu'il soit observé pendant une période de 30 à 60 jours au moins. La Dre Ahmed a une pratique établie dans le traitement du THADA en particulier. Elle a observé M. Casey pendant une longue période avant de poser son diagnostic.

[150]   Au soutien de son argumentation, M. Landry s'appuie sur les affaires suivantes :   Maritime Paper Products Ltd. v. Canadian Paperworkers Union, Local 1520 Re (1991), 19 L.A.C. (4 th) 1; Nicholson c. le Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la CRTFP 166-2-20448 (1991); Fontaine-Ellis c. Conseil du Trésor (Santé Canada), dossier de la CRTFP 166-2-27804 (1998); Maan c. Conseil du Trésor (Transports Canada), 2003 CRTFP 100; Flynn c. Conseil du Trésor (Environnement Canada), dossier de la CRTFP 166-2-23369 (1993); Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. British Columbia Government and Service Employees' Union (B.C.G.S.E.U.), [1999] 3 R.C.S. 3 et Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868.

Motifs

[151]   Tel qu'il est indiqué dans la lettre de licenciement, il y a deux raisons principales qui ont motivé la décision de l'employeur de congédier M. Casey. En premier lieu, sa conduite, au travail et hors du lieu de travail, a eu une incidence négative sur le ministère, ce qui a rendu M. Casey inapte à remplir ses fonctions. En deuxième lieu, sa conduite équivaut à une violation de l'entente de la dernière chance conclue le 12 mars 1999.

Conduite au travail et hors du lieu de travail

[152]   Tel qu'il est généralement établi dans la jurisprudence arbitrale, l'employeur n'est pas tenu de prouver que tous les cinq critères de Millhaven sont rencontrés. Il lui suffit de démontrer qu'un seul l'est pour justifier l'imposition d'une sanction disciplinaire. Il faut donc déterminer en premier lieu si la conduite de M.Casey hors du lieu de travail concorde avec au moins un des critères de Millhaven. Les cinq critères en question sont les suivants :

la conduite de l'employé en cause fait du tort à l'entreprise ou à ses produits;

la conduite de l'employé le rend inapte à remplir ses fonctions convenablement;

la conduite de l'employé amène ses compagnons de travail à refuser de travailler avec lui ou les rend réticents à le faire ou incapables de le faire;

l'employé a été reconnu coupable d'une grave infraction au Code criminel portant atteinte à la réputation de l'entreprise et à celle de ses employés;

la conduite de l'employé nuit à la gestion des opérations et du personnel de l'entreprise.

[153]   Les premier et quatrième critères concernent la conduite hors du lieu de travail qui fait du tort à l'employeur. Le premier semble se rapporter au tort réel subi et nécessiterait donc une preuve que la conduite de M. Casey hors du lieu de travail a fait du tort à l'employeur. Or, il existe très peu d'éléments de preuve objectifs à cet égard. Me Fader a essentiellement fait valoir que le critère à appliquer était de savoir si une personne sensée et bien informée conclurait que la conduite hors du lieu de travail a fait du tort à l'employeur. Néanmoins, c'est dans le quatrième critère que la preuve d'une grave infraction au Code criminel entre véritablement en ligne de compte.

[154]   M. Casey s'est avoué coupable de toutes les infractions dont il était accusé. Les condamnations initiales ont été admises et constituent en soi la preuve que le fonctionnaire s'estimant lésé a commis les actes dont il était accusé. Voir à cet égard Toronto (Ville) v. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 79, [2003] 3 R.C.S. 77. Il s'agit dans certains cas de graves infractions criminelles telles que entrave à la justice, conduite dangereuse, menaces, voies de fait et voies de fait contre un agent de la paix. Qui plus est, plusieurs de ces actes criminels ont été commis successivement, ce qui dénote une escalade de violence et d'insouciance de la part de M. Casey. Ces condamnations doivent être prises en considération dans leur intégralité; elles constituent certainement dans leur ensemble de graves infractions au Code criminel.

[155]   Dans le quatrième critère, il est implicite que la conduite en soi d'un employé qui a été déclaré coupable d'une grave infraction au Code criminel porte atteinte à la réputation de l'employeur et de ses employés. Même si ce n'était pas le cas, je suis convaincu qu'une personne sensée et bien informée serait très alarmée d'apprendre qu'une personne déclarée coupable d'actes criminels aussi graves occupe un poste aux Opérations d'impression où sont imprimés et conservés les chèques du gouvernement et les obligations d'État. J'estime dès lors que le quatrième critère est rempli, étant donné que la condamnation du fonctionnaire pour cette grave infraction au Code criminel a porté atteinte à la réputation de l'employeur. À cet égard, voir Nova Scotia Community College and Nova Scotia Teachers' Union (Re) (2003), 121 L.A.C. (4th) 159, et Lethbridge (City) and Amalgamated Transit Union, Local 987(Grant) (Re) (2000), 98 L.A.C. (4 th) 264.  

[156]   En ce qui concerne les deuxième et troisième critères, l'employeur a affirmé que les autres employés seraient réticents à travailler avec M. Casey ou refuseraient de le faire. J'estime que le troisième critère est celui qui s'accorde le mieux avec cette argumentation. Il a été établi que, dans le passé, M. Casey avait menacé plusieurs de ses collègues au travail ou hors du lieu de travail. La preuve a été faite que plusieurs employés refuseraient de travailler avec M. Casey ou seraient réticents à le faire, s'étant sentis menacés par lui au travail ou à l'extérieur dans le passé. Plusieurs des infractions criminelles dont M. Casey a été déclaré coupable sont de nature semblable aux actes qu'il a commis par le passé envers ses collègues de travail. Par conséquent, j'estime que le troisième critère a été rempli.

[157]   Enfin, le cinquième critère serait aussi rempli car la réintégration de M. Casey nuirait considérablement à la gestion des opérations de l'employeur. M. Casey avait un poste aux Opérations d'impression, où les chèques du gouvernement sont imprimés et conservés. La preuve a été faite qu'il avait volé l'employeur à deux reprises en utilisant des bons de taxi et de commande à des fins personnelles. M. Casey a ultérieurement été déclaré coupable d'avoir commis deux vols. M. Grimes a témoigné que le lien de confiance entre l'employeur et M. Casey était rompu. Il ne serait plus capable de faire confiance à M. Casey si celui-ci était réintégré dans ses fonctions aux Opérations d'impression; or, il doit pouvoir faire confiance aux personnes détenant cette autorisation. Un autre élément crucial concernant la gestion des opérations est que les employés sont réticents à travailler avec M. Casey ou refuseraient de le faire.

[158]   Bref, les troisième, quatrième et cinquième critères de Millhaven ont été remplis. Par conséquent, j'estime que l'employeur avait un motif juste et raisonnable de sévir contre M. Casey.

Mesure disciplinaire justifiée

[159]   Ayant conclu que trois des critères Millhaven ont été remplis, je dois maintenant déterminer si la mesure disciplinaire imposée est justifiée compte tenu de la nature de l'infraction et des accusations et de leur incidence sur les opérations de l'employeur.

[160]   J'ai passé en revue les décisions arbitrales où des employés avaient été licenciés pour inconduite hors du lieu de travail après avoir été déclarés coupables d'infractions criminelles. Dans Re Dorr-Oliver-Long Ltd and U.S.W., Local 4697 (1973), 3 L.A.C. (2d) 193, un grutier avait été suspendu alors qu'il faisait face à des accusations de possession de marijuana dans le but d'en faire le trafic. L'arbitre a conclu que la suspension n'était pas justifiée car rien n'indiquait que l'employé utilisait des stupéfiants au travail ou que sa capacité de conduire la grue en respectant les consignes de sécurité était compromise. En revanche, l'arbitre a observé que l'incarcération d'une durée de quatre mois ne pouvait excuser son absence du travail, en indiquant que ce serait un motif valable pour infliger une sanction disciplinaire.

[161]   Dans Alberta and A.U.P.E. (Morrison) (Re) (1988), 72 L.A.C. (4 th) 403, l'employée s'estimant lésée avait été accusée de vol; cependant, rien ne prouvait que les collègues refusaient de travailler avec elle ou étaient réticents à le faire. L'arbitre a conclu qu'il n'existait aucun lien entre le crime commis par l'employée et les fonctions de son poste, vu que les risques de récidive étaient très faibles et que son emploi ne lui offrait pas la possibilité de commettre des vols. L'arbitre a substitué une lettre d'avertissement au licenciement car il estimait que le crime était un incident isolé qui avait été motivé par la loyauté envers un ami plutôt que par l'appât du gain.

[162]   Dans Port Moody (City) v. Canadian Union of Public Employees, Local 825 (Re) (1996), 63 L.A.C. (4 th) 203, le facteur déterminant dans la décision de l'employeur de licencier l'employé s'estimant lésé était que les autres employés refusaient de travailler avec lui. L'arbitre Lang a conclu que la preuve établissait hors de tout doute que le refus des employés ne tenait pas au fait qu'ils avaient peur ou qu'ils craignaient pour eux-mêmes, mais plutôt au fait que le crime commis leur inspirait du dégoût. L'arbitre Lang a écrit ce qui suit :

[Traduction]

[...] C'est seulement s'il existe une preuve objective fiable que l'employé s'estimant lésé pourrait causer des blessures ou faire du tort d'une quelconque manière aux employés que leur refus de travailler avec lui doit être considéré comme un facteur pertinent dans la décision de le maintenir ou non en poste.

[163]   Dans Lethbridge (City) and Amalgamated Transit Union, Local 987 (Grant) (Re), supra, l'arbitre Tettensor a analysé la jurisprudence sur cette question et fait observer que dans les cas où des arbitres avaient réintégré des employés reconnus coupables de méfaits hors du lieu de travail, les incidents étaient isolés et résultaient souvent d'un abus d'alcool ou d'un surcroît de stress revêtant un caractère exceptionnel.

[164]   Dans l'affaire qui nous occupe, il existe « une preuve objective fiable que l'employé s'estimant lésé pourrait causer des blessures ou faire du tort d'une quelconque manière aux employés » faisant en sorte que le refus de travailler avec lui ou la réticence à le faire peuvent être pris en considération. Les condamnations criminelles de M. Casey ne sont pas des incidents isolés revêtant un caractère exceptionnel. Dès 1996, il a été arrêté pour de nombreux incidents. La preuve a également été faite qu'il avait volé l'employeur en utilisant des bons de taxi et de commande à des fins personnelles. Il a fait de nombreuses menaces et remarques intimidantes et il devenait de plus en plus agressif et menaçant. Ces infractions étaient toutes reliées aux autres incidents survenus en 2000 dénotant une conduite toujours plus irréfléchie et dangereuse. M. Grimes a témoigné qu'en prenant connaissance de la décision relative à ces accusations criminelles, il s'est rendu compte que M. Casey devenait une menace pour les opérations de l'employeur et qu'il fallait mettre fin à son emploi. Il existait un lien irréfutable entre la conduite du fonctionnaire s'estimant lésé et la relation employeur-employé. J'estime dès lors que la conduite de M. Casey hors du lieu de travail justifiait la décision de l'employeur de mettre fin à son emploi.

Entente de la dernière chance

[165]   Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'examiner en profondeur le deuxième motif de licenciement invoqué par l'employeur, c'est-à-dire l'omission de se conformer à l'entente de la dernière chance. On peut prétendre que l'entente n'a pas été respectée parce que M. Casey a été renvoyé du programme de Kentville après trois semaines, sans achever la quatrième semaine. Il consommait aussi de l'alcool et de la drogue alors qu'il était censé travailler à sa réadaptation. Cependant, le facteur déterminant dans la décision de licencier M. Casey, ce sont ses nombreuses condamnations criminelles, qu'il convient davantage de décrire comme la conduite hors du lieu de travail justifiant le licenciement.

[166]   Les arbitres doivent tenir compte des ententes de la dernière chance, sinon, les employeurs risquent d'abandonner cette pratique. Le cas échéant, l'employé comme l'employeur seraient privés d'un outil précieux pour régler les questions disciplinaires. Cependant, peu importe qu'il y ait eu violation d'une entente de la dernière chance ou des actes commis hors du lieu de travail justifiant l'imposition d'une sanction disciplinaire, l'employeur est tenu de prendre des mesures d'adaptation en ce qui a trait à la déficience d'un employé en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. À cet égard, voir InMainland Sawmills and I.W.A. - Canada, Local 2171 (Kondola) (Re) (2002), 104 L.A.C. (4 th) 385.

[167]   L'étape suivante consiste donc à examiner la prétention de M. Casey voulant qu'il soit atteint d'une déficience prévue par la Loi canadienne sur les droits de la personne concernant laquelle l'employeur n'a pris aucune mesure d'adaptation avant le licenciement.

Défense médicale

[168]   M. Landry présente une défense médicale en deux volets. Il fait valoir que la maladie mentale de M. Casey explique sa conduite hors du lieu de travail et que cela ne devrait pas être retenu contre lui. Il affirme aussi qu'un diagnostic de toxicomanie a également été posé et que ce diagnostic n'a pas été contesté par l'employeur. À son point de vue, il s'agit dès lors de déterminer si l'employeur était, et est, obligé de composer avec la situation du fonctionnaire s'estimant lésé en le mutant à un autre poste, tel qu'il était prévu dans l'entente de la dernière chance.

[169]   Me Fader soutient que la défense médicale du fonctionnaire s'estimant lésé est que le THADA est la cause de sa toxicomanie. Il affirme que le fonctionnaire ne s'est pas déchargé du fardeau d'établir que le diagnostic de THADA est fondé. De même, il n'a pas fait la preuve que ceux qui souffrent du THADA ou de toxicomanie commettent des infractions criminelles.

THADA

[170]   Après examen de la preuve médicale, j'estime qu'il n'a pas été prouvé que le fonctionnaire s'estimant lésé souffrait du THADA. Il y a trop de contradictions dans la preuve pour tirer une conclusion de ce genre. Les médecins qui ont évalué le fonctionnaire s'estimant lésé divergent d'opinion sur la question; en outre, la Dre Ahmed est la seule à avoir posé le diagnostic de THADA. J'ai noté ce qui suit :

a)      La règle d'or

[171]   Le Dr Rosenberg a écrit dans son rapport que pour poser un diagnostic irréfutable de THADA, il faudrait que M. Casey soit abstinent et qu'il soit observé pendant une période de 30 à 60 jours. La Dre Ahmed indique qu'elle partage ce point de vue et que pour poser un bon diagnostic de THADA, la règle d'or est l'abstinence pendant 60 jours. Il aurait donc fallu que M. Casey s'abstienne de consommer toutes les substances dont il faisait un usage abusif et qu'il soit observé par elle pendant une période de 60 jours.

[172]   Le Dr Rosenberg note aussi que l'abus de substances, quelles qu'elles soient, entraîne l'apparition de symptômes de la dépression. De même, la consommation de cocaïne en grandes quantités perturbe le processus cognitif provoquant une paranoïa de type délirant. La dépression ou le THADA ne peuvent pas être diagnostiqués avec précision si le patient consomme de l'alcool ou de la cocaïne.   En outre, les symptômes doivent être observés pendant un certain nombre de semaines. Or, deux des trois fois où, selon le dossier, la Dre Ahmed a posé un diagnostic de THADA, il a été établi que M. Casey n'était pas abstinent.

[173]   La Dre Ahmed a posé le premier diagnostic de THADA à la fin de janvier 1999.   Or, à cette époque, M. Casey n'arrivait plus à contrôler sa consommation de cocaïne épurée et utilisait des bons de commande du gouvernement pour se procurer de la drogue. On peut supposer qu'il a continué à consommer de la drogue jusqu'en mars 1999 puisqu'il est écrit dans le rapport de la Dre Ahmed daté du 15 avril 1999 (pièce E-25) que M. Casey ne consomme plus d'alcool ni de drogues illicites depuis quatre semaines. C'est donc à dire qu'il en consommait non seulement lorsque la Dre Ahmed a posé le premier diagnostic de THADA en janvier 1999, mais aussi les semaines suivantes, quand elle l'a reçu en consultation.

[174]   Après avoir interrompu ses visites pendant un certain temps, M. Casey est retourné consulter la Dre Ahmed en février 2000. Le 2 mai 2000, celle-ci a posé à nouveau un diagnostic de THADA (pièce G-13). On peut supposer que M. Casey était abstinent avant ce deuxième diagnostic car il n'existe aucune preuve du contraire.   Cependant, le 9 juin 2000, il a été arrêté pour conduite avec facultés affaiblies et le 16 juin 2000, il a été arrêté pour avoir menacé un chauffeur de taxi avec une machette alors qu'il était fortement intoxiqué. La preuve montre donc que M. Casey n'était pas abstinent pendant les 30 à 60 jours nécessaires pour confirmer le second diagnostic de THADA de la Dre Ahmed.

[175]   Le 12 juillet 2000, la Dre Ahmed a reçu M. Casey en consultation et posé un troisième diagnostic de THADA. Comme il a été indiqué précédemment, M.  Casey a consommé de l'alcool en juin, puisqu'il a été arrêté alors qu'il était en état d'ébriété. En outre, il n'était pas abstinent quand ce troisième diagnostic a été posé car la Dre Ahmed a écrit qu'en juillet 2000, il avait cessé de consommer de la drogue pendant quelques jours et qu'il avait recommencé à boire (pièce G-15, p. 5). De même, M. Casey n'a pas été abstinent pendant les 30 à 60 jours nécessaires pour que la Dre Ahmed poursuive son observation et confirme son troisième diagnostic de THADA.

b)      La franchise de M. Casey

[176]   La preuve démontre que M. Casey a menti aux médecins et autres spécialistes au sujet de sa consommation de drogue et d'alcool. Il a affirmé, en mai 1996, avant de devenir le patient de la Dre Ahmed, que son médecin ferait ce qu'il voudrait. Au Dr Rosenburg, qu'il a rencontré le 27 juillet 2000, il a déclaré qu'il n'avait pas consommé d'alcool dans les 30 derniers jours au moins ni de cocaïne depuis des mois, alors que la Dre Ahmed a écrit dans son rapport, en juillet 2000, qu'il n'avait pas consommé de drogue depuis quelques jours et qu'il avait recommencé à boire (pièce G-15, p. 5).

[177]   En octobre 2000, lors de la rencontre avec M. Grimes et Mme White, M. Casey a déclaré qu'il n'avait pas consommé de cocaïne depuis un mois, mais qu'il avait pris quelques bières deux semaines plus tôt et qu'il s'était enivré. M. Grimes a témoigné qu'il soupçonnait que, ce jour-là, M. Casey avait ou qu'il venait de consommer quelque chose (drogue et(ou) alcool), car ses cheveux étaient sales, sa voix était râpeuse et que, de façon générale, il n'avait pas l'air en forme. Or, au Dr MacDonald, qu'il a rencontré le 10 novembre 2000, M. Casey a déclaré qu'il n'avait pas consommé d'alcool depuis trois mois ni de cocaïne depuis sept mois.

[178]   La Dre Ahmed a expliqué qu'elle posait un diagnostic de THADA chez un adulte lorsque celui-ci lui faisait part des problèmes qu'il avait éprouvés dans sa jeunesse, à l'école et dans ses relations interpersonnelles. Le Dr Rosenberg a déclaré qu'il partageait ce point de vue, mais que rien ne prouvait que M. Casey avait fait face à des problèmes de ce genre dans sa jeunesse. Il a examiné les rapports rédigés par la Dre Ahmed dans l'été 2000 (pièce G-12) et n'y a relevé aucune mention de symptômes caractéristiques du THADA. Dans le même ordre d'idées, on ne m'a présenté aucune preuve à l'audience démontrant que M. Casey a souffert, dans sa jeunesse, de symptômes caractéristiques du THADA.

[179]   Au moment du premier diagnostic de THADA en janvier 1999, M. Casey faisait face à un grave problème au travail après avoir utilisé des bons de commande à des fins personnelles. Vu son manque de franchise et ses manipulations antérieures, on peut se demander s'il a dit la vérité à la Dre Ahmed lorsqu'il s'est soumis au test de diagnostic et a répondu à ses questions.

c)      Traitement au Ritalin   

[180]   La Dre Ahmed a déclaré qu'à cause des longs antécédents de THADA de M. Casey, elle lui avait prescrit du Ritalin à libération lente et que c'est pendant les cinq mois où il avait pris ce médicament qu'il avait le mieux réussi à contrôler son agressivité et sa consommation abusive de substances (pièce G-2, p. 1). Cette période se situerait entre la mi-mars et le mois de juillet 1999 (pièces E-25 et G-15, p. 4). Tel qu'il est indiqué dans le rapport de la Dre Ahmed daté du 15 avril 1999 (pièce E-25), M. Casey a commencé à prendre du Ritalin à la fin de mars 1999.

[181]   Cette preuve, si elle était confirmée, ferait présumer que M. Casey souffrait effectivement du THADA.   Or, la preuve a été faite qu'il avait eu un comportement très agressif et impulsif en mai et juillet 1999. Il a été arrêté en mai 1999 pour s'être introduit par effraction dans l'appartement d'une ex-petite amie et lui avoir volé des biens. En juillet  1999, alors qu'il était incarcéré, il a proféré des menaces contre elle, et le 29 juillet 1999, il a menacé de lui régler son compte ou de payer quelqu'un pour le faire à sa place.

[182]   Puis, en juin 2000 (pièces G-13 et G-2), M. Casey a recommencé pour la deuxième fois à prendre du Ritalin. Il s'est ensuite produit une série d'incidents caractérisés par une conduite toujours plus irréfléchie et dangereuse. M. Casey a été arrêté plusieurs fois entre le 9 juin et le 15 novembre 2000, ce qui fait qu'il a été reconnu coupable de plusieurs actes criminels graves et incarcéré pendant de nombreux mois.

[183]   Le Dr Maynes et le Dr Rosenberg, deux psychiatres, ont soumis M. Casey à une évaluation médicale. Ces spécialistes ont conclu, au contraire de la Dre Ahmed, qu'il ne souffrait pas du THADA et lui ont conseillé d'arrêter du prendre du Ritalin. La Dre Campbell, qui traitait M. Casey pour sa toxicomanie, ne partageait pas non plus le point de vue de la Dre Ahmed et insistait pour que M. Casey cesse de prendre du Ritalin.   M. Casey a même déclaré au Dr MacDonald, de Santé Canada, que le Ritalin le rendait agité et d'humeur maussade et qu'il se sentait mieux quand il cessait d'en prendre. Depuis son incarcération en novembre 2000, M. Casey ne prend plus de Ritalin; il a déclaré, à l'audience, qu'il avait réussi sa réadaptation.

[184]   La réaction négative au Ritalin ne corrobore pas le diagnostic de THADA; elle confirmerait plutôt l'opinion des Dr Maynes et Rosenberg selon laquelle M. Casey ne souffre pas du THADA. Il ressort de la preuve qu'à partir de juin 2000, soit lorsque M. Casey a recommencé à prendre du Ritalin, il a été arrêté pour divers actes criminels commis alors qu'il était en état d'ébriété. Le traitement au Ritalin n'a eu aucune incidence positive sur son comportement impulsif ou sa toxicomanie.

d)      Impartialité du témoin expert

[185]   La Dre Ahmed est le médecin de famille des Casey depuis de nombreuses années; elle soignait le fonctionnaire s'estimant lésé depuis 1996. Elle est intervenue à plusieurs reprises pour aider M. Casey à conserver son emploi. Notamment, le 21 décembre 2000, elle a écrit à M. Grimes pour lui expliquer que M. Casey ne pouvait pas retourner au travail car il avait besoin, selon elle, de 10 à 12 semaines pour faire le point et participer à un programme de désintoxication en Ontario. M. Casey a témoigné qu'il avait appelé la Dre Ahmed pour la convaincre d'écrire à M. Grimes. La Dre Ahmed ne disait pas la vérité dans la lettre envoyée à l'employeur puisque M. Casey était en prison. Je comprends qu'elle voulait lui venir en aide; cela indique cependant qu'elle agit davantage comme son défenseur et corrobore la prétention de l'employeur selon laquelle elle n'est pas un témoin expert indépendant. Certes, le Dr Maynes a envoyé une lettre analogue à l'employeur, mais il n'a pas témoigné à titre d'expert.

[186]   Par conséquent, je ne suis pas convaincu que, selon la prépondérance des probabilités, le fonctionnaire s'estimant lésé souffrait du THADA. En revanche, je suis convaincu qu'il a un problème d'alcool et de drogue, notamment de cocaïne. L'employeur ne conteste pas que l'alcoolisme et la toxicomanie sont des maladies considérées comme des déficiences. Par conséquent, cet aspect de la défense médicale s'applique.

Lien entre la déficience et la conduite hors du lieu de travail

[187]   M. Landry déclare qu'il existe un lien irréfutable entre le THADA, la toxicomanie et la conduite aberrante de M. Casey. Pour sa part, Me Fader soutient que la preuve n'a pas été faite que les personnes souffrant du THADA ou de toxicomanie commettaient des infractions criminelles.

[188]   La Dre Ahmed a expliqué que lorsqu'elle avait déterminé que M. Casey était apte à retourner au travail en novembre 2000, il se situait à 70 au moins sur l'échelle de l'ÉGF. Elle a témoigné qu'il était capable de faire la différence entre le bien et le mal.

[189]   La Dre Ahmed a déclaré que les personnes souffrant du THADA ont une propension à avoir des démêlés avec la justice. J'ai déjà déterminé qu'il n'avait pas été établi que M. Casey souffrait du THADA. Cela dit, aucune preuve substantielle n'a été produite à l'audience pour établir que les personnes souffrant du THADA ont une propension à commettre des crimes à cause d'une perte de contrôle attribuable à leur déficience.

[190]   En ce qui concerne l'alcoolisme et la toxicomanie, l'existence d'un lien entre ces maladies et le genre d'actes criminels commis par M. Casey n'a aucunement été démontrée à l'audience, ni ne puis-je tirer de conclusion en ce sens. Cette déficience ne supplantait pas la responsabilité du fonctionnaire s'estimant lésé, car il savait ce qu'il faisait.

[191]   Je conviens avec l'avocat de l'employeur que l'existence d'un tel lien n'a pas été établie par la preuve. À l'époque où les graves incidents se sont produits, c'est-à-dire à l'automne 2000, M. Casey était capable de faire la différence entre le bien etle mal.

Obligation de composer avec la situation

[192]   Je suis convaincu que l'employeur s'est acquitté de son obligation de prendre des mesures d'adaptation en ce qui a trait aux déficiences de M. Casey jusqu'à la limite de la contrainte excessive. Il s'est montré très patient envers M. Casey et s'est employé à lui venir en aide en commençant, dès 1996, à prendre des mesures d'adaptation. Il a tenu compte, par divers moyens, des besoins de M. Casey, en lui accordant des congés, du temps et de l'argent pour ses traitements, ses transports, etc. M. Grimes a mis à profit l'expérience acquise comme conseiller auprès d'alcooliques et de toxicomanes. L'employeur a fait abstraction de l'absentéisme chronique de M. Casey, de l'utilisation de ses biens à des fins personnelles et des menaces contre les collègues dans un effort pour composer avec sa situation. Les mesures d'adaptation dont a bénéficié M. Casey débordaient le cadre de ce à quoi on se serait attendu en milieu de travail dans des circonstances semblables; elles constituent la preuve de la détermination de l'employeur à composer avec la situation de M. Casey.

[193]   Cependant, lorsque M. Grimes a pris connaissance, en 2001, de la décision relative aux condamnations criminelles, il s'est rendu compte que M. Casey constituait désormais une menace pour la sécurité au travail. Sa violence et sa témérité étaient telles que la sécurité de ses collègues s'en trouvait compromise. Cette question de santé et de sécurité ne pouvait pas être résolue en mutant M. Casey à un autre poste.

[194]   Il n'a pas été établi que M. Casey souffrait du THADA; l'employeur a néanmoins composé avec sa situation jusqu'à la limite de la contrainte excessive car il a été déterminé que M. Casey constituait une menace importante pour la sécurité au travail.

[195]   Il ressort de la preuve que M. Casey s'est réadapté depuis son licenciement.   Après son incarcération en 2001, il a réorienté sa vie, ce qui est tout un exploit. Il n'en reste pas moins que je dois tenir compte de tous les faits qui existaient au moment de son congédiement, tel qu'il est indiqué dans Cie minière Québec Cartier c. Québec, supra. La preuve relative aux événements survenus après le licenciement n'est admissible que si elle permet de mieux apprécier le bien-fondé et la pertinence du congédiement. Ainsi que le fait observer S.P. Chotalia dans Quigley c. Ocean Construction Supplies, [2002] D.C.D.P. n o 9 :

[...] cela mènerait à la conclusion absurde que la décision de la compagnie de congédier un employé alcoolique peut être infirmée dès que cet employé, sous le choc de son congédiement, décide de se réhabiliter même si une telle réhabilitation n'aurait jamais eu lieu en l'absence de la décision de le congédier.

En l'espèce, la preuve relative aux événements survenus après le congédiement montre que le fonctionnaire s'estimant lésé a modifié son comportement depuis qu'il a perdu son emploi.   Cependant, le fait qu'il se soit réadapté depuis ne rend pas inacceptable ou inappropriée la décision de l'employeur de mettre fin à son emploi à ce moment-là.   Il constituait une menace pour la sécurité au travail au moment où il a été congédié et l'employeur a composé avec ses déficiences jusqu'à la limite de la contrainte excessive.

[196]   Pour l'ensemble de ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

Ordonnance

[197]   Le grief est rejeté et le congédiement confirmé.

Le 20 mai 2005.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Guy Giguère,
arbitre de grief

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